Comparaison de deux méthodes d’imputabilité des effets indésirables du voriconazole notifiés dans la base nationale de pharmacovigilance : Bégaud versus Naranjo

Comparaison de deux méthodes d’imputabilité des effets indésirables du voriconazole notifiés dans la base nationale de pharmacovigilance : Bégaud versus Naranjo

Rec¸u le : 20 mai 2009 Accepte´ le : 29 septembre 2009 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Article original § Comparison of pharmacovigi...

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Rec¸u le : 20 mai 2009 Accepte´ le : 29 septembre 2009

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Article original § Comparison of pharmacovigilance algorithms in reported voriconazole adverse events: Be´gaud versus Naranjo C. Eiden1*, H. Peyrie`re2 Service de pharmacologie me´dicale et toxicologie, hoˆpital Lapeyronie, CHU de Montpellier,

Comparaison de deux me´thodes d’imputabilite´ des effets inde´sirables du voriconazole notifie´s dans la base nationale de pharmacovigilance : Be´gaud versus Naranjo

371, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France

Summary Introduction. Two causality assessment methods are usually used, the French method from Be´gaud et al. and the American method from Naranjo et al. A comparison between these two methods has been made about voriconazole adverse drug effects (ADEs). Method. We performed a retrospective analysis of all cases of ADEs including voriconazole reported to the French Pharmacovigilance database between 2002 and 2005. The concordance between the two algorithms was assessed by the kappa coefficient. Results. A total of 227 ADEs cases were reported between 2002 and 2005 and 188 could be assessed by the two methods. According to Be´gaud et al.’s method, ADEs were notified I0 for 5 %, I1 for 68 %, I2 for 20 % and I3 for 7 % of cases. According to Naranjo criteria, 5 % of ADEs were notified highly probable, 7 % probable, 84 % possible and 4 % doubtful. No concordance (k = 0.037) was noted between the two methods. Conclusions. Causality assessment methods are used for facilitating database analysis, in our study, no concordance exists between Naranjo algorithm and Be´gaud algorithm. ß 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Voriconazole, Pharmacovigilance, Causality assessment, Be´gaud, Naranjo

Re´sume´ Introduction. Deux me´thodes principales d’imputabilite´ des effets inde´sirables me´dicamenteux (EIM) sont employe´es : la me´thode de re´fe´rence franc¸aise de Be´gaud et al. et la me´thode ame´ricaine : Naranjo et al. Une comparaison entre ces deux me´thodes a e´te´ re´alise´e a` propos des EIM du voriconazole. Me´thode. Une analyse re´trospective des EIM du voriconazole notifie´s entre 2002 et 2005 au re´seau des centres re´gionaux de pharmacovigilance et saisis dans la base nationale de pharmacovigilance a e´te´ re´alise´e. La concordance entre les deux algorithmes d’imputabilite´ a e´te´ e´value´e par le coefficient kappa. Re´sultats. Parmi les 227 EIM de´clare´s avec le voriconazole entre 2002 et 2005, 188 ont pu eˆtre e´value´s avec les deux me´thodes. Selon la me´thode de Be´gaud et al., les EIM ont e´te´ classe´s I0 (imputabilite´ exclue) dans 5 % des cas, I1 (douteuse) dans 68 %, I2 (possible) dans 20 % et I3 (probable) dans 7 % des cas. Selon les crite`res de Naranjo et al., 5 % des EIM ont e´te´ classe´s tre`s probable, 7 % probable, 84 % possible et 4 % douteux. Aucune concordance (k = 0,037) n’a e´te´ observe´e entre les deux me´thodes. Conclusion. Les me´thodes d’imputabilite´ des effets inde´sirables me´dicamenteux sont indispensables pour l’analyse des observations de pharmacovigilance, des bases de donne´es et la ge´ne´ration des

Re´sultats pre´sente´s, pour partie, au congre`s de l’ESCP (7th Spring Conference on Clinical Pharmacy), 16 – 19 mai 2007 Edinburgh, E´cosse. * Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

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DES de pharmacie hospitalie`re, docteur en pharmacie. MCU en pharmacie clinique, praticien hospitalier, docteur en pharmacie.

0768-9179/$ - see front matter ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.phhp.2009.10.008 Le Pharmacien hospitalier 2009;44:186-189

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alertes. Dans notre e´tude, aucune concordance entre les algorithmes d’imputabilite´ franc¸ais et ame´ricain n’a e´te´ constate´e. ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Voriconazole, Pharmacovigilance, Me´thode d’imputabilite´, Be´gaud, Naranjo

Introduction La me´thode d’imputation des effets inde´sirables inattendus ou toxiques des me´dicaments permet d’appre´cier le degre´ de probabilite´ de la responsabilite´ de chaque me´dicament pris par un patient donne´ dans la survenue d’un e´ve´nement inde´sirable [1]. La re´glementation franc¸aise veut que le roˆle de chaque me´dicament dans la survenue d’un effet inde´sirable me´dicamenteux (EIM) rec¸u par le malade soit e´value´ en utilisant une me´thode d’imputation officielle [2]. Publie´e en 1985, cette me´thode associe une imputabilite´ intrinse`que, de´termine´e sur les caracte´ristiques propres a` l’observation et l’imputabilite´ extrinse`que, base´e sur les donne´es bibliographiques [3]. Aux E´tats-Unis et au Canada, d’autres me´thodes d’imputabilite´ sont utilise´es et, en particulier, la me´thode de Naranjo et al. [4]. Cet algorithme correspond a` un court questionnaire (dix questions) qui analyse syste´matiquement diverses composantes a` e´valuer pour e´tablir une relation de cause a` effet entre un me´dicament et l’EIM. L’application de la me´thode de Naranjo et al. est souvent demande´e par les e´diteurs de revues ame´ricaines lors de la soumission d’une publication concernant un EIM [5]. Dans le cadre d’une analyse des effets inde´sirables survenus apre`s quatre ans de commercialisation du voriconazole [6], l’imputabilite´ de la relation de cause a` effet entre la prise de ce me´dicament et la survenue de l’effet a` e´te´ re´alise´e a` la fois avec la me´thode officielle franc¸aise et la me´thode ame´ricaine, afin de les comparer.

Me´thode Pour chaque effet inde´sirable de´clare´ avec le voriconazole, nous avons consulte´ le dossier de pharmacovigilance et releve´ les donne´es ne´cessaires a` l’analyse de´mographique de la population et a` l’e´tablissement du score d’imputabilite´ par les deux me´thodes. La me´thode d’imputabilite´ de Be´gaud et al. est base´e sur plusieurs crite`res, qui sont se´pare´s en deux grands groupes distincts, l’imputabilite´ intrinse`que qui s’appuie sur des crite`res chronologiques et se´miologiques (chronologie, arreˆt du traitement, re´administration, symptomatologie, me´canisme d’action du me´dicament, autres e´tiologies e´ventuelles, terrain, examens comple´mentaires) et l’imputabilite´ extrinse`que qui s’appuie sur les donne´es bibliographiques disponibles [3]. Cette me´thode est a` appliquer de fac¸on inde´pendante pour

chaque me´dicament pris par le patient lors de la survenue d’un EIM, ce qui permet de de´gager une imputabilite´ individuelle pour chaque substance active d’un traitement pour un patient donne´. Le croisement des scores chronologiques et se´miologiques permet d’obtenir le score final d’imputabilite´ intrinse`que qui correspond a` : I0 (imputabilite´ intrinse`que paraissant exclue) ; I1 (imputabilite´ intrinse`que douteuse) ; I2 (imputabilite´ intrinse`que plausible) ; I3 (imputabilite´ intrinse`que vraisemblable) ; I4 (imputabilite´ intrinse`que tre`s vraisemblable). L’algorithme d’imputabilite´ de Naranjo et al. est base´ sur un questionnaire (dix questions), qui renseigne sur la se´quence chronologique, l’arreˆt du me´dicament « de´challenge » et sa re´administration, « rechallenge » les e´tiologies alternatives, la re´ponse a` une prise de placebo, la relation dose-re´ponse, l’expe´rience ante´rieure du patient avec le me´dicament et la confirmation par des e´le´ments objectifs [4]. Pour chaque question, trois re´ponses sont possibles : oui, non et je ne sais pas [4]. Un syste`me de score permet apre`s addition d’obtenir un re´sultat entre 2 et +12. La probabilite´ que la survenue de l’EIM soit lie´e a` la prise du me´dicament est de´finie comme « hautement probable » si le score final est supe´rieur a` neuf, « probable » s’il se situe entre cinq et huit, « possible » entre un et quatre et « douteux » s’il est infe´rieur a` ze´ro. La concordance entre les deux algorithmes a e´te´ e´value´e par le coefficient Kappa. Le test non parame´trique Kappa permet de chiffrer l’accord entre deux ou plusieurs observateurs ou techniques lorsque les jugements sont qualitatifs. Il permet d’estimer l’agre´ment entre deux ou plusieurs cotations. Le coefficient Kappa est le rapport de la concordance re´elle/concordance non ale´atoire. La concordance est estime´e bonne si le coefficient Kappa est supe´rieur a` 0,6 et mauvaise s’il est infe´rieur a` 0,3. Afin de pouvoir comparer les deux me´thodes, un regroupement de score, en l’occurrence les scores de l’algorithme de Be´gaud [3] correspondant a` I0 + I1 ont e´te´ compare´s avec le score de Naranjo et al. [4] correspondant a` « douteux » (< 0). Les scores de l’algorithme de Be´gaud et al. [3] correspondant a` I2, I3, I4 ont e´te´ compare´s au score supe´rieur a` un de la me´thode de Naranjo et al. [4].

Re´sultats Deux cent vingt-sept cas d’EIM impliquant le voriconazole ont e´te´ notifie´s entre 2002 et 2005 au re´seau des centres

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C. Eiden, H. Peyrie`re

Le Pharmacien hospitalier 2009;44:186-189

Tableau I Concordance entre les scores d’imputabilite´ des EIM du voriconazole notifie´s dans la base de pharmacovigilance entre 2002 et 2005 et impute´s a` la fois par la me´thode de Naranjo et al. [4] et par la me´thode de Be´gaud et al [3]. Concordance between the two causality assessment methods Naranjo et al. [4] and Be´gaud et al [3] used from voriconazole ADEs reported in the pharmacovigilance database between 2002 and 2005. Be´gaud et al.

Naranjo et al. Douteux

Possible

Douteux (= I0 + I1) Possible (= I2) Probable (= I3) Vraisemblable (= I4)

10

122 34 7

Total

10

163

re´gionaux de pharmacovigilance franc¸ais [6]. Ces 227 EIM sont survenus chez 187 patients (178 adultes et neuf enfants de moins de 12 ans). La population masculine repre´sentait 66 % (123/188). L’aˆge me´dian de la population e´tait de 49,6 ans (extreˆmes : deux a` 86 ans). Les pathologies concomitantes e´taient dans 33 % des cas des he´mopathies malignes, dans 12 % des cas des pathologies pulmonaires et dans 12 % des cas des pathologies cardiovasculaires. Les principaux effets inde´sirables de´clare´s e´taient des anomalies he´patiques (22 % dont 43 % d’he´patites et 57 % d’augmentation des enzymes he´patiques), des rashs cutane´s (19 %), des confusions (15 %), des anomalies visuelles (8 %) et cardiovasculaires (8 %). Du fait du manque d’informativite´ de certains dossiers, l’imputabilite´ compare´e selon les deux me´thodes n’a pu eˆtre re´alise´ que sur 188 des 227 cas notifie´s (83 % des dossiers). Selon les crite`res de Naranjo et al., 5 % des EIM ont e´te´ juge´s « vraisemblables », 7 % « probables », 84 % « possibles » et 4 % « douteux ». Selon la me´thode de Be´gaud et al., 5 % des EIM notifie´s ont e´te´ juge´ I0 (imputabilite´ exclue), 68 % I1 (imputabilite´ douteuse), 20 % I2 (imputabilite´ possible) et 7 % I3 (imputabilite´ probable). Aucune concordance (coefficient kappa = 0,037) n’a e´te´ observe´e entre les deux me´thodes. La distribution des imputabilite´s selon les deux algorithmes est re´sume´e dans le (tableau I). Les deux me´thodes donnent la meˆme imputabilite´ pour 49 observations, soit environ une fois sur quatre (49/188). L’imputabilite´ par la me´thode de Be´gaud et al. donne une fre´quence plus importante (64 %, 122/188) de cotations « douteux » par rapport a` la me´thode de Naranjo et al.

Discussion En pharmacovigilance, e´valuer l’imputabilite´ correspond a` e´tablir la relation de cause a` effet entre la prise d’un me´dicament et l’apparition d’un effet inde´sirable. L’objectif est double, permettre au clinicien de prendre la de´cision ade´quate vis-a`-vis de la poursuite ou de l’interruption du traitement implique´ et dans un second temps constituer une

188

Probable

Vraisemblable

Total

5 4 5

1

137 38 13

14

1

188

base de donne´es permettant de ge´ne´rer des alertes le cas e´che´ant. Dans cette e´tude, nous avons compare´ les scores d’imputabilite´ des EIM du voriconazole survenus entre 2002 et 2005 avec deux algorithmes diffe´rents. La me´thode franc¸aise d’imputabilite´ de Be´gaud et al. et la me´thode ame´ricaine de Naranjo et al. Aucune concordance entre les deux algorithmes d’imputabilite´ n’a e´te´ constate´e (kappa = 0,037). Ces deux me´thodes d’imputabilite´ ont de´ja` e´taient compare´es a` d’autres me´thodes d’imputabilite´ [7], les coefficients kappa variant de 0,34 a` 0,51. La probabilite´ que la prise d’un me´dicament soit relie´e a` la survenue d’un EIM a e´te´ classe´e de manie`re conventionnelle comme e´tant « vraisemblable », « probable », « possible » ou « douteuse ». Cependant, cette classification conventionnelle suppose quatre cate´gories distinctes pour lesquelles il n’existe pas de de´monstration empirique. Les diffe´rences constate´es entre les me´thodes peuvent e´galement provenir de la diffe´rence de poids attribuable a` chacun des crite`res d’imputabilite´. Les principaux avantages de la me´thode de Naranjo et al. dans l’imputabilite´ des EIM sont sa simplicite´, sa rapidite´ et sa facilite´ d’application a` toutes les observations. L’avantage de la me´thode de Be´gaud et al. est qu’elle permet aux me´dicaments pris de manie`re concomitante avec le me´dicament « suspect » d’eˆtre exclus, la relation de cause a` effet de chaque prise de me´dicament e´tant e´value´e se´pare´ment. Cependant, cette me´thode exige plus de temps que la plupart des autres algorithmes [7]. Seul un cas sur les 188 cas a e´te´ classe´ comme « vraisemblable » avec l’e´chelle de Naranjo et al. et « probable » avec la me´thode de Be´gaud et al. Ces re´sultats mettent en lumie`re la difficulte´ d’obtenir des scores d’imputabilite´ important lors de l’application de ces me´thodes et de souligner l’importance de fournir lors de la de´claration de l’EIM des renseignements pre´cis, objectifs et les plus pertinents possibles. Inversement, la capacite´ de ces deux me´thodes a` exclure les cas non lie´s a` un EIM est limite´e, car tre`s peu de cas (10/188) ont e´te´ attribue´s a` la cate´gorie « douteux ». Par conse´quent, ces deux me´thodes montrent un faible pouvoir

Comparaison de deux me´thodes d’imputabilite´ des effets inde´sirables du voriconazole

de discrimination et une difficulte´ a` distinguer les cas entre les deux cate´gories « possible » et « probable ». Les e´tudes de comparaison entre diffe´rentes me´thodes d’imputabilite´ ne sont pas rares et l’analyse de profil de la distribution des imputabilite´s montrent en ge´ne´ral des diffe´rences [1,8]. Des comparaisons entre l’imputabilite´ faite par des observateurs diffe´rents montrent e´galement qu’il existe des variabilite´s entre les cotations.

Conclusion Les me´thodes d’imputabilite´ sont indispensables dans l’analyse des effets inde´sirables me´dicamenteux. Elles permettent une harmonisation de l’analyse au sein d’un meˆme pays et facilitent l’analyse ulte´rieure des bases de donne´es, ne´cessaire lors d’une re´e´valuation du rapport be´ne´fice/risque des me´dicaments. Dans notre e´tude, aucune concordance entre les algorithmes d’imputabilite´ franc¸ais et ame´ricain n’a e´te´ constate´e.

Conflits d’inte´reˆts Aucun.

Re´fe´rences [1]

[2] [3]

[4]

[5]

[6]

[7] [8]

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