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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 56 (2008) 430–438
Article original
Caractéristiques d’une cohorte d’enfants et d’adolescents de la liste d’attente de consultation d’un service universitaire sectorisé de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de Brest夽 Sociodemographic features of children and adolescents waiting for consultations at the Child and Adolescent Psychiatry Department of Brest University Hospital Y. Richard ∗ , S. Saint-Andre, A. Lazartigues Service hospitalo-universitaire de psychiatrie infantojuvénile, hôpital de Bohars, CHU de Brest, université de Bretagne occidentale, 29820 Bohars, France
Résumé Objectif. – Donner les caractéristiques sociodémographiques des demandes de consultation dans un service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent sur l’année 2004 dans la région brestoise et évaluer les orientations sur cette période. Méthodes. – Il s’agit des demandes de consultation arrivant dans le service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent par contact téléphonique auprès des secrétaires médicales qui remplissent une grille de recueil de données (49 items), en se basant sur une liste de questions préétablies. Résultats. – Sur l’année 2004, 140 demandes de consultation seront formulées au service universitaire de pédopsychiatrie ; 71,2 % des enfants n’avaient pas de suivi médical antérieur ; 41 % furent pris en charge en intra hospitalier (moitié par des PH, moitié par des internes), 6 % en extra, et 53 % furent placés sur liste d’attente. Il s’agit le plus souvent d’un garc¸on (63,3 %). Dans la moitié des cas, l’enfant est âgé de moins de huit ans avec un pic d’âge à quatre ans ; il existe également un pic à huit ans et 11 ans. Dans deux tiers des situations, l’enfant a au moins un frère ou une sœur et il est le plus souvent l’aîné dans une fratrie de deux. Dans 41 % des situations, l’enfant est adressé par ses parents, dans 25,9 % par les médecins de ville (neuf cas sur dix par le médecin généraliste) et dans 9,4 % par l’école. Dans un tiers des cas, le motif principal de la demande est représenté par les troubles du comportement et dans 15 % des cas, il s’agit d’un motif scolaire. Dans près de 75 % des situations, la première consultation hospitalière a lieu moins d’un mois après la demande et 3,5 % des enfants ne sont pas venus à cette consultation. Conclusion. – Une étude approfondie des listes d’attente de ces cinq dernières années semble être une aide précieuse pour trouver des solutions plus satisfaisantes à l’augmentation croissante de la demande de consultations psychiatriques d’enfants et d’adolescents. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – Give the sociodemographic features of the requests made in 2004 for consultations at the Child and Adolescent Psychiatry Department of Brest University Hospital and assess the immediate help given to those young outpatients. Methods. – It is based on the phone calls for consultations received by the medical secretaries who filled in a 49-item data-grid. The collected data are thus: date of phone call, date of birth, sex, address, school level, size of the subject’s-family and his position within it, twins, type of family, person or institution responsible for the request (hospital, maternal child départment, other child psychiatry départment, GP, social services, justice, family, school), reason at the origin of the request (psychofunctional disorder(s), agressiveness, behaviour, kind of parenthood, level in school, events in the family life, ill-treatment, subject behind at school, depression/anxiety, psychosis), history of medical follow-up, type of action
夽 ∗
Communication au congrès de la Société franc¸aise de psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et disciplines associées (SFPEADA), 9–10 juin 2006, Brest. Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (Y. Richard).
0222-9617/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2008.04.010
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(in-hospital or out-hospital intervention, waiting list), waiting time prior to the first consultation, attendance to this consultation. The data are passed on to the coordinator doctor who, in turn, directs the request either to a child psychiatrist for consultation, or to a medical intern for a quick appointment and advice or to the waiting list. Results. – The total number of requests in 2004 was 140; 71.2% of them were about subjects with no past history of follow-up and 63.3% were about boys. Half of the intervention cases were about children below eight years with a peak at the age of four. It is worth noting that other peaks were found at eight and 11 years; two out of three children go to a nursery school or a primary school where he is usually in the early years. Moreover, in two out of three families, the subject has, at least, a brother or a sister, and most of the time he is the elder. In 41% of cases, the request emanated from the child’s parents, in 25.9% from a doctor (a GP for nine out of 10 cases) and in 9.4% from the child’s school. A third of the requests was made because of behaviour disorders; among the other cases 15% were induced by problems at school. A consultation intervention by a child psychiatrist and or resident was possible for 41% out of the 140 requests, 6% of cases were followed as out-patients, and the last 53% were put on a waiting list. In 75% of cases, an appointment was given by the following month and 3,5% of children did not come to the consultation. Conclusion. – The close examination of waiting lists should be a valuable help to find more satisfying solutions to the constant increase of calls for appointment with a Child and Adolescent psychiatrist observed over the last five years. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Liste d’attente ; Consultation d’urgence ; Nouvelles familles ; Famille contemporaine ; Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent Keywords: Waiting list; Emergency consultation; New families; Contempory family; Psychiatry of the child and the adolescent
1. Introduction Parallèlement à une baisse importante du nombre de lits d’hospitalisations à temps plein en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (divisé par trois entre 1986 et 2000 [3]), nous assistons à un afflux massif de demandes de consultation [1] : le nombre d’enfants suivis en secteur de psychiatrie infantojuvénile a quasiment doublé en un peu moins de dix ans [3]. Ainsi, le taux de recours global aux secteurs de psychiatrie infantojuvénile était de 16 pour 1000 habitants en 1991 contre 28 pour 1000 habitants en 2000 (nous rappelons que la superficie moyenne d’un secteur de psychiatrie infantojuvénile correspond à l’équivalent de trois secteurs de psychiatrie générale adulte [3] pour des populations d’intersecteur allant de 140 000 à 250 000 habitants). Cette augmentation importante de la demande de soins n’est pas suivie d’une augmentation correspondante des moyens en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, ce qui bien sûr n’est pas sans conséquence, comme nous le rappellent quotidiennement nos patients et leur famille. En effet, on note des premières consultations de plus en plus tardives avec des délais d’attente compris entre quatre et dix mois actuellement [7], quand un rendez-vous est donné ! Les solutions développées sur le terrain et présentées dans la littérature pour faire face à cet afflux de demandes sont très diverses suivant les structures de soins. Nous pouvons cependant retenir de fac¸on schématique deux principales modalités de réponses : • recevoir les demandes par ordre d’inscription, sans tenir compte du motif de la demande. Ainsi, certains centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) tentent de donner suite actuellement à toutes les demandes de consultation. Cette « acceptation » de toutes les demandes sans distinction de prime abord soulève plusieurs problèmes, dont celui de l’urgence ou de l’attente. En effet, il existe alors un délai important avant le premier rendez-vous ou « bilan » (plusieurs mois) ; mais également un long délai entre cette première prise de contact (qui peut être assurée par un médecin, un(e) psychologue ou une assistante sociale) et la prise en charge
ultérieure de type psychothérapique (jusqu’à plus de six mois entre le « bilan » et la mise en place du suivi) ou/et rééducatif ; • hiérarchiser les demandes en fonction du motif et du degré éventuel d’urgence [17], ce qui est réalisé dans le service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Brest. Le premier rendez-vous est systématiquement médical. Cette politique peut paraître plus logique mais soulève des questions et n’est bien entendu pas sans faille : comment hiérarchiser les demandes ? Qui hiérarchise ? Certaines demandes ne seront pas prises en compte. . . Malgré ce système de fonctionnement permettant une certaine sélection, notre liste d’attente reste trop longue. L’augmentation massive des demandes de consultation a touché également la région brestoise comme le reste de la France il y a une dizaine d’années. Afin de tenter d’améliorer notre prise en charge, nous avons donc mis en place une enquête dont le principal objectif est de donner les caractéristiques sociodémographiques des demandes de consultations en service universitaire de pédopsychiatrie sur l’année 2004 dans la région brestoise et d’évaluer l’orientation proposée sur cette période. Mais rappelons avant tout les moyens à notre disposition dans le secteur universitaire infantojuvénile de Brest. 2. Moyens du service universitaire Le service universitaire de psychiatrie infantojuvénile de Brest dispose au niveau médical de 3,5 équivalents temps plein (deux universitaires – un-PU-PH et un CCA – chacun à mi-temps clinique, et 2,5 PH) et de deux d’internes DES de psychiatrie. Ces médecins exercent au sein des unités suivantes : • trois unités d’hospitalisation ; ◦ « le centre de soins pour Enfants et Adolescents (CDSE) », lieu d’hospitalisation à temps complet d’une capacité de 14 lits, pouvant accueillir en urgence 24 h/24 et 7 j/7 des mineurs de moins de 16 ans en situation de crise, avec une durée moyenne de séjour de 20 jours (contre 42 jours en moyenne nationale [3]) et un âge moyen de 12,6 ans (âge
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minimum : quatre ans ; âge maximum : 16 ans). Ce service admet entre 170 et 200 enfants par an, ◦ « l’hôpital de jour », qui accueille des enfants de moins de 6 ans présentant principalement des troubles envahissant du développement (TED). Ce service prend en charge 17 enfants par an avec une durée moyenne de prise en charge de deux ans, ◦ « l’hospitalisation à domicile (HAD) » où une équipe de soignants intervient dans le lieu de vie du jeune (famille, institutions), afin d’aider au mieux son intégration et de soutenir les différents partenaires face aux problématiques psychiatriques. Cette unité assure environ 30 prises en charge par an, avec une durée moyenne d’intervention de six mois, l’unité de visite à domicile thérapeutique (VADT) prend en charge 17 enfants de 4,3 ans de moyenne d’âge présentant principalement des TED, avec une intervention dans leur lieu de vie et une durée moyenne d’intervention de 14 mois ; deux CLIS TP qui accueillent 16 enfants de sept à 12 ans répartis dans deux classes, enfants présentant des difficultés d’apprentissage et d’intégration sociale dans le cadre de trouble de la personnalité, avec une prise en charge moyenne de deux ans ; trois CMP (Bohars, lieu d’implantation des lits d’hospitalisation temps plein dans un hôpital psychiatrique à 4 km de Brest, Plougastel-Daoulas et Crozon) ; de plus, depuis 1999, il existe un centre ressources autisme (CRA) Bretagne, structure régionale médicosociale rattachée au service universitaire, dont la mission est de mettre en œuvre des actions de diagnostic précoce, de recherche, d’aide, de soutien, d’information, de formation, de conseil et d’expertise auprès des familles et des professionnels médicosociaux et de santé (rapport disponible sur le site du Ministère de la Santé www.sante.gouv.fr [2]).
Au sein du service universitaire, il n’existe pas d’unité spécifique type « centre de consultation », ni de médecin détaché à la consultation. Chaque médecin rec¸oit donc des consultants externes en dehors des demandes de consultations spécifiques adressées à son unité ou des suivis proposés pour les patients dans cette même unité. Les demandes de consultations externes sont recueillies par les secrétaires médicales. La famille prend en effet contact avec le secrétariat de pédopsychiatrie qui alerte alors le « médecin régulateur ou coordonnateur ». Chaque médecin du service est tour à tour coordonnateur pour ces demandes de consultations pendant un mois : il les évalue et les répartit entre les différents médecins. Il dirige ainsi la demande vers le pédopsychiatre qui lui semble le plus adapté (interne, senior responsable de la petite enfance, senior responsable de l’unité d’hospitalisation complète, etc. . .) qui proposera alors un premier rendez-vous. Or le recours aux soins en pédopsychiatrie est en forte hausse et les médecins du service ne peuvent répondre face à cet afflux massif de demandes. La liste des consultations externes est saturée. Dans le but d’optimiser la prise en charge de ces demandes, nous avons donc décidé d’étudier cette liste d’attente afin de mieux connaître la population concernée, d’évaluer l’orientation et la prise en
charge et de tenter de proposer de nouveaux modes de prise en charge. 3. Méthode 3.1. Population Il s’agit de l’ensemble des demandes téléphoniques de consultation arrivant au secrétariat de pédopsychiatrie du service universitaire de pédopsychiatrie au cours de l’année 2004. 3.2. Recueil des données La secrétaire contactée par une famille demandant une consultation renseigne alors les 49 items présélectionnés dans un cahier dans lequel sont mises les demandes en fonction de leur ordre d’arrivée. Les items sont classés en huit grandes parties : renseignements administratifs, famille, scolarité, origine de la demande, motif principal de la demande de consultation, suivi(s) antérieur(s), prise en charge proposée, devenir. Ces données sont résumées dans le Tableau 1. Il semble important de souligner que les motifs principaux de demande ne sont pas obligatoirement des diagnostics puisque les demandes peuvent provenir de familles ou d’institutions non sanitaires. Ce recueil ne reprend donc pas une des classifications actuelles des troubles psychologiques (CIM-10, DSM-IV, CFTMEA) puisque les données recueillies proviennent d’appels téléphoniques issus le plus souvent de personnel non médical. Enfin, nous avons réalisé une sélection dans le recueil de ces données qui est donc non exhaustif. 4. Résultats Sur l’année civile 2004, le secrétariat de pédopsychiatrie du service universitaire du CHU de Brest a rec¸u 140 demandes de consultations externes, dont une patiente âgée de 28 ans qui était enceinte de sept mois. Nous rappelons que ces demandes ne concernent pas les demandes d’hospitalisations, de bilans ou de suivis spécialisés dans les différentes unités, ni la pédopsychiatrie de liaison (pédiatrie, maternité, gynécologie, chirurgie infantile, etc.), ni les files actives des deux CMP qui se trouvent en dehors de Brest (Plougastel et Crozon) et qui dépendent du centre hospitalier. 4.1. Origine géographique La majorité des demandes proviennent de la ville de Brest (43,2 % ; n = 60) mais la population brestoise représente plus de 75 % du secteur. Nous relevons ainsi une relative surreprésentation de la population rurale. Nous pouvons tenter d’expliquer ce constat par l’hypothèse suivante : en urbain, il existe davantage de structures sanitaires avec une plus grande disponibilité des intervenants (pédopsychiatre, médecin généraliste, PMI, CMPP, etc.), ainsi que davantage de structures socioéducatives : halte garderie et crèche, association « Parentel » (accueil téléphonique aux parents), « La Ribambelle » (sur le modèle des « maisons
Y. Richard et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 56 (2008) 430–438 Tableau 1 Recueil de données
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Tableau 2 Effectifs en fonction des catégories d’âge
Items
Détails
Catégories d’âge
Étude
Population nationale (INSEE 2004)
Renseignements administratifs
Nom, prénom, sexe, date de naissance Adresse, telephone Date de la demande Parentalité: Parents ensembles, séparés, décédés, famille monoparentale, recomposée Fratrie: Taille, rang, gémellité (avec son type) Classe Redoublement Hôpital, PMI, CMPP, médecins de ville, services sociaux (ASE), justice, école, famille Psychofonctionnel: sommeil, TCA, énurésie, encoprésie Comportement: auto ou hétéroagressivité, colère/opposition, hyperkinésie, instabilité Parentalité: séparation, violence, alcool, toxicomanie Scolarité: comportement, résultat, absentéisme Évènement de vie: accident, déménagement, TS/décès Maltraitance: AS, physique, psychologique, négligence, auteur Retard de développement: langage, psychomoteur, autre Angoisse: angoisse, dépression, IDS, inhibition/phobie Psychose: étrangeté/bizarrerie, autisme, psychose CMPP, pédiatre, psychiatre, psychologue, orthophoniste, psychomotricien, HDJ, aucun Intra/extrahospitalière Liste d’attente Délais de la consultation Présence à la consultation
1–3 ans 4–6 ans 7–10 ans 11–16 ans
17 % (23) 28 % (39) 29 % (41) 26 % (36)
19 % (2 295 719) 19 % (2 265 545) 24 % (2 904 420) 38 % (4 568 313)
Total
100 % (139)
100 % (12 033 997)
Famille
Scolarité Origine de la demande
Motif principal de la demande de consultation
Suivi(s) antérieur(s)
Prise en charge proposée Devenir
vertes »), « Loisirs Pluriels » (accueil de jeunes enfants différents), maison pour tous, etc.
4.3. Âge et scolarisation Le nombre de demandes de consultations en fonction des âges est représenté dans la Fig. 1. La moyenne d’âge des enfants pour lesquels existe une demande de consultation pédopsychiatrique est de 7,65 ans avec un pic d’âge vers 3–4 ans. Nous remarquons également que les enfants de moins de dix ans représentent 74,8 % des demandes (n = 104). Or les adolescents représentent une grande partie de nos patients. Ils ne sont ici pas représentés car, en pratique, ils passent directement aux urgences (pédiatriques ou psychiatriques), ce qui peut refléter l’impossibilité de différer la demande pour ces adolescents. La moyenne d’âge des enfants hospitalisés est bien supérieure puisqu’elle est de 12,6 ans au CDSE. En ce qui concerne les CMPP, la majorité des enfants qui consultent (49,5 %) est âgée de cinq à neuf ans [4], catégorie d’âge également très représentée dans l’étude mais de fac¸on relativement moindre (35,7 %). Dans deux tiers des cas, l’enfant est scolarisé en maternelle ou en primaire (non scolarisé dans 3 % des situations). En maternelle, la classe la plus concernée est la petite section (52 %) et en primaire, il s’agit du CE 1 (32 %). 4.4. Âge et population générale Nous avons repris les catégories d’âge classiques que nous avons appliquées à la population étudiée et tenter de comparer ces groupes à ceux de la population générale nationale grâce aux chiffres fournis par l’Insee. Le Tableau 2 présente les résultats. Nous pouvons observer une relative « surreprésentation » des 4–6 ans par rapport à leur représentation dans la population générale. 4.5. Âge : répartition en fonction du genre
4.2. Répartition des demandes selon le genre La majorité des demandes est représentée par des garc¸ons (63,3 % ; n = 88), soit un sex-ratio de 1,73. Ce chiffre se rapproche de celui du sex-ratio national des enfants suivis en CMPP qui est de 1,77 en 2003 [4]. Au niveau national, la proportion de garc¸ons pris en charge en suivi en 2000, indifféremment du type de structure, est de 59 % contre 41 % de filles [3]. À titre de comparaison, sur la même période, le centre de soins pour enfants (CDSE) a accueilli 175 enfants en hospitalisation complète en 2004, avec quasiment autant de garc¸ons que de filles : 50,3 % garc¸ons contre 49,7 % filles, avec un sex-ratio de 1,01 n’objectivant pas de différence significative entre les deux sexes.
En s’intéressant plus en détail à ces catégories d’âges en fonction du genre (Tableau 3), nous remarquons que les 4–6 ans sont en grande majorité des garc¸ons (82,1 %). Tableau 3 Effectifs par catégories d’âge en fonction du genre Catégories d’âge
Garc¸ons
Filles
1–3 ans 4–6 ans 7–10 ans 11–16 ans > 16 ans
12,5 % (11) 36,4 % (32) 27,3 % (24) 23,8 % (21) 0,0 % (0)
23,5 % (12) 13,7 % (7) 33,3 % (17) 27,5 % (14) 2 % (1)
Total
100 % (88)
100 % (51)
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Fig. 1. Demandes de consultations en fonction des âges.
4.6. Taille de la fratrie Dans le Tableau 4 sont présentés les effectifs en fonction de la taille de la fratrie. Nous effectuons plusieurs constats : • il ne figure que 123 réponses puisque nous avons obtenu 16 réponses « ne sait pas » soit 11,5 % ; • nous relevons une forte représentation des fratries de deux et de trois dans la population étudiée, respectivement 43,1 et 29,3 %. A noter que dans la population générale les fratries de deux et trois enfants « ne représentent que » 27 et 11 % des situations familiales (Insee). • dans 4,3 % des demandes de consultation, l’enfant concerné a un jumeau. Le pourcentage des jumeaux de cette cohorte est supérieur à la représentation des jumeaux dans la population générale qui est de 1,5 % [14]. 4.7. Le rang dans la fratrie Dans la cohorte, nous ne relevons pas de différence significative entre garc¸ons et filles pour le rang dans la fratrie. En ce qui concerne les aînés dans les fratries de deux ou de trois, nous remarquons qu’il y a, de fac¸on relative, dix fois plus de demandes pour l’aîné d’une fratrie de deux que pour l’aîné d’une fratrie de trois. De plus, dans les fratries de deux, la demande de soins concerne majoritairement l’aîné (60 % de demandes pour l’aîné), et dans les fratries de trois, la majorité des demandes de soins concerne le deuxième (60 % de demandes pour le cadet). 4.8. Le motif principal de la demande de consultation Nous rappelons qu’il s’agit de « motifs de consultation » et non de « diagnostics », même si 39,6 % des enfants sont adressés par des professionnels du soin. Les résultats sont présentés dans les Figs. 2 et 3. Tableau 4 Effectifs en fonction de la taille de la fratrie
La Fig. 3 présente certaines tendances dans les motifs de consultation selon le sexe. Il semblerait que les filles motivent préférentiellement les consultations pour « troubles psychofonctionnels », « angoisse » et « maltraitance ». Cependant, du fait de la trop faible importance de ces sous-groupes, nous ne pouvons nous avancer sur d’éventuelles conclusions significatives. 4.9. L’origine de la demande de consultation Les demandes de consultation émanent majoritairement des familles (41 %, Tableau 5) comme ce qui est retrouvé dans d’autres services hospitalo-universitaires [1]. 4.10. Le suivi antérieur 10,8 % (n = 15) des enfants avaient déjà bénéficié d’un suivi ou étaient suivis par un psychiatre. Il s’agissait dans la majorité des cas de demandes de relais thérapeutiques en accord ou pas avec le psychiatre ou la structure responsable jusque-là du suivi de l’enfant, voire d’une volonté délibérée de la part des familles d’instaurer une double prise en charge. 4.11. La prise en charge proposée Quarante-et-un pour cent (n = 57) des enfants furent pris en charge par un médecin du service (moitié par psychiatre, moitié par interne) et 75 % des consultations furent proposées dans le mois. Cela signifie qu’un peu plus de la moitié des demandes n’a pas eu de rendez-vous de consultation fixé et a été placée sur liste d’attente ! Il faut cependant tempérer cette remarque. Rappelons en effet que ces demandes de consultation sont évaluées par un praticien hospitalier, qui coordonne par la suite les soins en sollicitant les compétences professionnelles les plus adaptées. Il peut décider aussi de ne pas prendre en charge cet Tableau 5 Origine de la demande de consultation Origine de la demande de consultation
Effectifs 41 % (57) 25,9 % (36) 11,5 % (16) 9,4 % (13) 8,6 % (12) 2,2 % (3) 1,4 % (2) 100 % (139)
Taille de la fratrie
Étude
1 enfant 2 enfants 3 enfants 4 enfants et plus
17,1 % (21) 43,1 % (53) 29,3 % (36) 10,5 % (13)
Famille Médecin ville Hôpital École Service social (ASE) CMPP Justice
Total
100 % (123)
Total
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Fig. 2. Motif principal de la demande de consultation.
enfant dans le service. Certaines demandes ne nécessitent pas une prise charge psychiatrique au sein d’un service universitaire (comme par exemple la demande d’augmentation des résultats scolaires faite par une mère, alors que son enfant avait des résultats satisfaisants et sans autres signes d’appels). Un autre point semble important à souligner : les enfants ont davantage été pris en charge s’ils étaient adressés par un soignant (hôpital, CMPP, médecins de ville) que par un « non-soignant » (famille, école, services sociaux) : 45,5 (25/55) contre 36,6 % (30/82), nous rappelant une nouvelle fois la place centrale du médecin traitant dans le réseau de soin. Enfin, seulement 3,5 % des premiers rendez-vous de consultation n’ont pas été honorés. 5. Discussion Dans cet échantillon de demandes de consultation en pédopsychiatrie, le sex-ratio est nettement en faveur des garc¸ons, en particulier chez les plus jeunes ici et comme il a été observé dans d’autres études [1,4], pouvant faire évoquer des troubles externalisés plus bruyants chez ces derniers [1]. Au cours des quatre dernières décennies, la famille a été le lieu de changements majeurs [8,9]. Nous avons assisté à des transformations profondes de la parentalité et de la conjugalité. La puissance paternelle a été remplacée en 1970 par l’autorité parentale qui est devenue partagée, avant de disparaître de la sphère familiale [10]. Dans ces « nouvelles familles », ou familles contemporaines, prévaut une symétrisation généralisée
des relations homme/femme, père/mère et parents/enfants. Les relations parents/enfants s’organisent alors davantage sur le principe de consensus, par disparition du principe d’autorité. Dans cette organisation, l’ordre du groupe peut toujours être contesté et les droits et devoirs sont révisables. Alors que le principe d’autorité pouvait favoriser le contrôle pulsionnel, le consensus soutient au contraire l’expression pulsionnelle, et la psyché qui se structurait autour du conflit désir/interdit, se structure dans ces familles contemporaines autour du conflit désir/réel, avec de plus une réduction de l’efficacité des instances classiques (Surmoi « light » [11]) et une difficulté pour ces enfants à gérer les frustrations et les comportements agressifs. Quant à la conjugalité, elle s’est privatisée, et ce « nouveau couple », en se fondant essentiellement sur l’affectivité, s’est de fait précarisé. Parallèlement, un bouleversement des valeurs sociales a mis en exergue l’individualisme (effacement du devoir) conduisant à une disqualification de l’autorité et du savoir. L’hédonisme est devenu une valeur pivot de notre organisation sociale et a été mis au centre de la vie familiale. Les besoins individuels priment sur le collectif et l’on cherche avant tout à réaliser ses désirs (recherche de sensations et de satisfactions individuelles). Ainsi, l’autre et le groupe peuvent devenir persécuteurs quand ils ne satisfont pas aux désirs du sujet : la relation à l’autre devient problématique. Ces différents paramètres évoqués semblent contribuer à favoriser l’expression d’une violence plus importante de la part des enfants issus de familles contemporaines [10]. Cette violence est une dérive pathologique de l’évolution contemporaine
Fig. 3. Motif principal de la demande de consultation en fonction du genre (en %).
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des modèles familiaux et sociaux. Elle semble donc être devenue un mode d’expression privilégié de la souffrance psychique dans notre société contemporaine. Elle ne présume cependant en rien d’un jugement de valeur sur cette évolution sociétale qui présente par ailleurs de réels avantages pour l’individu (plus de possibilité d’épanouissement, moins de contraintes et plus de liberté, etc. . .). Le motif principal de demande de consultations – un tiers des demandes – est « troubles du comportement », troubles externalisés bruyants (cf histogrammes 2 et 3). La nature de ces symptômes peut évoquer un cadrage familial moins contenant (familles contemporaines ?) réduisant les capacités de contrôle comportemental de l’enfant, un environnement familial et social plus excitant (réduction de la fonction pare-excitation parentale, exposition plus longue et plus précoce aux médias dont les contenus sont pour le moins excitants et souvent violents) mettant en difficulté les systèmes de régulation de comportement de l’enfant, et/ou une diminution de la tolérance de l’environnement aux troubles du comportement. Un autre tiers des demandes est représenté par des « nouvelles demandes » : « scolarité », « évènement de vie » et « parentalité ». Ces demandes ne sont pas nouvelles en soi ; ce qui est nouveau c’est leur massive représentation dans la demande de soins. Différentes hypothèses peuvent tenter d’expliquer ce phénomène : sommes-nous en train d’assister à une médicalisation des demandes éducatives et de guidance parentale, avec une nouvelle dynamique familiale ? En effet, ce recours aux « spécialistes » serait sollicité par des parents qui se sentent souvent disqualifiés ou insuffisamment qualifiés pour assurer une fonction parentale à leurs yeux « suffisamment bonne » permettant un bon développement de leur enfant dont les potentialités sont survalorisées dans notre culture. Il semble que la place du psychiatre évolue dans notre société (« tout le monde veut son psy »). Alors que consulter un psychiatre, en particulier un pédopsychiatre, était considéré comme tabou et fortement culpabilisant pour les parents, actuellement cela tend à se banaliser et il n’est pas rare d’avoir une consultation avec un enfant pour voir si « tout va bien » comme nous évoquait récemment une mère, sans qu’il existe pour autant de symptômes pathologiques : « Je ne voulais pas trop venir, mais je suis venu pour ne pas avoir de regret. Je ne voulais pas passer à côté de quelque chose . . . ». Le statut de l’enfant évolue tout autant : l’enfant est devenu rare et il est d’emblée considéré comme une personne, dès sa naissance, riche de toutes les potentialités, telles les cellules souches totipotentes. Rappelons à ce titre la loi du 4 mars 2002 : « Art. 371-1. L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant » et « les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». Cet enfant roi est également précieux. C’est un enfant du désir qui n’est plus le fruit du hasard mais le fruit d’un vouloir (enfant « programmé »). C’est donc un enfant rare, riche de toutes les potentialités, que les parents doivent aider à épanouir et donc « ne pas passer à côté de quelque chose ». . . Les demandes de consultation concernent essentiellement les aînés d’une fratrie de deux, les seconds d’une fratrie de trois. Une des hypothèses pour expliquer cette demande de soins pour ces enfants, serait non pas le rang dans une fratrie en tant que tel, mais
la naissance d’un puîné avec une rivalité fraternelle inévitable, difficilement gérable pour l’enfant immédiatement plus âgé et une difficulté pour les parents à l’accompagner dans les différents deuils de l’enfance (deuil de sa place « privilégiée » avant la naissance du petit frère, etc.). Nous relevons également une surreprésentation des jumeaux dans cette cohorte par rapport à la population générale faisant évoquer une surreprésentation morbide. À noter que cette fréquence de naissance gémellaire est en augmentation en France et pose actuellement un problème de santé publique. En effet, cette augmentation récente de la fréquence des jumeaux pèse sur l’évolution de la mortalité périnatale et infantile : le petit poids des jumeaux à la naissance, leur prématurité et les complications de l’accouchement, font que leur mortalité est très supérieure à celle des enfants nés d’accouchements simples [13]. Une étude est actuellement en cours à l’INED [15] dont un des objectifs est de vérifier si la surmortalité dont souffrent les jumeaux au début de la vie se prolonge au-delà de la petite enfance. Ces enfants ne gardent-ils pas une certaine fragilité physique et/ou psychologique ? De plus, il nous semble raisonnable d’imaginer que cette fragilité inhérente à l’état de jumeau puisse avoir un impact sur les interactions précoces et ainsi influer sur la construction de personnalité et les comportements à venir. Le pic d’âge de consultation vers 3–4 ans (la moyenne pour l’échantillon étudié est de 7,65 ans) coïncide d’un point de vue psychodynamique avec la phase œdipienne, marquée par l’exigence d’un travail psychique important d’élaboration de la problématique œdipienne, essentiel à la bonne organisation de la psyché en permettant une bonne intégration de la loi sociale comme une bonne construction de l’identité de genre (identité sexuelle, choix d’objet, structure du désir sexuel). Il s’agit également d’une phase importante de socialisation (intégration de l’altérité, règles de civilité, représentation d’une société centrée sur l’intérêt général...) et d’acquisition des apprentissages scolaires possibles à l’école maternelle. Par rapport à la population générale, nous pouvons observer une relative surreprésentation des 4–6 ans. Cette catégorie d’âge est-elle plus à risque, en raison des exigences de la phase œdipienne et de son élaboration et d’un encadrement éducatif peu adapté à l’étayage de l’élaboration œdipienne et aux nécessités des apprentissages sociaux dans les familles contemporaines ? Ceci est une des caractéristiques des « nouvelles familles » avec un investissement majeur sur le plan affectif, une fonction parentale de pare-excitation « déficiente » et un cadrage pulsionnel moins efficace [10,11]. Nous relevons également que les 7–10 ans représentent 29,5 % des demandes (n = 41). Se pose donc la question d’une mise au repos des pulsions ou « sommeil pulsionnel » (« répit du développement sexuel » selon Freud [6]) pendant cette période classiquement nommée phase de latence. Nous remarquons que le motif principal de consultation des 7–10 ans, qui ne sont pas « sous représentés » comme nous aurions pu nous y attendre dans cette cohorte, concerne les troubles du comportement (24 % des demandes pour les 7–10 ans). Cette situation pourrait faire évoquer un « œdipe débordant » avec un raccourcissement de la phase de latence, et une résolution de la phase œdipienne plus complexe et plus longue se prolongeant au-delà des 6–7 ans. La problématique œdipienne serait-elle plus diffi-
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cilement élaborable par l’enfant dans les nouvelles conditions familiales (moins d’interdits parentaux, fréquemment « enfants rois », précarité du cadre conjugal, complexité de la dynamique relationnelle dans les familles recomposées, pulsion flattée par une ambiance incestuelle retrouvée typiquement dans le modèle familial contemporain [11]) et sociales (avec la mise en scène répétitive de scénarios sexuel excitants dans les médias) ? À coté de ce débordement œdipien, il est à noter le rajeunissement de problématiques autrefois typiquement adolescentes comme la sexualité génitale ou les problématiques identitaires, problématiques faisant intrusions durant la latence du fait des dynamiques contemporaines. Cela peut amener à se questionner sur les caractéristiques actuelles de la phase de latence et sa place dans la construction de la psyché compte tenu de la dynamique de ces nouvelles familles. En ce qui concerne le motif « troubles du comportement », de fac¸on relative, les familles adressent davantage leur fille que leur fils, alors que c’est l’inverse pour l’école : tous les enfants adressés par l’école pour troubles du comportement sont des garc¸ons. Nous pouvons formuler des hypothèses pour tenter d’expliquer cette situation. En ce qui concerne les garc¸ons, il y aurait une plus grande « intolérance » du milieu scolaire à l’égard des troubles du comportement des garc¸ons (dynamique de groupe, dissipent la classe. . .). En effet, nous avons déjà souligné les caractéristiques principales de ces enfants issus des familles contemporaines où le consensus tend à se substituer à l’autorité – démocratie familiale – introduisant des relations symétriques et la nécessité d’une constante négociation. Dans l’espace familial de type contemporain [9–11], l’hédonisme remplace le devoir, et l’individualisme qui structure la construction identitaire conduit à désinvestir/ne pas investir la notion « d’intérêt général », avec comme corollaire l’exigence d’une satisfaction rapide si ce n’est immédiate, plus en accord avec le principe de plaisir qu’avec le principe de réalité. Il ne semble alors pas surprenant que l’école soit en difficulté : l’école est un espace organisé autour de l’autorité, du futur et de l’effort, donc souvent en opposition avec la culture familiale contemporaine. Les garc¸ons mettraient donc à mal ce cadre scolaire. En ce qui concerne les filles, il y aurait une plus grande intolérance du milieu familial à l’égard des troubles du comportement et c’est le cadre affectif qui serait ici mis à mal : ces jeunes filles présentant des troubles externalisés, « comme un garc¸on » nous disaient des parents, ne répondraient pas aux critères, à l’image de la jeune fille idéale, calme et « bien élevée » (« petite princesse »). Un autre résultat peut surprendre : les services sociaux dépendant de l’aide sociale à l’enfance (ASE) apparaissent relativement peu demandeurs de consultations pour les enfants dont ils ont la charge (8,6 % des demandes). Ces résultats sont en fait trompeurs : • en 2004, 268 400 enfants étaient bénéficiaires de l’ASE d’après le rapport de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) de 2005 [12]. On dénombrait sur la même année 12 033 997 enfants de moins de 16 ans (Insee) ; c’est-à-dire que 2,2 % de la population de moins de 16 ans était bénéficiaire de l’ASE, chiffre à comparer au 8,6 %
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des demandes de prise en charge pédopsychiatrique originaire de l’ASE ; • de plus, une grande partie des demandes de consultation émanant de services dépendant de l’ASE ne se trouvent pas sur cette liste d’attente : les médecins qui consultent ont leur propre « réseau » avec les services sociaux et ils gèrent euxmêmes ces consultations ; • enfin, de nombreux enfants adressés par les services sociaux sont directement hospitalisés et ils « court-circuitent » donc cette liste ; ainsi, un tiers des admissions du CDSE sont des enfants confiés à l’ASE (dont deux tiers placés en foyer et un tiers placé en famille d’accueil). Ce chiffre est d’ailleurs en augmentation : en 2006, 42 % des admissions du CDSE sont des enfants placés (71,4 % en foyer et 28,6 % en famille d’accueil). En fait, les services de l’ASE doivent aussi faire face à une augmentation des demandes de placement (sur le Finistère, augmentation de 7,8 % des mineurs placés entre 2001 et 2006 [5]), souvent pour des enfants présentant des troubles du comportement. Devant l’augmentation de la fréquence des troubles du comportement (notamment dûe à l’évolution de la société et des modèles familiaux, mais aussi à l’incurie des moyens institutionnels ne permettant pas de répondre de manière satisfaisante), les services sociaux se tourneraient naturellement vers un partenariat avec le sanitaire. 6. Limites et axes de travail Il existe plusieurs limites à notre enquête. Une des limites importantes dans l’étude de cette cohorte est l’absence de diagnostic clairement posé. Il ne s’agit en effet que de motifs de consultations, même si 39,6 % des enfants sont adressés par des professionnels du soin. De plus, cette enquête n’a été réalisée que sur une année. Les tendances que nous avons soulignées doivent être confirmées (ou non) sur plusieurs années. Par ailleurs, les effectifs sont parfois trop faibles pour interpréter certaines variables et le recueil des informations est parfois incomplet. Nous n’avons donc pas pu exploiter toutes les données recueillies. Au vu de ces constats, nous avons donc proposé la mise en place d’un logiciel informatique de recueil de données et que ces informations soient recueillies par un soignant, d’élargir cette enquête à l’ensemble des demandes du service (urgences, suivi spécialisé, demandes directes aux praticiens hospitaliers, etc.) et de la poursuivre sur les prochaines années. De plus, il aurait été intéressant d’étudier le ressenti des enfants et des familles placés sur liste d’attente à l’aide d’un questionnaire par exemple, une méthodologie satisfaisante restant cependant à définir. Nous souhaitons également développer un autre axe important de travail qui est l’étude du devenir des enfants pris en charge afin d’affiner les priorités de prise en charge. Ce dernier axe est cependant plus difficile à mettre en œuvre puisqu’un certain nombre d’enfants ne sont pas suivis par le service, ce qui implique une difficulté supplémentaire pour le recueil des informations.
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7. Conclusion En conclusion, nous voyons émerger des « nouvelles demandes » ou plus exactement des demandes plus fréquentes, concernant un trouble de la parentalité. Cela implique de fait une meilleure connaissance de la psychopathologie de ces « nouvelles familles » et invite à une réflexion sur la place actuelle du psychiatre dans notre société contemporaine. Une autre discussion semble importante à mener autour de la période classiquement nommée phase de latence au vu du nombre important de demandes de consultations, principalement pour des troubles du comportement externalisés. Cette période représente une étape fondamentale dans le développement de l’enfant [6] et pourtant il n’existe que trop peu de publications actuelles à son sujet, en particulier au sujet des troubles du comportement de ces enfants en âge de latence [16]. Par ailleurs, nous constatons que trop peu d’enfants ont été pris en charge par insuffisance de temps médical. Ne pouvant augmenter les moyens, nous avons donc proposé la réalisation d’un premier entretien téléphonique par un soignant (infirmier, psychologue) et développé le système des « consultations d’urgence » : un interne propose trois consultations dans un court délai, supervisé par un senior. Cette enquête n’a cependant été réalisée que sur un an. Mais au vu de ces premiers résultats, une étude approfondie des listes d’attente de ces cinq dernières années semble être une aide précieuse pour trouver des solutions plus satisfaisantes à l’augmentation croissante de la demande de consultations psychiatriques d’enfants et d’adolescents. Il serait intéressant d’identifier des critères de sélection et des facteurs de gravité au sein de ces demandes afin de mieux les hiérarchiser et d’améliorer leur prise en charge. Une réorganisation de l’accueil de ces demandes pourrait alors être possible comme cela a été réalisé dans d’autres centres de santé mentale [7] leur permettant de considérablement réduire leur liste d’attente et le délai du premier rendez-vous en passant de huit mois à moins de 30 jours !
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