MISE
AU
POINT
D ficits cong nitaux dans les syst mes anticoagulants naturels responsables de maladies thromboemboliques r cidivantes L. GRUNEBAUM*, M.L. WIESEL, J.M. FREYSSINET**,J.P. CAZENAVE
R6sum~ -Le systi~me de la coagulation peut-~tre assimil~ ~ une succession des r~actions enzymatiques, organis~es en complexes moh~culaires assembl6s h la surface de la cellule endoth~liale ou de la plaquette stimuh~es. Ces r~actions aboutissent ~ la g~n~ration de thrombine, enzyme central du syst~me, caract(~ris~ par un important potentiel d'autoamplification. Cette activit(~ autocatalytique est r~gul~e par des syst~mes inhibiteurs puissants, un syst~me inhibiteur direct repr~sent(~ par les antithrombines naturelles et un syst~me agissant sur la g~n~ration de thrombine, la voie de la prot~ine C. Tout d~ficit congenital, quantitatif ou qualitatif, o2 I'activit~ biologique de I'un ou I'autre de ces syst~mes inhibiteurs est r~duite en dessous de 50 % de la normale, peut conduire ~ la survenue d'~pisodes thromboemboliques r6cidivants. L'incidence des thromboses veineuses chez les d~ficitaires h~t~rozygotes est estim~e entre 50 et 70 %. Le d~ficit en prot~ine S, cofacteur de la prot~ine C activ~e, est plus particulier puisqu'il est associ6 ~ une fr6quence accrue de thromboses art~rielles. En raison de la responsabilit~ ~tablie des d~ficits des syst~mes r6gulateurs de la coagulation dans la survenue des thromboses r~cidivantes, le dosage de preference fonctionnel de I'antithrombine Ill, de la prot(~ine C et de la prot~ine S est fortement ~ recommander chez tout patient pr~sentant une maladie thromboembolique.
Mots-cl6s :THROMBOSE - - PROTI~INE C - - PROTI~INE S --ANT1THROMBINE Ill. Rev M e d Interne 1991 ; 12 : 37-41.
LA COAGULATION DU SANG ET SA RI!GULATION La survenue d'une l~sion vasculaire entraine des interactions complexes et coordonn6es des plaquettes et des facteurs de la coagulation avec les composants e n d o t h ~ l i a u x et sous endoth~liaux de la paroi vasculaire. Ces r~actions aboutissent, sous I'effet de I'~coulement du sang, ~ I'arr~t physiologique de I'h~morragie ou au d~veloppement intravasculaire pathologique d'une thrombose. Les r6actions de la coagulation proprement I dites consistent en une succession d'activations enzymatiques aboutissant ~ la g~n~ration de thrombine qui est I'enzyme central du syst~me. La thrombine form(!e va ,~ son tour activer la plaquette, la cellule endoth(~liale et aussi [es facteurs V e t VIII de la coagulation, amplifiant ainsi sa propre g(~n(!ration par
* Service d'H6mostase et de Thrombose, INSERM U.311, Centre R~gional de Transfusion Sanguine ; 10, rue Spielmann ; 67085 STRASBOURG C6dex. ** Nouvelle adresse : Institut d'H6motologie et d'lrnmunologie ; Facull6 de M6decine ; 4, rue Kirschleger ; 67085 STRASBOURG C6dex.
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r(~troaction positive. Cette activit(! autocatalytique qui caract(~rise la coagulation est r(~gul(~epar des syst6mes inhibiteurs puissants qui permettent de maintenir la fluidit~ du sang dans le syst6me vasculaire, et d'~viter la propagation des r(~actions en dehors de I'endroit o0 elles sont n(~cessaires (Fig. 1 ). Deux systbmes peuvent 6tre distingu6s. U n systOme inhibiteur direct de la thrombine et d'autres facteurs activ~s, ce sont les antithrombines naturelles, et un syst~me agissant sur la g~n(~ration de thrombine, c'est la voie de la prot~ine C. Tout dOficit cong6nital, quantitatif ou qualitatif, 00 I'ac[ivit(! biologique de I'un ou I'autre de ces inhibiteurs est r6duite en dessous de 50 % de la normale, peut conduire h la survenue d'Opisodes thromboemboliques r~cidivants (1-5). Certaines dysfibrinog~n(~mies cong(~nitales peuvent aussi ~tre responsables de tels ~pisodes. L'exploration biologique de tous ces syst~mes est indispensable dans le cadre d'une recherche ~tiologique d'accidents thrombotiques. Re~u le 20-6-1990 Renvoipour correction le 14-9-1990 Acceptationd~finitive le 01-12-1990
D~ficits cong~nitaux dans les systOmes anticoagulants naturels responsables de maladies thromboemboliques r~cidivantes
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Cascade de la Coagulation
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Systeme Anticoagulant de la Proteine C
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P'hospholip~es'¢~
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® FIBRINOGENE
FIBRINE
Systeme des Antithrombines
Figure I :
Le syst~me de la coagulation et sos r6gulations, limit~ ici ~ la vole dite extrins~que. Abr~viations : TF = facteur tissulaire ; TM = thrombomoduline ; PC = prot6ine C ; PS = prot~ine S ; APC = prot~ine C activ~e ; ATIII = antithrombine III ; HEP = h~parine ; D.S = sulfate de dermatane ; HC|I = cofacteur II de I'h~parine. Les ronds gris~s repr~sentent los facteurs activ~s de la coagulation. Los facteurs Va et VII|a, prodnits d e la r~troaction positive de la thrombine dans la cascade de [a coagulation, voient leur activit~ r~gul~e par le syst~me de la PC qui los emp~che ainsi de participer & toute g~n~ration excessive de thrombine. Le syst~me des antithrombines, quant & lui, agit directement sur la thrombine dans une r~action acc~l~r6e par les glycosaminoglycannes.
LES ANTITHROMBINES NATURELLES Au centre du syst~me des antithrombines, on trouve I'antithrombine III (AT III), membre de la familie des inhibiteurs des s~rine-prot(~ases (<~)et, dans une moindre mesure, le deuxi~me cofacteur de I'h(!parine (HC II). Ces deux inhibiteurs agissent directement avec la thrombine, dans une r~action consid~rablement acc~l(~r6e par I'h(~parine et le sulfate de dermatane respectivement (6). Durant ces 5 derni~res ann~es, nous avons d(!tect~ 6 patients pr~sentant un d~ficit en AT III (7). 11 s'agit de patients h6tdrozygotes avec un taux d'AT III, dont I'activit6 biologique mesur~e par une m~thode cin~tique varie de 40 ~ 70 %, s'accompagnant d'une diminution parall61e de
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t'antig~ne mesu r(~par une m~thode immunologique. Ces patients pr~sentaient un d~ficit en AT III classique, de type 1. Des anomalies fonctionnelles sans d~ficit quantitatif ont par ailleurs 6t~ d6crites (8,9). Ces d6ficits fonctionnels sont rares. IIen existe deux types : le type Ila correspondant le plus souvent ~ une mutation au niveau du site de fixation de la thrombine et le type lib o~ seule la capacit~ ~ fixer I'h~parine est alt~r~e. Les manifestations cliniques de ces d~ficits en AT Ill different d'un type & I'autre. Ainsi les d(~ficits de type I et Ila s'accompagnent d'une incidence 6levee d'accidents thrombotiques, t~moignant de I'importance decet inhibiteur dans la r~gulation des r~actions de [a coagulation. En cequi concerne ie type lib, I'incidence de thromboses chez les patients h~t~rozygotes y est tr~s faible, contrairement aux patients homozygotes (3 cas d~crits) qui eux ont toujours pr~sent~ une maladie thrombotique (9). II est donc tr6s important de d~finir pr6cis~ment le type d'une ~ventuelle anomalie constitutionnelle h~r~ditaire de I'AT III pour assurer une pr6vention efficace du risque thrombotique. Une modification de la m~thode habituellement utilis~e pour la mesure de I'activit~ de I'AT I11permet la d~tection de ces variants. Devant ['importance du risque thrombotique des d6ficits en AT III de type Iet Ila, un traitement antivitamine K au long cours est conseill~ chez tout patient ayant pr~sent(! un accident thromboembolique; m6me unique, et chez quice type de variant est d(!couvert. Parmi les d6ficits en inhibiteurs du syt~me des antithrombines, un d6ficit en second cofacteur de I'hdparine (HC II) a pu ~tre mis en Ovidence dans notre laboratoire chez un patient aux nombreux antecedents thrombotiques. L'ensemble des cas rapport~s clans la litt6rature permet de conclure qu'un d~ficit constitutionnel modOr~ en HC 11 n'accroit pas le risque de thrombose veineuse, il s'agirait probablement d'une condition n6cessaire mais certainement pas suffisante. C'est la raison pour laquell~ la conduite th6rapeutique chez les patients pr6sentant un d~ficit en HC II diff~re selon les 6quipes. A I'heure actuellejl semble clair qu'un dOficit en HC II n'est pas un facteur de risque important de thrombose veineuse. Sa d~couverte chez un sujet symptomatique ne modifie pas I'attitude th&apeutique qui d6pend essentiellement des ~l~ments cliniques.
LE SYSTi:ME DE LA PROTISINE C La prot6ine C(PC), prot~ine vitamine K-d~pendante, est l'~l~ment central du syst~me majeur de contr61e de la g6n6ration de thrombine. Ce zymog6ne est activ~ en s~rine-prot(~ase par la thrombine elle-m~me, en presence d'un cofacteur membranaire essentiel, la thrombomoduline (TM), situ~ ~ la surface de la ceilule endoth~liale (10,11). La PC activ~e (APC) devient un puissant anticoagulant en pr6sence d'un cofacteur sp~cifique, lui-aussi vitamine K-d6pendant, la p~t~ine S (PS). Les substrats de I'APC, les facteurs procoagulants Villa et Va sont rapidement inactiv6s par prot~olyse et ne peuvent donc plus participer I'amplification de la g~n~ration de thrombine (Fig.1). Les sujets ayant un d6ficit quantitatif ou qualitatif en PC repr~sentent une cat~gorie ~ risque de survenue d'6pisodes thrombotiques r(!cidivants d~s que I'activit6 est abaiss6e en dessous de 50 % de la normale. La forme de la maladie dont la transmission est rOcessive, est de loin la plus fr~quente comme le prouve la multiplication des observations publi6es, qu'il s'agisse d'6tudes r6alis6es sur une population d'adultes normaux ou celles prenant
La Revue de M~decine Interne Janvier- f~vrier
en compte des patients ayant pr~sent~ des ~pisodes thromboemboliques, ou des membres de leur famille. Sa prevalence serait de 0,4 pour 100 dans la population g~n~rale. Dans notre laboratoire, une Otude incluant des patients ayant pr(~sent~ des thromboses veineuses et des membres de leur famille a rOvOl~ que 2/3 des 31 patients avec un taux diminu~ de protOine C, sont asymptomatiques. Le d~ficit en prot(~ine C est certainement un facteur de risque important pour le d~veloppement d'une maladie thromboerflbolique dans certaines families mais it existe une grande h(~t~rog{~n~it~ quant ~ I'expression clinique de cette anomalie, ce qui laisse supposer que d'autres facteurs de risque y jouent un r61e tout aussi prc~pond(~rant. A l'heu're actuelle, on distingue deux types de d~ficit en PC: le type I o~] I'antig~ne et I'activit~ biologique sont diminu~s de fa~:on parall~le et le type II oC] l'activit~ est dim inure alors que I'antig~ne reste dans les limites de la normale. Aucune difference significative n'a ~t~ observ~e, en ce qui concerne I'expression clinique de ces deux types. Les variants de type II sont rares et ont ~t~ peu (~tudi~s. Les d~ficits homozygotes sont, eux, toujours graves et son't en g~n~ral responsables du d~c~s peu de temps apr~s la naissance dans un tableau de purpura fulminans ou de thrombose veineuse massive. Le traitement par transfusion de plasma frais congel~ ou de concentr~s en facteurs vitamine K-d~pendants du type PPSB dans la p&iode aigui~ relay~ par un traitement anticoagulant, ne reste qu'une solution pr~caire en raison de probl~mes de surcharge vol~mique. Ce demier inconvenient devrait trouver une solution avec la mise au point de concentr(~s plasmatiques en prot~ine C. La transplantation h~patique pourrait repr(~senter une alternative th~rapeutique (12). Ces formes dramatiques concernent les d~ficits en PC tr~s s~v~res (taux inf~rieur ~ 5 %), des formes moins s~v~res b r~v~lation plus tardive ont 6galement ~t~ rapport~es. Du fait de la variabilit~ de I'expression clinique des d~ficits en PC selon les families, ou au sein d'u ne m~me fatal tie, la prophylaxie des r~cidives d'accident thrombotique sera assur~e par un traitement antivitamine K au long cours chez les sujets ayant d~j~ pr~sent~ un ~pisode thromboembolique. Les patients sans ant~c6dent thrombotique clinique ne seront traitOs que lots de situations susceptibles de favoriser la survenue d'une thrombose (par exemple : chirurgie, Otat inflammatoire aigu, infection, cancer)~ II est important de souligner le risque ~lev~ de n6crose cutan~e induite par les antivitamines K chez les patients d~ficitaires en prot~ine C (13, 14). Ceci est ~ mettre au compte de la demivie relativement plus courte de la prot~ine C par rapport h celles des autres facteurs vitamine K-d(~pendants procoagulants. De ce fair le traitement antivitamine K doit ~tre pr~c~d~ par une h~parinoth~rapie qui ne sera arr~t~e que Iors de la stabilisation de I'hypocoagulabilit~. Parmi les autres anomalies du syst~me de la prot~ine C pouvant Otre ~ I'0rigine d'accidents thromboemboliques r~cidivants, le d~ficit quantitatif ou qualitatif en PS reste le facteur de risque le plus important. Contrairement aux patients d~ficitaires en PC, tous les patients chez qui nous avons pu mettre en ~vidence un d(~ficit en PS, ont pr~sent~ des probl~mes thromboemboliques. Ces accidents, pour environ les trois quarts d'entre eux, surviennent dans le territoire veineux et, fait plus marquant, pour le quart restant, surviennent au niveau art~riel. Cette incidence OlevOe de thromboses art~rielles confirm~e par plusieurs ~quipes, permet de recommander le dosage de la prot6ine S chez tout patient jeune avec antecedent de thrombose art~rielle (15-17). La prot~ine S est une prot~ine vitamine K-
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d~pendante circulant dans le plasma sous deux formes : une fraction l i6e ~ la C4b-BP (60 %, C4b-BP :C4b ~ binding protein >>) et une fraction libre (40 %). Seule la forme libre poss~de une activitO biologique dans le syst~me de la protOine C. Selon la classification de Comp, 12 type I, le plus fr(~quent, se traduit par une diminution de la forme libre sans perturbation du taux de prot(~ine S totale contraiiement au type II o~ prot~ine S totale et prot~ine S libre sqnt diminu~es (1 8). Lors de la d~couverte d'un d6ficit en PS, it est important de mesurer le taux de C4b-BP afin de rechercher une ~ventuelle augmentation de celle-ci pouvant 6tre ~ I'origine d'une anomalie de la r~partition entre les formes libre et li~e de la prot~ine S, auquel cas le d~ficit en PS sera consid(~r~ comme acquis. Quel que soit le type, les d~ficits thrombog~nes affectent la forme libre de la PS, son dosage est donc fondamental. La d~termination peut ~tre immunologique, apr~s precipitation du complexe C4b-BP-PS en presence de PEG (poly~thyl~neglycol), ou fonctionnel. Le dosage fonctionnel a I'avantage d'etre plus rapide, ce qui peut ~tre un ~l~ment doterminant pour proposer un traitement anticoagulant appropri~ surtout en cas de thrombose art~rielle. Dans ce but, nous avons mis au point un dosage fonctionnel qui prend en compte la seule prot~ine S l ibre (1 7). Cette m~thode est facile ~ mettre en oeuvre, rapide ~ ~x~cuter et permet de d~tecter des ~ventuels variants en PS avec discordance entre le taux d'antig~ne de la forme libre et son activitY. On ne connait encore que tr~s peu d'anomalies g(~n~tiques responsables des d~ficits en PS. II est possible de supposer que des mutations puissent apparai'tre dans divers domaines de la molecule dont I'int~grit~ est n~cessaire ~ I'expression de I'activit~ biologique : site de reconnaissance de I'APC, du substrat... Au plan th6rapeutique, comme pour les d~ficits en PC, un accident thrombotique aigu sera trait~ par h(~parinoth(~rapie et les antivitamines K au long cours assureront une prevention efficace des r~cidives. Si un traitement pr~ventif par antivitamines K doit ~tre d~but~ A distance de tout ~pisode thrombotique aigu, l'association A une h~parinotb~rapie n'est pas n(~cessaire contrairement aux d~ficits en PC. En effet, la demivie de la PS est comparable ~ celle des autres facteurs vitamine K-d~pendants procoagulants, d'o~ une diminution comparable sous antivitamine K, sans rupture d'~quilibre permettant ainsi d'(~viter la n(~crose cutan~e.
DONNI~ESGI~NI~TIQUES La transmission g(~n~tique d'un d~ficit en AT Ill, HC, I[, PC ou PS se fait selon le mode autosomal dominant ou r~cessif. Ces d6ficits peuvent ~tre dus soit ~ des d616tions totales ou partielles, des insertions ou encore ~ des mutations ponctue[les au niveau du g~ne (1). Les d~ficits quantitatifs sont les plus frequents et peuvent ~tre d~tect~s par un dosage immunologique. Toutefois, fa recherche des d6ficits qualitatifs doit ~tre syst~matique dans le cadre d'un brian ~tiologique de thrombose r6cidivante et passe par la mesure de I'activit~ biologique des inhibiteurs physiologiques de la coagulation. La structure des g~nes de I'AT III, du HC II, de la PC et de la PS est connue et des variants ont pu ~tre mis en 6vidence h I'aide de sondes d'ADN (1). Les anomalies mol6culaires affectant ta molecule d'AT III et le g?~ne correspondant, [ocalis~ sur le chrosome 1, ont ~t~ recensOes r~cemment (8,9). La PC pr~sente des homologies marqu6es avec les facteurs IX et X, protOines vitamine K-d(~pendantes procoagulantes. II n'y a que peu de polymorphismes sur le g?~ne situ~ sur le chromosome 2, ce qui rend difficile le diagnostic antenatal et le d6pistage des porteurs
D~ficits cong~nitaux clans les systdmes anticoagulants naturels responsables de maladies thromboemboliques r~cidivantes
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d'un d~ficit en PC. Quant b la prot~ine S, les homologies avec les autres prot~ines vitamine K-d6pendantes n'apparaissent que dans les r(!gions correspondant ~ I'extr~mit~ N-terminale. Deux g6nes pour la prot6ine S ont Ot~ identifies sur le chromosome 3, I'un deux ~tant un pseudo-g~ne. En ce qui concerne la thrombomoduline qui pr~sente des analogies structurales avec le r6cepteu r des LDL, mais dont le g~ne situ~ sur le chromosome 20, ne comporte pas d'introns (19), aucune anomalie pouvant Otre ~a I'origine de troubles physiologiques n'a Or6 dOcrite jusqu'~a ce jour. II est cependant intriguant de constater que cette activit~ biologique anticoagulante li~e b la thrombomoduline n'est pas exprim~e par I'endoth61ium vasculaire c(~r6bral (20) alors que le cerveau est tr?~s riche en facteur tissulaire procoagulant. Si les d~ficits quantitatifs sont les plus accessibles au diagnostic biologique de routine, il n'en est pas de m~me au niveau g(~n~tique. En ce qui concerne VAT Ill, une d~l~tion totale d'un allele du g~ne, responsable d'un d~ficit quantitatif, a ~t(~ retrouv~e chez 16 famines (21) mais il existe, bien probablement, d'autres causes possibles dues ~ades mutations ou dOlOtions dans la partie 5' r~gulatrice du g~ne ou encore ta des anomalies de transcription ou de traduction (21). En ce qui concerne les d6ficits qualitatifs, [e r~sidu d'acide amino arginine (Arg) occupe une place particuli~re au niveau des mutations ponctuelles possibles. En effet, pour ne retenir que VAT III et la PC, on [e retrouve en position centrale du site actif de VAT III (Arg 393) ou encore au niveau du site d'activation de la PC (Arg 12, chatne Iourde). En raison de la d~g~n(~rescence du code g6nOtique, il existe six codons synonymes du r~sidu Arg dont quatre d~butent par le doublet CG dans le sens 5' --* 3'. Or ce doublet repr6sente un site priviligi~ (~>)de substitution de base au niveau du G r(~sultant en une mutation du r~sidu Arg se traduisant par une perte de fonction biologfque. Cet acide amino est aussi impliqu~ en rant que site de clivage de ta chatne Iourde des facteurs Villa et Va par la prot~ine C activ~e (1) et en cas de mutation, non encore d~crite, il y aurait alors risque thrombotique et non h~morragique bien qu'il s'agisse du facteur VIII, antih~mophilique A. En raison de [eur responsabilit(~ potentielle dans la survenue de thrombose, de telles mutations peuvent, et devront de plus en plus, ~tre explor6es par des techniques d'amplification g6n~tique du type PCR (<< Polymerase Chain Reaction >~),maintenant courantes, comme cela a d~j~ ~t~ r(!alis~ pour VAT 111(8).
RUPTURE DE L'I~QUILIBRE HI~MOSTATIQUE ET MODULATION DU SYSTI:ME DE LA PROTI~INE C L'endotoxine et des m(~diateurs de la r6ponse inflammatoire comme I'interleukine-1 (IL-1) ou la cachectine (tumor necrosis factor, TNF) sont capables de r~duire les capacit~s thromborOsistantes de la cellule endoth~liale par rupture de l'~quilibre entre tendances procoagulante et anticoagulante (Fig.2), en augmentant I'expression du facteur tissulaire et en diminuant celle de la thrombomoduline (22, 23). De plus le TNF serait responsable d'une augmentation des sites de liaison du facteur IX/ IXa sur la cellule endoth~liale (24), accentuant donc le d(~s~quilibre en faveur de la tendance procoagulante. La presence d'anticorps antiphospholipides pourrait aussi expliquer la survenue d'accidents thrombotiques chez certains patients atteints de maladies autoimmunes comme le lupus &yth6mateux dissO-
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min(~, par modulation du syst?~me de la prot~ine C (25). De tels d~s~quilibres, m~me mineurs, deviendraient alors la condition suffisante pour permettre la pleine expression d'un d~ficit partiel en PC, PS ou encore en AT Ill ou en HC li.
ANTI
PRO
H~parinofdes PGi2 EDRF 13-HODE ADPase LACI-EPI Thrombomoduline ProtSine C Prot6ine S + sites de liaison t-PA, Urokinase ATIII,HCII
Sous-endothetium vWF, fibronectine Thrombospondine 15-HETE PAF Facteur tissulaire R6cepteur du facteur IX, IXa tnhibiteur de la prot~ine C PAl Figure 2 :
Repr6sentation sch~matique de la balance h~mostatique dont I'~quilibre peut 8tre rompu en faveur de la tendance procoagulante sous I'effet de m~diateurs de I'inflammation comme [e TNF ou I'lL-1. Les phospholipides anioniques intervenant dans les m~canismes p£o et anti-coagulants ont ~t~ volontairement places au niveau du couteau de la balance.
Abr~viations : PGI2 = Prostacycline ; EDRF = Endothelium-derived relaxing factor ; 13-HODE = Acide 13-hydroxy-octad~cadi~noYque ; LACI-EPI = Lipoprotein-associated coagulation inhibitor-Extrinsic pathway inhibitor ; t-PA : Activateur tissulaire du plasminog~ne~; vWF : Facteur de Willebrand ; 15HETE = Acide 15-hydroxy-eicosat~tra6nofque ; PAF = Platelet activating factor ; , PAl = Inhibiteur de I'activateur du plasminog~ne. On peut concevoir qu'un d(!ficit asymptomatique en PC puisse s'exprimer par des manifestations thromboemboliques en cas d'association ~ une diminution d'un ou des autres inhibiteurs physiologiques de la coagulation ou h une augmentation d'un ou plusieurs facteurs procoagulants (4). De tels d~s~quilibres ont d~j~ ~t~ d(!critg au cours de diverses circonstances pathologiques (infammation, infection, nOoplasie, grossesse...). La rOpartition de ces anomalies mod~rOes dans la population g~n~rale n'est pas connue, mais on peut penser que la probabilit6 de transmission de plus d'un de ces caract~res dOficitaires ou excOdentaires, selon le cas, est suffisamment ~lev~e pour expliquer la predisposition la thrombophilie h~r6ditaire.
BILAN BIOLOGIQUE RECOMMANDI ! En raison de la responsabilit~ 6tablie de d(!ficits des syst~mes r6gulateurs de la coagulation dans la survenue des thromboses veineuses r(~cidivantes, le dosage de I'AT Ill, de I'HC II, de la PC et de la PS est ~arecommander chez tout patient pr(!sentant une maladie thromboembolique. Du fait du caract~re multifactoriel .....des accidents thrombotiques, I'~tude de ces prot~ines dolt ~tre envisag~e mOme si I'accident survient Iors de circonstances favorisantes, qu'elles soient m6dicales, obst6tricales ou chirurgicales et quel que soit I'~ge auquel est arriv6 le premier accident. Du fait de la fr~quence ~lev~e des thromboses art6rielles asso-
La Revue de M~decine Interne Janvier - J~vrier
c i t e s au d ~ f i c i t en PS, I ' ~ t u d e d e ces i n h i b i t e u r s p h y s i o l o g i q u e s d e la c o a g u l a t i o n se l i m i t e r a au d o s a g e d e la PS c h e z les j e u n e s patients p r ~ s e n t a n t un a c c i d e n t v a s c u l a i r e c & ~ b r a l o u un i n f a r c tus du m y o c a r d e . C o n t r a i r e m e n t au d o s a g e i m m u n o l o g i q u e q u i d ~ p i s t e u n i q u e m e n t les d~ficits quantitatifs, la m e s u r e d e I'activit(~ b i o l o g i q u e d ' u n e p r o t 6 i n e p e r m e t d e r ~ v ~ l e r ~ la fois les a n o m a l i e s q u a l i t a t i v e s et q u a n t i t a t i v e s . C'est p o u r q u o i , I ' ~ t u d e des d e u x syst~mes i n h i b i t e u r s d e la c o a g u l a t i o n d o l t i n c l u r e d e pr(~f~rence, u n e m e s u r e d e I'act~vit~ d e I'AT Ill, de I ' H C II, d e la PC et un d o s a g e d e la f o r m e libre d e la PS. M a i s les d o s a g e s d e I'AT I11 d ' u n e part, d e la PC et la PS d ' a u t r e part sont p e r t u r b ~ s p a r I ' h ~ p a r i n e et le t r a i t e m e n t a n t i v i t a m i n e K r e s p e c t i v e m e n t , il est d o n c " i m p o r t a n t d ' e f f e c t u e r ce t y p e d e b i l a n ~ d i s t a n c e d e t o u t t r a i t e m e n t a n t i c o a g u l a n t . D a n s le cas p a r t i c u l i e r d e la PS, son d o s a g e apr~s arr6t d ' u n t r a i t e m e n t a n t i v i t a m i n e K ne p e u t ~tre p r a t i q u ~ q u ' a p r ~ s un d ~ l a i d e 3 s e m a i n e s . La mise en ~ v i d e n c e d ' u n d(~ficit a f f e c t a n t I'un q u e l c o n q u e d e ces i n h i b i t e u r s p h y s i o I o g i q u e s d e la c o a g u l a t i o n , c o n f i r m ~ e Iors d e pr~l?~vements successifs, i m p o s e u n e ~ t u d e f a m i l i a l e . B i e n q u e pressentis c o m m e les plus i m p o r t a n t s , les d~ficits des syst~mes r ~ g u l a t e u r s d e la c o a g u l a t i o n ne sont pas les seuls responsables d'accidents thromboemboliques r ~ c i d i v a n t s . Les a n o m a l i e s d u syst~me f i b r i n o l y t i q u e , les d y s f i b r i n o g 6 n 6 m i e s , la presence d'un anticoagulant circulant du type antiphospholipides p e u v e n t en 6tre ~ g a l e m e n t r e s p o n s a b l e s . D a n s I ' i m m e n s e m a j o r i t ~ des cas, un t r a i t e m e n t a n t i c o a g u l a n t est p r o p o s ~ sur les seules bases c l i n i q u e s mais I'~tude c o m p l e t e d e ces diff(~rents syst~mes p e r m e t t r a d e d ~ p i s t e r c e r t a i n e s a n o m a l i e s n ~ c e s s i t a n t la p o u r s u i t e d e ce t r a i t e m e n t au l o n g cours.
Summary--Congenital deficiencies of natural anticoagulant pathways associated with recurrent thrombosis. The main characteristics of the blood coagulation system is its high potential of autoamplification. Cascade reactions consisting of successive activations of zymogens into their respective serine-proteinase active form culminate in the generation of thrombin, the central enzyme of the system. Blood coagulation is under control of two major natural regulatory mechanisms limiting the extension of the thrombus. The first one with antithrombin III as the central element, directly inhibits thrombin and other activated clotting factors in cooperation with heparans synthetized by the vascular wall. The second one, the protein C pathway, limits thrombin generation, through its ability to block the amplification potential of feedback reactions. The physiological significance of these regulatory mechanisms is clearly emphasized by the frequency of recurrent thrombotic episodes affecting subjects presenting an inherited deficiency of one of these components, estimated between 50 and 70 %. Patients with protein S deficiency, the essential cofactor of activated protein C, exhibit a surprisingly high tendency to arterial thrombosis. The biological investigation of thromboembolic disease must be focused on antithrombin III, protein C and protein S deficiency using functional assays when available or feasible in order to detect both qualitative and quantitative defects.
Key-words : T H R O M B O S I S -- ANTITHROMBIN 111
-- PROTEIN C--
PROTEIN S
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1991 - Tome XII Num~ro 1
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DOficits cong~nitaux dans les systkmes anticoagulants naturels responsables de maladies thromboemboliques r&'idivantes
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