MEMOIRE
ORIGINAL
U T I L I S A T I O N D E LA C L A S S I F I C A T I O N D E S P N E U M O N I E S COMMUNAUTAIRES DE FINE DANS UN SERVICE D'URGENCES ~. FOURNIER, D. THIERCELIN, H. OUALID, L. VAN ELSLANDE, M.H. MAHAGNE, S. DUCCEUR, ~AFFNER, P. MARTINEZ, F, BERTRAND
RI~SUME
SUMMARY
La classification des pneumonies communautaires de Fine et coll. a pour objectifs de stratifier les patients par niveaux de gravit6 et d'identifier ceux dont la prise en charge pou.rrait etre ambulatoire sans risque. Nous l'avons appliqu6e ~ 85 patients adultes, r@ondant aux crit6res de pneumonie communautaire, incluant neuf patients s6ropositifs, et neuf patients atteints de tuberculose 6volutive. Nos r6sultats sugg~rent qu'elle permet de classer les patients par niveaux de gravit6, et que l'infecfion par le VIH n'en limite pas la pertinence. D'apr6s Fine et coll., 33 de nos patients auraient pu 6tre trait6s en ambulatoire ; 29 ont 6t6 finalement hospitalis6s et un est d6c6d6_ Cinq de ces hospitalisations ont 6t6 jug6es injustifi6es aposteriori. Compte tenu de notre recrutement, cette classification ne nous semble pas permettre l'identification des patients dont la prise en charge pourrait etre arnbulatoire sans risque.
Utilization o f Fine's classification o f c o m m u n i t y acquired p n e u m o n i a in an e m e r g e n c y d e p a r t m e n t
Mots-cl~s : Classification, pneumonie communautaire, service d'urgences.
L'incidence des pneumonies communautaires varie selon les pays de un ~ 12 cas pour 1 000 adultes et par an [1, 2]. Elles repr6sentent la sixi&me cause de d~c6s aux Etats-Unis [2], avec un taux de mortalit6 de 10 ~ 15 p. 100 [1-4]. Toutefois, ces donn~es concement essentiellement les patients hospitalis6s, qui ne repr6sentent que neuf ~ 20 p. 100 des patients atteints de pneumonie communautaire [5, 6]. I1 s'agit d'un motif fr6quent d'admission en service d'urgences (SU). Une des difficult6s de leur prise en charge est l'identification des patients dont la prise en charge 'pourrait ~tre ambulatoire sans risque. Cette difficult6 explique la faible proportion (3,5 Service des Urgences, CHU Nice, France. Cerrespondance : Dr J.-P. Fournier, Service des Urgences, H6pital Saint-Roch, 5 rue Pierre-D6voluy, BP 319, 06006 Nice cedex 1, France. Re~u en juin 1995, accept6 en mai 1996.
Fine's classification of community-acquired pneumonia was proposed to classify patients by severity levels and to identify those who could be safely treated as out-patients. It was applied to 85 consecutive adult patients with community-acquired pneumonia. Including nine with known HIV infection, and nine with active tuberculosis_ Our results suggest that this classification can identify patients by severity levels, including those with HIV infection. On the contrary, it does not seem to be reliable in identifing those patients who could safely be treated as out-patients. According to Fine, 33 patients should not have been admitted: 29 of them were actually admitted and one died. Five admissions were subsequently not justified.
Keywords: Classification, community-acquired pneumonia, emergency department.
p. 100) des patients trait4s en ambulatoire lors de l'6tude rfalis6e dans 27 SU franqais en 1992 [7]. La classification de Fine et coll. [8] r6pond au double objectif de classifier, dhs leur admission, les patients porteurs d'une pneumonie communautaire par niveaux de gravit6, et d'identifier ceux dont la prise en charge pourrait etre ambulatoire. Elle a 6t4 6tablie ~ partir de six items immfdiatement disponibles : ~ge > 65 arts, n6oplasie associ6e, alt6rafion des fonctions sup6rieures, modification des param6tres vitaux (fr6quence cardiaque, fr6quence ventilatoire, pression art6rielle systolique), 6tiologies ,, a haut risque, (inhalation, pneumonie sur obstacle, staphylocoques, bacilles ~ Gram n6gatif), et douleur pleurftique. Les cinq premiers sont affect6s d'un coefficient variant de + 1 (fige > 65 ans) ~ + 4 (n4oplasie associ6e), le sixihme d'un coefficient nfgatif ( - 2). Leur somme permet de distinguer cinq classes, de I ~ V, de gravit6 croissante. La mortalit6 s'6chelonne de 0 (classe I) ~ 89,5 p. 100 (classe V). R~an. Urg., 1996, 5(5), 605-610
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Les patients des classes I et II pourraient etre pris en charge en ambulatoire. Cette classification a 6t6 6tablie sur un groupe de 317 patients de trois hGpitaux de Pittsburgh, constituant la sGrie de d~fivation, puis valid~e prospectivement sur un 6chantillon de 253 patients de Boston [8], constituant la s~rie de validation, et ~ grande 6chelle sur 14 199 dossiers MedisGroup [9]. Cette classification, initialement rdalis~e sur des patients hospitalisGs en services de mGdecine, a 6t6 secondairement 6valu~e sur des patients se pr~sentant ~ un SU ou &un service de consultations externes [8], et correspond au recrutement habituel des SU. Baron et coll. [10] Font sp~cifiquement ~valuGe dans un SU et ont soulign6 l'importance de la tuberculose parmi les 6tiologies , ~ haut r i s q u e , [10]. L'attitude de Fine et coll. [8] est ambigu6 vis-a-vis des patients infectGs par le Virus de l'Immunod6ficience Humaine (VIH+) : s'ils sont inclus dans la sGrie de Pittsburgh [8], ils sont exclus des sGries de validation de Boston [8] et sur dossiers MedisGroup [9]. Or, ils repr~sentent une part notable et croissante du recrutement des SU des grandes villes en France [11], avec une proportion non nGgligeable d'infecfions pulmonaires [11]. Cette classification a donc ~t6 appliqu~e ~ une s~rie de 85 patients de SU prGsentant une pneumonie communautaire, incluant des patients atteints de tuberculose, et des patients VIH+. L'objectif ~tait de v~rifier sa valeur pronostique en comparant, classe par classe, la mortalit6 observ~e ~ la mortalit6 prGdite par Fine et coll. [8]. I1 s'agissait 6galement de vdrifier son aptitude ~ identifier les patients ~ prendre en charge en ambulatoire, en pr~cisant la proportion des patients des classes I et II hospitalis~s, ainsi que leurs motifs d'hospitalisation.
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Patients et m~thode
Les patients ont 6t~ inclus prospectivement du 01-11-92 au 31-01-93. Ils 6taient 6galement inclus dans l'~tude multicentrique ffanqaise , Prise en charge des pneumopathies communautaires aux urgences >~[7]. Une pneumonie communautaire a dt~ dfifinie par l'apparition rficente d'une symptomatologie respiratoire (toux, dyspn~e, douleur thoracique,...), d'une fi~vre (/> 38 °C), et d'images pulmonaires, quel qu'en soit l'aspect. L'origine communautaire a ~t~ retenue sur l'absence d'hospitalisation dans les sept jours prGcddents [8, 12], ~ l'exception de patients ayant sfijourn6 moins de 24 heures ~ l'hGpital (hGpital de jour par exemple), ~ condition de n'y avoir subi aucune investigation invasive [8, 12]. Les patients adultes (> 15 ans et trois mois) r@ondant ~ ces crit~res ont dtfi inclus, sans restriction d'age, d'antficddents ou de diagnostic ~tiologique. Aucune recommandation n'a 6tfi formulfie concernant la nature des Rdan. Urg., 1996, 5(5), 605-610
examens compl~mentaires, la dGcision d'hospitalisation, ou l'antibioth~rapie initiale. Chez tousles patients inclus dans notre centre ont ~t6 r~alisGs des clichGs thoraciques, nn bilan biologique (numGration-formule sanguine, ionogramme sanguin, taux de prothrombine, temps de cGphaline activ~e) et des hGmocultures. Les gazomGtries artGrielles ont 6t~ rGalisGes en fonction de la tolGrance clinique. Les sGrologies (mycoplasme, Chlamydia, 16gionelles, rickettsies et virus pneumotropes) et les recherches d'antigGnes pneumococciques (sang, salive, urines) ont 6t~ prescrites en fonction du contexte radio-clinique. En cas de suspicion de tuberculose 6volutive, un examen cyto-bactGriologique des crachats avec coloration de Ziehl a 6t6 rGalis& Aucun autre examen ~ visGe ~tiologique n'a 6t6 pratiqu6 aux urgences. Certains patients ont bGn~fici6 d'une fibroscopie bronchique avec lavage bronchoalvGolaire aprGs transfert dans une unit6 d'hospitalisation. L'infection par le VIH a 6t6 affirmGe selon les techniques sGrologiques usuelles. Le diagnostic de certitude de tuberculose ~volutive a 6t6 port6 sur les arguments bact~riologiques ou histologiques usuels. Les patients ont 6t6 suivis durant toute leur hospitalisation. Les quatre patients ambulatoires ont 6t6 suivis par leur mGdecin traitant et par contact t616phonique. Les patients ont 6t6 class4s selon l'4chelle de Fine et coll. [8] a la fin de l'6tude. La mortalit6 observ6e a 4t6 la mortalit4 hospitalihre uniquement. La validit6 de la classification de Fine et coll. [8] a 4t6 4valu4e en comparant, classe par classe, la mortalit4 hospitali6re observ4e dans notre s6rie a la mortalit4 pr6dite par Fine et coll. [8]. Les comparaisons de moyenne ont 6t6 effectu4es au moyen du test du Chi 2, avec une significativit6 ~ 5 p. 100. En ce qui concerne l'hospitalisation des patients des classes I et II, nous avons d6taill6 les motifs principaux retenus par le m4decin ayant d6cid6 l'hospitalisation.
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R~sultats
Nous avons 6valu~ 85 patients, du 01-11-92 au 31-01-93. Ils reprGsentaient 0,47 p. 100 du recrutement de notre SU, toutes pathologies confondues. I1 s'agissait de 64 hommes et 21 femmes, d'age moyen 59 _+ 25 ans. Ils avaient 6t6 adress~s pour 60 d'entre eux (71 p. 100) par leur mGdecin traitant, et 28 (33 p. 100) recevaient des antibiotiques ~ l'admission. La prise en charge a 6t~ ambulatoire, en accord avec le mGdecin traitant quatre fois. Un transfert en rGanimation pour ventilation mGcanique a 6t6 nGcessaire cinq lois et 16 patients (19 p. 100) sont d~cGd~s. A la conclusion de l'Gtude, 51 patients (60 p. 100) ~taient considGrGs comme gu~ris, huit (9 p. 100) 6taient encore trait~s, et dix (9 p. 100) avaient 6t6 perdus de vue. Un diagnostic microbiologique a 6t6 effectu6 30 lois (35 p. 100). I1 s'agissait par ordre de
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fit6 une suspicion de pneumonie ~ S. pneumoniae (sept lois, confirmfe par h6mocultures cinq fois) ou de tuberculose 6volutive (trois fois, confirm6e bact6riologiquement chaque fois). Le terrain et/ou les ant6c6dents ont constitu6 le deuxi~me grand motif (n = 6). I1 s'agissait de : corticothfrapie au long cours (n = 2, une fois pour maladie de Horton et une pour asthme sfv~re), grossesse et suspicion de tuberculose ~volutive avec confirmation histologique ult6rieure (n = 1), spl6nectomie (n = 1), SIDA (n = 1), cirrhose 6thylique (n = 1). Parmi ces 29 patients, deux m6decins, un 6tudiant en m6decine et une infirmitre ont 6t~ hospitalis6s sur leur demande expresse devant la persistance de la fi~vre sous antibiotiques. Un contexte social d6favorable, rendant illusoire un traitement ambulatoire, a justifi6 quatre hospitalisations suppl6mentaires. L'hospitalisation a 6t~ indispensable chez deux patients en raison de la gravit6 initiale de la pneumonie et l'un d'etLx est dfcfd6. Enfin, deux patients ont 6t6 hospitalis6s pour compl6ment diagnostique et un en raison de l'6tude en cours. Apr~s revue des 29 dossiers par un observateur indfpendant (FB), cinq hospitalisations ont 6t6 finalement consid6r6es comme injustifi~es. Les motifs d'hospitalisation avaient 6t6 : nfcessit6 d'un compl6ment diagnostique (n = 2, diagnostic final : M. pneumoniae), demande expresse du patient (n = 1, diagnostic final: germe non identifi6 sensible l'amoxicilline), probl~me social (n = 1, diagnostic final : M. pneumoniae) et 6tude en cours (n = 1, diagnostic final : virose probable).
f r f q u e n c e dficroissante de S. pneumoniae : 12 (14 p. 100), tuberculose : 8 (9 p. 100), M. pneumoniae : 4 (5 p. 100), L. pneumophila : 1 (1 p. 100), H. influenzae: 1 (1 p. 100), P. aeruginosa: 1 (1 p. 100), S. aureus : 1 (1 p. 100), MyxovirusparaA : 1 (1 p. 100) et S. sanguis : 1 (1 p. 100). Parmi les patients, neuf 6taient VIH +. Le diagnostic de tuberculose 6volutive a fit6 retenu neuf lois (11 p. 100) : sept lois apr~s isolement bact6rien (expectoration ou aspiration trachfale), une lois apr~s biopsie pleurale, et une derni~re lois, le diagnostic a 6t6 port6 sur une pr6sentation radio-clinique caract6ristique et nne intradermo-r6action ~ la tuberculine phlycth~nulaire. Ce patient a 6t~ perdu de vue. U n seul de ces patient 6tait 6galement VIH +. Le tableau I montre la r@artition et la mortalit6 classe par classe des s6ries de dfrivation, de validation de Fine et coll. [8], et de notre sfrie. L'analyse par classe des s6ries de d6rivation et de validation de Fine et coll. [8] ne montre de difffrence significative ni en termes de r6partifion, ni en termes de mortalit6 des patients. La s4rie de validation la plus r4cente, sur dossiers [9], montre une diff4rence significative (p = 0,003) au niveau de la mortalit6 de la classe V : 37,7 p. 100 contre 89,5 p. 100 sur la s6rie de d6rivation [8]. La r4partition des patients de notre s4rie est similaire ~ celle des deux s4ries initiales de Fine et coll. [8]. Au niveau de la classe I, un seul des 19 patients (5,3 p. 100) est d6c6d6. La mortalit4 par classe des classes II & V ne montre de difference significative qu'au niveau de la classe III (36,8 vs 17,3 p. 100). La mortalit6 par classe n'est pas modifi6e si l'on exclut de notre s6rie les patients V I H +. Nous avons hospitalis6 29 des 33 patients (88 p. 100) des classes I et II qui auraient pu ~tre trait6s sans risque en ambulatoire d'apr6s Fine et coll. [8]. Les quatre patients trait6s en ambulatoire ont tous eu des suites simples. L'antibioth6rapie prescrite au SU a 6t6 poursuivie telle quelle par le m6decin traitant. Le principal motif d'hospitalisation (n = 10) a
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Discussion
L'importance quantitative des pneumonies communautaires [1, 2] et leur gravit6 potentielle [1-3] en font un v6ritable probl~me de sant6 publique. De nombreux travaux ont d6taill6 les facteurs de risque d'6volution compliqu6e, voire mortelle [1, 2,
Tableau I
Comparaison des s~ries de Fine et coil. et de notre sdrie Fine et al. series compared to ours
D6rivation (Pittsburgh) n = 317
Validation (Boston) n = 253
Personnelle n = 85
r6partition (%)
mortalit6 (%)
r6partition (%)
mortalit6 (%)
r6partition (%)
mortalit6 (%)
Classe I
14,2
0
18,8
2,2
22,3
5,3
Classe II
21,4
2,9
22,9
0
16,5
7,1
Classe III
41,0
13,1
38,7
13,5
22,3
36,8
Classe IV
17,3
32,7
16,6
33,3
22,3
36,8
Ciasse V
5,9
89,5
5,6
55,6
2,3
100,0
d'apr~s [8].
R#an. Urg., 1996, 5(5), 605-610
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13, 14-18]. Tous ne sont pas imm6diatement disponibles h l'admission du patient. Certains, tels dr4panocytose, 6thylisme, insuffisance coronarienne, spl4nectomie..., ne sont en fait dfcrits que pour les pneumonies h pneumocoques [2]. La classification de Fine et coll. [8] apparait trOs s4duisante dans son principe, et sa r6alisation. Si la s4rie de d~rivation a 6t6 6tablie sur des patients hospitalis6s en m4decine, la s6rie de validation initiale a 6t4 6tablie sur des patients se pr6sentant &un SU ou h u n service de consultations externes, et refl~te donc le recrutement d'un SU. Elle a ensuite ~t6 valid4e ~ grande 6chelle (14 199 patients), mais uniquement sur dossiers [9]. La comparaison par classe de la mortalit6 des trois s4ries de Fine et coll. [8, 9] d6rivation, validation sur patients, puis sur dossiers -- ne montre de diff6rence significative qu'au niveau de la mortalit6 des classes V, entre la sOfie de d&rivafion et la s6rie de validation sur dossiers. Les auteurs avancent trois hypotheses it cette discordance [9] : faible effectif (n = 19) dans le groupe de d4rivafion, surmortalit4 darts ce groupe, et d4finitions diff6rentes de la mortalit4 entre les deux 6tudes (mortalit6 hospitali6re et tt six semaines dans la premi6re 4tude, mortalit4 uniquement hospitali6re dans la deuxi6me). L'int4r6t th4orique de cette classification est double : pr4diction de la mortalit4 d6s l'admission, et identification d'un sous-groupe de patients t~ mortalit4 attendue nulle ou faible (classes I et II), dont la prise en charge pourrait donc ~tre ambulatoire, sans risque. Nos r4sultats sont tr6s proches de ceux rapport4s par Fine et coll. [8]. L'analyse de la mortalit6 classe par classe ne retrouve de diff4rence significative qu'au niveau de la classe III (Tabl./) : 36,8 vs 17,3 p. 100 par rapport ~ la s6rie de d4rivation [8]. Cette discordance pent avoir deux origines. La modestie de l'effectif de notre s4rie (19 patients en classe III dont sept d6c~s contre 130 patients et 17 d4c8s dans la s6rie de dSrivation de Fine et coll.), et la d6finition de la mortalit4 observ4e. Fine et coll. [8] ont d~fini la mortalit~ comme la mortalit6 hospitali~re et dans les six semaines suivant la sortie. Nous n'avons retenu que la mortalit4 hospitali~re, qui, en mati~re de pneumopathie communantaire, rend compte de l'essentiel de la mortalit4 [9]. Nos r~sultats sont corrobor6s par Baron et coll. [10] qui ont appliqu6 prospectivement cette classification h une s6rie de 87 patients de SU. La mortalit4 (hospitali6re et ~ six semaines) 4tait nulle en classes I et II, et atteignait 57,9 p. 100 en classe V. Nos r4sultats sont similaires, avec toutefois une diff4rence significative de mortalit6 en classe III (7,7 vs 36,8 p. 100). Les effectifs de ces deux s6ries 6rant similaires, la diff4rence de mortalit6 peut 6tre due ~ une r@artition difffrente des patients. De fait, plus de 90 p. 100 des patients de Baron et coll. [10] 4taient regroup4s dans les classes III h V. Ceci pent rendre compte d'un mode de recrutement et de fonctionnement diff4rents. R#an. Urg., 1996, 5 ( 5 ) , 6 0 5 - 6 1 0 -
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L'application des crit~res de Fine et coll. [8] ne nous a pas pennis d'identifier ceux des patients dont la prise en charge aurait pu fitre ambulatoire sans risque. En effet, 29 d'entre eux (88 p. 100) ont 6t6 hospitalisfs, et deux sont d4c6d4s. A posleriori, cinq de ces hospitalisation (17 p. 100) ont 4t4 jugfies inadfiquates. Dans la s6rie de Baron et coll., deux des huit patients de ces deux classes avaient 6t6 hospitalis4s [101. Nous retenons trois explications h cette discordance, qui nous paraissent constituer autant de limites m6thodologiques de cette classification. L'application de la classification de Fine et coll. [8] nous a conduits & ranger deux patients en classe II en d6pit de l'existence d'616ments cliniques de gravit4 av4r4e (hypotension dans un cas, tachypn6e dans l'autre). Cette discordance 4tait due chaque fois h la pr6sence d'une douleur pleur6tique. Sa survenue est affectfe d'un coefficient - 2 , identique en valeur absolue ~ celui affect4 ~t une hypotension ou une tachypn6e, +2. Ainsi, la survenue d'une douleur thoracique perrnet d e , neutraliser ~, la pr4sence d'une variation des constantes vitales, de pronostic p4joratif 4tabli. On pent 6tre ainsi amen6 ~ sous-estimer la gravit4 imm6diate des patients. En l'absence de cettte douleur, les patients auraient 4t6 rang6s en classe III, et justifiaient leur hospitalisation. Nous avons hospitalis4 six patients ~ cause de leurs ant6c4dents pathologiques et/ou de pathologies associ4es. La dur6e moyenne d'hospitalisation ult4rieure, aprhs transfert des urgences, a 6t6 de 13 +_ 9 jours (extremes 5/t 24 jours). La longueur de ces hospitalisations pourrait constituer une certaine validation de la d&cision d'hospitalisation prise au SU. Fine et coll. [8] ne retenaient qu'une seule affection associ4e, une n6oplasie, mais avec le coefficient de pond4ration, + 4, le plus 41ev~. La m~me 6quipe a pris en compte l'importance du terrain dans une 4tude plus r4cente [16] dont l'objectif atait prOcis4ment d'Otablir, dhs l'admission, des crit6res de suivi ambulatoire sans risque. Les cinq crit~res discriminants avaient ainsi 4t6 d6finis : ~ge > 65 ans, pathologie associ6e (diabhte, insuffisance r4nale, insuffisance cardiaque congestive, hospitalisation dans l'ann4e), immunod6pression (chimioth4rapie antin4oplasique ou corticoth4rapie), temp4rature > 38,3 °C, et 4tiologies - h risques, telles que dOfinies plus haut [8], et 6taient applicables aux patients ne pr6sentant pas de justifications 4videntes ~ l'hospitalisation (modification s4v~re des param~tres vitaux, alt4ration des fonctions sup6rieures, complications suppuratives, hypox4mie, pathologie associ6e justifiant l'hospitalisation par elle-m~me, ou anomalies biologiques s6v6res). Ces param~tres ont 6t6 ensuite prospectivement appliqu4s ~ 280 patients, recrut4s en SU (68 p. 100 des patients) ou en service de consultations externes (25 p. 100 des patients), mais excluant les patients VIH + ou institntionalis4s. Les auteurs concluaient que les patients pr4sentant plus d'un de
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ces crit~res devaient etre hospitalis~s, et que les autres pouvaient ~tre trait~s sans risque en ambulatoire. L'application de ces crit~res anx six patients sus-d~crits aurait permis de valider l'hospitalisation de deux d'entre eux (corticoth~rapie au long cours). Cette ~tude m~riterait d'etre ~valu~e spScifiquement en SU. Fine et coll. [8] n'ont identifi~ que quatre ~tiologies , ~ haut risque ~ : inhalation, pneumonie sur obstacle, pneumonie ~ staphylocoques, ou ~ bacille Gram n~gatif. Dans l'ensemble de notre s~rie, 15 patients r@ondaient ~ l'une de ces quatre 5tiologies <<~ haut risque ,, et ont tous ~t6 hospitalisSs : inhalation (n = 12), obstruction (n = 1) : la n~oplasie pulmonaire a ~t~ de d~couverte endoscopique, le lavage bronchiolo-alv~olaire et les h~mocultures ont isol~ un H. influenz~e s~cr~teur de fl lactamase, P. aeruginosa (n = 1) et S. aureus (n = 1). Autant les deux premieres ~tiologies peuvent etre de diagnostic facile en SU, autant les deux derni~res sont plus difficiles ~ identifier. Nous avons pu sous-estimer la place des bacilles ~ Gram n~gatif et des staphylocoques, faute de pratiquer l'examen cyto-bact~riologique des expectorations, ~ l'instar de nombreux SU franqais [5]. A l'inverse, Fine et coll. [8, 9] ont pu la surestimer. Dans leurs deux s~ries [8, 9], les agents infectieux sont identifi~s ~ partir d'un examen cytobact~riologique des expectorations [8], sans numfiration des polynuclfiaires ou des cellules @ith~liales [9], ou ~ partir d'h~mocultures ou de liquide pleural [9]. Autant le liquide pleural ou les hfimocultures fournissent des r~sultats incontestables, autant l'analyse cyto-bact6riologique des expectorations a une sensibilit~ et une sp~cificit6 plus discutables clans ces conditions de r~alisation [19]. Ce n'est qu'au prix d'une r~alisation rigoureuse, d'un traitement imm~diat et d'une analyse critique, que l'examen cytobact~riologique des expectorations peut etre pertinent dans un SU [3]. I1 est malgr~ tout peu pratiqufi en France, par manque de conviction, ou ~ cause de limitations techniques [5]. Les examens invasifs vis6e diagnostique ont des limitations techniques ~videntes, et des indications limit~es en SU [20]. Quant la valeur pronostique de la nature des germes isol~s, elle n'apparait pas darts deux s~ries tr~s r6centes de pneumonies communautaires graves, of~ la pr6cocit6 d'une antibioth6rapie adapt6e aux germes presumes apparait, elle, pr6dictive de survie [21, 22]. En revanche, une suspicion de tuberculose 6volutive (n = 5, a v e c q u a t r e confirmations bact~riologiques et/ou histologique) ou de pneumonie ~ pneumocoques (n = 9, avec cinq confirmations bact6riologiques) ont conduit (n = 10), ou contribu6 ~ l'hospitalisation (n = 4) de 14 patients des classes I (n = 8) et II (n = 6) de notre s6rie. Apr~s transfert, l'hospitalisation a dur6 14 + 5 jours (extremes : 4 ~ 24 jours). La tuberculose a repr6sent6 la deuxi~me 6tiologie en fr~quence des pneumonies communautaires document~es de notre s~rie. Levy et coll. obtenaient des
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r6sultats similaires, anx urgences de l'hSpital Bichat Paris [3]. L'importance de la tuberculose parmi les ~tiologies des pneumonies communantaires peut etre sous-estimSe dans la mesure of1 la suspicion de tuberculose a parfois constitu~ un crit~re d'exclusion dans certaines s~ries de la litt~rature [1, 13, 23-26]. Parmi les neuf patients chez lesquels ce diagnostic a ~t~ retenu, sept ~taient bacillif~res et donc contagieux ; leur hospitalisation est donc licite. Par contre, l'admission syst~matique de patients suspects de pneumonie ~ pneumocoques est plus discutable. Cette attitude avait ~t~ dict~e par la fr~quence de souches de sensibilit~ limit~e aux fl lactamines dans notre r~gion [27]. Or, aucune de ces souches n'a 5t~ isol~e dans cette s~rie. Une ~tude tr6s r~cente sugg~rait que les th~rapeutiques usuelles restaient efficaces clans cette indication du fait de l'6cart important entre les taux obtenus et les concentrations minimales inhibitrices [28]. En conclusion, la classification de Fine et coll. [8] parait adapt~e ~ la stratification par niveaux de gravit6 des patients pr~sentant une pneumonie communautaire en SU. Une telle stratification a u n int~ret ~vident pour l'~valuation de nouvelles th6rapeutiques [29]. En revanche, elle ne nous semble pas adapt~e son dettxi~rne objectif, l'identification de ceux des patients dont la prise en charge pourrait ~tre ambulatoire sans risque. Elle parait r~v~ler ici ses limites m~thodologiques : effet (( neutralisant, de la douleur pleur~tique, sous-estimation des pathologies assocites et ambiguit~ des ~tiologies <(~ haut risque ,. I1 ne s'agit peut-etre l~ que de l'illustration de recrutements et de modes de fonctionnement diff~rents. Enfin, l'environnement social, les souhaits du patient, des facteurs financiers, la n6cessit~ d'administration de traitement par voie intraveineuse, d'explorations complSmentaires, de kin~sith~rapie respiratoire, repr~sentent ~galement des crit~res d'hospitalisation [16]. Les crit6res de non-hospitalisation des patients porteurs de pneumonie communautaire vus en SU restent ~ d~crire. Une 5tude tr~s r~cente, s'appuyant sur l'~valuation du bien-fond6 de l'hospitalisation, n'a pu les identifier [30].
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