Congrès STC 2014 Introduction L’ANSM a sollicité le comité de coordination de toxicovigilance (CCTV), pour réaliser, à partir des données des centres antipoison et de toxicovigilance (CAP-TV), une analyse des cas graves d’intoxication impliquant les spécialités contenant de la colchicine. Méthodes Analyse des cas d’exposition à un agent contenant de la colchicine recensés entre janvier 2000 et juin 2011 dans le système d’information des centres antipoison et évaluation de la gravité des cas. Résultats Mille trois cent vingt-neuf (1329) cas d’exposition dans lesquels la colchicine était mentionnée ont été identifiés, parmi lesquels 750 étaient symptomatiques (56 % versus 35 % pour tous médicaments confondus, p < 0,001). Après exclusion de doublons 64 cas graves et 39 décès ont été identifiés soit, pour les décès, dix fois la proportion calculée pour les expositions tous médicaments confondus (p < 0,001). Les incidences des expositions, des cas symptomatiques, des cas graves et des décès, ajustées sur l’activité des CAP-TV, ont augmenté régulièrement depuis 2006. Cette tendance persistait après ajustement sur les chiffres de vente. Le nom de la spécialité était connu dans 85 % des cas. Après un double ajustement (activité des CAP-TV et volume de vente de chaque spécialité), les incidences des expositions étaient plus élevées pour le Colchimax® que pour la Colchicine Opocalcium® . La proportion globale de cas graves (6,5 % versus 3,5 %) montrait une sévérité plus élevée avec la Colchicine Opocalcium® qu’avec le Colchimax® (p = 0,03). La proportion de décès était également plus élevée avec la Colchicine Opocalcium® : les expositions au Colchimax® évoluaient 2 fois moins souvent vers le décès (différence à la limite de la significativité (p = 0,055), car les effectifs sont faibles). Vingt-six patients graves avaient un inhibiteur du CYP3A4 ou de la P-gp associé et 8 une insuffisance cardiaque et/ou rénale. Le nombre d’expositions dans un contexte de type erreur thérapeutique était majoritaire, 575 cas (43 %), mais c’est à la suite d’une exposition volontaire, 439 cas (33 %) que les cas symptomatiques (45 %), les cas graves (61 %) et les décès (67 %) étaient les plus fréquents. Les intoxications volontaires par la colchicine étaient graves dans 39 cas (9 %) et évoluaient vers le décès dans 26 cas (6 %). La dose supposée ingérée (DSI) connue dans 29 de ces 39 cas variait entre 10 et 360 mg. La DSI rapportée au poids était connue dans 22 cas et extrapolable dans 7 cas. Dans 22 cas graves, elle était inférieure ou égale à 0,8 mg/kg, parmi lesquels 13 décès. Conclusion Le nombre annuel de cas d’exposition, de cas symptomatiques, de cas graves et de décès a augmenté lentement durant la période d’étude. La sévérité est plus élevée avec la Colchicine Opocalcium® qu’avec le Colchimax® , mais la durée des traitements, les pathologies et les médicaments associés ne sont pas toujours connus. Les intoxications volontaires graves sont survenues dès l’absorption d’une boîte (20 mg), avec une évolution vers le décès aussi fréquente que pour les DSI plus importantes, mais cette approche ne tient pas compte des co-facteurs de risque (coingestion, âge, antécédents cardiovasculaires). Pourtant, des décès sont survenus pour des DSI < 0,8 mg/kg, sans qu’un facteur favorisant soit détecté. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer la survenue ou l’augmentation de cas graves et de décès : notification plus systématique des cas graves aux CAP-TV, prise de Colchicine Opocalcium® , association plus fréquente avec des agents susceptibles d’aggraver la toxicité tels les inhibiteurs du CYP3A4 et de la P-gp, patients plus âgés, pathologies sous-jacentes, prescription hors AMM (péricardite, vascularite cutanée des vaisseaux de petit calibre, purpura rhumatoïde. . .). Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2015.04.016
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Veille et sécurité sanitaire des toxiques : missions des centres antipoison J.M. Sapori Centre Antipoison de Lyon, Hospices Civils de Lyon, France Adresse e-mail :
[email protected] Les centres antipoison (CAP) ont été créés en France dans les années 1960. Ils sont actuellement 9, répartis sur le territoire : Angers, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Strasbourg et Toulouse. De nombreux textes réglementaires encadrent les missions et moyens des CAP : décret du 17 septembre 1996 relatif aux missions et moyens des centres antipoison, arrêté du 18 juin 2002 relatif au système informatique commun des centres antipoison. . . jusqu’au dernier décret du 14 février 2014 « relatif à la toxicovigilance (TV) », ce dernier établissant la déclaration obligatoire des cas de TV par les professionnels de santé. Un CAP est constitué d’une unité de réponse téléphonique à l’urgence (RTU) et d’une unité de toxicovigilance (TV). Il y a une intrication forte entre ces 2 unités : les données issues des appels rec ¸us en RTU sont exploitées dans le cadre de l’activité de TV, les analyses et expertises issues de la TV venant à leur tour enrichir et guider la réponse assurée dans le cadre de la RTU. C’est la seule vigilance ouverte h24/365 j (avec une garde hospitalière sous la responsabilité de médecins toxicologues), cette RTU participant à l’aide médicale urgente en lien avec les SAMU/centres 15. Chaque CAP couvre un territoire de compétence étendu (à l’échelle d’une zone) et traite quotidiennement un volume d’appels important (ex. du CAP de Lyon, avec 24 747 appels traités en 2013, soit près de 70 appels/j). Les centres antipoison utilisent une base de données en réseau national, le SICAP (système informatique commun des centres antipoison, depuis fin 1999). Tous les appels rec ¸us sont saisis au sein d’une base nationale des cas d’intoxications (BNCI), base de données conséquente (plus de 2 300 000 dossiers) exploitable pour des analyses et extractions (chaque appel étant structuré en des champs précis et des items codifiés au sein de thesaurus, des recherches multicritères peuvent donc être facilement réalisées via un Infocentre). Par ailleurs les CAP ont accès à la base nationale des produits et compositions (BNPC), qui comprend les informations relatives aux préparations disponibles sur le marché, aux substances les constituant et à tout agent susceptible de donner lieu à un appel aux CAP. L’activité des CAP se singularise de par : — la polyvalence de la typologie des appels : adultes, enfants, femmes enceintes. . ., expositions aiguës ou chroniques. . . individuelles ou collectives. . . intoxications volontaires (tentatives de suicides, toxicomanies, soumissions chimiques, actes criminels, terrorisme. . .) ou accidentelles (accidents de la vie courante, accidents professionnels, pollutions, erreurs thérapeutiques, effets indésirables médicamenteux ou non, incendies, jardinage/bricolage/ménage, alimentaires. . .). . . mais également des demandes de conseils ou de prévention ; — la polyvalence des appelants : public (intoxiqués, parents, amis, voisins. . .), professionnels de santé (services d’urgences, SAMU, généralistes, spécialistes, médecins du travail, légistes, infirmières, pharmaciens, vétérinaires, EHPAD. . .), autres professionnels (industrie, artisanat, milieu scolaire, prisons, agriculture. . .). . . ; — la multiplicité des produits concernés : médicaments humains (franc ¸ais, étrangers, en vente libre, achats sur Internet) ou vétérinaires, parapharmacie, cosmétiques, produits ménagers ou de bricolage, phytosanitaires, produits industriels, CO, stupéfiants, champignons, plantes et baies, insectes, reptiles, animaux aquatiques. . . et même les agents C de la menace NRBC. Les CAP travaillent en réseaux : réseau locorégional avec ses partenaires institutionnels usuels (SAMU, services d’urgences et de réanimation, laboratoires de toxicologie, instituts médico-légaux. . .
130 ARS, DDPP. . .), réseau national avec les 9 centres antipoison et les agences sanitaires (InVS, ANSM, ANSES) au sein d’un comité de coordination de toxicovigilance (CCTV), réseau international enfin avec l’association européenne des centres antipoison (EAPCCT). Les liens sont en particulier très étroits avec les Agences régionales de santé (CRVGS, CIRE, service zonal de défense et de sécurité sanitaire. . .), avec la transmission de signalements, d’alertes, la réalisation d’expertises. La toxicovigilance assurée par les CAP consiste à assurer une surveillance à partir des données du SICAP : surveillance temporelle, géographique, par toxiques (champignons, hyménoptères. . .), l’analyse de signaux dans un but de signalements et d’alertes, l’élaboration de rapports. . . Ce travail se fait en liens avec les autres vigilances (donnant lieu à certains signalements « intervigilances ») : pharmacovigilance, addictovigilance, matériovigilance, cosmétovigilance, maladies à déclaration obligatoire (TIAC), nutrivigilance, pharmacovigilance vétérinaire. . . Le CAP à travers ses 2 composantes (la RTU et la TV) est donc un acteur très impliqué au niveau local/régional/zonal/national, dans la veille et sécurité sanitaire (VSS). Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2015.04.017 16
Stratégie de gestion des stocks d’antidotes hospitaliers : état en zone sud-est/gestion informatique J.M. Sapori 1,∗ , F. Peyronnard 2 , J.C. Gallart 3 Centre Antipoison et de Toxicovigilance de Lyon, Hospices Civils de Lyon, France 2 Service Zonal de Défense et Sécurité, Agence Régional de Santé Rhône-Alpes, Lyon, France 3 Centre Antipoison et de Toxicovigilance de Toulouse, CHU Purpan, Observatoire Régional des Urgences de Midi-Pyrénées (ORU-MiP), Toulouse, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.M. Sapori)
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Les établissements de santé siège de SAMU ont été dotés de malles d’antidotes (2 ou 4 malles prenant en charge 15 victimes chacune). Ces dotations sont dénommées moyens tactiques. Le plan zonal de mobilisation (PZM), préparé par le directeur général de l’ARS de zone et arrêté par le préfet de zone a pour objectif de proposer une organisation sanitaire à l’échelle de la zone de défense et de sécurité pour faire face aux situations sanitaires exceptionnelles. Dans ce cadre, il doit notamment identifier les modalités de mobilisation des moyens tactiques au sein de la zone et donc de ces malles. Toutefois, ces dotations tactiques d’antidotes ne permettent pas de répondre à l’ensemble des situations, en particulier en utilisation quotidienne. Dans ces conditions, les toxicologues des réponses téléphoniques à l’urgence des CAP-TV qui sont parfois en situation de recommander l’utilisation d’un antidote, peuvent se retrouver en difficulté en raison d’une zone de compétence étendue à plusieurs régions administratives (de 2 à 4) et d’une insuffisance de connaissance des disponibilités locales en antidotes. Cette problématique est d’autant plus importante que l’on s’intéresse à des antidotes rares ou onéreux. Par ailleurs les CAP-TV sont parfois sollicités par les responsables des établissements de santé pour être conseillés sur la constitution de stocks d’antidotes, voire sur leurs utilisations en cas de situations sanitaires exceptionnelles (intoxications collectives, attentats NRBC. . .). On peut donc remarquer qu’il existe une certaine autonomie dans la constitution locale de ces stocks en antidotes.
Congrès STC 2014 Afin de disposer d’une vision régionale, le CAP-TV de Lyon a interrogé l’ensemble des établissements de santé de la zone sud-est (régions Rhône-Alpes et Auvergne) ayant un service d’accueil et d’urgences, sur leur stock de certains antidotes, assez rares ou onéreux. Les 10 antidotes ciblés étaient : Fomépizole, Légalon, Cyanokit, Viperfav, Digifab, Contrathion, bleu de méthylène, Desféral, Succicaptal, Radiogardase. Les résultats ont montré une grande hétérogénéité des stocks existants, certains établissements étant très faiblement dotés. Cette disparité conduit à s’interroger sur l’intérêt d’une stratégie globale de stockage au sein de la zone et de la nécessité d’une cartographie des stocks existants pour favoriser les recours entre les établissements de santé. Une réponse à ces différents points peut être apportée par le Site de LOcalisation et de Gestion des ANtidotes (SLOGAN). Ce site créé par le CAP-TV de Toulouse et actuellement porté par l’ORU-MiP en collaboration avec l’OMEDIT Midi-Pyrénées, est alimenté localement par le gestionnaire de l’établissement. Il est consultable par le toxicologue en RTU sous forme de tableaux ou sous forme de cartographie dynamique permettant alors une visualisation des stocks notamment sur tout le territoire de compétence et plus particulièrement autour du lieu de l’intoxication. Cette visualisation est aussi accessible à l’administrateur territorial qui est alors un interlocuteur des agences sanitaires en cas de crise. Il constitue d’abord un outil d’aide à la régulation toxicologique en optimisant la prise en charge des patients aussi bien en pré-hospitalier, en adaptant l’orientation, que lors de son admission aux urgences. Il peut aussi permettre d’adapter progressivement les stocks et de limiter la destruction des périmés par l’option d’une utilisation régionale. Dans l’optique du PZM cet outil est susceptible d’accueillir les données des stocks tactiques mobilisables et leur localisation en cas de situation exceptionnelle. Comme nous venons de le voir, la connaissance des stocks d’antidotes est une donnée à appréhender en amont de toute situation individuelle ou collective de fac ¸on à prendre en charge le patient de fac ¸on optimale ou d’être en capacité à gérer tout événement collectif toxique. Déclaration d’intérêts Un des auteurs (J.M. Sapori) déclare avoir été consultant pour les laboratoires SERB dans le cadre de l’élaboration du dossier d’AMM du Radiogardase. http://dx.doi.org/10.1016/j.toxac.2015.04.018 17
Étude CANHAIRKID : évaluation des analyses capillaires dans le diagnostic d’exposition significative des enfants au cannabis M. Winckel , J.-M. Gaulier ∗ UF de Toxicologie Biologique et Médico-légale, Service de Pharmacologie, Toxicologie et Pharmacovigilance, Bâtiment CBRS, CHU de Limoges, 87042 Limoges, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.-M. Gaulier) Introduction Aujourd’hui en France, la forte proportion de consommateurs réguliers de cannabis dans la tranche des 18—34 ans pose le problème de l’exposition de leur entourage proche, en particulier de leurs enfants, qui : — encourent un risque d’intoxication aiguë accidentelle par ingestion directe de produits cannabiques (résine, « space cakes ». . .) et à ce titre, l’ingestion accidentelle aiguë de produits cannabiques par le jeune enfant est devenue un motif non exceptionnel d’admission aux urgences pédiatriques ; — subissent une exposition environnementale passive chronique (fumées, contamination environnementale, transfert manuporté. . .). Cette étude a pour objectif d’évaluer la performance diagnostique de la recherche capillaire de cannabinoïdes (biomarqueur non