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Contour des volumes cibles en radiothérapie
Cancer du rectum : volumes cibles de la radiothérapie préopératoire Rectal cancer: preoperative target volume in radiotherapy F. Lorchel a,*, P. Maingon b, G. Crehange a, M. Bosset a, J.F. Bosset a b
a Service de radiothérapie, hôpital Jean-Minjoz, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France Service de radiothérapie, centre Georges-François-Leclerc, 1, rue du Professeur-Marion, 21034 Dijon cedex, France
Résumé La radiothérapie préopératoire est le traitement standard des adénocarcinomes du rectum, localement évolués, mais qui restent résécables. L’augmentation du taux de contrôle local obtenue par l’exérèse totale du mésorectum indique que le mésorectum est l’espace anatomique principal de diffusion des cellules tumorales. Il peut donc être assimilé au volume cible anatomo-clinique (CTV) de base dans l’élaboration de la radiothérapie conformationnelle préopératoire. À partir des données anatomiques et de l’apport de l’imagerie, nous proposons la détermination de plusieurs volumes cibles anatomo-cliniques en fonction de différentes localisations tumorales dans le rectum. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Preoperative radiotherapy is the standard treatment for locally advanced resectable rectal adenocarcinoma. The total mesorectal excision leads to a dramatic increase of local control rate. Thus, the mesorectal space is the usual field for the spread of rectal cancers cells. It could therefore be considered as the clinical target volume (CTV) in the preoperative conformational radiotherapy. From the anatomical basis and radiological contributions, we propose several CTVs for different locations of rectal carinoma. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Cancer du rectum; Radiothérapie; Volume cible Keywords: Preoperative radiotherapy; Rectal cancer; Target volume
1. Introduction Le cancer colorectal est le cancer le plus fréquent pour les deux sexes confondus en France. En 1995, on comptait environ 11 000 nouveaux cas de cancers rectaux parmi les 33 000 cancers colorectaux diagnostiqués. Lors de la dernière enquête Eurocare, le taux de survie relative à 5 ans en France était de 46 % chez l’homme et 40 % chez la femme [7,14,15]. Pour les tumeurs évoluées mais qui restent résécables, la radiothérapie préopératoire permet d’améliorer le taux de contrôle local [10,22,24,32]. De plus, l’essai Stockholm II
* Auteur correspondant. Tél : +33-3-81-66-82-40 ; fax : +33-3-81-66-85-51. Adresse e-mail :
[email protected] (F. Lorchel). © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 1 2 7 8 - 3 2 1 8 ( 0 2 ) 0 0 2 3 1 - 7
[32], qui a comparé radiothérapie préopératoire contre chirurgie seule chez 1 168 patients atteints d’un cancer du rectum résécable, a démontré un bénéfice significatif en termes de taux de contrôle local (p < 0,001), de survie sans récidive (p = 0,002) et surtout de survie globale à 5 ans (p = 0,004). La contribution de la radiothérapie préopératoire à l’augmentation du taux de survie globale a été confirmée dans les stades B2 et C par une méta-analyse récente de Camma et al. [9] reprenant quatorze essais randomisés. La méta-analyse du Colorectal Cancer Collaborative Group [11] a retrouvé un bénéfice en termes de survie spécifique et de contrôle local. En 1995, la Conférence française de consensus sur les tumeurs rectales a recommandé la radiothérapie préopératoire pour les tumeurs résécables classées T3 T4 N0M0 et T1 à T4 N+M0 [12].
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Les schémas classiques d’irradiation proposent des doses variant de 25 Gy en 5 fractions à 45 Gy en 5 semaines. En radiothérapie conformationnelle, les volumes cibles sont désormais déterminés sur les coupes scanographiques. La détermination du volume cible anatomo-clinique nécessite alors une bonne connaissance de l’anatomie pelvienne et des sites de récidives postopératoires.
2. Rappel anatomique Le rectum débute au plateau supérieur de la troisième vertèbre sacrée et fait suite au côlon sigmoïde. Il s’étend sur une longueur de 12 cm à 14 cm jusqu’au plancher pelvien représenté par le muscle releveur de l’anus. La partie supérieure du rectum est péritonisée sur sa face antérieure et ses faces latérales sur 3 cm à 4 cm. Le rectum moyen et inférieur est sous-péritonéal. En dessous du péritoine, l’ampoule rectale est confinée dans une loge cellulo-graisseuse en forme de cône inversé appelée loge rectale ou mésorectum. Le sommet de ce cône est tronqué et se situe au niveau du sphincter de l’anus, à l’endroit où celui-ci est rejoint par les fibres musculaires des releveurs de l’anus. Le mésorectum est délimité par un fascia propre appelé gaine rectale ou fascia recti [3,7,8,27,30]. En avant, chez l’homme, le mésorectum est délimité par l’aponévrose de Denonvilliers ou fascia rectovésical, qui tapisse la partie postéro-inférieure de la base vésicale et la face postérieure de la prostate et des vésicules séminales. Chez la femme, le mésorectum s’interrompt au niveau de la cloison rectovaginale et plus en dehors des paramètres. Sur ses faces latérales, le mésorectum est délimité par les lames sacro-recto-génito-pubiennes à l’extérieur desquelles on retrouve l’espace pelvirectal supérieur qui contient les branches viscérales des vaisseaux hypogastriques, les lymphatiques et les plexus nerveux hypogastriques (Fig. 1).
Fig. 1. Schéma de l’ampoule rectale au niveau sous-péritonéal, détermination du mésorectum (loge rectale) et de ses rapports (d’après Rouvière et Delmas [30], avec l’aimable autorisation des éditions Masson).
En arrière, le mésorectum est au contact de l’aponévrose présacrée qui tapisse la face antérieure de la concavité sacrée au-dessous de S3. Le mésorectum repose à sa partie inférieure sur le plancher pelvien, formé par 4 muscles qui tapissent la paroi ostéofibreuse du petit bassin : le muscle pyramidal et le muscle obturateur interne à la partie haute, le muscle ischiococcygien et le muscle releveur de l’anus à la partie basse, formant une cloison concave vers le haut tendue entre les parois du bassin. Plus bas, au-dessous du releveur de l’anus, on retrouve les fosses ischiorectales ou espace pelvirectal inférieur englobant le canal anal et son sphincter (Fig. 2 et 3). Le drainage lymphatique des tumeurs rectales s’effectue dans les ganglions périrectaux et les ganglions iliaques internes.
Fig. 2. Vue supérieure du plancher pelvien (d’après Bouchet et Guilleret [8]). 1-Urètre ; 2-vagin ; 3-portion élévatrice du releveur de l’anus ; 4-muscle obturateur interne ; 5-rectum ; 6-portion sphinctérienne du releveur de l’anus ; 7-aponévrose de l’obturateur interne ; 8-muscle rectococcygien ; 9-face antérieure du coccyx ; 10-muscle ischiococcygien ; 11-muscle pyramidal du bassin ; 12-os iliaque ; 13-sacrum ; 14-canal sacré ; 15-noyau fibreux du périnée.
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Fig. 3. Coupes scanographiques non injectées, en procubitus, de la région pelvienne. P : Prostate ; R : rectum ; S : sacrum ; V : vessie ; VS : vésicule séminales. 1-Tête fémorale ; 2-ilion ; 3-ischion ; 4-symphyse pubienne ; 5-coccyx ; 6-raphé anococcygien ; 7-muscle pyramidal ; 8-muscle releveur de l’anus ; 9-muscle ischiococcygien ; 10-lame sacro-recto-génito-pubienne ; 11-aponévrose de Denonvilliers ou prostato-périnéale ; 12-aponévrose présacrée ; 13-gaine rectale antérieure ; 14-gaine rectale postérieure ; 15-gaine rectale latérale ; 16-loge rectale ou mésorectum ; 17-espace pelvirectal supérieur ; 18-vaisseaux honteux internes ; 19-plexus vésiculo-déférentiel ; 20-artère hémorroïdale moyenne ; 21-fosse ischiorectale ; 22-espace pelvirectal supérieur ; 23-muscle obturateur interne.
3. Détermination des volumes d’intérêt 3.1. Apport des séries chirurgicales Après chirurgie seule à visée curative, les taux de récidive loco-régionale oscillent entre 20 % et 50 % des cas [13,16,17,21,23,36] selon les séries. Schématiquement, les récidives se situent principalement dans un plan antéropostérieur, elles prédominent au niveau de la cloison rectovaginale chez la femme et dans la concavité sacrée chez l’homme. Les récidives périnéales isolées sont rares. L’analyse anatomopathologique des pièces opératoires a montré que l’extension intrapariétale d’aval à distance de la tumeur est rare et ne dépasse pas plus d’1 cm [37]. En revanche, l’extension circonférentielle dans la graisse périrectale a été notée jusqu’à 5 cm de la tumeur initiale [29,31]. Cette extension radiaire dans la graisse périrectale est un
facteur pronostique de récidive locale, puisque 78 % à 85 % des patients dont les tranches de section latérales sont atteintes vont avoir une récidive locale [2,28]. Cet envahissement s’effectue soit par expansion tumorale directe, soit par envahissement veineux, invasion périnerveuse, invasion ganglionnaire lymphatique ou par des emboles tumoraux dans le mésorectum. L’envahissement tumoral circonférentiel est donc un facteur pronostique de récidive locale. Ces constatations anatomopathologiques sont à la base de la modification de la technique chirurgicale d’exérèse des cancers du rectum. En effet, depuis 1982 et les travaux de Heald, l’exérèse totale du mésorectum (total mesorectum excision ou TME) est devenue la règle. Elle consiste à pratiquer l’exérèse extrafasciale du contenu de la loge rectale avec une dissection menée en permanence en dehors de la gaine viscérale du mésorectum, qui ne doit pas être
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rompue. Elle doit s’accompagner d’une préservation des plexus nerveux autonomes, qui se situent en dehors et en avant du fascia viscéral, permettant de réduire les séquelles urogénitales post-chirurgicales.
La Fig. 3 présente sur des coupes scanographiques les principales structures nécessaires à l’élaboration du volume cible anatomo-clinique.
Avec cette technique chirurgicale, les taux de récidive locale ont fortement chuté puisqu’ils se situent entre 0 % et 10 % pour les équipes entraînées [4,5,18-20,23]. La diminution du taux de récidive locale obtenue après l’introduction de l’exérèse totale du mésorectum incite donc à penser que le mésorectum est le site principal au sein duquel vont se développer les récidives locales. On peut donc l’assimiler au volume cible anatomo-clinique (clinical target volume ou CTV).
3.3.3. IRM En ce qui concerne le staging préopératoire, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est équivalente, voire inférieure, à la scanographie pelvienne [6,38]. Néanmoins, pour les tumeurs bas situées, les coupes frontales de l’IRM permettent de mieux apprécier les rapports avec les muscles releveurs de l’anus et l’éventuelle invasion des fosses ischiorectales. De même, l’IRM peut être supérieure à la scanographie pour apprécier l’envahissement de la vessie et de l’utérus [6].
Ces constatations ont amené certains à considérer qu’une exérèse totale du mésorectum, sans radiothérapie préopératoire, suffisait dans le traitement des cancers évolués résécables. Néanmoins, une étude récente a comparé la radiothérapie préopératoire suivie d’exérèse totale du mésorectum contre exérèse totale du mésorectum seule. Cet essai a inclus 1 861 patients dont 1 748 ont pu bénéficier d’une exérèse complète à visée curative. La radiothérapie préopératoire a permis d’augmenter significativement le taux de contrôle local puisque les taux de récidive à 2 ans étaient de 2,4 % dans le bras radiothérapie et exérèse totale du mésorectum contre 8,2 % dans le bras chirurgie seule (p < 0,001). La survie globale n’était pas modifiée. Les sites de récidive n’ont pas été rapportés. 3.2. Apport de l’imagerie 3.2.1. Écho-endoscopie rectale Cet examen permet d’apprécier l’extension locale des tumeurs rectales et permet de préciser avec une probabilité de 90 % et plus l’extension et le franchissement de la paroi rectale. Il permet également de détecter la présence d’adénopathies rectales supposées métastatiques avec une probabilité de l’ordre de 60 % [26]. Enfin, il permet d’apprécier la distance par rapport à la marge anale pour les tumeurs haut situées. 3.2.2. Scanographie pelvienne [30,34,35] La paroi rectale apparaît comme une structure fine, épaisse de 5 mm ; sa limite externe est nette et régulière. Le mésorectum est hypodense, du fait de son contenu essentiellement adipeux. Cet espace graisseux devient virtuel à la partie basse du rectum, ce qui gène l’individualisation du sphincter et du muscle releveur de l’anus. La gaine rectale apparaît sous la forme d’une fine image tissulaire linéaire qui n’est visualisée qu’inconstamment par la scanographie. Les muscles releveurs de l’anus sont difficiles à identifier du fait de leur trajet oblique. Enfin, le sphincter et le canal anal sont difficilement dissociables l’un de l’autre.
3.3.4. Tomographie par émission de positons (TEP) La tomographie par émission de positons au 18fluorodésoxyglucose s’est avérée plus sensible et plus spécifique que la scanographie et l’IRM pour le diagnostic des récidives des cancers colorectaux [33]. De même, pour le diagnostic des cancers primitifs, sa sensibilité est de 100 % avec une spécificité de 43 %. Sa sensibilité est moindre pour le diagnostic des adénopathies puisqu’elle est uniquement de 29 %, notamment si le nombre de ganglions est inférieur à 3 [1]. Si la TEP a peu d’intérêt dans la détermination fine du volume tumoral primitif, elle peut s’avérer intéressante dans la détection d’adénopathies à distance de la tumeur.
4. Contours du volume cible anatomo-clinique (CTV) 4.1. Scanographie dosimétrique Celle-ci s’effectue en procubitus et réplétion vésicale. On débute par l’insufflation de 30 mL d’air par sonde endorectale afin de distendre l’ampoule rectale, ce qui permet de bien individualiser la paroi rectale et le mésorectum sur les coupes scanographiques. L’acquisition des coupes est jointive et au maximum centimétrique. Elle est étendue du promontoire jusqu’à 3 cm en dessous des tubérosités ischiatiques. 4.2. Détermination du volume cible anatomo-clinique Le volume cible anatomo-clinique est tracé sur toutes les coupes, de même que les organes à risque. Pour les tumeurs du moyen rectum ou du bas rectum dont le pôle inférieur est à 2 cm du bord du sphincter anal et au-delà, le volume cible anatomo-clinique est assimilé au mésorectum. Il est tracé en dehors des lames sacro-rectogénito-pubiennes à l’intérieur des espaces pelvirectaux supérieurs. En arrière, il est au contact de la concavité sacrée. En avant, il est en avant de la gaine rectale antérieure, à
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Fig. 4. Détermination du volume tumoral macroscopique (en rouge) et du volume cible anatomo-clinique (en bleu) chez un patient présentant un adénocarcinome de la face antérieure du moyen rectum. Le volume cible anatomo-clinique correspond aux limites du mésorectum.
l’extérieur de l’aponévrose de Denonvilliers chez l’homme et de la cloison rectovaginale chez la femme. En haut, la limite du volume cible anatomo-clinique se situe au plateau supérieur de S3. Pour les tumeurs du haut rectum, le volume cible anatomo-clinique est étendu dans le sens cranio-caudal, 3 cm au-dessus du pôle supérieur de la tumeur. Latéralement, du fait de l’absence de mésorectum, les marges se situent 3 cm au-delà de la paroi rectal en antérieur et sur les faces latérales ; en arrière, le volume cible anatomo-clinique se situe à 3 cm de la paroi rectale ou au contact des structures osseuses sacrées ou vertébrales si cette distance est inférieure à 3 cm. En bas, le volume doit s’interrompre 1 cm en dessous de la jonction anorectale, ce qui correspond à l’insertion du muscle releveur de l’anus. Cette région reste néanmoins difficile à mettre en évidence sur les coupes scanographiques (Fig. 4). Pour les tumeurs envahissant les organes de voisinage (prostate, utérus, vessie, vagin, sacrum), le volume cible anatomo-clinique doit bien sûr être étendu au-delà de l’envahissement avec une marge arbitraire supplémentaire de 5 mm. Cette marge correspond à l’incertitude d’extension microscopique à l’intérieur de l’organe envahi. Nous pensons, par ailleurs, que pour définir au mieux cette zone d’envahissement, les scanographies de dosimétrie en position de traitement doivent s’effectuer avec injection de
produit de contraste. Le volume cible anatomo-clinique peut, de plus, être élargi aux territoires de drainage lymphatique correspondant à l’organe envahi. Pour les tumeurs atteignant latéralement les lames sacro-recto-génitopubiennes ou envahissant l’espace pelvirectal supérieur, le volume cible anatomo-clinique doit être étendu à l’ensemble de l’espace pelvirectal supérieur (Fig. 5).
Fig. 5. Patient présentant un adénocarcinome du moyen rectum avec de nombreuses adénopathies disséminées dans le mésorectum et atteignant à gauche les limites latérales du mésorectum. De ce fait, le volume cible anatomo-clinique (en bleu) est élargi à l’espace pelvirectal supérieur gauche. On peut discuter ici une extension à l’espace pelvirectal controlatéral.
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Fig. 6. Patient présentant un adénocarcinome du bas rectum avec suspicion de franchissement du muscle releveur de l’anus nécessitant une extension du volume cible anatomo-clinique aux fosses ischiorectales.
Pour les tumeurs bas situées, l’infiltration ou le franchissement des muscles releveurs de l’anus ou l’extension aux fosses ischiorectales est parfois difficile à mettre en évidence. En cas de tumeur dont le pôle inférieur se situe à moins de 2 cm du sphincter interne et qui va être traitée par amputation abdominopérinéale, le volume cible anatomoclinique doit être étendu vers le bas. La détermination du volume tumoral macroscopique est alors primordiale et le toucher rectal reste dans ces cas-là un examen de référence. Le volume cible anatomo-clinique l’englobe et s’étend au sein des fosses ischiorectales (Fig. 6). En avant, l’épaisseur du mésorectum est réduite. Chez les patients maigres, il est même souvent virtuel. De ce fait, le volume cible anatomo-clinique des tumeurs antérieures doit être étendu en partie aux vésicules séminales et à la prostate chez l’homme, ainsi qu’à la paroi vaginale postérieure chez la femme, d’autant plus qu’il existe une suspicion d’envahissement aux touchers pelviens. Dans notre approche, nous n’avons pas d’arguments pour étendre le volume cible anatomo-clinique aux ganglions iliaques internes. Néanmoins, pour les tumeurs évoluées envahissant un autre organe pelvien, il peut exister une extension ganglionnaire iliaque interne ou externe. Dans ces cas-là, le volume cible anatomo-clinique doit être étendu aux espaces pelvirectaux supérieurs qui contiennent ces drainages lymphatiques.
5. Détermination du volume cible prévisionnel Il existe très peu de données concernant la mobilité des structures rectales et périrectales en cours d’irradiation. Néanmoins, un article récent de Nuyttens et al. [25], portant sur 10 patients pour lesquels une scanographie dosimétrique a été effectuée de façon hebdomadaire au cours d’un traitement étalé sur 5 semaines, a montré que les variations
du volume cible anatomo-clinique qu’ils avaient déterminées étaient inégales dans les 3 plans de l’espace. La mobilité du mésorectum dépend surtout de la localisation tumorale primitive. Les marges latérales et postérieures sont très stables. En revanche, la position du volume cible anatomo-clinique varie de 3 à 4 mm, au niveau de la jonction anorectale, jusqu’à 1 cm 9 cm au-dessus de la jonction anorectale. Ces variations dépendent essentiellement du remplissage vésical puisque la vessie peut faire reculer la marge antérieure du volume cible anatomoclinique de 7 mm dans le sens antéro-postérieur et de 2,5 cm dans le sens cranio-caudal. Les variations du rectum sont similaires aux variations du volume cible anatomo-clinique. Au final, les auteurs recommandent un volume cible prévisionnel d’au moins 1 cm en antérieur pour assurer une bonne couverture du volume cible anatomo-clinique.
6. Conclusion La diminution des taux de récidive locale obtenue grâce à l’exérèse totale du mésorectum indique que la loge périrectale est le siège privilégié des récidives locales. Il convient donc de l’assimiler comme étant le site de diffusion des cellules tumorales rectales. On peut donc le considérer comme le volume cible anatomo-clinique dans la radiothérapie préopératoire des cancers du rectum. Néanmoins, il ne peut être considérer de façon exclusive dans le cas de certaines localisations tumorales pour lesquelles il existe une suspicion d’extension au-delà du mésorectum, notamment ganglionnaire. De plus, concernant la détermination du volume cible prévisionnel, peu de données sont actuellement disponibles. Les études de mouvements d’organes élaborées du fait de la généralisation de la radiothérapie conformationnelle et de l’expansion de radiothérapie d’intensité modulée devraient apporter quelques réponses.
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