Neurochirurgie 59 (2013) 93–96
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Cas clinique
Une sténose congénitale des foramens interventriculaires révélée par une hypertension intracrânienne à rechute Congenital stenosis of interventricular foramina revealed by recurrent intracranial hypertension N. Ben Achour a , I. Kraoua a,∗ , A. Rouissi a , H. Benrhouma a , I. Ben Youssef-Turki a , H. Jemel b , N. Gouider-Khouja a a b
Service de neurologie de l’enfant et de l’adolescent, institut national Mongi Ben Hmida de neurologie, institut national de neurologie, UR06/11, Tunis, Tunisie Service de neurochirurgie, institut national Mongi Ben Hmida de neurologie, Tunis, Tunisie
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Rec¸u le 29 juillet 2012 ´ 2013 Accepté le 21 fevrier Keywords: Interventricular foramen Hydrocephalus Intracranial hypertension
a b s t r a c t Non-tumoral stenosis of interventricular foramen is a rare clinical condition. It can be either unilateral, causing monoventricular hydrocephalus, or bilateral leading to biventricular hydrocephalus. The pathophysiology of this misdiagnosed entity remains controversial. The non-tumoral stenosis of interventricular foramen can be either acquired or congenital. The latter usually manifesting with a neonatal hydrocephalus. We report a case of congenital bilateral stenosis of interventricular foramen, in an 8year-old girl, revealed by recurrent intracranial hypertension. Diagnosis was relied on 3D-CISS sequences MRI. The child showed full recovery after neuroendoscopic septal fenestration and ventriculo-peritoneal shunt. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
r é s u m é Mots clés : Foramen interventriculaire Hydrocéphalie Hypertension intracrânienne
La sténose non tumorale du foramen interventriculaire est une entité rare et méconnue. Elle est à l’origine d’une hydrocéphalie monoventriculaire ou biventriculaire selon que la sténose touche l’un ou les deux foramens interventriculaires. La pathogénie précise n’est pas clairement établie. La sténose peut être acquise ou plus rarement congénitale. Dans ce dernier cas, elle est à l’origine d’une hydrocéphalie de révélation souvent néonatale. Nous rapportons une observation d’une sténose congénitale bilatérale des foramens interventriculaires révélée à l’âge de huit ans par un syndrome d’hypertension intracrânienne à rechute. Le diagnostic était facilité par l’IRM CISS-3D. L’évolution était favorable suite à une fenestration septale endoscopique couplée à une dérivation ventriculopéritonéale. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction La sténose non tumorale du foramen interventriculaire est une entité rare et méconnue. Elle a été décrite initialement par Dott en 1927 [1]. Elle est à l’origine d’une hydrocéphalie monoventriculaire si la sténose touche un des deux foramens interventriculaires. L’hydrocéphalie est biventriculaire en cas de sténose bilatérale. La pathogénie précise n’est pas clairement établie. La sténose peut être acquise ou plus rarement congénitale. Dans ce dernier cas, elle est à l’origine d’une hydrocéphalie de révélation souvent néonatale. Nous rapportons l’observation d’une sténose congénitale
∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail : kraoua
[email protected],
[email protected] (I. Kraoua). 0028-3770/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.neuchi.2013.02.004
bilatérale des foramens interventriculaires révélée par un syndrome d’hypertension intracrânienne à rechute chez une petite fille âgée de huit ans et ayant bien évolué après fenestration septale endoscopique couplée à une dérivation ventriculopéritonéale (DVP).
2. Observation Il s’agit d’une enfant née le 01/01/2001, issue d’un mariage non consanguin. Elle n’a pas d’antécédents familiaux ni personnels particuliers. Elle a présenté, en juin 2009 soit à l’âge de huit ans, des céphalées aiguës fronto-orbitaires, intermittentes, d’intensité modérée, sans caractère positionnel et partiellement améliorées par le paracétamol, associées à des vomissements et à un flou visuel. L’examen a montré un œdème papillaire
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Fig. 1. Imagerie par résonance magnétique réalisée en mars 2009 et en octobre 2009. A. Imagerie par résonance magnétique réalisée en mars 2009 ; coupe axiale passant par les ventricules latéraux (séquence pondérée en T1 avec injection de gadolinium montrant l’absence de prise de contrast pathologique). B. Imagerie par résonance magnétique réalisée en octobre 2009 ; coupe axiale passant par les ventricules latéraux (séquence pondérée en T1 avec injection de gadolinium montrant la dilatation des ventricules latéraux avec absence de prise de contrast pathologique). C et D. Coupes coronales et axiale passant par les foramens interventriculaires (séquence 3D constructive interference in steady state) montrant la sténose des deux foramens interventriculaires (flèche) et la dilatation des ventricules latéraux alors que le troisième ventricule est de taille normale. Magnetic resonance imaging performed on March 2009 and October 2009. A. Magnetic resonance imaging performed on March 2009; T1 weighted axial MRI section after gadolinium injection revealing the absence of pathological contrast enhancement. B. Magnetic resonance imaging performed on October 2009; T1 weighted axial magnetic resonance imaging section after gadolinium injection revealing bilateral dilation of the lateral ventricles and the absence of pathological contrast enhancement. C and D. Magnetic resonance imaging coronal and axial 3D-CISS sections revealing bilateral stenosis of interventricular foramina (arrowheads), dilation of lateral ventricles without enlargement of third ventricle.
bilatéral de stade 2 (papille saillante, grisâtre et à bords flous avec une dilatation des vaisseaux qui l’entourent) sans autres anomalies. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) encéphalique réalisée trois mois auparavant devant des céphalées paroxystiques apparues en mars 2009, était interprétée comme normale (Fig. 1A). Le diagnostic d’hypertension intracrânienne bénigne a été évoqué. L’enfant a été explorée par un bilan thyroïdien (thyroxine libre [FT4], thyréostimuline [TSH]), un bilan phosphocalcique (parathormone [PTH], calcémie, calciurie, phosphorémie et phosphaturie) et un bilan inflammatoire (vitesse de sédimentation, électrophorèse des protéines plasmatiques) qui étaient normaux. Le bilan immunologique (anticorps anti-nucléaires) était négatif. Les sérologies infectieuses dans le sang et le liquide céphalospinal (LCS) étaient négatives. Le dosage de la vitamine A et D était normal. Le diagnostic d’hypertension intracrânienne (HTIC) idiopathique a été retenu. La patiente a été traitée par corticothérapie avec disparition totale des signes d’HTIC. Trois mois plus tard, l’enfant a été hospitalisée dans notre service dans un tableau d’HTIC avec céphalées holocrâniennes rebelles aux antalgiques associées, à des vomissements, un flou visuel et une diplopie. L’examen avait objectivé une paralysie bilatérale de la sixième paire crânienne et un œdème papillaire de stade 2 à droite et de stade 3 (pâleur papillaire) à gauche. L’IRM encéphalique (Fig. 1B) a montré une
dilatation des ventricules latéraux (VL) avec signes de résorption transépendymaire. Une relecture de l’IRM encéphalique initiale a mis en évidence une discrète dilatation des VL. La séquence 3D constructive interference in steady state (CISS 3D) a confirmé l’absence de communication entre les deux VL et le troisième ventricule (V3) sans processus tumoral identifiable (Fig. 1B et 1C). Le diagnostic de sténose bilatérale des foramens interventriculaires a été retenu. L’intervention a consisté en une large fenestration endoscopique du septum associée à une DVP (canne unilatérale). Une fine membrane translucide recouvrait chaque foramen interventriculaire confirmant le caractère congénital de la sténose. Elle était perforée par un orifice étroit où s’engageait le plexus choroïde : l’orifice s’ouvrait de fac¸on synchrone aux pulsations vasculaires réalisant un mécanisme de valve. La symptomatologie s’est résolue rapidement ainsi que l’œdème papillaire. La taille du système ventriculaire s’est normalisée au contrôle à trois mois. 3. Discussion Nous rapportons l’observation d’une sténose congénitale des foramens interventriculaires révélée à l’âge de huit ans par un syndrome d’hypertension intracrânienne à rechute. La sténose non tumorale du foramen interventriculaire est une entité rare dont
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la pathogénie est mal élucidée [1]. Elle est souvent unilatérale. La sténose bilatérale est plus rare [1]. À notre connaissance, huit cas de sténose congénitale bilatérale des foramens interventriculaires ont été décrits à ce jour [1–3,4]. La sténose acquise peut se voir à tout âge mais essentiellement chez l’enfant [5]. Elle est le plus souvent séquellaire d’une infection telle qu’une toxoplasmose cérébrale, une méningoencéphalite herpétique, rubéolique, ourlienne ou à myxovirus [5]. La sténose congénitale est d’origine malformative liée à un développement exagéré des structures trigonoseptales et thalamostriées réduisant ainsi le diamètre du foramen interventriculaire qui peut être recouvert d’une membrane translucide avasculaire [6]. Le tableau typique d’une sténose congénitale des foramens interventriculaires est celui d’une HTIC néonatale avec augmentation marquée du périmètre crânien, vomissement, regard en « coucher de soleil », hypotonie et refus de tétée. Toutefois, des révélations chez l’enfant et même chez l’adulte ont été rapportées [1]. Dans ces cas, les manifestations cliniques sont variables et souvent insidieuses associant des céphalées chroniques, des vomissements, des sensations vertigineuses ainsi que des troubles mnésiques [7]. Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été proposées dont la plus admise est l’activation d’un mécanisme de valve analogue à celui décrit dans les sténoses partielles de l’aqueduc du mésencéphale [8,9] et c’est ce qui explique en partie, la révélation par une HTIC récurrente observée chez notre patiente et rapportée par Castellano-Chiodo et al. qui décrivaient le cas d’un nourrisson de quatre mois ayant présenté trois épisodes d’HTIC en rapport avec un blocage intermittent de l’aqueduc du mésencéphale [9]. Le diagnostic d’une sténose non tumorale des foramens interventriculaires est souvent aisé dans les formes à révélation néonatale. Les formes insidieuses qui sont l’apanage du grand enfant ou de l’adulte sont souvent de diagnostic difficile d’où l’intérêt de l’IRM CISS-3D. Cette séquence qui est une séquence d’écho de gradient est caractérisée par une haute résolution et une possibilité de reconstruction multiplanaire. Elle a l’avantage de fournir des coupes fines et centrées sur les structures explorées. Cette séquence, connue pour être le moyen préférentiel d’exploration des nerfs crâniens, de l’oreille interne, du sinus caverneux, des tumeurs cérébrales intra- et extra-axiales, est devenue de plus en plus indiquée dans l’exploration des hydrocéphalies obstructives. Une étude rétrospective portant sur 46 patients ayant une hydrocéphalie obstructive par sténose de l’aqueduc mésencéphalique a confirmé la fiabilité de la séquence CISS-3D ainsi que sa supériorité par rapport aux séquences conventionnelles dans l’évaluation pré et post opératoire des ventriculostomies endoscopiques (VE) du V3 et ce en précisant le degré de dilatation du V3 ainsi que l’épaisseur de sa paroi qui constituent des éléments prédictifs de la faisabilité technique de la VE du V3 [10]. Au cours de la sténose des foramens interventriculaires, la séquence CISS-3D objective la dilatation des VL et la conservation de la taille du V3. Le caractère congénital est évoqué devant l’absence de processus tumoral ainsi que le caractère régulier de la sténose [11]. Le diagnostic de la sténose des foramens interventriculaires est confirmé par la neuroendoscopie qui permet de préciser le caractère acquis ou congénital de la sténose. Les remaniements inflammatoires, la fibrose témoignent du caractère acquis tandis que la régularité du contour du foramen ou l’existence d’une membrane translucide le recouvrant, comme dans le cas de notre patiente, signent l’origine malformative congénitale de la sténose [1,5]. Le traitement de la sténose congénitale du foramen interventriculaire est différent selon son caractère unilatéral ou bilatéral. Initialement, le traitement des sténoses unilatérales consistait en une DVP ou une fenestration du septum pellucidum par crâniotomie et l’évolution était le plus souvent favorable [12]. L’avènement de la neuroendoscopie a permis l’exploration non invasive des foramens interventriculaires, le choix et même la réalisation du geste thérapeutique [12]. Ainsi, si le foramen interventriculaire est de
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diamètre normal et s’il est recouvert d’une membrane fine et avasculaire, le traitement consiste en une fenestration endoscopique de cette membrane pouvant être couplée à une septostomie du septum pellucidum et les résultats sont souvent favorables. Si le foramen est rétréci et/ou s’il est recouvert d’une membrane épaisse et vascularisée, toute tentative de dilatation ou de fenestration de cette membrane devrait être évitée vu le risque hémorragique et le traitement consistera en une fenestration du septum pellucidum [12]. Dans le cas des sténoses congénitales bilatérales, la dérivation du LCS se fait le plus souvent par fenestration septale endoscopique couplée à une DVP (notre observation), le recours à d’autres techniques telles que la foraminoplastie endoscopique associée à la DVP est plus rare [3]. En effet, la foraminoplastie endoscopique n’a été introduite dans le traitement des sténoses bilatérales des foramens interventriculaire qu’en 2002 par Freudenstein et al. qui ont rapporté deux cas de sténose congénitale bilatérale révélée à l’âge adulte ; le premier cas a eu une perforation spontanée du septum pellucidum et l’intervention a consisté en une reconstruction endoscopique du foramen interventriculaire droit. Toutefois, une DVP s’est révélée nécessaire au bout de trois jours devant la réapparition de signes d’HTIC. Le deuxième cas a été traité par fenestration endoscopique du foramen interventriculaire droit suivie d’une fenestration large du septum pellucidum et d’une ventriculostomie du V3, les suites étaient simples [4]. Un seul cas de foraminoplastie bilatérale par voie endoscopique sans recours à une DVP a été récemment rapporté par Sharifi et al. [4], toutefois l’évaluation de l’efficacité et de la faisabilité de cette technique prometteuse reste à déterminer. L’IRM de flux en contraste de phase qui est une séquence évaluant la dynamique du LCS constituerait un moyen potentiellement intéressant d’évaluation de l’efficacité des différentes techniques neurochirurgicales et ce par analogie aux hydrocéphalies par sténose de l’aqueduc mésencéphalique [13]. 4. Conclusion Bien qu’elle soit rare, la sténose congénitale du foramen interventriculaire est un diagnostic à évoquer devant toute HTIC à rechute, chez l’enfant, surtout si une hyrocéphalie mono- ou biventriculaire a été objectivée. L’IRM CISS-3D oriente le diagnostic d’où l’intérêt de l’intégrer avec l’IRM de flux dans le bilan systématique de toute HTIC de l’enfant. Le traitement consiste en une fenestration septale endoscopique couplée à une DVP, et le pronostic est favorable. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Abderrahmen K, Aouidj ML, Kallel J, Zammel I, Khaldi MM. Hydrocephalus due to non tumoral stenosis of foramens of Monro: report of four cases. Neurochirurgie 2008;54:72–8. [2] Kalhorn SP, Strom RG, Harter DH. Idiopathic bilateral stenosis of the foramina of Monro treated using endoscopic foraminoplasty and septostomy. Neurosurg Focus 2011;30:E5. [3] Martinez-Berganza MT, Bergua BS, del Rio Perez C, Ballarín SM. Biventricular hydrocephalus due to idiopatic occlussion of foramina of Monro. Neurologist 2011;17:154–6. [4] Sharifi G, Alavi E, Rezaee O, Jahanbakhshi A, Faramarzi F. Neuroendoscopic foraminoplasty for bilateral idiopathic occlusion of foramina of Monro. Turk Neurosurg 2012;22:265–8. [5] Lahat E, Aladjem M, Schiffer J, Starinsky R. Hydrocephalus due to bilateral obstruction of the foramen of Monro: a “possible” late complication of mumps encephalitis. Clin Neurol Neurosurg 1993;95:151–4. [6] Dorwling-Carter D, Scherpereel B, Baudrillart JC, Omez F, Lejeune JP, Rousseaux P, et al. Unilateral non-tumor hydrocephalus in children. Atresia of the foramen of Monro? Neurochirurgie 1987;33:129–34.
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