COMMENT FAIRE
Ann Otolaryngol Chir Cervicofac, 2006; 123, 6, 344-345 © Masson, Paris, 2006.
Comment faire une fibroscopie laryngée chez l’enfant ? J.-M. Triglia Service ORL et Chirurgie Cervico-faciale Pédiatrique, CHU Timone Enfants, boulevard Jean Moulin, 13385 Marseille Cedex 5. Tirés à part : J. M. Triglia, adresse ci-dessus. E-mail : jean-michel.triglia @ap-hm.fr Reçu le 18 octobre 2005.
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L’exploration endoscopique d’un larynx d’enfant s’intègre toujours dans un bilan à vocation essentiellement étiologique, dont la hantise permanente sera la recherche d’un obstacle respiratoire. Traditionnellement, la microlaryngoscopie directe et la trachéo-bronchoscopie sont considérées comme le « gold standard » dans l’évaluation des voies aériennes. Ces procédures nécessitent une anesthésie générale et peuvent ainsi être potentiellement associées à une certaine morbidité voire mortalité. L’utilisation de la fibroscopie souple a été utilisée pour la première fois par Silberman en 1976 pour évaluer les stridors chez l’enfant. Depuis, la fibroscopie laryngée représente la première ligne d’investigation chez les enfants porteurs d’un stridor, d’une dysphonie, d’une dyspnée ou d’un trouble de la déglutition. Mais, elle est toujours effectuée après l’interrogatoire de l’entourage, l’inspection de l’enfant et l’examen ORL habituellement réalisé lors de toute consultation [1]. La fibroscopie laryngée permet ainsi, dans la majorité des cas, de faire le diagnostic de la pathologie en cause et de se passer d’exploration plus invasive ; elle est le meilleur moyen de faire le diagnostic d’anomalies dynamiques, telles que la laryngomalacie et la paralysie laryngée. Un certain nombre de règles pratiques s’imposent toutefois à l’examinateur afin de la réaliser dans des conditions de sécurité et de fiabilité optimales. Les fibroscopes dits « pédiatriques » actuellement utilisés, quelles que soient les marques, ont un diamètre externe généralement inférieur à 2,7 mm. Leur extrémité béquillable est très appréciable, notamment lors du passage de l’isthme rhino-oro-pharyngée. Leur vision grand angle est confortable permettant un enregistrement vidéo de qualité, ce qui peut être d’un grand intérêt pour visionner en mode ralenti un examen de très courte durée ou pour rechercher un trouble de la mobilité cordale. N’ayant pas de canal opérateur, ces fibroscopes simplifient normalement les procédures de décontamination. Dans le futur, le couplage au fibroscope souple d’une vidéostroboscopie permettra d’affiner certaines pathologies cordales [2].
Cet examen peut être réalisé à tout âge mais il peut être plus difficile à conduire entre 3 et 6 ans, car l’enfant est trop âgé pour être maintenu efficacement et trop jeune pour comprendre la réalité de l’examen. Chez l’enfant plus âgé, le succès de cet examen passe par une explication parfois longue des différentes étapes. Dans tous les cas, il faut s’assurer de l’absence de prise d’un biberon ou d’un repas dans les deux heures précédant la fibroscopie.
OÙ RÉALISER CET EXAMEN ? La sécurité veut que cet examen ne se pratique pas dans un lieu de consultation isolée, sans prise d’oxygène dans la pièce d’examen ni sans que l’on puisse joindre, le cas échéant, un anesthésiste. Ceci est d’autant plus vrai si l’enfant présente une dyspnée importante ou s’il est sujet à des malaises. Ces situations, que l’interrogatoire et l’inspection auront préalablement précisées, préfèreront la proximité, voire la salle opératoire elle-même.
POSITION ASSISE OU COUCHÉE ? Les deux positions se valent et sont dépendantes de l’habitude de l’opérateur. Mon expérience privilégie la position assise ou demi assise quel que soit l’âge, car la tête et le cou sont en position anatomique normale avec une épiglotte en rectitude ce qui permet une meilleure visualisation de la commissure antérieure et assez souvent de la région immédiatement sous glottique. De plus, en cas de reflux gastro-oesophagien, le risque de régurgitation et d’inhalation secondaire est moindre assis que couché. Chez le nourrisson ou le petit-enfant, celui-ci est assis sur les genoux de la mère ou de l’infirmière qui, d’une main bloque les deux membres supérieurs de l’enfant et de l’autre fixe la tête en rectitude face à l’examinateur. Les jambes de l’enfant sont généralement placées entre celles de l’adulte qui maintient l’enfant.
Vol. 123, no 6, 2006
AVEC OU SANS ANESTHÉSIE ? Chez le nourrisson et le nouveau-né, les vasoconstricteurs ne sont pas autorisés et l’anesthésie locale par un spray de xylocaïne n’est pas nécessaire [3]. Si elle est réalisée, la dose d’application doit être extrêmement minime pour agir uniquement au niveau de la muqueuse nasale. Il a été en effet démontré qu’une dose trop importante aura tendance à atteindre le larynx et a en modifier sa fonction [4]. En revanche, un spray de xylocaïne à 5 % chez un enfant âgé entre 3 et 5 ans, éventuellement associé à la naphazoline chez un enfant âgé de plus de 6 ans, peut précéder la fibroscopie de 5 minutes. Cette attitude n’est pas du tout systématique puisque réalisée dans un tiers des cas environ, lorsque je prévoie une coopération difficile de l’enfant et que la fibroscopie doit impérativement être réalisée (par exemple une suspicion de papillomatose). L’application d’un tel spray recommande d’éviter toute ingestion de liquide durant l’heure suivant l’examen. Certains auteurs proposent la réalisation de cet examen en même temps que l’inhalation d’un mélange équimolaire de protoxyde d’azote et d’oxygène au masque (PEOPA ou Antonox®), le passage du fibroscope étant permis au travers d’un orifice placé dans le masque.
PAR VOIE ORALE OU PAR VOIE NASALE ? Les deux techniques sont utilisées en fonction de l’habitude de l’examinateur ; elles doivent être, de toute façon, bien connues, car pouvant être complémentaires. On dit classiquement qu’il est plus intéressant de passer le fibroscope par la bouche chez le nourrisson de moins de 6 mois car indolore et sans risque d’épistaxis. Il n’en est rien, car l’examen me paraît plus difficile. Le fibroscope reste trop mobile, s’appuie sur la base de langue avec des visions très souvent floues ; enfin la vision du larynx y est très écrasée, d’autant que l’épiglotte est haut située au contact de la base de la langue. Personnellement, cette voie orale n’est utilisée que lorsque la voie nasale est impossible, par exemple en cas d’orifice narinaire beaucoup trop étroit, d’œdème muqueux important, de déviation septale. Techniquement, l’extrémité du fibroscope est lubrifiée avec du sérum physiologique avec une application sur la lentille d’un anti-septique type « dermacide » ou d’une solution anti-buée. Si malgré cela, de la buée ou des sécrétions nasales se fixaient sur l’extrémité du fibroscope, son contact à la muqueuse peut généralement les supprimer. Le choix de la fosse nasale doit tenir compte du cycle nasal, afin de ne pas traumatiser la muqueuse et nécessite quelquefois une préparation de la fosse nasale par une très légère aspiration pour éviter un saignement ou la constitution d’un œdème de la muqueuse nasale. La fibre
Comment faire une fibroscopie laryngée chez l’enfant
est introduite au dessus de la tête du cornet inférieur puis longe son bord supérieur. Le passage naso-oro-pharyngé est réalisé en même temps qu’un béquillage de l’extrémité distale du fibroscope, ce qui conduit, une fois passé une zone un petit peu « aveugle » due à la contraction pharyngée, à la visualisation du pharynx, de la base de la langue et du larynx. Il est quelquefois nécessaire d’attendre que l’enfant se calme pendant une dizaine de secondes ; il ne faut donc pas se presser pour faire un bilan endo-cavitaire une fois la fibre mise en place. La fibre peut alors être descendue jusqu’à l’épiglotte et même jusqu’au vestibule laryngé, mais il vaut mieux se garder de toucher le plan des cordes vocales, car le risque de spasmes est d’autant plus important qu’il s’agit d’un petit enfant. Dans tous les cas, si une obstruction aérienne est détectée, le fibroscope ne doit absolument pas la franchir pour éviter une aggravation de l’obstruction par l’œdème. Le retrait de la fibre doit se faire tout aussi lentement et sans brutalité pour ré-analyser de façon rétrograde les voies aériennes supérieures.
CONCLUSION La fibroscopie laryngée peut être réalisée chez la majorité des nouveaux-nés et des enfants sans complication [5, 6]. Elle est la première exploration d’une symptomatologie affectant les voies aériennes. La prudence dans la réalisation de ce geste est évidemment fonction de l’importance des symptômes. Elle peut être réalisée en toute sécurité au cours d’une consultation ORL pour reconnaître un certain nombre de pathologies au niveau du pharyngolarynx (kyste, corps étranger, reflux gastro-oesophagien), du vestibule laryngé (laryngomalacie), du plan cordal (paralysie laryngée, papillomatose, palmure) et de la région sous glottique (angiome, sténose, laryngite). Á son terme, une indication d’endoscopie sous anesthésie générale peut être posée.
RÉFÉRENCES 1. EBER E. Evaluation of the upper airway. Paediatr Respir Rev 2004;5:9-16. 2. HARTNICK CJ, ZEITELS SM. Pediatric video laryngo-stroboscopy. Int J Pediatr Otorhinolayngol 2005;69:215-9. 3. BERKOWITZ RG. Neonatal upper airway assessment by awake flexible laryngoscopy. Ann Otol Rhinol Laryngol 1998;107: 75-80. 4. NIELSON DW, KU PL, EGGER M. Topical lidocaine exaggerates laryngomalacia during flexible bronschoscopy. Am J Respir Crit Care Med 2000;161:147-51. 5. BOTMA M, KISHORE A, KUBBA H, GEDDES N. The role of fiberoptic laryngoscopy in infants and children. Int J Pediatr Otorhinolayngol 2000;55:17-20. 6. MOUMOULIDIS I, GRAY RF, WILSON T. Outpatient fibre-optic laryngoscopy for stridor in children and infants. Eur Arch Otorhinolaryngol 2005;262:204-7.
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