Annales d’Otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 124 (2007) 263–266
COMMENT FAIRE ?
Comment faire une otoscopie ? How to do an otoscopy? P. Bordure*, O. Malard, F. Espitalier Service ORL et chirurgie cervicofaciale, Hoˆtel-Dieu, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 01, France Rec¸u et accepte´ le 26 septembre 2006
Mots cle´s : Otoscopie ; Otologie
1. INTRODUCTION L’otoscopie fait partie de manie`re incontournable de l’examen clinique en otologie. Son objectif est d’examiner non seulement la membrane tympanique mais aussi le conduit auditif externe, et parfois l’oreille moyenne. Diffe´rents instruments et artifices techniques permettent de tirer le maximum d’informations de cet examen. 2. PRE´REQUIS L’examen otoscopique s’inte`gre dans un examen clinique plus global et qui comprend l’interrogatoire du patient, l’examen de la re´gion auriculaire, de l’ensemble de la partie ce´phalique, et l’acoume´trie au diapason. Le patient peut eˆtre assis, demi-assis ou allonge´. Cet examen est parfois refuse´ par le jeune enfant. La premie`re solution dans ce cas est d’assurer une bonne contention et le maintien de la teˆte, l’enfant e´tant assis sur les genoux d’un de ses parents ou d’un assistant. Pour des enfants plus grands, ou lorsque l’examen s’accompagne de gestes potentiellement douloureux, il ne faut pas he´siter a` recourir au cabinet de consultation au protoxyde d’azote inhale´ (Kalinox®) qui permet en quelques minutes une se´dation superficielle, et qui est rapidement re´versible. Le nettoyage du conduit auditif externe et des de´bris ce´rumineux est une e´tape pre´alable indispensable. Diffe´rents instruments ou moyens permettent de se de´barrasser du ce´ru*
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[email protected] (P. Bordure).
men au cours de l’examen otoscopique : microaspirateur, microcrochet, micropince, anse feneˆtre´e. De fins portecoton imbibe´s de solution savonneuse sont particulie`rement utiles chez les nourrissons et les jeunes enfants. Les de´bris ce´rumineux qui ont tendance a` obstruer l’isthme du conduit e´troit chez les jeunes enfants peuvent eˆtre alors refoule´s sur les parois du conduit. Il est important de retirer tout fragment de ce´rumen ou squame e´pidermique qui pourrait cacher une le´sion du conduit auditif externe ou de la membrane tympanique (Fig. 1). L’humidification par une instillation de se´rum physiologique ou d’eau oxyge´ne´e dix volumes (3 %) peut faciliter le nettoyage. Des produits ce´ruminolithiques comme le Doculyse® facilitent ce nettoyage dans les cas particulie`rement rebelles. Les canules d’aspiration a` usage unique de diffe´rents calibres permettent d’aspirer des se´cre´tions purulentes ou des de´bris ce´rumineux. Une pe´dale branche´e sur l’aspiration donne un controˆle permanent de la de´pression. L’aspiration doit eˆtre douce, et le plus petit calibre ne´cessaire doit eˆtre utilise´ pour e´viter un traumatisme sonore, source potentielle d’acouphe`ne ou de scotome auditif. Entre chaque examen, le tuyau est nettoye´ par aspiration d’une solution de de´contamination (pour un litre de solution, 60 ml de solution de Dakin dilue´e dans de l’eau du re´seau). 3. SPE´CULUMS Il existe diffe´rents types de spe´culum d’oreille, me´talliques ou plastiques. Les spe´culums en plastique ont plusieurs inte´reˆts (Fig. 2). D’une part, leur couˆt de fabrication e´tant moin-
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dre, il est possible d’envisager du mate´riel a` usage unique. D’autre part, ils sont moins agressifs vis-a`-vis de la peau du conduit auditif externe, et ge´ne´ralement mieux tole´re´s par les patients. Le diame`tre du spe´culum doit eˆtre adapte´ au calibre du conduit auditif du patient. Le spe´culum est saisi dans la main homonyme au coˆte´ examine´. L’autre main tire le pavillon d’oreille en haut et en arrie`re afin de mettre dans le meˆme axe conduit fibrocartilagineux et conduit osseux.
4. EXAMEN AU MIROIR DE CLAR OU PAR E´CLAIRAGE FRONTAL Cet examen est largement insuffisant pour examiner en de´tail le conduit auditif externe et la membrane tympanique. Il peut faire e´voquer des diagnostics e´vidents comme la pre´sence d’un bouchon de ce´rumen, une otite moyenne aigue¨, ou une perforation de la membrane tympanique. Il permet e´galement un nettoyage du conduit auditif externe.
` L’OTOSCOPE 5. EXAMEN A Par rapport a` l’examen en miroir de Clar, l’otoscope apporte un grossissement optique. Ses performances diagnostiques sont donc supe´rieures. Ne´anmoins, ses capacite´s de grossissement sont nettement infe´rieures a` celles du microscope. De plus, les soins locaux sont rendus impossibles par la pre´sence d’une lentille grossissante. Enfin, les capacite´s d’e´clairage des otoscopes pre´sents sur le marche´ sont tre`s variables, et souvent insuffisantes. Fig. 1. A : crouˆte de ce´rumen au niveau de la paroi supe´rieure du conduit osseux (photo de F. Legent). B : la mobilisation de cette crouˆte avec une micropointe re´ve`le en fait un volumineux choleste´atome atticale (photo de F. Legent).
6. EXAMEN AU MICROSCOPE
Fig. 2. Spe´culum pneumatique « Be´re´nice » qui peut supporter des spe´culums en plastique de diffe´rents calibres.
Il repre´sente l’examen otoscopique de re´fe´rence. Il associe a` la fois une bonne qualite´ de grossissement, et la possibilite´ de re´aliser des soins locaux. La position allonge´e du patient assure un bon calage de sa teˆte. L’examinateur est dans les meilleures conditions pour prendre des appuis ne´cessaires a` la re´alisation de soins locaux. L’examen visuel comprend le conduit auditif externe dans ses parties fibrocartilagineuse et osseuse. Il ne faut pas se pre´cipiter sur l’examen de la membrane tympanique. Une telle attitude peut avoir pour conse´quence de laisser passer des le´sions du conduit auditif, en particulier du conduit osseux, comme une atticotomie transcanalaire se´quellaire d’une tympanoplastie. La membrane tympanique doit eˆtre examine´e dans sa totalite´, pars tensa, pars flaccida, ligament annulaire, manche du malleus. Une perforation de la membrane tympanique donne la possibilite´ d’e´valuer l’e´tat de la muqueuse de l’oreille moyenne ainsi que des repe`res anatomiques tels que le stapes, l’incus, le canal facial, ou la feneˆtre ronde. L’existence d’une voussure du conduit auditif osseux ou un me´at e´troit peuvent
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empeˆcher une vision comple`te sur l’ensemble de la membrane tympanique. C’est dans ces cas que l’examen otoendoscopique a tout son inte´reˆt.
7. SPE´CULUM PNEUMATIQUE Il est utilise´ pre´fe´rentiellement sous microscope, mais il est possible, sur quelques otoscopes, de brancher une poire d’insufflation. Il permet un examen dynamique de l’oreille qui apporte souvent des renseignements diagnostiques de´terminant. Le classique spe´culum de Siegle ne donne qu’une vision limite´e. D’autres mode`les donnent une vision otoscopique beaucoup plus large et sans eˆtre geˆne´ par le reflet de la source lumineuse (Fig. 2). Le spe´culum pneumatique est particulie`rement inte´ressant pour faire le diagnostic d’un e´panchement tympanique quand celui-ci ne paraıˆt pas e´vident au seul examen otoscopique [1]. Dans ce cas, on constate une inertie anormale lors des mouvements de la membrane tympanique, en particulier lors de l’application d’une pression positive. Il peut e´galement objectiver une diminution ou une absence de mobilite´ du manche du malleus, signant une fixation de la chaıˆne ossiculaire, ou au contraire une hypermobilite´ du manche du malleus en relation avec une rupture de la chaıˆne ossiculaire. On a souvent inte´reˆt a` observer la courte apophyse dont les mouvements sont plus faciles a` objectiver, plutoˆt que le reste du manche du malleus. Le spe´culum pneumatique comple`te l’analyse d’une poche de re´traction en de´terminant son caracte`re de´collable ou non. Une poche de re´traction qui e´tait non controˆle´e initialement peut devenir parfaitement controˆle´e graˆce au de´collement re´alise´ par une de´pression au spe´culum. Enfin, il peut pre´ciser aussi dans certains cas la nature d’une le´sion tympanique telle qu’un choleste´atome ou un paragangliome. Une hyperpression exerce´e sur la membrane tympanique vient mouler et re´ve´ler plus pre´cise´ment le processus intratympanique.
` L’OTOENDOSCOPE 8. EXAMEN A Il comple`te l’examen otoscopique lorsqu’un obstacle anatomique empeˆche une inspection comple`te du conduit auditif externe ou de la membrane tympanique sous microscope. C’est le cas lorsqu’une importante voussure du conduit osseux masque une grande partie de la membrane tympanique, ou encore lors de l’examen d’une vaste cavite´ d’e´videment comportant des re´cessus difficilement accessibles. Il permet de surcroıˆt de re´aliser des enregistrements vide´o et des photos de qualite´, qui repre´sentent des documents de re´fe´rences, tre`s utiles au suivi du patient. Certains proposent d’utiliser en premie`re intention l’otoendoscope pour l’examen otoscopique, et pour re´aliser aussi des soins locaux [2].
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Une optique rigide de 3 mm de diame`tre a` vision directe 0˚ de 6 cm de long suffit le plus souvent. Parfois une optique a` vision foroblique 30˚ est ne´cessaire pour visualiser le fond d’une poche de re´traction. Enfin, un conduit e´troit ne´cessite parfois le recours a` une optique de plus petit calibre, 2,5 mm. L’ide´al est d’utiliser des optiques autoclavables. Sinon, la de´contamination du mate´riel impose des proce´dures rigoureuses qui consistent en un trempage initial dans une solution d’ammonium quaternaire (Salvanios®) pendant 15 minutes, un rinc¸age a` l’eau du re´seau, puis un trempage dans une solution de glutaralde´hyde 2 % pendant 20 minutes (Steranios®) suivi d’un rinc¸age et d’un se´chage. L’optique est branche´e sur une came´ra d’endoscopie de haute de´finition. L’image otoscopique est visualise´e sur un moniteur. Pour e´viter la formation de bue´e, on peut utiliser du savon Codex® en unidose applique´ sur une compresse non tisse´e, ou un produit antibue´e spe´cifique. Lors de l’examen, il est important que la main de l’examinateur tenant l’optique prenne appui sur la teˆte du patient. Cette prise d’appui e´vite un traumatisme de l’oreille en cas de mouvement intempestif du patient.
9. QUELQUES ASTUCES 9.1. Re´flexe stape´dien Le re´flexe stape´dien peut eˆtre directement visible en otoscopie dans deux circonstances : lorsque la membrane tympanique est particulie`rement fine et transparente et surtout lorsqu’il existe une perforation ou une poche de re´traction poste´rieure exposant directement le stapes. Une stimulation sonore suffisamment intense peut induire un re´flexe stape´dien directement visible par l’examinateur. En pratique, le stimulus sonore est produit par la percussion d’un instrument me´tallique sur le bord du spe´culum. La pre´sence du re´flexe stape´dien confirme la mobilite´ de l’e´trier. Cette information est importante a` connaıˆtre avant de confirmer une indication d’ossiculoplastie sur stapes conserve´. 9.2. Manœuvre de Valsalva Lorsqu’elle est re´alisable par le patient et qu’elle entraıˆne un mouvement late´ral de la membrane tympanique, elle permet d’attester de la perme´abilite´ tubaire. Elle est tre`s utile aussi pour de´tecter une microperforation de la membrane tympanique. Quelques gouttes de se´rum physiologique sont instille´es dans le conduit, et on demande au patient de re´aliser une manœuvre de Valsalva. L’apparition de bulles d’air dans le liquide atteste de la pre´sence d’une microperforation, pas toujours e´vidente a` voir par le simple examen otoscopique.
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10. CONCLUSION
RE´FE´RENCES
L’examen otoscopique est incontournable pour le diagnostic otologique. Il paraıˆt inconcevable de re´aliser des explorations audiologiques, aussi performantes soient-elles, sans commencer par l’examen clinique et l’otoscopie. Cet examen requiert un mate´riel et une technique d’examen ade´quate qui peut apporter beaucoup d’informations diagnostiques, si on se donne la peine de les chercher. Mais l’otoscopie ne´cessite aussi un long apprentissage pour eˆtre en mesure d’identifier les nombreuses pathologies de l’oreille [3].
[1] De Melker RA. Evaluation of the diagnostic value of pneumatic otoscopy in primary care using the results of tympanometry as a reference. Br J Gen Pract 1993;43:22–4. [2] Thomassin JM, Braccini F, Paris J, Korchia D. Examen clinique de l’oreille. Encycl. Med. Chir., Otorhinolaryngologie, 20025A10, 2000, 9 p. [3] Legent F, Billet J, Malard O. Atlas pratique oreille et bouche. Paris: Masson; 2001.