Usage des psychotropes chez l’enfant

Usage des psychotropes chez l’enfant

Archives de pédiatrie 15 (2008) 1834–1836 Usage des psychotropes chez l’enfant Use of psychotropic drugs in children D. Purper-Ouakil a,b a b Servic...

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Archives de pédiatrie 15 (2008) 1834–1836

Usage des psychotropes chez l’enfant Use of psychotropic drugs in children D. Purper-Ouakil a,b a b

Service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France Inserm U675, faculté Xavier-Bichat, 16, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France

Disponible sur Internet le 7 novembre 2008

Résumé Les études relatives à l’efficacité et à la tolérance des psychotropes en population pédiatrique ont fait l’objet de mesures incitatives devant les spécificités cliniques et pharmacologiques de cette population. Les données disponibles montrent en effet que l’efficacité et le profil de tolérance des produits ne peuvent pas toujours être extrapolés de l’adulte à l’enfant. Les études spécifiques restent cependant insuffisantes pour permettre une évaluation aisée des indications et du rapport bénéfice/risque de la majorité des produits, surtout en ce qui concerne leurs effets à long terme. Cette revue propose une mise à jour des données de la littérature des principales classes de psychotropes utilisées chez l’enfant. ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract The need for specific psychopharmacology trials in the pediatric population has been recognized and promoted by clinicians and regulatory instances. There are indeed specificities in symptom expression and pharmacological characteristics in this population, and recent studies showed that extrapolation from adult data is not always possible. Available results are insufficient to provide effective guidance for prescription and long-term evaluation of risk/benefit ratio in most indications. The aim of this article is to give an overview of efficacy and safety data in pediatric psychopharmacology. ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Essais cliniques ; Psychotropes ; Enfants

1. INTRODUCTION

2. ANTIDÉPRESSEURS

Les données concernant l’efficacité et la tolérance des psychotropes en population pédiatrique sont parcellaires, et leur qualité varie en fonction des molécules et des indications. Cet état des faits nécessite que toute prescription soit précédée d’une évaluation diagnostique et d’une estimation du rapport bénéfice/risque en fonction des données de la littérature. Le suivi du traitement doit comporter, outre la surveillance clinique et biologique habituelle, une réévaluation périodique de l’indication. Nous proposons de faire le point sur les indications et modalités de prescription des psychotropes les plus utilisés chez l’enfant et l’adolescent.

2.1. Trouble obsessionnel compulsif (TOC)

Adresse e-mail : [email protected].

Des essais contrôlés contre placebo ont été réalisés avec la plupart des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) chez l’enfant et l’adolescent et montrent tous un effet significativement supérieur au placebo. Une méta-analyse de 12 études dans le TOC de l’enfant et de l’adolescent, portant sur 1044 sujets, confirme l’efficacité des antidépresseurs sérotoninergiques par rapport au placebo [1]. Cette étude ne met pas en évidence de différences significatives entre les différents ISRS ; en revanche, elle est en faveur d’une efficacité supérieure de la clomipramine (Anafranil1), un antidépresseur tricyclique, dans cette indication. Il faut noter que ces effets thérapeutiques sont bien démontrés, mais leur portée est atténuée par le faible taux de

0929-693X/$ see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.arcped.2008.09.026

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rémissions complètes, même chez les sujets recevant le traitement actif. 2.2. Troubles dépressifs Le traitement de première ligne des épisodes dépressifs de l’enfant et de l’adolescent est la psychothérapie. L’indication d’un traitement antidépresseur se discute lorsque la psychothérapie seule est insuffisante ou d’emblée dans les formes sévères. Dans les troubles dépressifs de l’enfant et de l’adolescent, une méta-analyse de cinq essais contrôlés montre que seules 14 mesures sur 42 sont en faveur de l’inhibiteur de la recapture de la sérotonine (IRS) par rapport au placebo. Parmi les études disponibles, deux des essais avec la fluoxétine (Prozac1) et l’essai avec la sertraline (Zoloft1) mettent en évidence des effets significatifs sur le critère d’efficacité principal, le score de l’échelle de dépression pour enfants (CDRS-R) [2]. La fluoxétine (Prozac1) a une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne pour le traitement des troubles dépressifs de l’enfant à partir de huit ans. En revanche, les antidépresseurs tricycliques n’ont pas démontré leur efficacité dans les troubles dépressifs pédiatriques. 2.3. Troubles anxieux Les rares essais contrôlés montrent un avantage des ISRS par rapport au placebo dans des groupes d’enfants ayant une anxiété généralisée ou des troubles anxieux divers. Les bénéfices thérapeutiques sont plus marqués en cas de phobie sociale ou d’anxiété généralisée [3], mais le traitement médicamenteux est généralement réservé aux formes sévères, ne répondant pas ou très partiellement à la psychothérapie. 2.4. Énurésie L’amitryptiline (Laroxyl1), la clomipramine (Anafranil1) et l’imipramine (Tofranil1) ont l’AMM en France dans l’énurésie fonctionnelle à partir de six ans. Leur efficacité dans cette indication est bien étayée, mais les effets secondaires de ces traitements expliquent qu’ils ne sont plus prescrits en première indication. 2.5. Modalités de prescription Les traitements par ISRS sont augmentés et diminués progressivement. Le bilan préthérapeutique comprend un examen clinique avec mesure du poids, de la taille, du pouls et de la tension artérielle. La surveillance est principalement clinique et l’efficacité doit être évaluée entre huit et 12 semaines de traitement. Les effets secondaires les plus fréquents (troubles gastrointestinaux, variations pondérales, irritabilité, insomnie, sédation, impatiences motrices, sécheresse buccale) sont observés dans 10 à 30 % des cas chez le sujet jeune. Des effets psychocomportementaux (hostilité, automutilations, idéation et gestes suicidaires), rares mais potentiellement graves, nécessitent une

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information adéquate des patients et des familles. Les études chez l’animal ayant montré un impact sur le développement sexuel, une surveillance endocrinologique se justifie lorsqu’un traitement par ISRS à long terme est initié avant la puberté. 3. ANTIPSYCHOTIQUES Parmi les antipsychotiques de nouvelle génération, la rispéridone (Risperdal1) a une AMM dans les troubles du comportement associés aux troubles autistiques et au retard mental, sur la base d’une efficacité démontrée dans plusieurs essais contrôlés [4]. Les données d’efficacité sont plus restreintes dans le trouble bipolaire pédiatrique, dans la schizophrénie précoce et dans le trouble des conduites, mais des essais sont en cours de réalisation dans ces indications. Les neuroleptiques classiques ont montré une efficacité dans les troubles schizophréniques du sujet jeune et dans les manifestations agressives, à travers différentes catégories de troubles (troubles des conduites, comportements agressifs des enfants ayant un retard mental), mais les effets indésirables de ces molécules semblent particulièrement fréquents en population pédiatrique. La rispéridone (Risperdal1) et le pimozide (Orap1) diminuent significativement la fréquence et l’intensité des tics des enfants et adolescents ayant un syndrome de Gilles-de-laTourette dans les essais contre placebo. Des données préliminaires suggèrent que certains antipsychotiques atypiques pourraient avoir un intérêt dans les anorexies mentales sévères et résistantes [5]. 3.1. Modalités de prescription Le profil de tolérance des antipsychotiques atypiques diffère des neuroleptiques classiques ; les effets secondaires neurologiques (dystonie aiguë, syndrome parkinsonien, dyskinésie tardive) et la sédation sont plus rares avec les molécules de nouvelle génération. En revanche, les effets métaboliques et endocriniens sont plus prégnants avec les antipsychotiques atypiques ; le risque de prise de poids et d’apparition d’un syndrome métabolique justifient une surveillance attentive et des conseils diététiques. Inversement, l’hyperprolactinémie provoquée par certains antipsychotiques est réversible et diminue avec le temps. Le bilan préthérapeutique comprend un examen clinique, une numération formule sanguine, un bilan hépatique (occasionnellement répétés dans les traitements à long terme) et un ECG de référence en raison de possibles effets cardiovasculaires, hématologiques et hépatiques. Il faut noter la possibilité d’effets paradoxaux décrits avec la rispéridone (agitation, symptômes anxieux, symptômes obsessionnels). 4. PSYCHOSTIMULANTS Les psychostimulants sont indiqués dans le trouble de déficit d’attention/hyperactivité (TDAH) qui affecte 4 à 8 % des enfants d’âge scolaire, lorsque les mesures psychoéducatives sont insuffisantes ou d’emblée dans les formes sévères.

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Le méthylphénidate est commercialisé en France avec différentes formes galéniques : une forme à libération immédiate (Ritaline1, dont l’effet dure en moyenne 4 h) et deux formes à libération prolongée (Ritaline LP1 : durée d’effet 8 h ; Concerta LP1 : durée d’effet 12 h). L’amélioration des symptômes cibles, l’inattention, l’impulsivité et l’instabilité motrice, est bien documentée et concerne en moyenne 80 % des patients dans les essais randomisés [6]. L’efficacité à long terme est moins bien établie ; cependant, l’usage des psychostimulants a été associé à une diminution du risque de consommation de toxiques chez l’adolescent et l’adulte jeune ayant un TDAH, une population particulièrement à risque pour l’abus de substances [7]. D’autres molécules psychostimulantes (sels d’amphétamines et sels mixtes) et non stimulantes (atomoxétine) sont également efficaces sur les symptômes du TDAH, mais ne sont pas disponibles en France. 4.1. Modalités de prescription La prescription de psychostimulants est réglementée ; elle nécessite une première prescription hospitalière (pédiatres, neuropédiatres, pédopsychiatres) et annuelle et des renouvellements d’ordonnance tous les 28 j. Les effets secondaires les plus fréquents sont les céphalées, la baisse de l’appétit, des difficultés d’endormissement, une nervosité, qui sont généralement améliorés par des adaptations de dose ou de forme galénique. Des effets sur la croissance staturopondérale sont possibles, mais légers. Les effets indésirables sérieux sont rares (moins de 1 sur 10 000 cas), mais justifient des précautions d’emploi et une surveillance attentive chez les enfants ayant des antécédents cardiovasculaires [6,8]. De même, l’administration de psychostimulants en cas d’antécédents d’abus de substances doit se faire avec précaution. La surveillance est clinique (poids, taille, tension artérielle). Les fenêtres thérapeutiques ne sont plus recommandées systématiquement ; elles gardent cependant leur intérêt pour réévaluer périodiquement le niveau des symptômes. 5. ANXIOLYTIQUES Les anxiolytiques regroupent les benzodiazépines et les molécules non benzodiazépiniques (antihistaminiques, buspirone, carbamates. . .). Même si certaines de ces molécules ont une AMM pédiatrique, leur utilisation en psychopathologie pédiatrique est très mal documentée. À titre d’exemple, sur trois essais contrôlés réalisés avec des benzodiazépines dans les troubles anxieux, deux sont négatifs et les données préliminaires obtenues dans les études en ouvert avec la buspirone (Buspar1) n’ont pas encore été confirmées [9]. Deux antihistaminiques, l’hydroxyzine (Atarax1) et l’alimémazine (Théralène1), ont une AMM dans les troubles du sommeil de l’enfant. À noter que les restrictions légales de prescription (12 semaines pour un anxiolytique, quatre semaines pour un hypnotique) s’appliquent à ces molécules quelle que soit la tranche d’âge, en raison du risque de pharmacodépendance avec syndrome de sevrage.

L’effet indésirable le plus fréquent des anxiolytiques est la sédation. Une altération des performances cognitives est possible, tout comme la survenue d’effets paradoxaux (désinhibition, agressivité, impulsivité), surtout chez l’enfant prépubère. 6. CONCLUSION La prise en compte à titre plus systématique des spécificités cliniques et pharmacocinétiques de la psychopharmacologie pédiatrique est récente. Tout comme le développement des essais cliniques en population pédiatrique, ces changements devraient produire des avancées dans l’évaluation du bénéfice thérapeutique et de la sécurité d’utilisation. Le développement d’évaluations combinant méthodes non pharmacologiques et psychotropes ainsi que des études à long terme sont nécessaires pour mieux définir la place respective des différentes thérapies et connaître leur impact sur le devenir des patients. 7. SITES INTERNET Le bon usage des antidépresseurs au cours de la dépression chez l’enfant et l’adolescent : http://agmed.sante.gouv.fr/htm/ 10/antid/map_enfants.pdf. Utilisation du Prozac1 dans le traitement de la dépression majeure chez l’enfant et l’adolescent : http://agmed.sante.gouv.fr/htm/10/filcoprs/060601.htm. Guides pour usagers des traitements psychotropes dans le TDAH (en anglais) : http://fda.gov/cder/drug/infopage/ADHD. CONFLITS D’INTÉRÊTS Aucun. RÉFÉRENCES [1] Geller DA, Biederman J, Stewart SE, et al. Which SSRI? A meta-analysis of pharmacotherapy trials in pediatric obesssive-compulsive disorder. Am J Psychiatry 2003;160:1919–28. [2] Juireidini JN, Doecke CJ, Mansfield PR, et al. Efficacy and safety of antidepressants for children and adolescents. BMJ 2004;328:879–83. [3] Birmaher B, Axelson DA, Monk K, et al. Fluoxetine for the treatment of childhood anxiety disorders. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2003;42:415–23. [4] Correll CU. Clinical psychopharmacology of pediatric mood stabilizer and antipsychotic treatment, part 1: challenges and developments. J Clin Psychiatry 2007;68:1301–2. [5] Mehler Wex C, Romanos M, Kirchheiner J, et al. Atypical antipsychotics in severe anorexia nervosa in children and adolescents-review and case reports. Eur Eat Disord Rev 2008;16(2):100–8. [6] Smoot LC, Boothby LA, Gillet RC. Clinical assessment and treatment of ADHD in children. Int J Clin Pract 2007;61:1730–8. [7] Wilens TE, Faraone SV, Biederman J, et al. Does stimulant therapy of attention-deficit/hyperactivity disorder beget later substance abuse? A meta-analytic review of literature. Pediatrics 2003;111:179–85. [8] Bange F. Le trouble déficit de l’attention avec hyperactivité. In: Bailly D, Mouren MC, editors. Les prescriptions médicamenteuses en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Paris: Elsevier Masson; 2007. p. 173–95. [9] Martin-Guel C. Les anxiolytiques. In: Bailly D, Mouren MC, editors. Les prescriptions médicamenteuses en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Paris: Elsevier Masson; 2007. p. 130–40.