Corticothérapies systémiques prolongées : tant reste à faire…

Corticothérapies systémiques prolongées : tant reste à faire…

La Revue de médecine interne 34 (2013) 253–254 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Éditorial Corticothérapies systémiques prolongées : t...

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La Revue de médecine interne 34 (2013) 253–254

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Éditorial

Corticothérapies systémiques prolongées : tant reste à faire. . . Long term glucocorticoid therapy: So much remains to be done. . . L. Fardet a,∗,b a b

Service de médecine interne, hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France Université Paris VI–Pierre-et-Marie-Curie, 75012 Paris, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le 13 mars 2013 Mots clés : Glucocorticoïdes Effets indésirables Adhérence

Keywords: Glucocorticoids Adverse events Adherence

En 1950 Philip S. Hench, Tadeus Reichstein et Edward C. Kendall recevaient le prix Nobel de Médecine pour « leurs découvertes sur les hormones du cortex des glandes surrénales, leur structure et leurs effets biologiques ». Près de 70 ans après les premières expérimentations chez l’homme, certains pourront donc s’interroger de la pertinence d’un numéro thématique sur les corticoïdes. Ils auront tort ! Plusieurs raisons peuvent être mises en avant pour justifier (si besoin en est) un numéro thématique sur les corticoïdes et les corticothérapies, et notamment les corticothérapies systémiques prolongées qui nous concernent nous, internistes, et qui posent le plus de problèmes aux patients et aux prescripteurs. 1. À l’heure des frappes chirurgicales, le napalm continue d’avoir de beaux jours devant lui À l’heure de l’avènement des biothérapies et autres thérapies ciblées, les prescriptions de corticothérapies systémiques ne cessent d’augmenter. Actuellement, près de 1 % de la population

∗ Service de médecine interne, hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-SaintAntoine, 75012, Paris, France. Adresse e-mail : [email protected]

générale adulte rec¸oit une corticothérapie systémique prolongée à chaque instant (2 à 3 % chez les plus de 70 ans) [1]. Cette prévalence d’utilisation a augmenté de plus de 30 % au cours des 20 dernières années [1] et tout semble réuni (coût faible, disponibilité, rapidité d’action, vieillissement de la population, augmentation de la prévalence des pathologies cibles, etc.) pour que cette progression continue malgré la mise à disposition de nouvelles molécules anti-inflammatoires et immuno-modulatrices. 2. Un traitement bien connu ? non ! Tout le monde croit tout connaître des glucocorticoïdes, de leurs modalités de prescription, de leurs effets indésirables, de leurs mesures adjuvantes, de leurs indications. Pourtant, beaucoup reste à évaluer ou à démontrer : quelles stratégies thérapeutiques (intérêt des bolus, pertinence de l’habituel « 1 mg/kg », durées de traitement, etc.) ? Quelles mesures adjuvantes (supplémentation potassique, vaccinations, régime alimentaire) ? Quel bilan préthérapeutique (bilan infectieux, bilan cardiovasculaire, consultation ophtalmologique) ? Quel suivi (glycémie, bilan lipidique, kaliémie, densité minérale osseuse, risque cardiovasculaire) ? Les indications même des corticothérapies semblent parfois sujettes à discussion (la broncho-pneumopathie chronique obstructive [BPCO] et certaines dermatoses sont ainsi des motifs fréquents de prescriptions

0248-8663/$ – see front matter © 2013 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.02.017

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L. Fardet / La Revue de médecine interne 34 (2013) 253–254

prolongées de glucocorticoïdes sans qu’aucune base scientifique ne justifie ces prescriptions) [1]. 3. L’enthousiasme du médecin, la réticence du patient L’efficacité démontrée des glucocorticoïdes contraste avec une tolérance souvent médiocre, notamment lorsqu’ils sont prescrits au long cours. Ainsi, si l’optimisme prévaut du côté du médecin qui initie une corticothérapie, il n’en est pas de même du patient qui redoute la corticothérapie plus que tout autre traitement, estimant même que les corticoïdes sont plus dangereux que les anti-vitamines K ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens [2]. Il a ainsi été montré que plus de deux tiers des patients nécessitant un traitement par glucocorticoïdes pour une pathologie inflammatoire se disent réticents à recevoir ce traitement [3]. Cette réticence exprimée par les patients est très peu évaluée. Elle impacte pourtant probablement le niveau d’adhérence à la corticothérapie [4]. 4. Certains effets indésirables redoutés mais exceptionnels (voire inexistants ?), d’autres méconnus malgré leur fréquence et leur gravité On a tous appris au cours de notre cursus médical que les patients traités par glucocorticoïdes étaient à risque d’hypokaliémie (ce qui est probablement faux) et qu’il fallait donc surveiller la kaliémie et leur prescrire du potassium. On a également appris qu’ils étaient à risque d’hypertension artérielle (c’est vrai) et qu’il fallait donc leur prescrire un régime hyposodé afin de limiter ce risque (c¸a l’est probablement moins). Il est également habituel de redouter l’insuffisance surrénalienne postcorticothérapie sans pourtant que l’incidence de cette complication n’ait jamais pu être évaluée tant elle semble faible (insuffisance surrénalienne biologique n’étant pas synonyme d’insuffisance surrénalienne clinique). En revanche, qui se méfie de la lipodystrophie, de la dyslipidémie, du risque d’accident cardiovasculaire, du risque de trouble neuropsychiatrique grave ? Qui a déjà proposé de prescrire systématiquement une statine ou un antiagrégant plaquettaire aux patients traités au long cours par glucocorticoïdes et ayant développé une lipodystrophie ? Qui informe le patient et son entourage du risque de troubles neuropsychiatriques grave (épisodes délirants, confusionnels et suicidaires compris) ? 5. Des pratiques hétérogènes entre spécialistes et au sein même de chaque spécialité Les prescriptions prolongées de glucocorticoïdes s’accompagnent souvent de la co-prescription de nombreuses mesures

adjuvantes, médicamenteuses ou non médicamenteuses, destinées à prévenir l’apparition d’effets indésirables de la corticothérapie. Si certaines de ces mesures sont prescrites par une majorité d’internistes ou de généralistes franc¸ais alors qu’elles n’ont jamais fait la preuve de leur intérêt (i.e. régime hyposodé, supplémentation potassique) [5,6], d’autres ne sont prescrites que de fac¸on aléatoire alors que leur pertinence a pourtant été démontrée (i.e. exercice physique). Par ailleurs, pour un traitement aussi prescrit et « connu » que la corticothérapie, on a souvent l’impression de faire comme tout le monde et que tout le monde fait comme nous. Les enquêtes de pratiques démontrent pourtant qu’on est loin de la réalité et que les attitudes sont très hétérogènes, que c¸a soit entre spécialistes ou au sein d’une même spécialité [5,6]. Cette hétérogénéité est probablement le meilleur reflet du manque de données scientifiques concernant de nombreux aspects des prescriptions de glucocorticoïdes. Pour toutes ces raisons (et pour beaucoup d’autres), un numéro thématique sur les corticoïdes et les corticothérapies semble bienvenu. Si les différents articles publiés dans ce numéro ne permettent pas de répondre à toutes les questions restant en suspens, ils abordent des aspects très divers (histoire de la corticothérapie, mécanismes d’action, éducation thérapeutique, effets indésirables, etc.) et mettent ainsi le doigt sur tout ce qui reste à faire. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Fardet L, Petersen I, Nazareth I. Prevalence of long-term oral glucocorticoid prescriptions in the UK over the past 20 years. Rheumatology (Oxford) 2011;50:1982–90. [2] Cullen G, Kelly E, Murray FE. Patients’ knowledge of adverse reactions to current medications. Br J Clin Pharmacol 2006;62:232–6. [3] Morrison E, Crosbie D, Capell HA. Attitude of rheumatoid arthritis patients to treatment with oral corticosteroids. Rheumatology (Oxford) 2003;42: 1247–50. [4] Zerah L, Arena C, Morin AS, Blanchon T, Cabane J, Fardet L. Patients’ beliefs about long-term glucocorticoid therapy and their association to treatment adherence. Rev Med Interne 2012;33:300–4. [5] Fardet L, Hanslik T, Blanchon T, Perdoncini-Roux A, Kettaneh A, Tiev KP, et al. Long-term systemic corticosteroid-therapy associated measures: description of the French internal medicine physicians’ practices. Rev Med Interne 2008;29:975–80. [6] Perdoncini-Roux A, Blanchon T, Hanslik T, Lasserre A, Turbelin C, Dorleans Y, et al. Description of French general practitioners’ practices regarding long term systemic corticosteroid therapy-associated measures. Rev Prat 2009;59: 19–24.