Cancer/Radiother 2001 ; 5 : 523-33 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1278321801001068/SSU
Les volumes–cibles de la radiothérapie des adénocarcinomes gastriques M. Caudry1*, J.L. Ratoanina2, P. Escarmant2, J.P. Maire1 1
Service de cancérologie, hôptial Saint-André, 33000 Bordeaux, France ; 2service de radiothérapie et de cancérologie, hôpital Clarac, 97200 Fort-de-France, France
RE´SUME´ Les cancers de l’estomac peuvent se propager par voie hématogène, lymphatique et intrapéritonéale. Ils intéressent un organe de taille et de forme variables, entouré d’organes critiques parmi les plus vulnérables à la radiothérapie. Le volume tumoral macroscopique (GTV) est à considérer pour les irradiations préopératoires ou exclusives. Après une chirurgie non radicale, un GTV « résiduel » doit être défini avec l’aide du chirurgien. Le volume–cible anatomoclinique (CTV) doit inclure trois volumes intriqués. a) Un volume d’extension tumorale. Les rechutes locorégionales après une exérèse apparemment complète sont aussi fréquentes que les rechutes métastatiques. Le risque dépend surtout de l’extension en profondeur dans la paroi gastrique et de l’atteinte ganglionnaire. L’infiltration de la paroi gastrique peut aller au-delà des limites macroscopiques de la tumeur, en particulier dans les « linites plastiques ». Ce volume devra donc inclure : la tumeur (ou la zone où elle siégeait), ainsi que l’espace occupé par l’estomac, plus une partie du côlon transverse, le duodénum, le pancréas et le tronc porte. En postopératoire ce CTV inclura le montage anastomotique. b) Un volume d’extension péritonéale. Il est souhaitable de considérer deux stades d’extension péritonéale : (1) une extension microscopique par contiguïté, en regard des tumeurs T3 et surtout T4, que l’on peut espérer stériliser avec des doses de 45 à 50 Gy ; (2) une « carcinose péritonéale », avec des nodules multiples ou situés à distance de la tumeur, qui ne relève plus d’une radiothérapie mais d’une chimiothérapie systémique ou intrapéritonéale. Le CTV englobera donc la portion de cavité péritonéale contenant le segment gastrique atteint et si possible le péritoine pariétal sous la cicatrice de laparotomie. c) Un volume d’extension lymphatique comprenant les groupes de 1 à 16 de la classification japonaise. Seule la partie supérieure du territoire lomboaortique (groupe 16) sera incluse. Ce volume doit s’élargir pour englober le pédicule hépatique et le hile de la rate. En bas, le CTV pourra être restreint au seul volume lymphatique, si la situation haute ou interne de la tumeur permet de protéger davantage d’intestin grêle. *Correspondance et tirés à part.
Pour les tumeurs situées aux deux extrémités de l’estomac, un envahissement microscopique des limites d’exérèse – de pronostic défavorable – devra être l’objet d’une surimpression. Pour les tumeurs du cardia, le CTV sera au moins étendu à la partie inférieure de l’œsophage thoracique et du médiastin postérieur. En cas d’atteinte du bas œsophage, chez un sujet jeune et peu dénutri, il faudra inclure l’ensemble des territoires médiastinaux où se drainent le bas œsophage et le cardia. Pour les tumeurs de la grosse tubérosité, la coupole sera incluse, ainsi que la rate et son hile (ou leur lit d’exérèse). Si la tumeur ne s’étend pas à la petite courbure, on pourra être plus économe au niveau du pédicule hépatique. Pour les tumeurs de l’antre, il faudra inclure le pédicule hépatique, les ganglions du ligament hépatoduodénal. En revanche, pour les tumeurs qui ne se prolongent pas le long de la grande courbure, la couverture du hile splénique semble inutile. En conclusion, le traitement de ces cancers demeure un exercice difficile et doit être réalisé sous le contrôle de radiothérapeutes confirmés. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS cancer de l’estomac / radiothérapie / volumes d’irradiation
ABSTRACT Target volumes in gastric cancer radiation therapy. The spread of gastric adenocarcinoma may follow three main patterns: hematogenic, lymphatic and intraperitoneal. A GTV should be considered in preoperative or exclusive radiation therapy. After non-radical surgery, a «residual GTV» will be defined with the help of the surgeon. The CTV encompasses three intricated volumes. a) A «tumor bed» volume. After radical surgery, local recurrences appear as frequent as distant metastases. The risk depends upon the depth of parietal invasion and the nodal status. Parietal infiltration may extend beyond macroscopic limits of the tumor, especially in «linitis plastica». Therefore this volume will include: the tumor and the remaining stomach or their «bed of resection», a part of the transverse colon, the duodenum, the pancreas and the troncus of the portal vein. In postoperative RT, this CTV also includes the jejuno-gastric or jejunoesophageal anastomosis. b) A peritoneal volume. For practi
524
M. Caudry et al.
cal purposes, two degrees of spread must be considered: (1) contiguous microscopic extension from deeply invasive T3 and T4 tumors, that remain amenable to local sterilization with doses of 45–50 Gy, delivered in a CTV including the peritoneal cavity at the level of the gastric bed, and under the parietal incision; (2) true «peritoneal carcinomatosis», with widespread seeds, where chemotherapy (systemic or intraperitoneal) is more appropriate. c) A lymphatic volume including the lymph node groups 1 to 16 of the Japanese classification. This volume must encompass the hepatic pedicle and the splenic hilum. In proximal tumors, it is possible to restrict the lower part of the CTV to the lymphatic volume, and therefore to avoid irradiation of large intestinal and renal volumes. In distal and proximal tumors, involvement of resection margins is of poor prognosis – a radiation boost must be delivered at this level. The CTV in tumors of the cardia should encompass the lower part of the thoracic esophagus and the corresponding posterior mediastinum. In tumors invading the distal esophagus, a more complete coverage of mediastinal lymph nodes should be considered, especially in patients in good general condition. In tumors of the gastric fundus, most of the left hemidiaphragm should be included, as well as the spleen and its hilum (or their resection bed). In proximal tumors without involvement of the lesser curvature, a full coverage of the hepatic pedicle is not necessary. In contrast, for distal tumors, the hepatic pedicle and the hepatoduodenal ligament should be included whereas the splenic area could be spared. Conclusion. – Planning the treatment of gastric cancer remains difficult; target volumes must be customized by experienced radiation oncologists according to tumoral and clinical situation. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS gastric cancer / imaging radiation therapy / treatment planning volume
La radiothérapie des carcinomes gastriques, bien que pratiquée depuis de nombreuses décennies [8, 13, 42, 61], est toujours discutée quant à ses indications, à sa place par rapport à la chirurgie et à la chimiothérapie, et à sa technique. L’irradiation palliative de tumeurs localisées, mais ne pouvant bénéficier d’une exérèse radicale, a donné des résultats intéressants entre les mains de plusieurs équipes [8, 13, 15, 38, 42, 48, 49, 53, 60, 61], avec en particulier une diminution des signes fonctionnels et des saignements liés à la tumeur. Elle n’est cependant pas l’objet d’un consensus, certains essais n’ayant pas objectivé de bénéfice en terme de survie [16, 31]. Les arguments en faveur d’une irradiation pré- ou postopératoire des tumeurs classées T3-T4 ou N+ ne manquent pas. Plusieurs études ont montré qu’après la seule chirurgie, une rechute locorégionale isolée survenait dans 15 à 30 % des cas [20, 32]. L’analyse de quelques séries non randomisées [7, 19, 25,
56] ou à faible effectif [41], ou sans groupe témoin non irradié [2], suggérait un effet favorable d’une association radiothérapie–chimiothérapie postopératoire ; mais les deux seuls essais conséquents réalisés au cours des années soixante-dix et quatre-vingts ont donné des résultats décevants [11, 21]. Ceci sans doute pour des raisons techniques : doses trop faibles [11], volumes d’irradiation parfois mis en place sans simulateur [21] ; peut-être aussi à cause d’une stratégie qui n’associait pas radiothérapie et chimiothérapie [21]. Les arguments en faveur d’un traitement complémentaire à la chirurgie sont devenus plus forts avec la présentation par Macdonald des résultats d’un grand essai [35] où plus de 600 cas ont été randomisés, après une chirurgie radicale, entre une simple surveillance (bras témoin) et une chimioradiothérapie délivrant 45 Gy en cinq semaines et associée à du 5-fluorouracile et de l’acide folinique pendant les quatre premiers et les trois derniers jours d’irradiation ; chimioradiothérapie précédée d’un cycle de 5-fluoro-uracile et d’acide folinique et suivie par deux autres cycles. Avec un peu plus de trois ans de recul médian, les taux de survie sans rechute et de survie globale du groupe traité apparaissaient significativement supérieurs à ceux du groupe témoin. La lecture des publications consacrées au traitement des cancers gastriques met en évidence les difficultés rencontrées par les radiothérapeutes pour définir leurs volumes de traitement. Ce cancer se propage à la fois par voie hématogène, lymphatique et intrapéritonéale ; il est situé dans un organe dont la taille et la forme peuvent varier d’une heure à l’autre ; il est entouré d’organes critiques – foie, reins, intestin grêle – parmi les plus vulnérables à la radiothérapie [6, 17]. La difficulté devient encore plus grande lorsqu’il s’agit de traiter le « lit d’exérèse » d’une tumeur dont le siège et les rapports n’ont pas toujours été bien documentés par des examens morphologiques préopératoires. LES CLASSIFICATIONS Le type histologique et la différenciation des carcinomes gastriques peuvent avoir une influence sur leurs modes de dissémination. La classification de l’UICC semble la plus reproductible [55] ; elle distingue quatre grades : 1 : bien différencié, 2 : moyennement, 3 : peu différencié, 4 : indifférencié. Dans la littérature internationale, deux classifications sont aussi largement utilisées. Celle de Lauren qui distingue : 1 : un type intestinal avec une architecture glandulaire évoquant celle d’un cancer colique ; 2 : un type diffus avec des cellules tumorales isolées ou en petits amas sans structure glandulaire [33]. Celle de Ming, basée sur l’architecture de la tumeur : 1 : expansive, où la tumeur se développe en masse ; 2 : infiltrante où elle envahit les tissus sains de façon diffuse, mal limitée en
525
Estomac
que les tumeurs infiltrant le petit ou le grand épiploon, le ligament gastrocolique ou gastrohépatique, mais ne traversant pas la séreuse sont encore classées T2. La version de 1988 distinguait un N1 et un N2 en fonction de la proximité de l’atteinte lymphatique par rapport à la tumeur. L’envahissement des ganglions lomboaortiques était classé M1. La version la plus récente ne considère que le nombre de ganglions envahis : N1 pour 1 à 6, N2 pour 7 à 15 et N3 au-delà [27]. La classification japonaise nous sera plus utile car elle établit une nomenclature des groupes ganglionnaires et distingue quatre niveaux d’atteinte, de N1 à N4, définis en fonction du siège de la tumeur (tableau I et figure 1) [28]. EXTENSION LOCORÉGIONALE DES CARCINOMES GASTRIQUES
Figure 1. Principaux repères anatomiques. Groupes ganglionnaires numérotés selon la classification japonaise résumée dans le tableau I.
Cette extension peut se faire par invasion directe des tissus et organes voisins, mais aussi par voie péritonéale ou encore lymphatique.
Extension locale et par contiguïté périphérie [40]. Dans ces deux classifications, les types 2 sont d’un pronostic plus sévère, alors que les types 1 prédominent dans les régions où l’incidence du cancer gastrique demeure importante [9, 43, 54]. La « linite plastique » ou adénocarcinome à cellules indépendantes mucipares ou en bague à chaton, représente une forme particulièrement infiltrante, extensive dans l’épaisseur de la paroi gastrique, et s’accompagne d’une fibrose abondante. La classification topographique de l’UICC distingue quatre degrés d’extension en profondeur, où les tumeurs classées T3 pénètrent le péritoine viscéral et les T4 s’étendent aux structures adjacentes [27]. Il faut noter
L’extension se fait d’abord au sein même de l’organe. Les rechutes locorégionales après une exérèse apparemment complète sont aussi fréquentes que les rechutes métastatiques (tableau II). Après une exérèse radicale, le risque de rechute locorégionale dépend de l’extension tumorale dans la profondeur de la paroi gastrique, et de l’atteinte ganglionnaire [20, 32]. L’infiltration de la paroi gastrique peut aller bien au delà des limites macroscopiques de la tumeur. Ceci est particulièrement vrai pour les adénocarcinomes à cellules indépendantes mucipares – les « linites plastiques » [58], qui aussi disséminent plus fréquemment dans le péritoine [64]. Dans leurs formes encore
Tableau I. Classification de la Japanese Research Society for Gastric Cancer [28]. N° du territoire ganglionnaire 1 : latérocardiaque droit 2 : latérocardiaque gauche 3 : petite courbure 4 : grande courbure
9 : cœliaque 10 : du hile splénique 11 : de l’artère splénique 12 : du ligament hépatoduodénal 13 : rétropancréatique 14 : de la racine de l’artère mésentérique supérieure 15 : de l’artère colique moyenne 16 : lomboartique
5 : suprapylorique 6 : infrapylorique 7 : de l’artère gastrique gauche 8 : de l’artère hépatique commune Groupe ganglionnaire pour les tumeurs du tiers : N1 N2 N3 N4
territoire n° territoire n° territoire n° territoire n°
Supérieur 1à4 5 à 11 12 à 14 15, 16
Moyen 1,3 à 6 2,7 à 11 12 à 14 15, 15
Inférieur 3à6 1,7 à 9 2, 10 à 14 15, 16
526
M. Caudry et al.
Tableau II. Rechutes locorégionales après chirurgie radicale seule. Série Gunderson et Sosin, 1982, [20] Landry et al., 1990, [32] Athlin 1995
Nbre cas
Type évaluation
Métastases
Rechute LR isolée
ou totale
105 130 88
Réopération Endo, imagerie Endo, imagerie
23 % 16 %
23 % 16 %
68 % 38 % 32 %
LR : locorégionale, endo : endoscopie.
Tableau III. Extensions et rechutes péritonéales des adénocarcinomes gastriques opérés. Nombre de cas évaluables Gunderson et Sosin 1982, (second look), [20] Moertel et al. 1984 (essai clinique) [41] – chirurgie seule – chimioradiothérapie postopératoire Slot et al. 1989 (étude radiochimiothérapie ; postop) Landry et al. 1990 [32] Essaki et al. 1990 (étude nécropsique) [12]
Extension péritonéale circonscrite
diffuse
105
19 %
23 %
33 29 57
54 % 39 %
29 % 35 % 18 %
130 173
11 % 18 %
12 % 40 %
apparemment localisées, le pronostic dépend de la hauteur de l’infiltration pariétale et de sa profondeur [22]. Chez les patients jeunes (moins de 36 ans) une étude de Bloss et al. a montré une plus forte proportion de tumeurs localement évoluées, de carcinomes peu différenciés ou de « linites plastiques » [3]. Il faut prêter une attention particulière à l’examen histologique des limites d’exérèse, surtout pour les tumeurs situées aux deux extrémités : cardia et antre. Un envahissement microscopique des tranches de section est de pronostic très défavorable [44, 65] ; il se solde le plus souvent par une rechute locale : 14 fois sur 15 dans la série de Bizer [1]. Dans le cas d’une radiothérapie postopératoire, des limites de section microscopiquement envahies obligeront à considérer des marges plus importantes et à délivrer un complément d’irradiation jusqu’à 55 à 60 Gy dans ces résidus tumoraux microscopiques. L’étude du Massachusetts General Hospital détaille bien les divers sites de rechute dans le « lit opératoire » : les rechutes locales atteignent fréquemment le montage anastomotique (gastrojéjunal ou œsojéjunal), le côlon transverse, le duodénum et le tronc porte ; un peu moins souvent la racine des vaisseaux mésentériques supérieurs, le pancréas et la rate [32]. L’extension par contiguïté concerne avant tout la cavité péritonéale, mais il faut aussi considérer le diaphragme pour les tumeurs du tiers supérieur de l’estomac ; le corps et la queue du pancréas pour les tumeurs de la paroi postérieure du fundus. Une autre voie de propagation est représentée par l’infiltration des méso : de haut en bas, mésogastroépiploïque, mésogastrocolique et même racine du mésocôlon transverse pour les
tumeurs de la grande courbure. Pour les tumeurs de la petite courbure, l’infiltration peut se propager dans le petit épiploon, puis dans le pédicule hépatique et à la face inférieure du foie. Enfin, il nous est arrivé de constater le développement de nodules tumoraux dans l’épaisseur des cicatrices de laparotomie. Après la chirurgie, il faut donc surveiller cette cicatrice et ne pas hésiter à faire biopsier un nodule suspect, pas toujours facile à distinguer d’un nodule inflammatoire se développant autour d’un point profond.
Extension péritonéale C’est une des causes majeures des échecs constatés après la chirurgie et même après une radiothérapie adjuvante – cette dernière ne pouvant délivrer une dose suffisante à toute la cavité péritonéale sans faire courir un risque inacceptable de complications grêliques [17]. L’importance du risque de rechute péritonéale est illustrée par le tableau III. Il devient majeur lorsque la tumeur infiltre la séreuse [29]. La présence de cellules tumorales disséminées dans la cavité péritonéale, et au final le pronostic des cancers opérés semblent lié à la surface de séreuse envahie [30, 62]. Dans une analyse multifactorielle de 1 315 cas réséqués à visée curative, Ohno et al. ont mis en évidence l’infiltration de la séreuse et le caractère peu différencié de la tumeur comme les deux facteurs les plus significatifs pour prédire une rechute péritonéale [51]. Dans la série de Landry et al., le pourcentage de rechutes péritonéales après une chirurgie radicale était de 27 % pour les tumeurs classées T3N+ et de 40 % pour les T4N+ [32]. Il
Estomac
est important de noter que le risque de rechute péritonéale des tumeurs du tiers supérieur de l’estomac n’est pas inférieur à celui des tumeurs plus distales [36]. Enfin, dans l’étude réalisée par Esaki et al., l’extension péritonéale apparaissait plus fréquente chez les sujets jeunes [12]. En pratique, nous pensons qu’il est souhaitable de considérer deux volumes d’extension péritonéale : – une extension par contiguïté, en regard des tumeurs classées T3 et surtout T4, que l’on peut espérer stériliser, au stade de quelques agrégats microscopiques, avec des doses de 45 à 50 Gy ; – une véritable « carcinose péritonéale », avec déjà des nodules multiples ou situés à distance de la tumeur, souvent accompagnée d’ascite. Ce type d’extension ne relève plus d’une radiothérapie, mais d’une chimiothérapie systémique ou intrapéritonéale. Ce type de distinction a été initialement fait par Gunderson et Sosin [20]. Esaki et al., dans une étude nécropsique, ont montré que l’atteinte diffuse du péritoine était plus fréquente avec les formes peu différenciées [12]. Pour Yashiro et al., le risque de carcinose péritonéale est maximum avec les linites plastiques [64]. On peut enfin se demander si l’intervention chirurgicale ne contribue pas à une dissémination péritonéale de cellules carcinomateuses encore localisées autour de la zone tumorale : ceci est suggéré par plusieurs études expérimentales où de petits traumatismes du péritoine favorisent l’implantation des cellules tumorales [5, 50, 64]. Ce serait un argument en faveur d’une radiothérapie et d’une chimiothérapie préopératoires pour les tumeurs classées T3 ou des T4 lors du bilan initial, notamment à l’échoendoscopie.
Extension lymphatique Nous avons vu que différentes classifications ont tenté de prendre en compte l’importance – et donc la signification pronostique – de l’envahissement des territoires lymphatiques qui drainent les diverses parties de l’estomac. Si le nombre de ganglions atteints apparaît comme un facteur pronostique majeur [32, 34, 37], plus discriminant que la classification topographique japonaise [26], aucune étude n’a précisé son influence sur le volume à irradier. Dans la série du Massachusetts General Hospital [32], les rechutes isolées au niveau des relais lymphatiques régionaux semblaient peu fréquentes (8 %) ; mais en l’absence de contrôle chirurgical ou autopsique, il n’est pas facile de les distinguer des rechutes par contiguïté. Pour cette même raison, dans leur analyse de 105 cas soumis à un second look systématique, Gunderson et Sosin ont classé dans la même rubrique les rechutes ganglionnaires et les rechutes péritonéales limitées au « lit opératoire » [20]. Les chirurgiens disposent de données précises sur le drainage lymphatique de l’estomac grâce aux travaux
527
d’anatomistes comme Cunéo ou Rouvière [10]. Cependant, peu d’auteurs ont étudié la topographie des rechutes ganglionnaires après une gastrectomie partielle ou totale. Les données les plus utiles pour définir les volumes d’irradiation proviennent de la Japanese Research Society for Gastric Cancer, avec des études qui donnent une description précise de la topographie et du niveau d’envahissement ganglionnaire en fonction du siège de la tumeur [4, 28, 39, 46, 47]. Les tumeurs du cardia occupent une place à part [23, 24, 36, 52]. D’ailleurs, leur épidémiologie et leur mode d’extension les rapprochent des adénocarcinomes de l’œsophage [23, 24]. L’envahissement lymphatique semble plus fréquent que pour les autres sites [52]. S’il touche encore les ganglions de la petite courbure et de la chaîne coronaire stomachique, il atteint aussi les ganglions juxtacardiaques et au-delà les ganglions médiastinaux. Les rechutes médiastinales et susclaviculaires des cancers du cardia ne sont pas rares, bien que mal documentées. Dans une étude nécropsique, Sons et Borchard [57] ont constaté une atteinte lymphatique médiastinale dans 70 % des cas. Dans une série de 73 cancers du cardia opérés, Frein et al. signalaient une rechute susclaviculaire dans quatre cas [14]. Dans les séries chirurgicales, la fréquence annoncée de l’envahissement lymphatique médiastinal nous semble tributaire de la voie d’abord et du prélèvement plus ou moins systématique des ganglions médiastinaux. Dans la grande étude de Noguchi et al. de 491 cancers du tiers supérieur de l’estomac, traités par gastrectomie totale et lymphadénectomie élargie, les ganglions du cardia étaient atteints dans un tiers des cas, ceux de la petite courbure dans la même proportion, mais les ganglions paraœsophagiens seulement dans 5 à 6 % des cas [47]. Dans les séries de Tachimori et al. et de Natsugoe et al. où un abord thoracique était réalisé, les ganglions médiastinaux étaient histologiquement atteints dans respectivement 19 et 28 % des cas [59, 45]. Tachimori et al. ont constaté qu’une extension des tumeurs du cardia vers le bas œsophage entraînaient un risque accru d’atteinte des lymphatiques médiastinaux et au final d’échec thérapeutique [59]. Pour les cancers limités à la grosse tubérosité, les ganglions du pédicule hépatique semblent rarement envahis [4]. Pour les tumeurs de l’antre gastrique, l’étude réalisée à Taiwan par Wu et al. a retrouvé le même schéma d’extension que dans les séries japonaises : les ganglions de type N1 et N2 dans la classification japonaise appartiennent le plus souvent aux relais infrapyloriques, à ceux de la petite et de la grande courbure [63]. Les ganglions N3 sont ceux de l’artère hépatique commune, du ligament hépatoduodénal, de l’artère splénique, les ganglions rétropancréatiques (envahis dans 28 % des cas), les ganglions de la racine de l’artère mésentérique (envahis dans près de 7 %
528
M. Caudry et al.
des cas). Dans l’étude de Wu et al., comme dans celle de Maruyama et al. [39], une atteinte des relais lomboaortiques (N4) a été trouvée dans un peu plus de 5 % des cas (10 % en cas d’infiltration circonférencielle de l’antre). Wu insiste sur la fréquence, significativement plus élevée pour cette localisation, de l’atteinte des ganglions du ligament hépatoduodénal. En revanche, les ganglions du hile splénique sont épargnés : aucune atteinte dans l’étude de Wu et al. (190 cas) et 1 % dans celle de Maruyama et al. (672 cas). De même, les ganglions juxtacardiaux sont rarement atteints [4]. DÉFINITION DES VOLUMES–CIBLES
Les données utiles Les données d’un bilan morphologique sont indispensables, que l’irradiation intervienne en pré- ou en postopératoire. Ce bilan devra comprendre au minimum une fibroscopie (préopératoire) poussée jusqu’au duodénum, une échoendoscopie et une scanographie (pré- et postopératoire). Il faut garder en mémoire que les rapports anatomiques dans cette région peuvent considérablement se modifier lorsque le patient passe d’une position d’examen à celle de l’irradiation. Ceci est particulièrement vrai pour le transit œsogastroduodénal. Toute délimitation d’un volume de traitement est donc effectuée sur une scanographie (ou une IRM) réalisé en présence du radiothérapeute, patient en position d’irradiation, avec les mêmes accessoires de contention et avec le marquage de repères laser sur la peau. Les coupes jointives doivent être assez fines (5 mm, 8 au maximum) pour permettre une reconstruction utile de l’anatomie « virtuelle » du patient dans la région concernée. Le radiothé-
Figure 2. Le volume–cible anatomoclinique d’une tumeur du cardia, étendu au médiastin postéro-inférieur. Une combinaison de quatre faisceaux sera utilisée pour limiter la dose délivrée au cœur.
rapeute tire profit d’une discussion pluridisciplinaire des volumes à traiter, en particulier avec le radiologue et le chirurgien. Les indications données par ce dernier sont essentielles pour la radiothérapie postopératoire des tumeurs classées T4, surtout si un reliquat microscopique ou macroscopique a été laissé en place. Il est aussi souhaitable que l’anatomopathologiste participe à cette discussion et surtout que chirurgien et anatomopathologiste se soient concertés pour bien étiqueter les différents groupes ganglionnaires, les zones de recoupe, et pour bien orienter les pièces opératoires.
Les « volumes tumoraux macroscopiques » Un volume d’extension macroscopique est à considérer pour les irradiations préopératoires ou exclusives, ou encore pour les reliquats laissés par la chirurgie. Prendre en compte la seule tumeur macroscopique n’a que peu d’intérêt pour ces cancers qui s’infiltrent largement dans la paroi digestive. Pour le volume d’irradiation complémentaire, en cas de radiothérapie ou de chimioradiothérapie exclusive, ce n’est pas la tumeur plus une marge uniforme de sécurité, mais c’est toute la région gastrique intéressée qu’il faut considérer. Par exemple, en cas de tumeur du cardia, il faut inclure au minimum dans le volume d’irradiation complémentaire, le tiers supérieur de l’estomac plus 4 à 5 cm d’œsophage, plus les ganglions (en particulier coronaires stomachiques) qui étaient visibles à la scanographie initiale (figure 3).
Figure 3. Volume tumoral et ganglionnaire macroscopique (rouge) et volume–cible anatomoclinique pour l’irradiation préopératoire d’une tumeur du tiers supérieur de l’estomac. Le volume tumoral macroscopique doit logiquement inclure la circonférence du segment gastrique intéressé car il est impossible connaître les limites de l’infiltration macroscopique de cette paroi épaissie (tracé en pointillé). Le volume cible anatomoclinique doit bien couvrir la cavité péritonéale en regard de la zone tumorale, sans négliger son extension postérieure, au-dessus du rein gauche.
Estomac
529
Après une chirurgie non radicale, un volume tumoral macroscopqiue « résiduel » doit être défini avec l’aide du chirurgien. Il n’est pas toujours visible sur la scanographie postopératoire. Un repérage par des clips en titane reste donc utile. L’idéal est que le radiothérapeute puisse venir évaluer les volumes résiduels, au cours même de l’intervention chirurgicale – c’est un des atouts de la radiothérapie peropératoire qui a une place logique, bien que difficilement démontrable – dans l’irradiation complémentaire (par anticipation en cas de radiothérapie postopératoire) de ces petits volumes tumoraux résiduels [18].
Les volumes–cibles anatomocliniques et les volumes–cibles prévisionnels La chimioradiothérapie préopératoire des cancers gastriques va sans doute jouer un rôle important dans l’avenir. En principe, elle ne fait appel qu’à un seul temps d’irradiation délivrant 40 à 45 Gy (donc à un seul volume–cible anatomoclinique « de base »), le contrôle des reliquats tumoraux étant confié au chirurgien. Chez les patients jugés définitivement inopérables, il faudra considérer un second volume–cible anatomoclinique de complément qui comme nous l’avons vu représente plus qu’une simple marge de sécurité autour de la tumeur encore visible, mais toute la région gastrique intéressée, ainsi que les adénopathies satellites. Avec la radiothérapie postopératoire, le volume–cible anatomoclinique se trouve modifié par la gastrectomie totale ou partielle qui a enlevé certains volumes d’extension microscopique et modifié les rapports avec les tissus sains. Le volume–cible anatomoclinique doit inclure les divers sites de rechute du « lit opératoire » détaillés dans l’étude du Massachusetts General Hospital [32]. Enfin, un volume–cible anatomoclinique d’irradiation complémentaire doit être défini avec le chirurgien en cas d’exérèse microscopiquement ou macroscopiquement incomplète. La marge supplémentaire permettant de définir les différents volumes cibles prévisionnels à partir des volumes– cibles anatomocliniques que nous allons décrire nous semble pouvoir être de 8 à 10 mm, à la condition de prendre le plus grand soin à la mise en place des patients (décubitus dorsal, repères laser multiples, moyens de contention personnalisés, etc.) et de contrôler le bon positionnement des faisceaux (imagerie portale à chaque séance). Sur la face postérieure du volume–cible anatomoclinique, zone qui nous semble à moindre risque de rechute, la marge définissant le volume cible prévisionnel peut être encore réduite afin de limiter le volume rénal irradié par les faisceaux latéraux (figures 4 et 7).
Figure 4. Volume tumoral macroscopique et volume–cible anatomoclinique pour une tumeur de l’antre classée T4 N1 au bilan initial, et qui va bénéficier d’une chimioradiothérapie préopératoire. Pour cette localisation, il est impératif de couvrir largement les lymphatiques du pédicule hépatique, les ganglions supra- et infrapyloriques. Toute la cavité péritonéale en regard de la tumeur est incluse (y compris l’arrière–cavité des épiploons), mais les limites de la gouttière pariétocolique gauche ne sont pas bien repérables sur cette coupe. Cette tumeur classée T4 en échoendoscopie est susceptible de s’étendre vers la face inférieure du lobe gauche du foie, vers le pancréas en arrière. Elle peut aussi infiltrer la paroi du premier duodénum.
Figure 5. Le « volume–cible anatomoclinique de base » au niveau du bord inférieur de L3. Le territoire lomboaortique (groupe 16) et, en avant du troisième duodénum, l’artère et la veine mésentériques supérieures, avec les lymphatiques correspondants (en haut, groupe 14, plus bas groupe 15 de la classification japonaise). Noter que dans ce cas la cavité péritonéale et le grêle ne sont pas inclus car la grande courbure ne descendait pas aussi bas.
Le volume–cible antomoclinique « de base » des tumeurs situées à distance des deux extrémités de l’estomac Il va inclure trois volumes intriqués.
530
M. Caudry et al.
corps de l’estomac et de la grande courbure (ou de leur lit d’exérèse) ? Ceci oblige à irradier, au moins par la composante antéropostérieure des faisceaux, la plus grande partie du rein gauche (figure 6). Bien des auteurs ont « fait l’impasse » sur cette région en protégeant au moins la moitié inférieure du rein gauche. Ceci semble acceptable pour les tumeurs limitées à la petite courbure, mais certainement pas pour celles susceptibles d’atteindre la grande courbure, qui se projetteraient en pleine zone protégée. La limite inférieure du volume gastrique descend assez bas, parfois jusqu’au bord inférieur de L4. Après la chirurgie, l’inclusion de cette limite peut amener à irradier un grand volume de grêle. Une couverture de ce volume est souhaitable pour les tumeurs du fundus et de l’antre. La réalisation d’un histogramme dose–volume pour l’intestin grêle sera un élément décisionnel : il ne nous semble pas raisonnable de délivrer une dose de 45 Gy à plus de 25 % de l’intestin grêle. Figure 6. Exemple de traitement d’un adénocarcinome du corps de l’estomac par une combinaison de quatre faisceaux complexes. Schéma du champ antérieur.
Un volume d’extension péritonéale En plus du volume précédemment décrit, le volume cible anatomoclinique doit inclure la portion de cavité péritonéale contenant le segment gastrique atteint (figures 3 et 4). Ceci avec les mêmes réserves que précédemment quant à la nécessité de ne pas trop irradier d’intestin grêle. Ce volume englobe si possible le péritoine pariétal sous la cicatrice de laparotomie : ceci donne la limite antérieure du volume–cible anatomoclinique. Un volume d’extension lymphatique
Figure 7. Exemple de traitement d’un adénocarcinome du corps de l’estomac par une combinaison de quatre champs complexes. Schéma du champ latéral gauche.
Un volume d’extension tumorale Ce volume devra inclure : la tumeur ou bien la zone où elle siégeait (si l’on est en postopératoire), ainsi que l’espace occupé par l’estomac, plus une partie du côlon transverse, le duodénum, le pancréas et le tronc porte. Après la chirurgie, ce volume–cible anatomoclinique inclut le montage anastomotique (gastrojéjunal ou œsojéjunal). La limite supérieure de ce volume–cible anatomoclinique est représentée en dehors par la grosse tubérosité et la partie correspondante de la coupole diaphragmatique gauche ; en dedans par le cardia et les deux derniers centimètres d’œsophage. Faut-il toujours inclure la totalité du
Le volume cible anatomoclinique doit inclure les groupes lymphatiques de 1 à 16 de la classification japonaise (tableau I et figure 1). Seule la partie supérieure du territoire lomboaortique (groupe 16) est incluse, du niveau de D11 à celui du disque L3–L4. Ceci donne la limite postérieure de notre volume cible anatomoclinique. Ce volume d’extension lymphatique doit s’élargir pour englober le pédicule hépatique et le hile de la rate (figures 1, 3 et 4) – ceci donne les limites latérales du volume cible anatomoclinique. En bas, le volume–cible anatomoclinique pourra être restreint au seul volume lymphatique (ganglions satellites de la mésentérique supérieure, ganglions lomboaortiques), si la situation haute ou interne de la tumeur permet de protéger d’avantage d’intestin grêle (figure 5). Au total, le volume–cible anatomoclinique ainsi décrit, et le volume–cible prévisionnel correspondant ne pourront être correctement traités qu’avec une combinaison d’au moins quatre faisceaux (antérieur, postérieur et latéraux parfois un peu inclinés) de forme complexe (figures 6 et 7).
531
Estomac
Cas particulier des tumeurs du cardia Pour les tumeurs qui s’étendent à moins de 2 cm de la jonction œsogastrique, le « volume–cible anatomoclinique de base » doit être étendu à la partie inférieure de l’œsophage thoracique et du médiastin postérieur. La limite supérieure de ce volume doit être discutée en fonction de l’atteinte œsophagienne, de l’importance de l’envahissement lymphatique, mais aussi de l’âge et de l’état général et nutritionnel du patient. En cas de tumeur étendue au bas œsophage, chez un sujet jeune et peu dénutri, il semble logique d’inclure l’ensemble des territoires médiastinaux où se drainent le bas œsophage et le cardia (région inframédiastinale postérieure, médiastin moyen, médiastin supérieur), donc d’étendre ce volume au moins jusqu’à un plan passant par bord inférieur des clavicules. Chez un sujet plus fragile, surtout si la tumeur ne dépasse pas le cardia, le volume médiastinal peut n’être étendu que jusqu’au niveau de la caréna, comme le propose Gunderson [17]. Dans tous les cas, le volume–cible anatomoclinique inclura la partie correspondante du diaphragme, les ganglions périœsophagiens et inframédiastinaux postérieurs, au moins jusqu’aux relais de la caréna. Au niveau sous-diaphragmatique, des économies de volume sont possibles par rapport au « volume–cible anatomoclinique de base ». Il faut encore inclure les chaînes coronaire stomachique, hépatiques, splénique jusqu’au hile splénique ; le ligament duodéno-hépatique, les relais cœliaques, rétropancréatiques et lomboaortiques hauts (limite inférieure au niveau du troisième duodénum, soit en général le disque L2–L3, (figure 1). Le péritoine correspondant sera inclus, mais on peut protéger la partie inférieure du rein gauche et l’intestin grêle situé en-dessous du niveau de L3. L’extension susdiaphragmatique du volume–cible anatomoclinique (figure 2) entraînerait une irradiation cardiaque trop importante (en volume et en dose) si l’on ne délivrait pas une partie de la dose par des champs latéraux de forme complexe pour couvrir le volume–cible prévisionnel correspondant. Pour les tumeurs de la grosse tubérosité, la coupole est incluse (en sachant que cela oblige à irradier la face inférieure des ventricules cardiaques). Il faut aussi inclure la rate et son hile (ou leur lit d’exérèse). En arrière, la cavité péritonéale s’approfondit au-dessus du rein gauche et sur la scanographie il n’est pas facile de distinguer la frontière dessinée par le péritoine postérieur (figure 3), ce qui peut amener à irradier une portion de moelle épinière par les faisceaux latéraux. Mais ce petit segment de moelle peut tolérer 40 à 45 Gy. En revanche, si la tumeur ne s’étend pas à la petite courbure, on peut être plus économe au niveau du pédicule hépatique, rarement atteint dans ce cas [4]. Pour les tumeurs de l’antre, il faudra bien veiller à inclure le pédicule hépatique, les ganglions du ligament
hépatoduodénal, fréquemment envahis dans cette localisation. En revanche, pour les tumeurs du tiers inférieur qui ne se prolongent pas à gauche le long de la grande courbure, la couverture du hile splénique semble inutile [63]. On pourra aussi mieux protéger la face inférieure du volume cardiaque. Le volume–cible anatomoclinique des tumeurs étendues est, bien sûr, à discuter cas par cas. Le principal risque est celui d’une rechute péritonéale, ces tumeurs étendues correspondant souvent à des « linites plastiques ». Parfois il est souhaitable d’irradier un peu plus d’intestin grêle, surtout si le patient ne présente pas de facteur de risque vis à vis du « grêle radique » : hypertension artérielle ancienne, artérite, diabète, antécédents de multiples laparotomies, surtout de péritonite ; sujet longiligne et maigre dont la quasi totalité du grêle se rassemble en avant du rachis lombaire. Dans ces formes, aussi, l’exérèse ne peut pas toujours être complète ; il faut prévoir un volume cible anatomoclinique pour l’irradiation complémentaire. CONCLUSION : LE SOUHAITABLE ET LE POSSIBLE Délimiter les volumes d’irradiation sur des coupes de scanographie ou d’IRM est une pratique relativement nouvelle. Beaucoup des choix conseillés dans ce chapitre sont le fruit de notre expérience de la mise en traitement par simulation virtuelle des cancers de l’estomac. Le choix d’un volume–cible anatomoclinique et d’un volume–cible prévisionnel ne peut s’affranchir d’une évaluation des risques encourus par les tissus sains, et des contraintes techniques d’une combinaison de faisceaux qui doit apporter le meilleur compromis entre le souhaitable (un volume cible anatomoclinique incluant l’ensemble des volumes à risque de rechute locorégionale) et le possible (un volume au-delà duquel le risque de complications sévères deviendrait inacceptable). Ce compromis ne peut être bien défini que si l’on sait évaluer les risques. La réalisation d’histogrammes dose-volume est une première approche, mais leur interprétation demeure délicate, d’autant plus qu’ils ne représentent que la répartition de doses physiques et ne prennent pas en compte les doses par fraction. La prochaine étape doit nécessairement passer par la validation de modèles prédictifs pour les complications cardiaques, hépatiques, intestinales et rénales, les plus à craindre dans ce type de radiothérapie. Un chapitre comme celui-ci ne peut pas apporter de « recettes » applicables par tout novice en radiothérapie. Le traitement des cancers gastriques demeure un exercice difficile et doit pour le moins être réalisé sous le contrôle de radiothérapeutes confirmés et intéressés par ce type de tumeur. C’est sans doute pourquoi il a fallu attendre l’an 2000 pour qu’un essai clinique bien conduit apporte la
532
M. Caudry et al.
preuve indiscutable de l’intérêt de la radiothérapie dans cette localisation [35]. RE u FE u RENCES 1 Bizer LS. Adenocarcinoma of the stomach : current results of treatment. Cancer 1983 ; 51 : 743-5. 2 Bleiberg H, Goffin JC, Dalesio O, Buyse M, Pector PC, Gignoux M, et al. Adjuvant radiotherapy and chemotherapy in resectable gastric cancer. A randomized trial of the gastro-intestinal tract cancer cooperative group of the EORTC. Eur J Surg Oncol 1989 ; 15 : 535-43. 3 Bloss RS, Miller TA, Copeland EM. Carcinoma of the stomach in the young adult. Surg Gynecol Obstet 1980 ; 150 : 883-6. 4 Boku T, Nakane Y, Okusa T, Hirozane N, Imabayashi N, Hioki K, et al. Strategy for lymphadenectomy of gastric cancer. Surgery 1989 ; 105 : 585-92. 5 Buck RC. Walker 256 tumor implantation in normal and injured peritoneum studied by electron microscopy, scanning electron microscopy, and autoradiography. Cancer Res 1973 ; 33 : 3181-8. 6 Caudry M. Gastric cancer : radiotherapy and approaches to locally unresectable or recurrent disease. In : Ahlgren JD, MacDonald JS, Eds. Gastrointestinal oncology. Philadelphia : JB Lippincott ; 1992. p. 181-7. 7 Caudry M, Escarmant P, Maire JP, Demeaux H, Guichard F, Azaloux H. Radiotherapy of gastric cancer with a three field combination : feasibility, tolerance, and survival. Int J Oncol Biol Phys 1987 ; 13 : 1821-7. 8 Childs DS, Moertel CG, Holbrook MN, Reitmeier RJ, Colby M. Treatment of unresectable adenocarcinomas of the stomach with a combination of 5-fluorouracil and radiation. Am J Roentgenol 1968 ; 102 : 541-4. 9 Correa P, Sasano N, Stemmermann GN, Haenszel W. Pathology of gastric carcinoma in japanese populations : Comparisons between Miyagi Prefecture, Japan, and Hawai. J Natl Cancer Inst 1973 ; 51 : 1449-56. 10 Cuilleret J, Burgard G, Baccot S. Principes et indications des lymphadenectomies extensives dans le traitement du cancer gastrique. Lyon Chir 1993 ; 89 : 88-91. 11 Dent DM, Werner ID, Novis B, Chevreton P, Brice P. Prospective randomized trial of combined oncological therapy for gastric carcinoma. Cancer 1979 ; 44 : 385-91. 12 Esaki Y, Hirayama R, Hirokawa K. A comparison of patterns of metastasis in gastric cancer by histologic type and age. Cancer 1990 ; 65 : 2086-90. 13 Falkson G, Falkson HC. Fluorouracil and radiotherapy in gastrointesinal cancer. Lancet 1969 ; 2 : 1252-3. 14 Frein R, Kelsen DP, Geller N, Bains M, McCormack P, Brennan MF. Adenocarcinoma of the esophagus and gastrointestinal junction. Cancer 1985 ; 5 : 2512-8. 15 Gastrointestinal Tumor Study Group. A comparison of combination chemotherapy and combined modality therapy for locally advanced gastric carcinoma. Cancer 1982 ; 49 : 1771-7. 16 Gastrointestinal Tumor Study Group. The concept of locally advanced gastric cancer. Effect of treatment on outcome. Cancer 1990 ; 66 : 2324-30. 17 Gunderson LL. Gastric cancer. In : Perez CA, Brady LW, Eds. Principle and practice of radiation oncology. Philadelphia : JB Lippincott ; 1987. p. 793-800. 18 Gunderson LL. Rationale for and results of intraoperative radiation therapy. Cancer 1994 ; 74 : 537-41. 19 Gunderson LL, Hoskins RB, Cohen AC, Kaufman S, Wood WC, Carey RW. Combined modality treatment of gastric cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1983 ; 9 : 965-75. 20 Gunderson LL, Sosin H. Areas of failure in a re-operation series (second or symptomatic look). Clinicopathologic correlations for adjuvant therapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1982 ; 8 : 1-11. 21 Hallissey MT, Dunn JA, Ward LC, Allum WH. The second British Stomach Cancer Group Trial of adjuvant radiotherapy or chemotherapy in resectable gastric cancer : five-year follow-up. Lancet 1994 ; 334 : 1309-12.
22 Hamy A, Letessier E, Bizouarn P, Paineau J, Aillet G, Mirallie E, et al. Study of survival and prognostic factors in patients undergoing resection for gastric linitis plastica : a review of 86 cases. Int Surg 1999 ; 84 : 337-43. 23 Heidl G, Langhans P, Krieg V, Mellin W, Schilke R, Bunte H. Comparative studies of cardia carcinoma and infracardial gastric carcinoma. J Cancer Res Clin Oncol 1993 ; 120 : 91-4. 24 Heidl G, Langhans P, Mellin W, Bunte H, Grundmann E. Adenocarcinomas of esophagus and cardia in comparison with gastric carcinoma. J Cancer Res Clin Oncol 1993 ; 120 : 95-9. 25 Horvath W, Pipoly G, Krupp K. Improved survival in gastric cancer with postoperative chemo-radiotherapy [abstract]. ASCO 1990 ; 9 : 111. 26 Ichikura S, Tomimatsu S, Okusa Y, Uefuji K, Tamakuma S. Comparison of the prognostic significance between the number of metastatic lymph nodes and nodal stage based on their location in patient with gastric cancer. J Clin Oncol 1993 ; 11 : 1894-900. 27 International Union Against Cancer. TMN Classification of Malignant Tumors. New York : Wiley-Liss ; 1997. p. 59-62. 28 Japanese Research Society for Gastric Cancer. The general rules for the gastric cancer study in surgery and pathology. Jpn J Surg 1981 ; 11 : 127-45. 29 Kaibara N, Itsuka Y, Kimura A, Kobayashi Y, Hirooka Y, Nishidoi H, et al. Relationship between area of serosal invasion and progress in patients with gastric carcinoma. Cancer 1987 ; 60 : 136-9. 30 Kitamura M, Arai K, Iwasaki Y. Evaluation of intraoperative peritoneal cytology and intraperitoneal chemotherapy using CDDP with MMC for gastric carcinomatous peritonitis. Gan To Kagaku Ryoho 1995 ; 22 : 1523-6. 31 Klaassen DJ, MacIntyre JM, Catton GE, Engstrom PF, Moertel CG. Treatment of locally unresectable cancer of the stomach and pancreas : a randomized comparison of 5-fluorouracil alone with radiation plus concurrent and maintenance 5-fluorouracil. An Eastern Cooperative Oncology Group study. J Clin Oncol 1985 ; 3 : 373-8. 32 Landry J, Tepper J, Wood WC, Moulton EO, Koerner F, Sullinger J. Patterns of failure following curative resection of gastric carcinoma. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1990 ; 19 : 1357-62. 33 Lauren P. The two histologic main types of gastric carcinoma : Diffuse and so-called intestinal type carcinoma. An attempt at a histoclinical classification. Acta Pathol Microbiol Scand 1965 ; 64 : 31-49. 34 Lisborg P, Jatzko G, Horn M, Neumann HJ, Stettner H, Radical Surgery (R2 resection) for gastric cancer 1994 ; 29 : 1024-8. 35 Macdonald JS, Smalley S, Benedetti J, Estes N, Haller DG, Ajani JA, et al. Postoperative combined radiation and chemotherapy improves disease-free survival (DFS) and overall survival (OS) in resected adenocarcinoma of the stomach and GE junction. Results of Intergroup Study INT-0116 (Swog 9008). Am Soc Clin Oncol 2000 ; 19 : 1. 36 Maehara Y, Moriguchi S, Kakeji Y, Orita H, Haraguchi M, Korenaga D, et al. Prognostic factors in adenocarcinoma in the upper onethird of the stomach. Surg Gynecol Obstet 1991 ; 173 : 223-6. 37 Makino M, Morowaki S, Yonekawa M, Oota M, Kimura O, Kaibara N. Prognostic significance of the number of metastatic lymph nodes in patients with gastric cancer. J Surg Oncol 1991 ; 47 : 12-6. 38 Mantell BS. Radiotherapy for dysphagia due to gastric carcinoma. Br J Surg 1982 ; 69 : 69-70. 39 Maruyama K, Kitaoka H, Hirata K, Okabayashi K, Kikuchi S. Is combined resection necessary for No. 10 and No. 11 lymph node dissection in radical gastrectomy ? Gastroenterology Surg (Shokakigeka) 1984 ; 7 : 1509-15. 40 Ming SC. Gastric carcinoma. A pathobiological classification. Cancer 1977 ; 39 : 2475-85. 41 Moertel CG, Childs DS, O’Fallon JR, Holbrook MA, Schutt AJ, Reitemeier RJ. Combined 5-Fluorouracil and radiation therapy as a surgical adjuvant for poor prognosis gastric carcinoma. J Clin Oncol 1984 ; 2 : 1249-54. 42 Moertel CG, Childs DS, Rettemeier RJ, Colby MY, Holbrook MA. Combined 5-fluorouracil and supervoltage radiation therapy of locally unresectable gastrointestinal cancer. Lancet 1969 ; 2 : 865-7. 43 Munoz N, Correa P, Cuello G, Duque E. Histologic types of gastric carcinoma in high and low risk areas. Int J Cancer 1968 ; 3 : 809-18.
Estomac 44 Nakamura K, Ueyama T, Yao T, Xuan ZX, Ambe K, Adachi Y, et al. Pathology and prognosis of gastric carcinoma. Findings in 10,000 patients who underwent primary gastrectomy. Cancer 1992 ; 70 : 1030-7. 45 Natsugoe S, Aikou T, Yoshinaka H, Miyazono F, Shimada M, Hokita S, et al. Surgical treatment of carcinoma of the cardia with special references to mediastinal extension and lymph node metastasis. Nippon Geka Gakkai Zasshi 1998 ; 99 : 575-80. 46 Noguchi Y, Imada T, Matsumoto A, Coit DG, Brennan MF. Radical surgery for gastric cancer. A review of the japanese experience. Cancer 1989 ; 64 : 2053-62. 47 Noguchi Y, Ohta H, Takagi K, Nishi M, Kajitani T, Kato T, et al. Studies on proximal gastrectomy against gastric carcinoma. Indications for surgery. Jpn J Gastroenterol Surg 1983 ; 16 : 1470-6. 48 Nordman E. Value of megavolt therapy in gastric carcinoma. Bull Cancer (Paris) 1976 ; 63 : 217-22. 49 O’Connell MJ, Gunderson LL, Moertel CG, Kvols LK. A pilot study to determine clinical tolerability of intensive combined modality therapy for locally unresectable gastric carcinoma. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1985 ; 11 : 1827-31. 50 Ogiu T, Nakamura K. Growth of intraperitonealy transplanted ascites hepatoma, AH39 cells, in the area of gelatin sponge inoculation into the abdominal wall of Donryu rats. Jpn J Cancer Res 1979 ; 70 : 173-9. 51 Ohno S, Maehara Y, Ohiwa H. Peritoneal dissemination after a curative gastrectomy in patients with undifferenciated adenocarcinoma of the stomach. Semin Surg Oncol 1994 ; 10 : 117-20. 52 Ohno S, Tomisaki S, Oiwa H, Sakaguchi Y, Ichiyoshi Y, Maehara Y, et al. Clinicopathologic characteristics and outcome of adenocarcinoma of the human gastric cardia in comparison with carcinoma of other regions of the stomach. J Am Coll Surg 1995 ; 180 : 577-82. 53 Regine WF, Mohiuddin M. Impact of adjuvant therapy on locally advanced adenocarcinoma of the stomach. Int J Oncol Biol Phys 1992 ; 24 : 921-7. 54 Ribiero MM, Sarmento JA, Simôes MAS, Bastos J. Prognostic significance of Lauren and Ming classifications and other pathologic parameters in gastric carcinoma. Cancer 1981 ; 47 : 780-4.
533
55 Rougier P, Elias D, Eschwege F, Faivre J, Flejou JF, Gouerou H, et al. Cancers de l’estomac. In : Zeitoun P, Ed. Encyclopédie des cancers. Cancers digestifs. Paris : Flammarion ; 1987. p. 47-115. 56 Slot A, Meerwaldt JH, Van Putten WL, Treurniet-Donker AD. Adjuvant postoperative radiotherapy for gastric carcinoma with poor prognostic signs. Radiother Oncol 1989 ; 16 : 269-74. 57 Sons HU, Borchard F. Cancer of the distal esophagus and cardia : incidence, tumorous infiltration and metastatic spread. Ann Surg 1986 ; 203 : 188-95. 58 Sowa M, Kato Y, Kubo T, Nakanishi K, Nishimura M, Chung YS, et al. Clinicopathological and histochemical studies of linitis plastica type gastric cancer with special reference to early gastric cancer in the region of the fundic gland. Osaka City Med J 1991 ; 37 : 11-22. 59 Tachimori Y, Kato H, Watanabe H, Sasako M, Kinoshita T, Maruyama K. Difference between carcinoma of the lower esophagus and the cardia. World J Surg 1996 ; 20 : 507-10. 60 Tsukiyama I, Akine Y, Kajiura Y, Ogino T, Yamashita K, Egawa S, et al. Radiation therapy for advanced gastric cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1988 ; 15 : 123-7. 61 Wieland C, Hymmen U. Megavoltage maligner neoplasien des Magens. Strahlentherapie 1970 ; 140 : 20-6. 62 Wu CC, Chen JT, Chang MC, Ho WL, Chen CY, Yeh DC, et al. Optimal surgical strategy for potentially curative serosa-involved gastric carcinoma with intraperiotoneal free cancer cells. J Am Coll Surg 1997 ; 184 : 611-7. 63 Wu CW, Hsieh MJ, Lo SS, Tsay SH, Lui WY, P’eng FK. Lymph node metastasis from carcinoma of the distal one-third of the stomach. Cancer 1994 ; 73 : 2059-64. 64 Yashiro M, Chung YS, Nishimura S, Inoue T, Sowa M. Fibrosis in the peritoneum induced by scirrhous gastric cancer cells may act as « soil » for peritoneal dissemination. Cancer 1996 ; 77 : 1668-75. 65 Yu CCW, Levison DA, Dunn JA, Ward LC, Demonakou M, Allum WH, et al. Pathological prognostic factors in the second British Stomach Cancer Group trial of adjuvant therapy in resectable gastric cancer. Br J Cancer 1995 ; 71 : 1106-10.