Valvulopathie réversible et traitement par pergolide

Valvulopathie réversible et traitement par pergolide

© MASSON Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 1, 81-82 81 Brève communication Valvulopathie réversible et traitement par pergolide V. Calomne1, M.J.-M. ...

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© MASSON

Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 1, 81-82

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Brève communication Valvulopathie réversible et traitement par pergolide V. Calomne1, M.J.-M. Dupuis1, T. Muller2, F. Kempinere2 1 2

Service de Neurologie, Service de Cardiologie, Clinique Saint-Pierre, B1340 Ottignies, Belgique.

Reçu le : 11/09/2002 ; Reçu en révision le : 14/02/2003 ; Accepté le : 20/03/2003.

RÉSUMÉ Nous rapportons le cas d’une patiente parkinsonienne qui développa une insuffisance mitrale et aortique ainsi qu’une hypertension artérielle pulmonaire lors d’un traitement par pergolide, réversibles après son arrêt. Quelques observations de fibroses rétropéritonéales et pulmonaires ont été décrites sous pergolide mais jamais de valvulopathies alors que ces dernières ont été rapportées lors de l’usage d’ergotamine. Il pourrait s’agir d’une complication rare liée au pergolide.

Reversible cardiac valve abnormalities with pergolide treatment. V. Calomne, M.J.-M. Dupuis, T. Muller, F. Kempinere, Rev Neurol (Paris) 2004; 160: 1, 81-82.

SUMMARY We report the case of a parkinsonian patient treated by pergolide who developed aortic and mitral regurgitations and pulmonary hypertension. When she stopped the medication, the cardiac symptoms disappeared. Retroperitoneal and pleural fibrosis have been described with pergolide but never valvulopathy until 3 cases reported in December 2002.

INTRODUCTION Des valvulopathies ont été attribuées à divers médicaments comme les anorexigènes (Connolly et al., 1997) et l’ergotamine (Hauck et al., 1990 ; Redfield et al., 1992 ; Austin et al., 1993 ; Flaherty et Bates, 1996). Nous rapportons une observation de plurivalvulopathie réversible survenue sous pergolide, substance D1-D2 dopaminergique dérivée de l’ergot, largement utilisée dans le traitement de la maladie de Parkinson.

OBSERVATION Cas n° 120699. — Une ménagère droitière née en 1929 souffrait d’une maladie de Parkinson traitée depuis 1993 par L-Dopa à libération prolongée et bromocriptine 10 mg 3 fois par jour puis sélégiline depuis 1996. Depuis cette date, elle était également traitée pour une hypertension artérielle par amlodipine (antagoniste calcique) puis bisoprolol (bêta-bloquant). Une première échographie cardiaque transthoracique réalisée en septembre 1997 montra une discrète régurgitation aortique et mitrale avec absence d’hypertension artérielle pulmonaire. Le 14 mars 1998, la bromocriptine fut remplacée par pergolide à raison de 2 mg 3 fois par

jour. En mars 1999, la patiente consulta en cardiologie pour un œdème pulmonaire subaigu qui fut traité par furosémide (diurétique de l’anse) et valsartan (antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II). Une nouvelle échographie cardiaque réalisée alors mit en évidence une régurgitation aortique de grade II à III, une insuffisance mitrale de grade III et une hypertension pulmonaire (43 mm Hg). Le pergolide, seul nouveau traitement, fut remplacé par ropinirole 5 mg 3 fois par jour et l’addition d’entacapone aux prises de L-dopa. En juin 1999, les symptômes cardiaques avaient disparu. Les échographies ultérieures montrèrent alors une régurgitation aortique de grade I à II, une régurgitation mitrale de grade I et une disparition de l’hypertension artérielle pulmonaire. Le suivi jusqu’en janvier 2003 ne montra aucune récidive clinique ou échographique de valvulopathie mais une aggravation modérée des troubles parkinsoniens (grade 3 d’Hoehn et Yahr) avec apparition de dyskinésies améliorées sous amantadine.

DISCUSSION Les dérivés de l’ergotamine, fréquemment utilisés dans le traitement de céphalées ou de la maladie de Parkinson, peuvent induire des fibroses rétropéritonéales (Bowler et al., 1986 ; Herzog et al., 1989 ; Kains et al., 1990 ; Hardy

Tirés à part : M.J.M DUPUIS, Service de Neurologie, Clinique Saint-Pierre, Avenue Reine Fabiola, B1340 Ottignies, Belgique.

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et al., 1991) et pulmonaires ainsi que des valvulopathies (Hauck et al., 1990). Avant l’instauration du pergolide, la patiente a été traitée 5 ans par la bromocriptine, autre dopaminergique dérivé de l’ergotamine pour lequel aucune valvulopathie n’a jusqu’à présent été rapportée. Moins d’un an après le remplacement de la bromocriptine par le pergolide, les symptômes cardiaques attribuables aux valvulopathies sont apparus. Sous pergolide, seules des observations de fibroses rétropéritonéales (JiménezJiménez et al., 1995 ; Mondal et Suri, 2000), pulmonaires (Danoff et al., 2001) ou associées (Shaunak et al., 1999) ont été rapportées. La chronologie d’apparition et de disparition de cette plurivalvulopathie, parallèlement à l’instauration et à l’arrêt du pergolide, conduit à suspecter la responsabilité de ce médicament. Selon l’échelle d’imputabilité française, l’imputabilité intrinsèque est de I3 (vraisemblable) et extrinsèque B2 (Montastruc et al., 1999). Le rapport causal ne pourra être établi que par la survenue d’observations similaires s’ajoutant à celle-ci ainsi qu’aux 3 cas publiés par Pritchett et al. (2002) dont 2 ont nécessité une chirurgie de remplacement valvulaire.

CONCLUSION La survenue de valvulopathies sous dérivés de l’ergot de seigle est une complication rare potentiellement réversible à l’arrêt du traitement.

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