Action de la ribonucléase sur le développement embryonnaire des batraciens

Action de la ribonucléase sur le développement embryonnaire des batraciens

Experimental 338 ACTION DE LA RIBONUCL&ASE EMBRYONNAIRE Laboratoire Cell Research 9, 338-347 SUR LE DGVELOPPEMENT DES BATRACIENS I. EXPGRIENCES...

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Experimental

338

ACTION

DE LA RIBONUCL&ASE EMBRYONNAIRE

Laboratoire

Cell Research 9, 338-347

SUR LE DGVELOPPEMENT DES BATRACIENS

I. EXPGRIENCES

DE MICRO-INJECTION

L. LEDOUX,

CLERC

de Morphologie

J. LE

(1955)

animale,

et J. BRACHET

Universite’libre de Bruxelles,

Reap le 16 fkvrier,

Belgique

1955

DAKSle

but d’ktudier le r61e 6ventuel des enzymes nucl6olytiques au tours du dkveloppement embryonnaire, nous avons soumis des aeufs d’Amphibiens (pleurod&le, axolotl, grenouille rousse) B des micro-injections de diverses prhparations enzymatiques (ribonuclCase active ou inactivke par oxydation et ur6ase). Nous avons suivi le dkveloppement ult@rieur des ceufs ainsi trait& et CtudiC, par des mkthodes cytochimiques, les modifications intracellulaires. Avant d’exposer nos rksultats, rappelons que Thomas, Rostand et Grkgoire [9 ] ont signal6 qu’il est possible de bloquer le d6veloppement embryonnaire en piquant des ceufs indivis au moyen d’un stylet trempC dans une prkparation de ribonuclCase. D’autres enzymes, la dksoxyribonuclkase, la trypsine et la pepsine notamment, ont 6th kgalement essay&s par ces auteurs, saris qu’aucun cffet n’ait pu &tre observk Nos rksultats confirment ces conclusions tout en prkisant que seule la ribonucl6ase re’duife agit sur le dkveloppement embryonnaire et que cette action depend done Etroitement des propriktks nuclkolytiques de la prot&ne utilisee. Le present travail a pour but de dkrire en d&ails les r6sultats que nous avons obtenus et qui ont fait d&jja l’objet d’une note prkliminaire [4]. MATERIEL

ET MtiTHODE

Now avons utilis6 des aeufs d’Amphibens (pleurodkles, axolotls et grenouilles rousses) en voie de segmentation. La ribonuclkase (RNase) rkduite a CtC pr6parCe par chromatographie sur amberlite IRC 50 & partir de RNase commerciale (GBI). La fraction D, que l’un de nous a d&rite pr&demment [3], a CtB utilisCe. La ribonuclkase oxydke, qui a CtCemployCe & titre de tbmoin, a CtCprCparCe de deux facons diffkrentes: lo. Les fractions 0, A, B et C, obtenues par chromatographie [3] ont CtCrassembl6es et oxydkes en prCsence d’eau oxygCnCe dans des conditions deuces [2]. 2O. Nous avons aussi trait6 par de l’eau oxyg6nCe la fraction D rkduite. C’est cette prkparation qui a servi de tCmoin dans la plupart des expbriences d&rites ci-dessous. Experimental

Cell Research 9

Ribonucliase et dekeloppement embryonnaire

339

L’urCase utilisCe Ctait un produit Roche. Les r&a&ifs mindraux Ctaient tous des produits pour analyse (Merck ou U.C.B.). Les injections dans les ceufs ont CtC effect&es A l’aide d’un micromanipulateur de Fonbrune, sous une loupe binoculaire, au moyen de micropipettes de verre CtirC, de diam&re Cgal A 0.01 mm environ. Les volumes utilisCs 6taient de 0.02 ~1. La reproductibilitC dtait de 5 % environ: nous avons pu nous en assurer en injectant des solutions radioactives de radioactivitt! spCcifique connue dans les oeufs. Nous avons done pu dCterminer avec prCcision la quantitC d’enzyme introduite dans la cellule; cette quantitB sera exprimCe, dans le prCsent travail, en moles/ceuf. Selon le cas, les injections ont BtB effect&es avant le dCganguage des ceufs (grenouilles rousse) ou apr&s celui-ci (pleurod&les ou axolotls), de telle sorte que la cicatrisation soit immCdiate et les extra-ovats peu importants. Les ceufs ont CtC fix& au Zenker et des coupes sCriCes alternes ont Ct6 prCparCes et color&s respectivement ti 1’Unna et au Feulgen. R&S ULTATS

Examen Morphologique PleurodtYes. - Deux cents ceufs de pleurod&les ont 6th inject&. Ces aeufs provenaient de 5 pontes diff6rentes. Le tableau ci-dessous rkume nos observations. Les stades de la segmentation sont exprimks selon la table de Shumway [5]. TABLEAU

-

Quantitt! inject6e (moles/ceuf) i 7

Etat de I’ceuf au moment de l’injection (2) croissant gris . . . (2) teuf indivis . . .

(3) . .

. .

RNase oxydke

Urkase

-

(2) . . . . . . (2) . . . . . . . (3) 2 blastomkres

I

T-

RNase

-

rCduite

(7) 32 blastom6res

10-12

(2) (2)

10-10

(7) (7) (4)

10-12

10-10 10-18

(5) 8 blastom&res

10-20

(7) (7)

10-10

1O-12

i

-

Remarque: au stade 2 blastom&res inject& dans 1 blastom&re seulement.

(6) 16

-

10-l’ 1O-18

-

((3) dans la nomenclature

blastomeres (6) (7) -

de Shumway), Experimental

ce

stade 100 100

(7)

10-12 10-15

(3) . (3) . . . . (3) . . . . . (4) 4 blastomhres. . (4) . . . , (4) . . . . . , (4) . . . .

d’aeufsat-

teignant

-

10-10

. . . .

Pourcentage

DCveloppement max. atteint en 24h

100 100 100 95 10 20 60 100 100 90 100

les ceufs ont 6t6 Cell Research 9

340

L. Ledoux, J. Le Clerc et J. Brachet TABLEAU

II

-

-

Quantitd injectee (moles/muf)

-

Etat de l’ceuf au moment de l’injection

Urease

(2) (2) (2) (3) (3) (3) (3) (3) (3) (3) (3) (3) (3) (4)

......... ......... ......... ......... ......... ......... 2 blastomeres ... (1 blast. inject@ ......... ......... ......... ......... ......... 4 blastomeres ... (2 blastomeres inject&)

Etat de l’ceuf au moment de l’injection

A-

L

10-18 10-12 10-1s 10-1s 10-10 10-12

.

100 30 90 20 50 100 100 100 95

(f-9 10-18 1O-14

d’mufs atteignant ce stade 100

(7) (7) (3) (7) (4) (5) (8) jeune blastula

lo-‘1

(3) - (2) 112 (3)

112 (8) 10-16 10-10

104 -

I-

TABLEAU

10-12 III

Quantite injectee (moles/ceuf) -

Urease

-

RNase oxydee

RNase reduite

-

(8) (8) (8)

(3) - (2)

-

-

Developpement max. atteint en 24h -

(2) (2) (2) (2) (2) -

-

-

(3) (7)

1Pourcentage d’ceufs atteignant ce stade 100

(7) - (8) jeune blastula (7) - (8)

1 O-12

100 100 100

-

-I_

10-l@

90

112 (4)

l/2

(2) croissant gris ... ceuf indivis .... ......... ......... ......... ......... ......... ......... .........

-

RNase reduite

10-10

-

(2) (2) (2) (2) (2) (2) (2) (2)

RNase oxydee

1Pourcentage

Ddveloppement max. atteint en 24h

-

-

95 100 100 100 100 100 20 85

On voit que ni la RNase oxydCe, ni l’urhase n’ont d’effet retardateur. La ribonuclCase rkduite, seule, bloque le dheloppement A des concentrations extremement faibles. Axolotls. - Cent cinquante ceufs, provenant de 3 pontes diffhentes, ont CtC inject&. Le tableau ci-dessous rCsume les rhsultats obtenus. Experimental

Cell Research 9

Ribonucltfase ef dheloppement embryonnaire

341

Les resultats obtenus sont cornparables a ceux qui ont et6 observes sur les Pleurodeles. Ici aussi, la RNase reduite, exerce seule une action inhibitrice nette sur la segmentation. Grenouilles rousses. - G&e a la resistance B l’injection particulierement grande, ces czufs se sont montres &tre un materiel de choix. Nous avons inject& environ 500 ceufs de grenouilles rousses et nous les avons soumis a un examen morphologique et cytochimique. Le tableau III exprime les resultats don&s par l’examen morphologique exterieur. Les microphotos 1, 2, 3, 4 et 5 illustrent les resultats des injections effectuees dans les ceufs indivis. Les microphotos 6, 7, 8 et 9 montrent I’action de la ribonuclease oxydee ou reduite quand I’injection est effecttree au stade 2, dans un blastomere seulement. On voit que les resultats obtenus montrent a nouveau que seule la ribonuclease re’duite agit sur le developpement embryonnaire. Passons maintenant aux resultats obtenus a l’echelle cytochimique.

Examen cytochimique Les ceufs fixes 12 heures apres l’injection presentent parfois des vacuoles precytolytiques. Ces vacuoles se rencontrent surtout dans les ceufs inject& de RNase reduite. I1 existe done un net debut de cytolyse des ozufs lorsque leur developpement est arrCtC depuis plusieurs heures. D’une facon generale, tous l’es aeufs trait&s a la ribonuclease reduite presentent des anomalies nucleaires Cvidentes : les noyaux sont gonfles et ils contiennent de nombreuses petites masses fortement colorees en rouge a 1’Unna; il semble bien s’agir de petits nucleoles. Les ceufs trait&, au stade deux, par de la RNase reduite concentree (lo-r4 moles/ceuf) montrent des sillons en voie de disparition et une nette degenerescence des figures achromatiques. Cet effet sur le fuseau et les sillons s’estompe au fur et a mesure que la quantite de RNase inject&: diminue. Les morulas partielles obtenues avec des concentrations de RNase inferieures a lo-l4 moles sont normales et les mitoses sont nombreuses dans la par-tie qui s’est segmentee; dans l’autre moitie, on trouve un ou plusieurs noyaux gonfles, a chromatine dissCminCe ou rejetee a la periphesie. Dans les aeufs inject& au stade indivis, on remarque une attenuation des malformations a mesure que la quantite de RNase injectee diminue : les oeufs inject& de 10-l* moles de RNase se sont divises, mais les sillons sont en voie de regression; les noyaux sont gonfles et exagerement color& a la pyronine. 22* - 553705

Experimental

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L. Ledoux, J. Le Clerc et J. Brachet A lo-l0 moles/ceuf, les mitoses sont nombreuses et elles paraissent normales. Les divisions sont cependant moins nombreuses que chez les tkmoins. A des concentrations plus faibles encore, l’effet est nul. La figure 10 donne un exemple des anomalies nucleaires observdes aprits coloration des coupes a I’Unna. DISCUSSION

ET CONCLUSIONS

Nous avons done pu vCriIier les resultats de Thomas, Rostand et Gr6goire [9] qui avaient observe un blocage des ceufs indivis apres micro-injection de preparations de ribonuclease relativement pures. Rappelons que, dans ces conditions, les auteurs n’ont observe aucun effet dix a la desoxyribonucldase, la pepsine ou la trypsine. Nous avons Ctabli, de plus, que seule la ribonuclease reduite a un effet sur la segmentation. Cet effet n’est pas uniquement dQ a la presence de groupes sulfhydriles (peu reactifs) au niveau de cet enzyme [2], puisque I’mCase, autre enzyme -SH, n’a pas d’action sur le developpement de l’cfuf. Comme la ribonuclease oxydee ne provoque aucun effet, m&me a des concentrations 107 fois superieures a la concentration effective minimale de RNase rkduite, nous pouvons en conclure que l’effet n’est pas dii a la prCsence de la prote’ine ribonuclease, mais bien A celle de l’enzyme actif. Comme, de plus, les preparations de RNase utilisees prksentaient toutes les garanties de purete dtkirables, l’action observee ne peut Ctre due a la presence d’une impurete quelconque : une telle impuret6 serait, d’ailleurs, au concentrations faibles utilisees, a coup stir inoffensive. 11 est evident que l’interpretation actuelle des phenomenes observes n’est guere facile : il ressort de l’examen cytochimique que la ribonuclease exerce une action semblable a celle d&rite par l’un de nous dans le cas du dinitrophenol [ 1 ] ( arr&t de la division, gonflement des noyaux); elle agit, cependant, a des concentrations incomparablement plus faibles. 11 se peut toutefois que cette analogie soit purement fortuite et il faudrait etablir si la RNase entrave, comme le dinitrophenol, les phosphorylations oxydatives avant de conclure. 11 est difticile d’imaginer en quoi consiste l’action de l’enzyme a des concentrations aussi faibles : in vitro, de telles doses n’auraient,

Fig. Fig. Fig. Fig.

1. 2. 3. 4.

(Euf (Euf (Euf CEuf

Experimental

inject6 au stade indivis, de lo-la moles inject6 au stade indivis, de lo-lo moles inject6 au stade indivis, de lo-” moles inject6 au stade indivis de lo-l8 moles Cell Research 9

de ribonuclkase d’urbase. de ribonuclkase de ribonuclkase

oxyd6e. r6duite. rkduite.

Hibonucle’ase et de’veloppemellt e:nbr!lonnaire

343

Experimental

Cell Kesearch 9

KibonrtclCase et de’ueloppement embryonnctire

I:ig. !). CEuf inject6 au stade 2 blastomhs, 1Wz5 moles de ribonuclkase ri?duite.

345

de

en cfrct, pas d’clfct apprkiable sur la ddpolym~risation de I’ARS. Dans ccs conditions, on peut se demander si la pr&~ncc de traces dc ribonucldaw dans l’organisme aus premiers stades de la segmentation nc catalyscrait pas la lib&ration intracellulaire de substances toxiqucs pour le dCvelopprmcnt ultkicur. On ne peut dire actuellement si ccs substances tosiques sont constitu6es par d’autrcs enzymes ou par de la ribonucl6asc lib&k h partil d’un lkcurscur (ou h partir d’un complesc nuclkprot@ique prkaxistant). I)cs cxp&-iences rkcntes de Hultin et Lundblad [6] et de Roth [7] ont, cn cffct, montr@ quc la RNase peut libker ou activer, dans des homogknats 011 des poudrcs scTl1es d’o?ufs, des enzymes hydrolytiqucs tels que dcs l)rotCases ou de la d6soxyribonuclCase. I1 cst done probable que l’injection de RNase met en route toutc uric I1 se pourrait aussi que les chainc dc rdactions chimiques et biologiques. molkwles de la GbonuclCase inject& se fixent sClcctivcnicnt sur un centrc

l:ig. Fig. Fig. Fig.

5. 6. 7. 8.

CEuf CEuf CEuf (Euf

inject6 inject6 inject6 inject6

au au au au

stadc stade stade stade

indivis, de lo-20 moles 2 blastomhres, de lo-12 2 blastomhes, de lo-l2 2 blastomhes, de lo-l4

de ribonuclCase rkduitc. moles de ribonuclCase oxydke. moles de ribonuckase rCduite. moles de ribonucl&asc rkduite. Experimental

Cell Research 9

I,. Ledom, .J. Le Clerc et J. Rrachet

l;ig. 10. Coupe (color&e A 1’Unna) montrant

l’action

de la ribonurkhse

SW le noyau de l’wuf.

actif (mcmbranc crllulaire ou fuscau, par exemple) et que cettc fixation suffisc :I lnovoqner lc blocagc de la division. Des expdricnces elfectuks h l’aide de preparations de ribonuclease marquee par de l’iodc radioactif [*i] moment que la ribonuclease reduitc se fixc &lcctivcmcnt sur Its mitochondrics. La ribonucl6asc oxydde ne presente, au contraire, pas de lieu de fixation defini. On pwt (16s lnrs imaginer clue la for-me reduite de l’enzyme, en s’accolant aux mitochondrics (par des groupes non disponibles dans le cas de la formc oxytlk) cmpkhe ces derniitres de remplir lcurs fonctions normales et de cc: fait paralysc lcs processus mitotiques : il en resulterait, par exemple, une inhibition du couplage entrc lcs phosphorylations et les oxpdations, cc qui

RibonucEase et de’veloppement embryonnaire

347

expliquerait la similitude des effets cytologiques et cytochimiques provoques par la RNase reduite et par le dinitrophenol. Des recherches ulterieures sont, de toute evidence, necessaires pour Clucider ces questions; mais, de tome faqon, il est hors de doute que la ribonuclease, une fois introduite dans la cellule, constitue un inhibiteur t&s puissant de l’activite mitotique, m&me a des doses extremement faibles.

Des oeufs d’amphibiens en voie de segmentation, ont et@ soumis a des micro-injections d’urease. de ribonuclease active ou inactivee par oxydation. La ribonuclease reduite, seule, a montre une action inhibitrice nette sur la segmentation, a des concentrations de l’ordre de lo-l5 moles par ceuf. L’examen cytochimique des embryons bloques a rev& un gonflement des noyaux, charges de petites masses fortement colorables a la pyronine; les ceufs trait& au stade 2 blastomeres presentaient une regression des sillons et une degenerescence des figures achromatiques. Ni la ribonuclease A l’etat oxyde, ni l’uritase, autre enzyme a groupe -SH n’ont inhibe les divisions cellulaires : la ribonuclease, sous sa forme enzyme actif, est done responsable du blocage de la segmentation. Le r61e joue par la ribonuclease au tours des phenomenes observes, est discute. BIBLIOGIUPHIE 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.

BRACHET, J., Experientia 7, 344 (1951). LEDOUX, L., Biochim. et Biophys. Acta 13, 121 (1954). --ibid. 14, 264 (1954). LEDOUX, L., LE CLERC, J. et VANDERHAEGHE, F., Arch. internat. Physiot. 62, 303 (1954). __ Nafure 174, 793 (1954). LUNDBLAD, G. et HULTIN, E., Exptt. Cell Research 6, 249 (1954). ROTH, J. S., Nature 174, 129 (1954). SHUMWAY, Anat. Rec. 78, 135 (1940). THOMAS, J., ROSTAND, J. et GREGOIHE, J., Compt. Rend. Acad. Sci. Paris 222, 139 (1946).

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