Ann Pathol 2005 ; 25 : 67-8
Une tumeur sous-cutanée calcifiée
Cas pour diagnostic
A calcified subcutaneous tumor Myriam Marcy (1), Lucile Andrac-Meyer (1), Jean-Philippe Dales (1), Séverine Carpentier-Meunier (1), Regis Legré (2), Colette Taranger-Charpin (1) (1) Service d’anatomie et cytologie pathologiques, Hôpital Nord, chemin des Bourrelys, 13915 Marseille. (2) Service de chirurgie de la main, Hôpital de la Conception, 147 Bd Baille, 13005 Marseille.
Marcy M, Andrac-Meyer L, Dales JP, Carpentier-Meunier S, Legré R, Taranger-Charpin C. Une tumeur sous-cutanée calcifiée. Ann Pathol 2005 ; 25 : 67-68
Observation Une patiente de 37 ans, présentait une lésion de la cuisse droite évoluant depuis 10 mois. L’interrogatoire était sans particularité et ne retrouvait pas d’antécédents de traumatisme ou d’irradiation. L’examen clinique mettait en évidence une masse inflammatoire, dure, adhérente au plan cutané et mobile par rapport aux plans profonds. Le scanner montrait une opacité sous cutanée indépendante du quadriceps, hétérogène, calcifiée au centre, prenant le contraste. Une exérèse chirurgicale a été effectuée. L’examen macroscopique retrouvait une tumeur sous-cutanée de 6 cm, nodulaire, blanchâtre et calcifiée au centre. L’examen histologique montrait une prolifération de densité cellulaire variable comportant de vastes plages de nécrose. En périphérie, on observait des zones denses de cellules fusiformes au noyau hyperchromatique peu anisocaryotique, au cytoplasme éosinophile (figure 1). L’activité mitotique était de 30 à 50 mitoses pour 10 champs au fort grossissement. Les zones moins denses, étaient composées de cellules fusiformes intimement mêlées à une matrice ostéoïde (figure 2). Le centre calcifié était formé de lamelles osseuses anarchiques associées à des cellules de grande taille, monstrueuses et siège souvent de mitoses atypiques (figure 2). Des cellules géantes et du tissu cartilagineux étaient visibles par endroit. Le nombre de cellules Ki 67+ variait de 2 à 10 % suivant les zones.
FIG. 1. — Flèche de gauche : prolifération de cellules fusiformes malignes en périphérie de la tumeur (hématoxyline éosine × 50). Flèche de droite : larges zones de nécrose. FIG. 1. — Left arrow : peripheral malignant spindle-cell proliferation (hematoxylin eosin × 50). Right arrow: large area of necrosis.
FIG. 2. — À gauche : ostéoblastes malins, mitoses atypiques et cellules géantes au sein d’une fine matrice ostéoïde (Hématoxyline éosine × 200). À droite : travées osseuses anarchiques avec des ostéoblastes atypiques au centre de la lésion (Hématoxyline éosine × 100). FIG. 2. — On the left : malignant osteoblasts, atypical mitosis and giant cells in lace-like osteoid matrix (Hematoxylin eosin × 200). On the right: irregular bone formation with malignant osteoblasts in the center of the tumor (Hematoxylin eosin × 100).
Quel est votre diagnostic ?
© Masson, Paris, 2005
Accepté pour publication le 9 mars 2004. Tirés à part : L. AndracMeyer, voir adresse en début d’article. e-mail :
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Myriam Marcy et al.
Diagnostic : ostéosarcome extra-squelettique de grade 3 de type ostéoblastique (OSE) L’OSE est une tumeur mésenchymateuse maligne se développant à distance de l’os, dans les tissus mous. Enzinger et al excluent de cette définition les ostéosarcomes (OS) survenant dans des organes tels le sein, la prostate, les viscères où il existe souvent une composante épithéliale associée [1]. C’est une tumeur rare représentant 1 à 2 % des sarcomes des tissus mous [1]. Un traumatisme antérieur a été rapporté dans 12 % des cas [1]. Une irradiation externe précède souvent de plusieurs années le développement de la tumeur [1]. Exceptionnellement, l’OSE se développe à partir de lésions bénignes préexistantes comme une myosite ossifiante [2]. L’OSE touche des patients plus âgés que son homologue intra-osseux. L’âge moyen varie de 50 à 67 ans [1, 3]. Les localisations les plus fréquentes sont les muscles de la cuisse, des épaules, du pelvis ou le rétropéritoine. La localisation sous-cutanée superficielle est plus rare [1, 3]. Le diagnostic OSE est un diagnostic morphologique. Celui-ci peut être difficile en cas de type fibroblastique prédominant ou sur un prélèvement biopsique ne contenant pas de matrice ostéoïde. L’immunohistochimie est peu contributive. Les cellules sont positives pour la vimentine et focalement pour la desmine, l’actine, la PS100, la cytokératine [3]. Une positivité forte et diffuse des phosphatases alcalines aide pour le diagnostic différentiel avec d’autres sarcomes pléomorphes [3]. L’ostéocalcine est une protéine spécifique des ostéoblastes et de la matrice ostéoïde dont la détection est utile au diagnostic en cas de biopsie de petite taille sans matrice ostéoïde [4]. Le diagnostic différentiel principal est la myosite ossifiante où l’on observe un phénomène de zone : les lamelles osseuses se situent en périphérie et le centre est occupé par du tissu immature. On ne retrouve pas le pléomorphisme et les atypies de l’OSE. Ce dernier peut présenter un phénomène de « zoning inverse » : le centre
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est occupé par les lamelles osseuses tumorales et la périphérie par la prolifération fusiforme [1]. Les autres diagnostics différentiels à envisager sont les ossifications hétérotopiques survenant après des traumatismes comme des cicatrices chirurgicales ou la mobilisation passive des sujets paralysés, la pseudo-tumeur ostéo-fibreuse des doigts, la tumeur fibromyxoïde ossifiante, les carcinomes métaplasiques et leurs métastases ou les métaplasies osseuses accompagnant d’autres sarcomes [1, 3]. L’OSE est une tumeur de mauvais pronostic. Le décès survient généralement deux à trois ans après le diagnostic initial. Les patients sont exposés au risque de récidive locorégionale et de métastases, essentiellement pulmonaires [1, 3]. Plusieurs facteurs de mauvais pronostic ont été proposés parmi lesquels la taille tumorale supérieure à 5 cm et un indice de prolifération supérieur à 24 % de cellules Ki 67+ [3]. Le traitement est comparable à celui des OS intra-osseux. Il associe une chirurgie radicale à une chimiothérapie pré et/ou post-opératoire [1]. ■ Key words: extraskeletal osteosarcoma, soft tissue tumors. Mots-clés : ostéosarcome extra-squelettique, tumeur des tissus mous.
Références [1] [2]
[3]
[4]
Enzinger FM, Weiss SW, Goldblum JR. Soft tissue tumors. Fourth ed. Mosby ; 2001. Konishi E, Kusuzaki k, Murata H, Tsuchihashi Y, Beabout JW, Krishnan Unni K. Extraskeletal osteosarcoma arising in myositis ossificans. Skeletal Radiol 2001 ; 30 : 39-43. Jensen ML, Schumacher B, Jensen OM, Nielsen OS, Keller J. Extrasqueletal osteosarcomas : a clinicopathologic study of 25 cases. Am J Surg Pathol 1998 ; 22 : 588-94. Fanburg-Smith JC, Bratthauer GL, Miettinen M. Osteocalcin and osteonectin immunoreactivity in extraskeletal osteosarcoma : a study of 28 cases. Hum Pathol 1999 ; 30 : 32-8.