Une tumeur odontogène avec anneaux de Liesegang

Une tumeur odontogène avec anneaux de Liesegang

Annales de pathologie (2015) 35, 194—196 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CAS POUR DIAGNOSTIC Une tumeur odontogène ave...

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Annales de pathologie (2015) 35, 194—196

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS POUR DIAGNOSTIC

Une tumeur odontogène avec anneaux de Liesegang Odontogenic tumor with Liesegang rings Salsabil Attafi ∗, Ahlam Blel , Raoudha Aloui , Faten Fareh , Rachida Zermani , Nadia Kourda Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, hôpital Charles Nicolle, boulevard 9 Avril, 1006 Tunis, Tunisie Accepté pour publication le 18 janvier 2015 Disponible sur Internet le 21 mars 2015

Observation Un homme âgé de 57 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, a été admis pour exploration d’une image radioclaire découverte fortuitement à la radiographie panoramique réalisée à l’occasion d’une dent incluse. L’examen clinique découvrait une petite tuméfaction palpable en regard de la mandibule gauche. Une énucléation de la lésion était réalisée. Macroscopiquement, il s’agissait d’une formation kystique mesurant 1 × 1,5 × 2,5 centimètres, à paroi fine et présentant un bourgeon intrakystique de 1,2 centimètre de grand axe, d’aspect blanc grisâtre à la coupe. L’examen histologique montrait une paroi kystique fibreuse siège de remaniements hémorragiques et occupée par une prolifération tumorale épithéliale agencée en îlots et en amas (Fig. 1). Les cellules tumorales étaient polyédriques, à cytoplasme abondant éosinophile avec des ponts intercellulaires mais sans maturation améloblastique (Fig. 2). Les noyaux étaient souvent pléomorphes et non mitotiques. Le stroma était fibreux abondant et renfermait des calcifications (Fig. 3), des dépôts hyalins homogènes d’allure amyloïde et des dépôts d’hémosidérine (Fig. 2).



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Attafi).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2015.01.014 0242-6498/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Une tumeur odontogène avec anneaux de Liesegang

Figure 1. Prolifération tumorale épithéliale agencée en îlots et en amas et entourée par un matériel éosinophile au sein d’un stroma fibreux (HE × 100). Epithelial tumor proliferation arranged in islands and clusters close to an eosinophilic material in a fibrous stroma (HE × 100).

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Figure 3. Anneaux de Liesegang : calcifications en anneaux concentriques (HE × 400). Liesegang rings: concentric calcifications (HE × 400).

Quel est votre diagnostic ?

Figure 2. Les cellules tumorales sont polyédriques, à cytoplasme abondant éosinophile. Les noyaux sont pléomorphes et non mitotiques. Il s’y associe des dépôts hyalins homogènes d’allure amyloïde et des dépôts d’hémosidérine (HE × 200). The tumor cells are polyhedral, with abundant eosinophilic cytoplasm. The nuclei are pleomorphic and non-mitotic. Hyaline homogeneous and amyloid-like deposits and hemosiderin deposits are found in the stroma (HE × 200).

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Diagnostic Tumeur odontogène épithéliale calcifiante ou tumeur de Pindborg.

Discussion La tumeur odontogène épithéliale calcifiante ou tumeur de Pindborg (TP) est un néoplasme bénin rare, représentant moins de 1 % de toutes les tumeurs odontogènes [1]. C’est une tumeur à croissance lente et localement agressive. La TP fut décrite pour la première fois par J.J. Pindborg en 1955 à partir d’une série de trois cas [2]. Son étiologie reste inconnue. Certains auteurs pensent qu’elle prend origine à partir des cellules du stratum intermedium de l’organe dentaire à cause de la similitude morphologique entre ces cellules et les cellules tumorales [1]. La TP touche aussi bien l’homme que la femme et survient surtout chez les adultes entre 20 et 60 ans avec un pic à la cinquième décennie [3]. La lésion peut être intra- ou extra-osseuse. La localisation intra-osseuse ou centrale est plus fréquente, retrouvée dans 94 % des cas avec prédilection pour la région molaire et prémolaire de la mandibule [1,3]. Une association avec une dent incluse, comme dans notre cas, est retrouvée dans 50 % des cas [3]. Les lésions extra-osseuses ou périphériques (4 % des cas) prédominent au niveau de la gencive antérieure. La lésion est asymptomatique dans les formes débutantes, puis elle devient indolore, expansible, à croissance lente et progressive au niveau des plaques osseuses. D’autres symptômes tels qu’une obstruction nasale, des céphalées, une exophtalmie ou une épistaxis peuvent être associées. L’aspect radiologique est variable. Généralement, il s’agit d’un foyer ostéolytique radioclair, uniloculaire ou le plus souvent multiloculaire voire en « nids d’abeille », diffus ou bien limité, contenant des opacités de taille variable avec des zones de calcification. Lorsque la tumeur est associée à une dent incluse, les calcifications ont la particularité de s’accentuer autour de la couronne réalisant un halo [1]. Le diagnostic de la TP est histologique montrant, comme dans notre observation, une prolifération constituée de cellules polyédriques, à cytoplasme abondant éosinophile et granulaire et à limites cytoplasmiques bien définies. Les noyaux sont souvent pléomorphes et peuvent même être géants sans pour autant indiquer la malignité. Des nucléoles proéminents ainsi que de rares mitoses peuvent être observés. Le stroma renferme des calcifications et des dépôts amyloïdes qui pourraient correspondre à des protéines de l’émail anormales. Ces calcifications forment des anneaux concentriques nommés « anneaux de Liesegang » [1,2]. Récemment, des nouvelles variantes de cette tumeur comme la TP non calcifiante avec des cellules de

S. Attafi et al. Langerhans, la TP avec composante osseuse ainsi qu’une association de tumeur adénomatoïde odontogène et de TP ont été décrites [4]. La variante à cellules claires représente 6 % des TP. Elle est plus agressive et souvent s’associe à une perforation corticale [1]. À l’étude immuno-histochimique, les cellules tumorales expriment les cytokératines, l’EMA et l’Ulex europeaus. La PS100 peut être positive. Dans la majorité des cas, l’aspect histologique est suffisant pour faire le diagnostic. L’immunohistochimie permet, dans les cas difficiles, de faire le diagnostic différentiel qui se pose avec l’améloblastome, la tumeur odontogène adénomatoïde, le kyste odontogène épithélial calcifiant, le fibro-odontome améloblastique, le fibrome odontogénique et le fibrome ossifiant. La variante à cellules claires doit être distinguée du carcinome odontogène à cellules claires, d’une métastase d’un carcinome rénal à cellules claires, le carcinome muco-épidermoïde et le carcinome à cellules acinaires [4]. Le traitement est chirurgical. Il dépend de la taille et de la localisation de la tumeur allant de la simple énucléation à la résection extensive et radicale comme l’hémi-mandibulectomie ou l’hémimaxillectomie. La TP est une tumeur localement agressive et infiltrante mais elle reste bénigne et de bon pronostic. Les récidives sont retrouvées dans 10 à 15 % des cas. Toutefois, la variante à cellules claires se caractérise par un taux de récidive plus élevé (22 %), ainsi un suivi à long terme des patients est nécessaire [1,4]. La transformation maligne, rapportée chez les patients âgés, est extrêmement rare [1].

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Pati˜ no B, Fernández-Alba J, Garcia-Rozado A, Martin R, LópezCedrún JL, Sanromán B. Calcifying epithelial odontogenic (Pindborg) tumor: a series of 4 distinctive cases and a review of the literature. J Oral Maxillofac Surg 2005;63:1361—8. [2] Pindborg JJ. Calcifying epithelial odontogenic tumour. Acta Path Microbiol Scand 1955;71:111. [3] Sahni P, Nayak MT, Singhvi A, Sharma J. Clear cell calcifying epithelial odontogenic (Pindborg) tumor involving the maxillary sinus: a case report and review of literature. J Oral Maxillofac Pathol 2012;16:454—9. [4] Takata T, Slootweg PJ. Calcifying epithelial odontogenic tumour. In: Barnes L, Eveson JW, Reichart P, Sidransky D, editors. World Health Organization classification of tumours. Pathology and genetics of head and neck tumours. Lyon: IARC Press; 2005. p. 302—3.