Utilisation des hypnotiques chez l'enfant: Description et analyse

Utilisation des hypnotiques chez l'enfant: Description et analyse

Arch PCdiatr 1999 ; 6 : 625-30 0 Elsevier. Paris MCmoire original Utilisation description des hypnotiques et analyse chez l’enfant : A. PClissol...

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Arch PCdiatr 1999 ; 6 : 625-30 0 Elsevier. Paris

MCmoire original

Utilisation description

des hypnotiques et analyse

chez l’enfant

:

A. PClissolo l, M. Lecendreux *, M.C. Mouren-Simkoni

*

‘Service 2service 75019

75010 Paris 48, boulevard

de psychiatric, de psychopathologic Paris, France

(Requ le 7 avril

hdpitul

Fernandde I’enfint

Widul, 200, rue du FuubourR-Saint-Denis, et de l’adolescent, hdpital Robert-Deb&,

1998 ; accept6 le 15 dkembre

: S&trier,

1998)

Resume Les troubles du sommeil sent une cause frkquente de consultation chez I’enfant d’Lge prtscolaire et conduisent souvent, dans la population franqaise, & la prescription de stdatifs et d’hypnotiques, faisant de cette pathologie un Gritable problkme de santt publique pour cette tranche d’ige. Patients et m&/zodes. - Nous avons &udiC la prise de mtdicaments hypnotiques chez des enfants consultant en milieu hospitalier pour <> et LgCs de I mois ?I 4 ans (23 f 11.3 mois). Deux cent trois questionnaires portant sur les troubles du sommeil et les prises d’hypnotiques des enfants (112 gar$ons et 91 filles) ont ttc remplis par les parents. L’investigation portait egalement sur le sommeil des parents et sur leur Cventuelle prise d’hypnotiques. Rbultats. - Les rkultats montrent que 70 % des enfants ont refu au moins une fois un mCdicament hypnotique pour leur trouble, et ce, quel que soit leur ige. Cette exposition est corkICe avec I’existence d’une consommation d’hypnotiques par les m&es, notamment chez les garqons (odds-ratio = 4,8; l,l-8,7). Ces rksultats confirment I’exposition prkcoce de jeunes enfants B des prises de mkdicaments hypnotiques, avec des schtmas familiaux de consommation influenck surtout par l’attitude maternelle. Conclusion. - Ces donnCes devraient permettre d’identifier des sous-populations ?I risque d’exposition prkoce aux traitements psychotropes. Elles devraient tgalement inciter g developper des strattgies thkapeutiques non mCdicamenteuses. 0 1999 Elsevier, Paris. sommeil

(troubles

du) I insomnie

I hypnotiques

Summary - Use of hypnotics in children. Background. - Sleep disorders are frequent

in pre-school children and in the French population, often leading to the or sedatives. Therefore, this represents an important health problem in this population. Patients and methods. - We studied the hypnotic consumption in children, aged between I month to 4 years (23 2 11.3 months), who complained of insomnia. Parents completed 203 sleep questionnaires including information on the hypnotics consumption of their offspring (112 boys and 91 girls). The questionnaire was also related to the purent’s sleep patterns and hypnotics consumption. Seventy percent of the sample had received medication, at least once before the evaluation, and at any age. A positive correlation between hypnotics consumption in mothers and children, particularly boys (odds-ratio = 4.8; 1.1-8.7) was found. Conclusion. - These data confirm the early exposition to hypnotics of children in the French population, and the existence of a familial pattern of consumption, mostly influenced by the mother. These data should permit the identijcation of subgroups at risk for early exposition and to encourage non-pharmacologic approaches in the treatment of insomnia in young children. 0 1999 Elsevier. Paris.

prescription

of hypnotics

sleep disorders

I insomnia

I hypnotics

and sedatives

Les troubles du sommeil sont une cause frkquente de consultation chez l’enfant d’gge prkscolaire. L’origine des troubles est diverse et peut rkpondre B des facteurs Cducatifs, psychopathologiques, mkdicaux, environnementaux qu’il conviendra d’kvaluer avant toute d&ision thkrapeutique [I]. Les insomnies primaires de

I child

type extrinskque ou environnemental sont les plus frCquentes chez l’enfant de moins de 3 ans et concerneraient 15 2 20 % des enfants de cette tranche d’gge. Ces insomnies sont dCfinies selon la Classification internationale des troubles du sommeil [2] par la difficult6 pour l’enfant B s’endormir sans la prksence

626

A. PClissolo

d’une condition exterieure (trouble des associations a l’endormissement). Ces troubles sont le plus souvent reversibles par une modification des conditions qui les ont crCCs et les entretiennent, et ont un lien Ctroit avec des facteurs environnementaux et comportementaux. Les hypnotiques ne sauraient representer la reponse therapeutique la mieux adaptee a ces troubles et leur prescription de premiere intention est rarement justifree. Prescrits ponctuellement, sur des ptriodes courtes (n’excedant pas 4 semaines et si possible 8 a 10 jours) et sous controle medical strict, ils peuvent presenter un inter&t en association a des regles d’hygittne de sommeil ou a une therapie comportementale. Cependant, leur prescription demeure de pratique t&s courante et pour des durees excedant parfois plusieurs mois. De fait, la consommation de medicaments psychotropes en France est plus importante que dans la plupart des pays industrialids, m&me si ce phdnomene touche en fait l’ensemble des medicaments [3]. L’utilisation des anxiolytiques et des hypnotiques, des benzodiazepines en particulier, est souvent presentee comme excessive et posant un probleme de sank publique dans notre pays. I1 est un fait que ce type de medicament est deux a trois fois plus consomme en France que dans les pays comparables ; environ 5 a 7 % des Franqais les utilisent quotidiennement, et 25 a 30 % occasionnellement sur une an&e [3]. Les raisons de cette consommation importante ne sont pas bien connues, mtme si diverses hypotheses notamment socioculturelles ont CtC formulees. Chez l’adulte, des facteurs de risque associes aux prises d’anxiolytiques et d’hypnotiques ont CtC identifies en France comme a l’etranger [4-61: sexe feminin, age superieur a 60 ans, niveau de morbidite psychiatrique et somatique. Dans certains cas, semblent intervenir des facteurs socio-Cconomiques et familiaux. Les etudes pharmacoepidemiologiques sont plus rares chez l’enfant, mais confirment la prevalence notable de l’utilisation des psychotropes dans differentes tranches d’age. Certains auteurs [7] ont par exemple pu trouver sur 1 an une consommation de medicaments sedatifs chez 15 % des 1 367 enfants de tours preparatoire CtudiCs dans le Bas-Rhin. Egalement en France, quatre etudes menees chez des adolescents suggerent des taux d’utilisation de psychotropes variant entre 17 et 22 % [S-11]. A notre connaissance, une seule etude, ancienne, a CtC publiee sur l’exposition de tres jeunes enfants aux medicaments sedatifs [ 121. Elle Porte sur 1 100 nourrissons et montre que 16,4 % d’entre eux ont recu des sedatifs ou des somniferes (antihistaminiques, barbituriques ou somniferes) avant l’age de 9 mois. Des difficult& de sommeil sont frequemment rapportees par les parents (un enfant sur quatre), mais il est interessant de constater dans cette etude que I’utilisation de &da-

et al.

tifs donnes aux enfants est corklee a diverses difficult& psychologiques rencontrees par les parents et surtout par la mere. Differentes informations confirment done I’exposition importante des enfants aux mtdicaments sedatifs en France, ce qui represente une donnee importante par ses consequences immediates pour les enfants, mais egalement d’une maniere plus g&r&ale et a plus long terme dans une perspective de prevention et de Sante publique. Ces medicaments sont le plus souvent des antihistaminiques (niaprazine, Nopron@ ; hydroxyzine, Atarax@), des phenothiazines antihistaminiques (promethazine, PhCnergan@ ; alimemazine, ThCralene@), voire des phenothiazines neuroleptiques (thioridazine, Melleril@ ; cyamemazine, Tercian@). Les principaux inconvenients des produits derives de la phenothiazine sont ceux des neuroleptiques (dyskinesies aigues, syndrome extrapyramidal, sedation, hypotension orthostatique) et leur prescription necessite un controle medical strict. Leur utilisation doit se faire a la dose minimale efficace, en debutant a une posologie faible et en augmentant par paliers progressifs. Ces substances ont essentiellement un effet antiCveil, mais ne sont pas dtnuees d’effets sur l’architecture du sommeil [ 131. L’absence d’etudes realisees chez l’enfant restreint l’utilisation des hypnotiques et en particulier des hypnotiques non benzodiazepiniques (cyclopyrrolones et imidazopyridines). M&me si les etudes sont peu nombreuses dans ce domaine, il semble fondamental de prendre en compte le role joue par les attitudes parentales par rapport aux consommations precoces de psychotropes. Cela devrait autoriser une meilleure comprehension du probleme de la consommation de psychotropes dans la population generale. Dans cette perspective, nous avons choisi d’etudier les modalites d’exposition aux hypnotiques chez des enfants consultant pour des troubles du sommeil, en recherchant certains determinants cliniques et familiaux. 11 s’agit naturellement d’un Cchantillon non representatif de la population get&ale, qui ne peut autoriser aucune generalisation epidemiologique et qui rassemble des sujets plus particulierement c> et done susceptible de reveler certains mecanismes de man&e plus sensible. OBJECTIFS Cette etude Porte sur les traitements hypnotiques recus par de jeunes enfants montrant des troubles du sommeil. La population est constituee d’enfants vus dans le cadre d’une consultation hospital&e specialisee a l’hopital pediatrique Robert-DebrC a Paris. Les principaux objectifs sont :

Utilisation des hypnotiques chez l’enfant - la description des modes d’utilisation des hypnotiques chez les enfants, avant la consultation spCcialisCe ; - la recherche des dkterminants de cette utilisation, et notamment des interrelations Cventuelles entre la prise d’hypnotiques par les enfants et par leurs parents.

PATIENTS

Nombre de sujets 12

10

ET MkTHODES

Les donnkes ont CtC recueillies A l’aide d’un questionnaire dktaille’ remis aux parents lors de la premikre consultation. Ce questionnaire dCveloppC dans le service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent est destink spkifiquement aux parents des enfants ayant un trouble du sommeil. I1 comporte une partie concernant le sommeil de chaque parent (duke du sommeil, consommation de stimulants ou d’hypnotiques, environnement et habitudes de sommeil) et une partie destinke au sommeil de l’enfant. Celle-ci permet d’obtenir des informations sur les antCcCdents mkdicaux (reflux gastro-oesophagien, intokance aux protkines du lait de vache, apnCes du sommeil...), les rythmes veille-sommeil (sommeil nocturne, siestes), I’environnement de sommeil de l’enfant (chambre k coucher, Mine, objet transitionnel.. .), les interactions au tours de la nuit (interventions des parents, lit partagk.. .), la prise Cventuelle d’hypnotiques. Le questionnaire permet A partir de descriptions symptomatiques prkcises d’approcher les catCgories diagnostiques de la Classification internationale des troubles du sommeil [2]. Concernant la consommation d’hypnotiques des parents, le questionnaire renseigne sur l’existence d’une prise au moins au tours de la vie et de prises Cventuelles au tours des quatre dernikres semaines. Concernant l’enfant, il permet de prkciser si celui-ci a requ un ou plusieurs mCdicaments g vi&e hypnotique, le(s) nom(s) de cc(s) mkdicamerit(s) ainsi que les autres mkthodes thkapeutiques Cventuelles (homkopathie, ostkopathie.. .). D’autres informations sur le mode de vie, la composition de la famille et des informations sociodkmographiques ont Cgalement CtC recueillies. L’Cchantillon CtudiC est constituk d’enfants requs cons& cutivement dans le cadre de la consultation spkialiske dans les troubles du sommeil. 11 comprend 203 enfants (112 garcons et 91 filles), $gCs de 1 g 49 mois (moyenne : 23,0 mois ; &art-type : 11,3 mois), la distribution est prCsentCe sur la figure 1. L’Lge des enfants ne differe pas significativement entre filles et garqons. Concernant les parents, 202 mkres (8ge moyen : 3 1,5 ans ; &art-type : 5,l ; extr&mes : 22-46 ans) et 184 p&es (Age moyen : 33,5 ans ; &art-type : 5,5 ; extr&mes : 23-57 ans) ont rkpondu au questionnaire. Une rkpartition en trois catkgories selon la profession du pbre montre : - 54,3 % d’employks, d’ouvriers et d’artisans ; - 34,l % de cadres moyens, d’enseignants et de techniciens supCrieurs ; - 11,6 % de cadres supkrieurs, de dirigeants et de professions lib&ales.

627

8 6 4

2 0

5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 Ages (mois)

Figure

1.

Histogramme des dges des enfants inclus dans 1’Ctude.

Les conditions de logement sont classkes comme bonnes dans 87,2 % des cas, et comme difficiles dans 12,s % des cas (une seule pike ou deux pikes pour deux enfants ou plus). Les m&es ont en moyenne 1,73 enfant (de un 2 cinq), et les enfants inclus sont le plus souvent les ain& de la fratrie ou enfants uniques (61 %), puis les seconds (29 %), puis les troisi&mes (14 %), avec un rang moyen de I,5 1.

RlhULTATS Sommeil des enfants Les enfants sont dkcrits par leurs parents comme ayant majoritairement des troubles de la continuitk du sommeil (q< insomnie >>, 85 %), et seulement 4 % comme ayant des troubles de la vigilance diurne (cc hypersomnie >>). Sont signalks principalement des Cveils nocturnes (96 %), avec en moyenne trois Cveils par nuit, des difficult& g se rendormir aprks un Cveil nocturne (76 %), des difficult& d’endormissement en dCbut de nuit (64 %), une peur du coucher (35 %). En ce qui concerne les parasomnies les plus usuelles, 47 % des enfants ont eu des cauchemars, 37 % des terreurs nocturnes, 5 % un somnambulisme.

Sommeil des parents Les durCes de sommeil moyennes rapportkes par les parents sent de 7,3 + 1 ,l heures pour les m&es et 7,l f I,0 heures pour les pkres. Les durCes moyennes d’endormissement sont de 18,8 f l&5 minutes pour les m&es, et de 18,5 + 20,l pour les p&es. Les

A. Pelissolo

628 plaintes des parents concernant differents sommeil sont resumees dans le tableau 1.

aspects du

et al. Tableau

I. Plain&

relatives

au sommeil

chez les parents. P2re.7

MPres

CONSOMMATION

D’HYPNOTIQUES

Par les parents Une prise au moins d’hypnotiques au tours de la vie est retrouvee chez 22 % des parents, avec une proportion plus ClevCe chez les femmes que chez les hommes : 2X,1 % versus 155 % (tableau ZZ). La consommation d’hypnotiques par les parents n’est pas like a l’age ni a la categoric socioprofessionnelle. En revanche, on trouve des associations significatives entre la prise d’hypnotiques au tours de la vie et les plaintes actuelles concernant le sommeil : liaison avec les difficult& d’endormissement (odds-ratio = 2,31 ; intervalle de confiance [ICI = 1,07-4,99) et avec les reveils nocturnes (oddsratio = 256 ; IC = 1,37-4,80) chez les meres, et liaison avec la somnolence diurne chez les p&es (odds-ratio = 5,71 ; IC = 2,36-13,81). Les meres rapportant des prises d’hypnotiques ont Cgalement des durees d’eveils nocturnes plus longues que les meres ne prenant pas d’hypnotiques : 27,7 f 41,8 minutes versus 15,O f 27,7 minutes (p = 0,03). Enfin, une prise d’hypnotiques au tours des quatre dernieres semaines est retrouvee chez 7 % des meres et chez 6 % des Peres. Par les enfants Interroges sur les traitements medicamenteux donnes a leurs enfants, les parents signalent au moins une prise d’hypnotique chez 78 garcons (70 %) et chez 63 filles (70,8 %). Le medicament le plus souvent donne aux enfants est la niaprazine (Nopron@), recu par 69,5 % des enfants <
32 92 74 39

Difficult& d’endormissement RCveils nocturnes Reveils matinaux precoces Somnolences diumes

(16 (46 (37 (20

Tableau II. Consommation d’hypnotiques tours de la vie) chez les parents.

35 64 73 24

(au moins

Consommation

de la mere

199

Consommation

du p&e

181

Consommation

de la mere ou du pere

I84

Consommation

de la mere et du p&e

181

Tableau fonction

%) ‘5) %) %)

(19 (35 (40 (13

%) ‘5) %) %)

une prise au

(28:sP%)

(7 :,F%)

(&:%)

(Sb,?%)

(37?%) is (8,3 7%)

(621:%) 166 (91,7 %)

III. Pourcentages d’enfants ayant re$u des hypnotiques de I’existence de troubles du sommeil. Tam de prise d’hypnotiyues

Difficult& a se rendormir Oui Non Troubles nocturnes du comportement Oui Non Terreurs nocturnes Oui Non IC 95 % = intervalle

Oddsrafio

en

IC 95 %

la nuit

de confiance

75,s % 55,3 %

2.5

1.34.9

79,l 58,l

8 %

27

I ,4-S,2

84,l % 62,5 %

32

I ,5-6,8

a 95 %.

Facteurs parentaux associbs aux prises d’hypnotiques par les enfants L’age des parents n’intervient pas dans l’existence d’une prise d’hypnotiques par leurs enfants, de mCme que les categories professionnelles. En revanche, on trouve une relation entre la consommation d’hypnotiques (au moins une prise durant l’existence) de la mere et I’existence d’une prise d’hypnotiques par l’enfant (tableau IV). La consommation Cventuelle du pere n’intervient pas sur celle de l’enfant. Le sur-risque de prise d’hypnotiques lie a la consommation de la mere est significatif chez les garcons (odds-ratio = 4,8 ; IC = l,l-8,7). Une tendance

Utilisation

des hypnotiques

Tableau IV. Pourcentages d’enfants ayant requ des hypnotiques en fonction de la consommation d’hypnotiques (au moins une prise au cows de la vie) des parents.

Consommation par au moms Oui Non Consommation Oui Non Consommation Oui Non

Tuux de prise d’hypnotiques par 1‘enfant

Oddsrutio

IC 95 %

79,7 % 653 %

24

1,0-4, I

82,1 % 66,O %

x4

l,l-5,l

64,X ‘3% 71,o 8

NS

NS

un parent

par la mere

par le p&e

IC 95 % = intervalle

de confiance

a 95 % ; NS = non significatif.

semblable est observee chez ratio = 1,7 ; IC : non significatif), signification n’est pas atteint.

les filles (oddsmais le seuil de

DISCUSSION Ces donnees mettent en evidence les taux Clew& d’exposition aux medicaments hypnotiques chez des enfants tres jeunes et le lien qui apparait entre cette exposition et la consommation d’hypnotiques par la mere. Les troubles du sommeil decrits dans cet Cchantillon de jeunes enfants, avec en majorite une insomnie d’endormissement et des Cveils nocturnes, correspondent aux affections les plus frequemment rencontrees dans cette tranche d’age [14]. Les parents rapportent pour leur part des dukes de sommeil normales, mais avec une qualite de sommeil jugee peu satisfaisante, qui peut etre mise en relation au moins pour partie avec les troubles du sommeil de leur enfant. Leur propre consommation d’hypnotiques est ClevCe, notamment chez les meres, en comparaison des taux observes dans la population g&&ale chez des adultes jeunes. Les prises, en particulier chez les femmes, apparaissent bien en correlation avec les difficult& de sommeil alleguees. Une grande majorite des enfants inclus dans cette etude, aussi bien filles que garcons, a recu des medicaments hypnotiques. I1 s’agit le plus souvent de medicaments antihistaminiques. Le taux de 70 LTOest naturellement beaucoup plus eleve que dans l’echantillon epidemiologique decrit par Choquet et Davidson [ 121. Cela confirme que le recours aux medicaments sedatifs est tres largement utilise, avant mCme une consultation specialisee et ce quel que soit l‘age de l’enfant. Ce resultat souligne Cgalement I’insuffisance

629

chez I’enfant

d’efficacite de ces prescriptions, en tout cas de fagon durable pour les troubles s&&es. L’analyse des facteurs associes aux prises d’hypnotiques par les enfants suggere que les difficult& de sommeil les plus <>(Cveils nocturnes avec difficult& a se rendormir, terreurs nocturnes) conduisent plus facilement a un recours aux medicaments. I1 peut s’agir, m&me si nos resultats ne permettent pas de l’affirmer, des troubles les plus g&ants ou les plus anxiogenes pour les parents. Par ailleurs, la liaison entre taux de consommation de la mere et utilisation d’hypnotiques pour l’enfant est nette. Elle l’est en fait surtout pour les garCons, mais on peut penser que le plus faible nombre de filles incluses et les forts taux de consommation dans I’ensemble de l’echantillon (effet <>) rendent moins detectable cette association. Cette relation, qui va dans le m&me sens que les resultats de l’etude de Choquet et Davidson [ 121, n’avait pas CtC Ctudiee jusqu’a present dans ce type de population. Elle est cependant concordante avec les resultats d’une etude mente dans une population d’enfants et d’adolescents consultant en pedopsychiatrie, chez lesquels la consommation d’anxiolytiques et d’hypnotiques s’est averee correlee significativement a celle de la mere [ 151. L’association retrouvee dans notre etude confirme egalement que des schemas familiaux de consommation medicamenteuse peuvent etre identifies m&me pour des classes de medicaments differents (antihistaminiques pour les enfants et benzodiazepines pour les parents), comme le suggere Cgalement l’etude de Kopferschmitt et al. [7]. Ces resultats indiquent que l’exposition aux medicaments sedatifs est initiee tres precocement chez des enfants ayant des troubles du sommeil et que, comme dans d’autres tranches d’ages et dans d’autres affections, il existe un schema familial de consommation en grande partie determine par l’attitude maternelle. Ces donnees devraient permettre d’identifier des sous-populations a risque d’exposition precoce aux traitements psychotropes. Elles devraient Cgalement inciter a envisager et a developper des strategies therapeutiques non pharmacologiques [ 161 permettant une gestion plus specifique des troubles de la continuite du sommeil du jeune enfant. RtiFfiRENCES 1 Lecendreux M. Troubles du sommeil chez I’enfant et l’adolescent. Encycl MCd Chir (Elsevier, Paris). Psychiatric. 37-200-E38, Pediatric, 4-102-A. 10. 1996 : 6 p. 2 ICSD International classification of sleep disorders : Diagnostic and coding manual. Diagnostic Classification Steering Committee, MJ Thorpy, Chairman, Rochester. Minnesota: American Sleep Disorders Association; 1997. 3 Pelissolo A, Boyer P, Lepine JP, Bisserhe JC. Bpidemiologie de

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Nouvelles b&es n Les

thrombophilies sontelles un facteur de risque d’infarctus cCrCbra1 artCrie1 de l’enfant ?

On appelle thrombophilie l’ensemble des anomalies constitutionnelles ou acquises de I’hCmostase pr6disposant & la thrombose. 11 est bien Ctabli qu’il s’agit d’un puissant facteur de risque de thrombose veineuse c&Cbrale. De multiples observations ont Cgalement CtC rapportCes d’enfants ayant prCsentC un infarctus cCrCbra1 artCrie1 associC & un dCficit en protCines C, S ou en antithrombine III, B une rksistance & la protCine C activee ou B des anticorps antiphospholipides. Une relation coi’ncidente ne peut cependant pas $tre exclue car certaines anomalies sont tr&s courantes : le facteur V Leiden est ainsi prCsent chez 5 B 10 9% des sujets europCens. Dans ces conditions, seules des Ctudes portant sur un nombre important de patients peuvent apporter des rtponses. Certaines ont montrC une association entre thrombophilie et infarctus cCrCbral. Elles sont cependant discutables car ils intkressaient des

populations hCtkrog&nes : sCries incluant accidents artCriels et veineux [I] ou associant nouveau-n& et enfants plus ggCs, chez lesquels les infarctus cCrCbraux ont des spCcificitCs diff& rentes [2]. Une rCcente Ctude a compare’ une population de 67 enfants (nouveaunCs exclus) ayant eu un infdrctus c&Cbra1 artCrie1 & des tCmoins [3]. Une thrombophilie Ctait dCcouverte chez 24 % des enfants au d&ours de l’infarctus. Pour la moitiC, elle avait disparu 3 mois aprbs, posant la question de savoir si le dkficit existait avant ou Ctait secondaire 2 l’infarctus. Les anomalies constitutionnelles reprksentaient ainsi 12 % des enfants dans le groupe infarctus. Ce pourcentage Ctait SupCrieur B celui de la population tCmoin (5,2 %), mais la diff&-ence n’Ctait pas significative @ = 0,19). Les ClCments actuels de la IittCrature ne permettent done pas d’affirmer que les thrombophilies sont un facteur de risque de la pathologie cCrCbrale art& rielle de I’enfant. Elles ne permettent pas non plus de 1’Ccarter car un risque relatif mod&C a pu passer inapercu sur une trop faible population. L’hypothkse actuelle est qu’il s’agit probablement

d’un facteur de risque modeste, qui est major6 lorsqu’il est associC B une autre maladie B risque d’accident vasculaire : cardiopathie ou pathologie arterielle. La recherche d’une thrombophilie est done justifiCe chez un enfant ayant eu un infarctus cCrCbra1 artCrie1, y compris lorsqu’une autre cause est trouvCe. Elle ne suffit en g&&al pas B expliquer I’accident. Les rCsultats doivent &tre interprCtCs avec prudence et contralCs B distance avant d’affirmer le caract&re constitutionnel de la thrombophilie. 1 Ganesan V, Kelsey H, Cookson J, Osborn A, Kirkham FJ. Activated protein C resistance in childhood stroke. Lancet 1996 ; 347 : 260. 2 Becker S, Heller C, Gropp F, Scharrer I, Kreuz W. Thrombophilic disorders in children with cerebral infarction. Lancet 1998 : 352 : 1756-7. 3 Ganesan V, McShane MA, Liesner R, Cookson J, Hann I, Kirkham FJ. Inherited prothrombic states in ischaemic stroke in childhood. J Neural Neurosurg Psychiatry I998 ; 65 : 508. I 1, S. Chabrier H8pital Nord, Saint-fitienne