Ce que nous avons appris sur les effets bénéfiques de la vitamine D en 2012

Ce que nous avons appris sur les effets bénéfiques de la vitamine D en 2012

NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2013) 13, 89—95 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com PRATIQUE PRÉVENTIVE Ce que nous avons appr...

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NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2013) 13, 89—95

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

PRATIQUE PRÉVENTIVE

Ce que nous avons appris sur les effets bénéfiques de la vitamine D en 2012夽 What we have learnt about beneficial effects of vitamin D in 2012

W.B. Grant Sunlight, Nutrition and Health Research Center (SUNARC), PO Box 641603, San Francisco (California), CA 94164-1603, États-Unis evrier 2013 Disponible sur Internet le 19 f´

MOTS CLÉS Cancer ; Carence ; Diabète ; Infections ; Fractures ; Vitamine D

KEYWORDS Cancer; Deficiency; Diabetes; Fractures; Infections; Vitamin D

Résumé La vitamine D est une thématique en pleine expansion. En 2012, plus de 3600 publications ont été répertoriées dans la base de données PubMed.gov. À partir des 16 principaux articles publiés en 2012 sélectionnés par un comité d’experts dans le domaine, nous présentons une revue de la littérature des principaux effets bénéfiques pour la santé de cette « vitamine ». © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Vitamin D is an increasing topic of interest. In 2012, there were more than 3600 publications indexed in the PubMed.gov database. From the 16 top papers for 2012 selected by a panel of experts in the field, we present a review of the literature of the most beneficial health effects of this ‘‘vitamin’’. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.



Cet article a été traduit et adapté avec la permission de : Orthomolecular Medicine News Service (http://www.orthomolecular.org). Pour toute correspondance, contacter le Pr Pierre-Olivier Lang, Centre de médecine préventive Nescens, Clinique de Genolier, route du Muids 3, CH-1272 Genolier, Suisse. Tél. : +41 2 23 66 93 09 ; fax : +41 2 23 66 93 49. E-mail : [email protected] (P.-O. Lang). Adresse e-mail : wbgrant@infionline.net 1627-4830/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.npg.2013.02.001

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Introduction En 2012, plus de 3600 publications, comportant le mot vitamine (Vit) dans le titre et/ou le résumé, ont été répertoriées dans la base de données PubMed.gov. Le nombre total d’articles accessibles sur cette thématique dépasse maintenant 33 800 (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed). Comparativement, on retrouve à ce jour plus de 35 100 articles concernant la VitC ou acide ascorbique, 21 700 pour la VitE, 19 100 pour la VitA et 17 600 pour les folates et la vitamine B12. Ainsi la VitD apparaît comme l’une des vitamines les plus étudiées à l’heure actuelle, même si stricto sensu il ne s’agit pas exactement d’une vitamine. Il s’agit en effet plus d’une hormone possédant un récepteur spécifique et fabriquée par notre organisme sous les effets du rayonnement ultraviolet B (UV-B). Cependant, elle peut également être apportée par voie orale par l’alimentation ou sous forme de suppléments. Le statut en VitD d’un individu est généralement évalué uniquement par le dosage du taux plasmatique de la 25-hydroxy (OH)-VitD dont le seuil pour le moment considéré comme optimal est de 75 nmol/L ou 30 ng/mL (rapport de 2,5 entre les deux systèmes de mesure). En dessous de 75 nmol/L, on parle d’insuffisance et de carence en dessous de 25 nmol/L [1]. Nous présentons, à partir des 16 principaux articles publiés en 2012 sélectionnés par un comité d’experts dans le domaine, une revue de la littérature des principaux effets bénéfiques pour la santé de cette « vitamine ». Les publications sélectionnées ne ciblent pas uniquement la population adulte âgée et/ou vieillissante, ce choix est volontaire afin de permettre aux lecteurs de mesurer l’étendue du champ d’investigation que représente la recherche clinique sur la VitD et la palette des effets bénéfiques ainsi démontrés. La version originale de ce manuscrit est accessible sur le site internet d’Orthomolecular.org (http:// www.orthomolecular.org/resources/omns/v09n01.shtml).

Méthode de sélection des articles publiés en 2012 Tous les articles publiés et accessibles sur PubMed.gov durant l’année 2012 ont été identifiés. Les 60 publications identifiées ont été ensuite envoyées à un panel d’experts (cf. Remerciements) dans le domaine de la VitD. À partir de cette liste, le comité de lecture a sélectionné les 16 publications les plus importantes de l’année.

Plus les taux de 25(OH)-VitD sont proches du seuil optimal, mieux c’est : les effets sur la mortalité Un premier sujet d’intérêt est l’effet de la vitamine D sur la mortalité globale. Une méta-analyse portant sur 11 études d’observation et incluant près 60 000 individus dont l’âge moyen était compris entre 45 et 80 ans (correspondant à plus de 5500 décès), a permis de conclure que comparativement aux personnes ayant les taux de 25(OH)-VitD les plus

W.B. Grant bas, les sujets avec les taux les plus élevés présentaient un risque de décès significativement plus faible (risque relatif [RR] = 0,70 ; intervalle de confiance [IC] 95 % : 0,50—0,91) [2]. Les RR associés à la mortalité étaient calculés à 0,86 (IC 95 : 0,82—0,91), 0,77 (IC 95 % : 0,70—0,84) et 0,69 (IC 95 % : 0,60—0,78) pour les individus dont les taux de 25(OH)VitD étaient respectivement augmentés de 12,5 nmol/L, 25 et 50 nmol/L comparativement au groupe de référence (taux médian de 25 nmol/L). Cependant, il n’a pas été observé de diminution significative de la mortalité lorsque le taux sérique était augmenté de 87,5 nmol/L. Ces données suggèrent alors une relation non linéaire entre la réduction du risque de mortalité et les taux circulants de 25(OH)-VitD, avec une concentration optimale qui semble comprise entre 75 et 87,5 nmol/L. Ces résultats sont similaires à ceux observés par d’autres auteurs, à savoir une rapide amélioration de l’état de santé pour une augmentation de taux très bas en 25(OH)-VitD. Le niveau optimal, bas, en 25(OH)-VitD calculé dans cette étude semble en rapport avec l’inclusion dans cette étude de personnes qui ont débuté une supplémentation tardivement au cours de leur vie. Si cette supplémentation a permis une certaine amélioration de leur santé, elle n’a pas pour autant corrigé l’ensemble des effets causés par une longue période de déficit vitaminique. Une méta-analyse, en cours de préparation, a permis d’observer que le RR devenait minimal pour des taux circulants de 25(OH)-VitD supérieurs à 125 nmol/L bien qu’il n’y ait pas de différence significative avec le RR calculé pour des taux supérieurs à 50 nmol/L (cf. Garland, University of California, San Diego, ÉtatsUnis).

. . . Et la santé cardiovasculaire Les maladies cardiovasculaires sont une des principales causes de mortalité dans la population adulte et âgée. Nous rapportons ici une vaste étude nord américaine conduite chez près de 11 000 patients (71 % de femmes) qui s’est intéressée à l’association entre la carence et la supplémentation en VitD et la santé cardiovasculaire [3]. Les taux sériques de 25(OH)-VitD ont été mesurés périodiquement durant 5,5 années. La population étudiée avait une moyenne d’âge de 58 ± 15 ans, un indice de masse corporelle moyen de 30 ± 8 kg/m2 . Si le taux moyen de 25(OH)-VitD était de 50 nmol/L, près de 70 % de la population étudiée avaient un taux inférieur à 50 nmol/L. Non seulement le déficit en VitD était associé à une augmentation d’incidence de pathologies telles que l’hypertension, la maladie coronarienne, les cardiomyopathies et le diabète, mais à la fin de la période de suivi les personnes avec un taux de 25(OH)-VitD en dessous du seuil optimal de 75 nmol/L avaient un taux de mortalité double de celles dont les taux circulants étaient supérieurs ou égaux. Inversement, les personnes qui prenaient une supplémentation en VitD avaient un taux de survie supérieur de 61 %. Les auteurs soulignent qu’il s’agit de résultats très forts sur le plan statistique, même en tenant compte des éventuels facteurs confondants habituellement reconnus.

Les effets bénéfiques de la vitamine D

. . . Sur le risque de survenue d’un diabète de type II Dans une étude prospective de 2,7 années ayant recruté 2000 adultes prédiabétiques (âge moyen : 51 ± 11 ans — 67 % de femmes), les auteurs se sont interrogés sur les stratégies de préventions du diabète chez des sujets à haut risque de devenir diabétique [4]. Les participants avaient été randomisés en trois groupes : groupe traitement correspondant à un programme intensif de modifications de l’hygiène de vie (objectif perte de 7 % du poids corporel initial), pas de changement de mode de vie et prise de metformine, et un groupe placebo. Dans l’étude observationnelle concernant la VitD réalisée en parallèle, seuls les groupes modification intensive du mode de vie (n = 1079) et placebo (n = 1082) ont été considérés. Les taux de 25(OH)-VitD ont été mesurés de fac ¸on périodique durant le suivi (6, 12, 24, 36 et 48 mois). Les taux moyens de 25(OH)-VitD étaient non significativement différents dans les deux groupes à l’inclusion et respectivement de 53,6 nmol/L (groupe traitement) et 52,4 nmol/L (groupe placebo). Après ajustement sur les facteurs confondants, les participants classés dans le plus haut tertile de taux de 25(OH)-VitD (taux médian de 74 nmol/L) avaient un risque de développer un diabète de 0,72 (IC 95 % : 0,56—0,90) comparativement aux sujets classés dans le tertile le plus bas (taux médian de 31,4 nmol). La direction de l’effet protecteur était similaire dans les deux groupes : placebo (0,70 ; IC 95 % : 0,52—0,94) et modification du mode de vie (0,80 ; IC 95 % : 0,54—1,17).

. . . Et d’un diabète de type I Une étude prospective cas—témoin ciblant cette fois-ci les effets de la VitD sur l’insulinosécrétion a été menée de 2002 à 2008 [5]. Les 1000 soldats en cours de service militaire dans l’armée américaine (âge ≥ 17 ans, 30 % de sujets âgés de 35 ans ou plus) qui durant leur période d’activité ont développé un diabète insulino-requérant, ont été comparés à 1000 sujets témoins en bonne santé, appariés sur l’âge, le sexe, la durée d’activité et les dates des prélèvements sanguins. Le délai moyen de diagnostic était d’une année en moyenne. Les Odds ratio (OR) calculés de risque de survenu d’un diabète insulino-requérant en fonction des taux circulants de 25(OH)-VitD en quintiles, étaient de 3,5 (IC 95 % : 2,0—6,0 ; pour un taux < 43 nmol/L), 2,5 (IC 95 % : 1,5—4,2 ; taux : 43—59 nmol/L), 0,8 (IC 95 % : 0,4—1,4 ; taux : 60—77 nmol/L) et 1,1 (IC 95 % : 0,6—2,8 ; taux : 78—99 nmol/L) avec le niveau le plus élevé (≥ 100 nmol/L) pris comme référence (p de tendance < 0,001). Globalement, les auteurs ont calculé une réduction du risque de développer un diabète insulino-requérant de 78 % chez les personnes ayant un taux circulant de 25(OH)-Vit inférieur à 50 nmol/L comparativement à ceux dont le taux circulant est supérieur à ce seuil. Le niveau de significativité était très élevé et le plus élevé mesuré de ce type d’étude.

. . . Sur la réduction du risque de cancer Un des effets majeurs sur la santé et des mieux documentés de la VitD est la réduction du risque de survenue d’un cancer

91 et l’augmentation de la durée de vie après le diagnostic de cancer. Il y a eu plus de 400 publications concernant la relation entre VitD et cancer en 2012 éditées sur PubMed.gov. Plus de 15 types de cancers différents ont été identifiés par les études comme ayant un risque de survenu diminué par une forte exposition aux rayonnements UV-B et/ou à des taux circulants élevés de 25(OH)-VitD. Parmi ces publications, deux ont particulièrement retenu l’attention du groupe d’experts [6,7]. La première [6], une étude norvégienne, a été conduite chez 658 patients âgés de 32 à 82 ans (âge médian de 53 à 59 ans selon le sous-groupe) diagnostiqués pour un cancer du sein (n = 251), du côlon (n = 52), du poumon (n = 210) ou un lymphome (n = 145) entre 1984 et 2004. Les taux circulants de 25(OH)-VitD ont été mesurés dans les 90 jours suivant le diagnostic et les patients suivis jusqu’en 2008. Durant le suivi, 343 (86 %) des sujets sont décédés. Après ajustement sur le sexe, l’âge au moment du diagnostic et la saison durant laquelle a été mesuré le statut en VitD, les patients avec un taux de 25(OH)-VitD au moment du diagnostic inférieur à 46 nmol/L avaient une survie réduite, ceux dont le taux était supérieur à 75 nmol/L avaient une réduction du risque de mortalité de 66 %. En comparaison aux sujets classés dans le quartile le plus bas, le risque de mortalité chez les patients dont le taux circulant en 25(OH)-VitD les classait dans le quartile le plus haut était calculé à 0,36 (IC 95 % : 0,27—0,51). Le bénéfice sur le risque de mortalité lié au cancer était le plus important entre le premier et le second quartile et l’association entre les taux de 25(OH)-VitD et la survie était observée dans les quatre types de cancer. Le second article présente les résultats d’une étude de supplémentation d’une année par 4000 UI/j en VitD3 chez 44 patients âgés de 49 à 78 ans et diagnostiqués pour un cancer de prostate de bas grade à la biopsie [7]. Aucun effet indésirable de la supplémentation n’a été observé avec le régime proposé. Alors que les taux circulants moyens en 25(OH)-VitD étaient significativement augmentés de 80 à 163 nmol/L. Lors des biopsies de contrôle à la fin de l’année de suivi, 24 patients (55 %) présentaient une amélioration anatomopathologique, cinq (11 %) ne présentaient aucun changement et 15 (34 %) présentaient une aggravation de leurs scores de Gleason. En comparant l’évolution des lésions cancéreuses au sein d’une cohorte historique de 700 patients dont 19 sujets ont pu être identifiés comme ayant eu une surveillance intensive comparable aux sujets de l’étude, seuls quatre (21 %) présentaient une réduction de leur lésions, trois (16 %) restaient stables et 12 (63 %) progressaient. Finalement, ces données témoignent des bénéfices et de la tolérance d’une supplémentation par fortes doses de VitD3 chez des patients présentant un cancer de la prostate de bas grade sous surveillance active.

. . . Et du risque de chutes et de fractures Les rôles classiques de la VitD dans la régulation du métabolisme phosphocalcique et la modulation de la santé osseuse ont été confirmés par une méta-analyse regroupant 11 essais contrôlés randomisés de supplémentation en VitD [8]. Plus de 31 000 patients âgés de 65 ans ou plus (âge moyen : 76 ans ; 91 % de femmes) ont ainsi été considérés et 1111 fractures de hanches et 3770 fractures non

92 vertébrales enregistrées. Comparativement au groupe témoin, les personnes prenant une supplémentation présentaient une diminution non significative de 10 % (0,90 — IC 95 % : 0,80—1,01) du risque de fracture du col fémoral et de 7 % (0,93 — IC 95 % : 0,87—0,99) du risque de fracture non vertébrale. Cependant, les individus prenant les plus hautes doses de VitD (dose médiane de 800 UI/j correspondant à des doses de 792 à 2000 UI/j) avaient une réduction significative du risque de fracture de hanche de 30 % et de fracture non vertébrale de 14 %. Cet effet des fortes doses de supplémentation était observé de fac ¸on constante au travers des différentes analyses par sous-groupes d’âge, de mode de vie et quel que soit le statut à l’inclusion en VitD et la prise ou non d’une supplémentation en calcium. Les auteurs soulignent également le rôle potentiel de la VitD dans le contrôle neuromusculaire, en plus de ses effets sur le métabolisme phosphocalcique dans la réduction du risque fracturaire.

. . . Et du risque d’infections virales et bactériennes Les effets modulateurs de la VitD sur le fonctionnement du système immunitaire et dans la réduction du risque infectieux est un des sujets brûlant du moment. La VitD réduit le risque infectieux tout d’abord par son effet de renforcement de l’activité sur l’immunité innée, l’induction de la production de cathélicidine, une molécule ayant des propriétés antimicrobiennes et antitoxines. Elle induit également des modifications dans la production de cytokines, qui sont des molécules de signalisation intercellulaire au sein du système immunitaire, avec pour objectif principal un meilleur contrôle de la réaction inflammatoire. Enfin, la VitD a également de nombreux autres effets sur l’immunité acquise tant humorale médiée par les lymphocytes B que cellulaire médiée par les lymphocytes T [9]. Bien que ces effets aient été principalement décrits au cours d’infections bactériennes, ils ont été également rapportés lors d’infections virales telles que les infections liées aux virus de la grippe, de l’immunodéficience humaine (VIH) et de l’hépatite C (VHC) [9]. Une étude complémentaire a été conduite en Suède chez 140 patients (âge moyen de 55 ans dont 70 % de femmes) présentant une susceptibilité aux infections respiratoires (> 4 par année) et/ou un déficit acquis en IgA, IgG ou un déficit immun commun variable [10]. Les personnes ont ainsi été randomisées entre un groupe de supplémentation par 4000 UI/j de VitD3 ou la prise d’un placebo durant une année. Le critère de jugement principal était un score composite prenant en considération cinq paramètres tels que les symptômes d’une infection respiratoire, auriculaire ou des sinus, les malaises et la consommation d’antibiotiques. Les taux circulants de 25(OH)-VitD à l’inclusion étaient comparables dans les deux groupes (50 nmol/L). Les auteurs ont montré que la supplémentation augmentait le taux de 25(OH)-VitD en moyenne jusqu’à 130 nmol/L (vs 66 nmol/L dans le groupe placebo), et que cette augmentation était associée à une réduction du risque d’infections respiratoires de 23 % et de 50 % du nombre de jours d’antibiothérapie.

W.B. Grant

La vitamine D est également bénéfique pour les mères et leurs enfants Une supplémentation par 4000 UI/j de vitamine D durant la grossesse ? Un sujet qui a généré beaucoup d’intérêt durant cette année 2012 a été le rôle joué par la VitD durant la grossesse. En effet, une carence ou une insuffisance en VitD est un événement fréquent durant la grossesse et il apparaît qu’une supplémentation pourrait permettre d’améliorer, en toute innocuité, la santé de la mère et du bébé. Deux articles rédigés par des chercheurs de l’université de Caroline du Sud ont particulièrement discuté les résultats de leur étude randomisée contrôlée de supplémentation en VitD durant la grossesse et ses implications pour la santé [11,12]. Plus de 300 femmes ont été incluses dans cette étude. Elles étaient assignées à prendre soit des suppléments contenant 400, 2000 ou 4000 UI/j de VitD3 ou un placebo. Aucun effet indésirable tel qu’une hypercalcémie et/ou une hypercalciurie n’a été enregistré. Avec une dose de 4000 UI/j, les taux circulants de 25(OH)-VitD s’élevaient autour de 90 nmol/L et ceux de 1,25-dihydroxy —(OH) 2-VitD, la forme active de la VitD, proches des valeurs optimales. Cette forme active de la VitD contrôle l’expression de plusieurs centaines de gènes dont les effets sont très largement détaillés dans l’article de Hossein-Nezhad et Holick [13]. De plus, les femmes qui prenaient les plus hautes doses de supplémentation en VitD avaient un risque plus bas d’accoucher par césarienne et de développer une pré-éclampsie durant leur grossesse. D’autres complications telles qu’un accouchement prématuré ou un faible poids à la naissance étaient également moins fréquentes dans ce groupe. Cependant un trop petit nombre de femmes était inclus dans cette étude pour que ces résultats atteignent le seuil de significativité et que l’on puisse tirer des conclusions sur l’utilité et l’innocuité de cette intervention dans le cadre des soins prénataux de routine. Des essais randomisés complémentaires sont ainsi encore nécessaires pour évaluer le rôle de la supplémentation en vitamine D pendant la grossesse.

Statut en 25(OH)-VitD durant la grossesse et trouble du langage Une étude réalisée à Perth (Australie) a conduit à mesurer le taux circulant en 25(OH)-VitD à la 18e semaine de grossesse puis à évaluer l’apparition de troubles du langage chez des enfants alors âgés de cinq puis de dix ans [14]. Il a ainsi été observé que les mères dont le taux de 25(OH)-VitD était inférieur à 44 nmol/L avaient des enfants qui présentaient un risque deux fois plus élevé de développer des troubles du langage comparé à celles dont le taux était supérieur à 68 nmol/L. Le rôle du processus impliquant la VitD dans la survenue de tels troubles n’est pas connu. Dans ce contexte, il est important de noter que, durant les années 2000, aux États-Unis, les femmes caucasiennes en âge de procréer avaient en moyenne des taux circulants de 25(OH)-VitD de 64 nmol/L alors que les Afro-Américaines, elles, avaient des taux bien plus bas en moyenne de 35 nmol/L. Si ces taux sont bien en dessous des standards actuels, on ne sait pas encore s’ils donneront suite à une augmentation des troubles du

Les effets bénéfiques de la vitamine D langage chez leurs futurs enfants. En revanche, l’explication de cette différence entre les femmes caucasiennes et afroaméricaines fait directement suite à l’impact de la couleur de peau sur l’absorption des UV-B et la synthèse de VitD qui s’ensuit. S’il semble n’y avoir qu’un pas à faire entre une supplémentation adaptée en VitD et une prévention des troubles du langage, il reste cependant encore du chemin à parcourir afin d’obtenir les preuves suffisantes.

Le déficit en vitamine D et les troubles autistiques Il a déjà été observé que les déficits en VitD sont particulièrement fréquents chez les enfants autistes. En effet, la prévalence de l’autisme chez les enfants de six à 17 ans, et ce quelle que soit la couleur de peau (blanche, noire ou d’origine asiatique), était deux fois supérieure dans les États d’Amérique recevant le moins de rayons UV-B du soleil par rapport aux États en recevant le plus. Il a également été montré qu’ils avaient un impact négatif sur le développement du cerveau des enfants et en particulier lorsque les déficits en VitD étaient présents chez la mère durant le troisième trimestre de la grossesse. Une étude réalisée en Arabie saoudite a examiné la relation entre les taux de 25(OH)-VitD et les taux d’anticorps anti-myelin-associated glycoprotein (anti-MAG) chez des enfants autistes âgés de huit ans [15]. Il y avait une forte relation inverse, avec un coefficient de corrélation de −0,86 (p < 0,001), entre les deux paramètres. Les taux de 25(OH)-VitD étaient de 47 nmol/L chez les enfants autistes, alors qu’ils étaient de plus de 80 nmol/L chez les enfants sans trouble. L’évaluation des expositions solaires quotidiennes dans les deux populations était pourtant similaire avec environ six heures par semaine. La raison pour laquelle les anti-MAG sont importants dans les troubles autistiques est que MAG est un composant qui favorise la régénération des jeunes neurones. Les anticorps anti-MAG apparaissent ainsi jouer un rôle important dans plusieurs maladies auto-immunes liées à des destructions neuronales. Les taux d’anticorps anti-MAG étaient également fortement associés aux symptômes autistiques selon le Childhood Autism Rating Scale. Ces données renforcent l’hypothèse du rôle de la VitD et de son déficit dans la survenue des troubles autistiques. Il n’est cependant pas encore prouvé que la correction des déficits dans cette population puisse contribuer à réduire la gravité des symptômes.

La production cutanée de la vitamine D à partir des rayonnements UV solaires La peau s’adapte très lentement aux variations d’intensité des radiations UV Jablonski et Chaplin ont publié une série d’articles sur la pigmentation de la peau humaine et ses relations avec les radiations solaires UV [16]. Une observation est que la peau humaine peut s’adapter à l’intensité des radiations solaires UV mais que cela ne s’observe qu’après 50 générations, soit à peu près 1000 ans. Les radiations UV de la mijournée favorisent la production de VitD au niveau cutané,

93 protégeant les individus contre de nombreuses maladies, mais les rayons solaires favorisent également les cancers cutanés et les déficits en acide folique. La peau noire protège contre la production des radicaux libres induits par les UV ainsi que des dommages causés à l’ADN, les cancers cutanés et la perte d’acide folique. Ainsi la peau noire est la plus adaptée aux régions tropicales plates alors que les peaux claires sont les meilleures pour les régions de plus hautes latitudes. Les individus dont la peau est adaptée aux latitudes entre 23 et 46◦ ont une certaine capacité à bronzer afin de s’adapter aux variations saisonnières en matière de radiations solaires UV. Depuis quelques décennies cependant, le monde est en plein mouvement et les populations migrent, voyagent vers des régions où les qualités pigmentaires de leur peau sont inadaptées aux conditions de radiations rencontrées. Dans leur article, les auteurs discutent du rachitisme alimentaire, de la sclérose en plaques et des mélanomes, et concluent avec l’observation suivante : « Les faibles doses d’UV-B absorbées et les déficits en VitD qu’elles induisent et qui font suite aux changements de lieux et de modes de vie actuels représentent un des plus importants dangers sanitaires du xxe siècle ».

Estimation du statut en vitamine D chez les natifs d’Afrique équatoriale Une étude portant sur les résidants natifs d’Afrique équatoriale a permis d’éclairer sur les niveaux normaux en 25(OH)-VitD de ces populations. Un article a ainsi détaillé les taux circulants des populations Masaï et Hadzabe qui vivent en Tanzanie (4◦ de latitude sud) qui ont un phototype 6 [17]. Les phototypes sont classés de 0 (extrêmement rare, correspondant aux personnes albinos) à 6 pour les personnes à peau noire. Le phototype 3 est le niveau intermédiaire, très fréquent en France. Les personnes ont généralement des cheveux blonds ou châtains, une peau claire à légèrement mate et ont parfois des coups de soleil en début d’exposition. Les Masaï et les Hadzabe sont généralement peu couverts sur le plan vestimentaire et passent la majeure partie de la journée dehors mais évitent généralement les expositions directes aux rayons du soleil quand cela est possible. Les taux circulants moyens en 25(OH)-VitD mesurés chez les Masaï et les Hadzabe étaient respectivement de 118 nmol/L (57 à 165 nmol/L) et 108 nmol/L (69 à 167 nmol/L). Ces données, selon les auteurs, suggèrent que des niveaux de 98 à 120 nmol/L sont des niveaux optimaux pour la santé, ce qui est généralement en concordance avec les données de plusieurs études observationnelles sur la santé et la VitD. La VitD est synthétisée au niveau cutané sous l’effet de l’exposition aux UV-B de fac ¸on significative seulement lorsque le soleil est à 45◦ ou plus au-dessus de l’horizon. Aux latitudes nord américaines et en Europe de fac ¸on générale, c’est le soleil de la mi-journée (de 11 heures à 15 heures) qui correspond le mieux à ces critères. Si tôt le matin ou en fin d’après-midi, les personnes à peau claire arrivent encore à bronzer, elles ont du mal à produire de la VitD. En hiver, personne n’arrive à produire de la VitD à partir des rayonnements du soleil, et cela explique en partie les bienfaits de la prise de suppléments en VitD.

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Commentaire et conclusion Cette revue de l’année 2012 apporte une confirmation sur l’importance d’obtenir des taux circulants de 25(OH)-VitD de l’ordre de 75 à 100 nmol/L pour une santé optimale. La prise de 1000 à 4000 UI/j semble permettre de fac ¸on sécurisée d’arriver à de tels niveaux en l’absence d’un apport en VitD sous l’effet naturel des rayonnements UV-B solaires. Les évidences pour cela proviennent d’un grand nombre d’études tant observationnelles que randomisées et contrôlées. Les essais contrôlés sont un impératif pour démontrer l’efficacité et l’absence d’effets indésirables pharmacologiques liés à l’utilisation des compléments en VitD qui sont effectivement des produits de pharmacopée bien que la VitD soit un composant naturel important pour la santé. De plus, les essais randomisés en matière de supplémentation en VitD sont cependant très difficiles à conduire en raison des autres sources naturelles en VitD (c’est-à-dire alimentaires et solaires), et des différents facteurs qui perturbent la conversion en 25(OH)-VitD, notamment au niveau hépatique et qu’il faut prendre en considération (par exemple : les médicaments ou substances qui interagissent avec certains cytochromes P450). Il est également important de noter qu’il faut souvent attendre près de cinq années ou plus avant que les grandes études cliniques portant sur les supplémentations n’arrivent à leur terme et surtout soient publiées. Finalement, il semble qu’il est peu de raison actuellement d’attendre d’autres essais contrôlés pour que les recommandations en matière de supplémentation en VitD n’évoluent vers une majoration de la dose d’apport oral quotidien, une promotion de l’exposition modérée aux rayonnements UV-B solaires ainsi qu’une élévation du seuil de 25(OH)-VitD considéré comme optimal. Ainsi, il serait en réalité souhaitable pour un résident en Amérique du Nord ou en Europe de prendre une supplémentation en VitD à une dose comprise entre 1000 et 4000 UI/j durant la période d’octobre à mai. Plus encore, pour les personnes à peau noire et/ou qui sont peu exposées aux rayonnements UV-B du soleil pour des raisons professionnelles, religieuses, il serait souhaitable de prendre de la VitD tout au long de l’année. Il s’agit d’un moyen peu onéreux et très efficace pour apporter des bénéfices importants en termes de santé.

Déclaration d’intérêts William B. Grant a rec ¸u des financements de Bio-Tech Pharmacal (Fayetteville, AR, États-Unis). Le Sunlight Research Forum (Veldhoven, Netherlands) et William B. Grant ont rec ¸u des financements de la UV Foundation (McLean, VA, ÉtatsUnis), du Vitamin D Council (San Luis Obispo, CA, États-Unis) et de la Vitamin D Society (Canada).

Remerciements Nous remercions chaleureusement l’ensemble des scientifiques et experts qui ont contribué à la rédaction et la relecture de cet article : Barbar J. Boucher, M.D., Queen Mary University of London, Centre for Diabetes, Blizard Institute, London (Royaume-Uni) ; John J. Cannell, M.D., and

W.B. Grant Brant Cebulla, Vitamin D council, San Luis Obispo, California (États-Unis) ; Cédric F. Garland, M.D., Professor of Family and Preventive Medicine, UCSD School of Medicine, Membre du Moores UC San Diego Cancer Center, Lajolla, California (États-Unis) ; Afrozul Haq, Ph.D., Institutes of Paediatrics and Laboratory Medicine, Sheik Khalifa Medical City, Abu Dhabi (Émirats arabes unis) ; Robert P. Heaney, M.D., Osteoporosis Research Center, Creighton University Medical Center, Omaha, Nebraska (États-Unis) ; Perry Holman, Vitamin D society, Canada ; Johan E. Moan, M.D, Ph.D., Department of Radiation Biology, The Norwegian Radium Hospital, University of Oslo, Oslo (Norvège) ; Stephan Pilz, M.D., Department of Internal Medicine Division of Endocrinology and Metabolism, Medical University of Graz, Graz (Autriche) ; Jörg Reichrath, M.D., Ph.D., Department of Dermatology, The Saarland University Hospital, Homburg/Saar (Allemagne). Nos remerciements vont également à l’ensemble des membres du comité éditorial de Orthomolecular Medicine News Service (http://www.orthomolecular.org) pour leurs contributions respectives : Ian Brighthope, M.D. (Australie) ; Ralph K. Campbell, M.D. (États-Unis) ; Carolyn Dean, M.D., N.D. (Royaume-Uni) ; Dean Elledge, D.D.D, M.S. (ÉtatsUnis) ; Michael Ellis, M.D. (Australie) ; Martin P. Gallagher, M.D., D.C. (États-Unis) ; William B. Grant (États-Unis) ; Michael Gonzales, D.Sc., Ph.D (Puerto Rico) ; Steve Hickey, Ph.D (Royaume-Uni) ; Michael Johnson, M.D. (États-Unis) ; Robert E. Jenkins (États-Unis) ; Bo H. Johnson, M.D., Ph.D. (Suède) ; Thomas Levy, M.D., J.D. (États-Unis) ; Stuart Lindsey, Pharm. D. (États-Unis) ; Jorge R. Miranda-Massari, Pharm. D. (Puerto Rico) ; Karin Munsterhjelm-Ahumada, M.D. (Finlande) ; Erik Paterson, M.D. (Canada) ; W. Todd Penberthy, Ph.D. (États-Unis) ; Gert E. Schuitemaker, Ph.D. (Pays-Bas) ; Robert G. Smith, Ph.D. (États-Unis) ; Jagan Nathan Vamanan, M.D. (Inde) ; et Andrew W Saul, Ph.D. (États-Unis).

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