Une masse annexielle complexe

Une masse annexielle complexe

Imagerie de la Femme (2013) 23, 37—40 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ? Une masse annexielle complexe An u...

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Imagerie de la Femme (2013) 23, 37—40

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?

Une masse annexielle complexe An undetermined adnexal mass Quentin Monzani a, Enrica Bentivegna b, Pierre Duvillard c, Corinne Balleyguier a,∗ a

Service de radiologie, institut Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, 94805 Villejuif cedex, France b Service de chirurgie, institut Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, 94805 Villejuif cedex, France c Département de biopathologie, institut Gustave-Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, 94805 Villejuif cedex, France evrier 2013 Rec ¸u le 10 septembre 2012 ; accepté le 11 f´ Disponible sur Internet le 19 mars 2013

Observation clinique Une femme de 55 ans a été adressée dans notre institution pour le bilan d’une lésion ovarienne probable, de découverte fortuite sur une échographie pelvienne. Elle est ménopausée depuis moins d’un an, a eu un enfant par voie basse à l’âge de 24 ans et ne présente pas d’antécédent médical personnel ou familial notable. C’est à l’occasion d’une échographie abdominale réalisée dans le cadre de la surveillance d’une lithiase rénale qu’une formation kystique latéro-utérine de 7 cm a été découverte. L’examen clinique retrouve une lésion pelvienne palpable latéralisée à droite, les touchers pelviens sont normaux et l’examen au spéculum sans particularité. Les dosages de CA 125, CA 19.9 et ACE étaient dans les normes du laboratoire. Sont fournies les images significatives de l’IRM pelvienne réalisée dans le bilan diagnostique de cette lésion kystique : séquences axiale en pondération T2 (Fig. 1 et 2), sagittale en pondération T2 (Fig. 3), coronale en pondération T2 (Fig. 4), axiale en pondération T1 (Fig. 5), puis coronale en pondération T1 avec étude dynamique après injection de chélates de gadolinium (Fig. 6).



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Balleyguier).

1776-9817/$ — see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.femme.2013.02.004

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Q. Monzani et al.

Figure 1. Séquence axiale en pondération T2. Masse ovarienne multiloculée, contenu kystique.

Figure 3. Séquence sagittale en pondération T2 : masse multiloculée d’origine extra-utérine, avec une démarcation bien visible sur cette image.

Figure 2. Séquence axiale en pondération T2 : adénomyose avec des foci hyperintense localisés au niveau de la zone jonctionnelle. Figure 4. Séquence coronale en pondération T2 : aucune végétation n’est visible au niveau des septa.

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Figure 5. Séquence axiale en pondération T1 : masse annexielle avec des septa et un contenu kystique. Figure 6. Séquence coronale en pondération T1 avec injection de produit de contraste et suppression de graisse : rehaussement modéré des cloisons sans végétations suspectes, en faveur d’une lésion bénigne.

Décrivez les images et proposez un diagnostic. Quelle conduite à tenir proposez-vous ?

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Diagnostic Cystadénome mucineux bénin.

Analyse des images Les séquences sagittales et axiales en pondération T2 (Fig. 1, 2, 3) permettent de retrouver la masse latéroutérine droite qui semble correspondre à ce qui avait été visualisé à l’échographie, cette lésion est mesurée à 61 × 78 × 80 mm. L’essentiel de la lésion présente un hyposignal T1 (Fig. 5), hypersignal T2 franc homogène (Fig. 1, 2, 3) et contient de nombreuses images linéaires en hyposignal T2 ce qui correspond à une lésion liquidienne au sein de laquelle des cloisons sont individualisées. Les contours sont bien limités sans aucune irrégularité. Les cloisons sont fines sans végétation endokystique et il n’est pas mis en évidence de portion charnue. L’ovaire droit n’est pas clairement individualisé, ce qui plaide en faveur de l’origine ovarienne de la lésion chez cette patiente ménopausée dont l’ovaire controlatéral est tout de même visible. Les séquences dynamiques après injection de chélates de gadolinium (Fig. 6) montrent un rehaussement modéré des cloisons intrakystiques comparativement au myomètre adjacent. Il n’est pas mis en évidence d’ascite, de nodules de carcinose péritonéale ou d’adénopathies suspectes. À noter que sur les séquences en pondération T2, on visualise également de multiples images arrondies en hypersignal T2 franc situées au sein de la zone jonctionnelle hypointense (Fig. 2), et qui correspondent à des lésions d’adénomyose focale. Noter également la présence d’un kyste de Naboth à la partie antérieure de la portion vaginale du col de l’utérus (kyste des glandes cervicales du col utérin) (Fig. 2). En résumé : la masse suspecte correspond à un kyste multiloculaire sans caractéristiques suspectes de malignité, en dehors d’une taille importante. Le diagnostic radiologique proposé est celui de cystadénome mucineux bénin. La conduite à tenir classique a alors été proposée, à savoir une exploration chirurgicale par cœlioscopie initiale pour annexectomie bilatérale (étant donné que la patiente était ménopausée) avec examen extemporané. L’examen extemporané confirmé par l’examen histologique définitif a conclu à un cystadénome mucineux sans critère de malignité et il n’a pas été proposé de traitement complémentaire.

Discussion Le cystadénome mucineux appartient au groupe des tumeurs ovariennes épithéliales qui représentent la majorité (70 %) des tumeurs ovariennes, les autres tumeurs étant représentées par les tumeurs provenant des lignées germinales (15 %), des cellules stromales ou des cordons sexuels (5—10 %) et les métastases (10 %) [1]. Le but de l’imagerie dans l’exploration de ces tumeurs fréquentes et le plus souvent bénignes (85 % des cas, 6 % sont d’histologie limite ou « borderline » et 9 % sont strictement malignes) est de dépister des critères en faveur d’une potentielle malignité, ce qui modifie la prise en charge chirurgicale et notamment la voie d’abord chirurgical. La masse pelvienne à contenu kystique indéterminée en échographie est une situation face à laquelle le radiologue

Q. Monzani et al. est régulièrement confronté et est une indication fréquente d’IRM pelvienne. La première des questions est celle de l’origine intraou extra-ovarienne de la lésion, le meilleur critère étant la visualisation ou non de l’ovaire normal homolatéral à la lésion. Les idées clefs à retenir devant une lésion ovarienne kystique sont la recherche d’éléments en faveur de la malignité, à savoir la présence ou non de portions charnues et/ou de végétations, de l’ascite ou des adénopathies lombo-aortiques tumorales. Le diagnostic est orienté également en fonction du caractère uni ou multiloculé de la lésion. La tumeur ovarienne kystique la plus fréquente est le cystadénome séreux, il s’agit d’une formation liquidienne pure uniloculée, sans composante solide. Le cystadénome mucineux est la seconde lésion ovarienne kystique la plus fréquente [1]. Le cas rencontré dans ce dossier est une présentation typique de la forme bénigne à savoir une formation ovarienne liquidienne pure multiloculée contenant de fines cloisons sans portion charnue ou végétation endokystique ou exokystique. Le signal à l’intérieur des différentes portions du kyste peut être légèrement différent, traduisant des remaniements hémorragiques ou une composante gélatineuse ou séreuse, souvent hyperintense en pondération T2 et T1. La paroi et les cloisons sont en général régulières et peuvent être plus épaisses que dans le cystadénome séreux. En l’absence de portion charnue et de végétation endo ou exokystique, le cystadénome mucineux est typiquement bénin et en dehors d’une taille de plus de 10 cm (ce qui rend son analyse complète difficile en échographie), ces tumeurs ne devraient pas être explorées par IRM puisque l’échographie est assez spécifique. En cas de portion tissulaire, les critères IRM qui permettent de préciser la malignité sont le type de rehaussement de la portion solide sur les séquences dynamiques après injection de chélates de gadolinium et la présence d’un hypersignal en séquence de diffusion. L’étude en doppler couleur ou doppler des végétations et des composantes charnues pour permettre d’orienter vers le caractère bénin ou malin s’est révélée décevante en raison d’un important chevauchement entre les tumeurs bénignes et malignes. En résumé, devant une lésion ovarienne purement kystique, le diagnostic est en faveur d’un cystadénome mucineux si la lésion kystique est multiloculée et d’un cystadénome séreux en cas de lésion uniloculée. On s’attachera à rechercher des critères IRM de malignité en faveur de tumeur borderline ou cystadénocarcinomes mucineux tout en gardant à l’esprit que seul l’examen extemporané réalisé lors de l’intervention chirurgicale permettra de trancher définitivement.

Déclaration d’intérêts Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.

Références [1] Bouic-Pagès E, Perrochia H, Mérigeaud S, Giacalone PY, Taourel P. MR Imaging of primary ovarian tumors with pathologic correlation. J Radiol 2009;90(7—8 Pt 1):787—802.