© Masson, Paris, 2005.
Gastroenterol Clin Biol 2005;29:482-483
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Célécoxib ou diclofénac et oméprazole chez les malades à risque d’hémorragie digestive haute ? ragique était de 24,1 % (IC à 95 % : 16,3-31,8 %) en cas de traitement par le célécoxib et de 32,3 % en cas de traitement par le diclofénac et l’oméprazole (IC à 95 % : 23,7-40,9 %). En analyse multivariée, les facteurs prédictifs et indépendants de survenue d’une récidive ulcéreuse étaient l’apparition d’un syndrome dyspeptique (P < 0,001), un âge supérieur ou égal à 75 ans (P = 0,022) et la présence d’une comorbidité (P = 0,014).
Celecoxib versus diclofenac plus omeprazole in high-risk arthritis patients: results of a randomized double-blind trial CHAN FK, HUNG LCT, SUEN BY, WONG VWS, HUI AJ, WU JCY et al. Gastroenterology 2004;127:967-7.
Commentaires
L’
objectif de ce travail était de comparer dans un essai randomisé en double aveugle l’administration de célécoxib à celle de l’association diclofénac et oméprazole chez des malades ayant des antécédents d’ulcère hémorragique survenu au cours d’un traitement par les AINS. Après cicatrisation de l’ulcère et éventuelle éradication de Helicobacter pylori, 287 malades présentant une pathologie rhumatologique, recevaient pendant 6 mois soit 200 mg 2 fois par jour de célécoxib, soit 75 mg de diclofénac 2 fois par jour en association à 20 mg d’oméprazole par jour. Une endoscopie haute était réalisée en cas d’hémorragie digestive et proposée à tous les sujets en fin de suivi. Le critère de jugement principal était la survenue d’une récidive ulcéreuse (perte de substance creusante de plus de 5 mm de diamètre). Le risque de récidive ulcéreuse était évalué en intention de traiter selon la méthode de KaplanMeier. Un modèle de Cox était utilisé incluant l’âge (> ou < à 75 ans), le traitement reçu, la présence d’une pathologie associée, l’utilisation simultanée d’aspirine, la présence d’un tabagisme, le siège et la taille (> ou < 2 cm) de l’ulcère et la présence d’un syndrome dyspeptique (absent ou minime, significatif). Les effectifs nécessaires étaient préalablement calculés et les comparaisons statistiques faites selon les méthodes habituelles.
Ce travail montre que chez les malades ayant des antécédents d’ulcère hémorragique liés aux AINS, ni le célécoxib ni l’association diclofénac et oméprazole n’éliminent le risque de récidive ulcéreuse et de complications hémorragiques. Le pourcentage d’hémorragie ulcéreuse dans ce travail (5,5 %) est superposable à celui observé dans les travaux antérieurs sur des populations à risque élevé de récidive hémorragique [1]. La fréquence élevée de lésions ulcéreuses découvertes à l’endoscopie systématique est clairement démontrée par cette étude et ceci dans les 2 groupes de malades. Cette étude suggère également que la survenue d’un syndrome dyspeptique impose la réalisation d’une endoscopie à la recherche d’une lésion ulcéreuse évolutive. Il doit en être de même au moindre doute chez le sujet âgé et/ou en cas de pathologie associée. Toutefois, ce travail a certaines limites : 1) une prise simultanée d’aspirine à faible dose ne concernait que 15 % des sujets ; 2) si les chiffres indiquent une tendance en faveur du célécoxib, les différences apparaissent comme statistiquement non significatives sans doute par manque de puissance ; 3) la toxicité rénale, rapportée chez plus d’un quart des malades dans un essai précédent de méthodologie identique, n’est pas évoquée [1].
Les deux groupes de malades étaient comparables en termes de données générales (âge, sexe, tabagisme, pathologie rhumatologique), de caractéristiques morphologiques des ulcères (siège, taille), d’antécédents d’hémorragie digestive et d’infection par Helicobacter pylori, de prise simultanée d’aspirine, de syndrome dyspeptique initial et de pathologie associée. Une récidive hémorragique survenait chez 24 malades, 7 fois dans le groupe célécoxib et 9 fois dans le groupe diclofénac et oméprazole. Trois de ces malades consommaient régulièrement de l’aspirine et l’un présentait une récidive d’infection par Helicobacter pylori. L’un des malades traités par diclofénac et oméprazole décédait d’une perforation intestinale. Parmi les 259 malades sans récidive hémorragique, 222 (86 %) acceptaient une endoscopie à la fin de la période de 6 mois (célécoxib N = 116, diclofénac et oméprazole N = 106). Il n’y avait pas de différence significative entre les malades acceptant et ceux refusant l’endoscopie. Un ulcère était présent chez 20 malades recevant le célécoxib et chez 26 recevant l’association diclofénac et oméprazole (ns). La probabilité de survenue d’une récidive ulcéreuse à 6 mois était de 18,7 % (IC à 95 % : 11,3-26,1 %) en cas de traitement par le célécoxib et de 25,6 % en cas de traitement par le diclofénac et l’oméprazole (IC à 95 % : 17,1-34,1 %). En intention de traiter, la probabilité de survenue d’un ulcère hémorragique ou non hémor-
Ces données doivent être mises en perspective avec les faits acquis et les données récentes. Les anti-COX-2 réduisent l’incidence des complications graves gastro-duodénales de plus de 50 %, notamment dans les groupes à risque [2]. Mais l’association coxib et aspirine à faible dose est associée au même risque de complications que l’association AINS non sélectifs et aspirine à faible dose. Le risque cardiaque du rofécoxib a abouti à son retrait du commerce le 30 septembre 2004. Une des questions actuelles est de savoir si la toxicité cardiovasculaire des coxibs est liée à la classe ou à la molécule. L’étude APC (adenoma prevention with celecoxib) ayant inclus plus de 2000 malades a montré une augmentation statistiquement significative du risque d’évènements cardiovasculaires dans les groupes de malades recevant 400 et 800 mg de célécoxib. Même si une autre étude (Prevention of spontaneous adematous polyps) n’a pas montré d’augmentation du risque cardiovasculaire par rapport au placebo, un doute plane donc maintenant sur l’innocuité cardiovasculaire de cette molécule. On dispose depuis peu des résultats de l’essai TARGET effectué avec le lumiracoxib [3]. Cet essai d’une durée d’un an a inclus 8325 malades de plus de 50 ans randomisés pour recevoir soit du lumiracoxib 400 mg/j (N = 1 956), soit du naproxène 500 mg/j (N = 4 754) soit de l’ibuprofène 2 400 mg/j (N = 4 415). Le critère principal d’évaluation au point de vue vas-
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Analyse commentée
culaire était la survenue d’infarctus, d’un accident vasculaire cérébral ou d’un décès d’origine cardio-vasculaire. À un an, il n’y avait pas de différence entre les 3 groupes que les malades prennent ou non de l’aspirine à faible dose. L’incidence des complications ulcéreuses était réduite d’un tiers, sauf dans le groupe des malades prenant simultanément de l’aspirine ou la réduction n’était pas significative [4]. La réévaluation de tous les coxibs par l’Agence Européenne du Médicament actuellement en cours est donc très attendue. Cette réflexion devra intégrer, outre les données scientifiques établies, les critiques récentes dont fait l’objet l’industrie pharmaceutique dans la réalisation des essais, la commercialisation et la promotion des nouvelles molécules. La publication dans le même numéro du Lancet des résultats en terme de réduction des risques digestifs et de tolérance cardio-vasculaire de l’essai TARGET illustre bien cette nouvelle donne [3, 4].
RÉFÉRENCES
1. Chan FK, Hung LC, Suen BY, Wu JC, Lee KC, Leung VK, et al. Celecoxib versus diclofenac and omeprazole in reducing the risk of recurrent ulcer bleeding in patients with arthritis. N Engl J Med 2002; 347:2104-10.
2. Bombardier C, Laine L, Reicin A, Shapiro D, Burgos-Vargas R, Davis B, et al. Comparison of upper gastrointestinal toxicity of rofecoxib and naproxen in patients with rheumatoid arthritis. VIGOR Study Group. N Engl J Med 2000;343:1520-8, 2.
3. Farkouh ME, Kirshner H, Harrington RA, Ruland S, Verheugt FW, Schnitzer TJ, et al. Comparison of lumiracoxib with naproxen and ibuprofen in the Therapeutic Arthritis Research and Gastrointestinal Event Trial (TARGET), cardiovascular outcomes: randomised controlled trial. Lancet 2004;364:675-84.
4. Schnitzer TJ, Burmester GR, Mysler E, Hochberg MC, Doherty M, Ehrsam E, et al. Comparison of lumiracoxib with naproxen and ibuprofen in the Therapeutic Arthritis Research and Gastrointestinal Event Trial (TARGET), reduction in ulcer complications: randomised controlled trial. Lancet 2004;364:665-74.
Gilles LESUR Fédération des Spécialités Digestives, Hôpital Ambroise Paré, 92104 Boulogne Cedex.
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