Diagnostic et traitement chirurgical de la dysplasie pseudorhumatoïde progressive chez un adulte avec une atteinte rachidienne sévère et une polyarthropathie

Diagnostic et traitement chirurgical de la dysplasie pseudorhumatoïde progressive chez un adulte avec une atteinte rachidienne sévère et une polyarthropathie

Revue du rhumatisme 80 (2013) 615–617 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Fait clinique Diagnostic et traitement chirurgical de la dyspl...

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Revue du rhumatisme 80 (2013) 615–617

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Fait clinique

Diagnostic et traitement chirurgical de la dysplasie pseudorhumatoïde progressive chez un adulte avec une atteinte rachidienne sévère et une polyarthropathie夽 Xi Yang , Yueming Song , Qingquan Kong ∗ Service de chirurgie orthopédique, hôpital West China, université Sichuan, No. 37, route GuoXue, Chengdu, Sichuan, Chine

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Accepté le 7 mars 2013 ˆ 2013 Disponible sur Internet le 6 aout Mots clés : Platyspondylie Polyarthrose Atteintes rachidiennes Dysplasie pseudorhumatoïde progressive

r é s u m é La dysplasie pseudorhumatoïde progressive (DPP) est une maladie autosomique récessive rare. L’atteinte polyarticulaire périphérique de la DPP a déjà été bien décrite auparavant. Cependant, l’atteinte rachidienne ainsi que son traitement chirurgical ont rarement été mentionnés. Un patient âgé de 44 ans, diagnostiqué de fac¸on erronée comme atteint d’une polyarthrite rhumatoïde à début juvénile (PRJ) et déjà opéré avec la mise en place d’une prothèse totale de la hanche, souffrait essentiellement de problèmes rachidiens au moment de sa consultation. Les radiographies avaient mis en évidence une platyspondylie, des lésions Scheuermann-like du rachis et une atteinte périphérique ressemblant aux lésions de PRJ. L’absence de syndrome inflammatoire et l’absence des facteurs rhumatoïdes avaient suggéré le diagnostic de DPP. Une mutation de type délétion nucléotidique homozygote a été retrouvée au niveau du gène WISP3, confirmant le diagnostic de DPP. Une laminectomie décompressive associée à une fixation postérieure ont été réalisées. Un très bon résultat clinique a été constaté un an après la décompression et la fusion : la douleur du membre inférieur et l’hypoesthésie ont disparu et la fusion osseuse était complète. Il s’agit du premier cas documenté de décompression rachidienne chez un adulte atteint de DPP. © 2013 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction

2. Observation

La dysplasie pseudorhumatoïde progressive (DPP ; MIM 208230) est une affection génétique autosomique récessive rare qui a été décrite pour la première fois par Spranger en 1983 [1]. Les caractéristiques cliniques et radiographiques de la DPP comprennent une platyspondylie et les lésions de type Scheuermann à un stade précoce, associées à une arthropathie périphérique simulant une polyarthrite rhumatoïde à début juvénile (PRJ) mais caractérisée par l’absence de syndrome inflammatoire [2]. Dans la littérature disponible concernant la DPP, l’accent est mis en priorité sur l’atteinte polyarticulaire chez les jeunes enfants et les adolescents. Les manifestations rachidiennes chez l’adulte sont rarement mentionnées. Un patient d’âge moyen, atteint de DPP, initialement diagnostiqué comme PRJ et ayant bénéficié d’un remplacement prothétique de hanche (PTH) a souffert de ses anomalies rachidiennes après l’arthroplastie.

Un homme âgé de 44 ans, de petite taille, s’est présenté pour une polyarthropathie évoluant depuis 37 ans associée à une douleur progressive des membres inférieurs, évoluant depuis un an associée à des sensations d’engourdissement et une démarche instable. Un gonflement et une raideur progressive symétriques sont apparus alors qu’il était âgé de sept ans. Il y a eu tout d’abord une atteinte des mains, suivie de celle des coudes, des genoux et des hanches. Le diagnostic de PRJ a été porté dans un autre hôpital alors qu’il était âgé de 12 ans, avec mise en place d’une PTH il y a cinq ans. Après l’intervention chirurgicale, la douleur avait diminué et l’amplitude articulaire fut améliorée. Cependant, il présenta une sciatique d’aggravation progressive, associée à une hypoesthésie et à une augmentation du tonus musculaire depuis environ un an, ce qui a motivé sa consultation au niveau de notre hôpital. L’examen physique montrait un poids de 45 kg et une taille de 150 cm. Il y avait une limitation symétrique de la mobilité des mains, des coudes, des poignets et des deux genoux. Les amplitudes de flexion–abduction de la hanche étaient de 90◦ –30◦ à gauche et 70◦ –15◦ à droite. Les mouvements cervicaux et lombaires étaient limités avec une scoliose compensatrice et une hyper cyphose thoracique. Une hypoesthésie a été trouvée à partir de T10. Un signe de Lasègue bilatéral était présent alors que le réflexe rotulien était

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2013.03.006. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : qingquan [email protected] (Q. Kong).

1169-8330/$ – see front matter © 2013 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2013.06.006

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Fig. 2. De gauche à droite : TDM rachidienne 3D et radiographies standard du rachis à un an postopératoire. Sur la TDM préopératoire, aplatissement vertébral, raccourcissement des pédicules, irrégularité des plateaux vertébraux Scheuermann-like. Une sténose évidente est notée au niveau de T11-T12 et L1-L2. Sur les radiographies à un an, canal médullaire libre et fusion satisfaisante (flèche noire).

Fig. 1. Radiographie standard du bassin objectivant un élargissement de l’épiphyse de la tête fémorale et un pincement de l’interligne articulaire de la hanche droite, avec une PTH en place à gauche. À noter la présence d’une zone radiotransparente locale en dessous du grand trochanter (flèche noire).

vif. La vitesse de sédimentation (10 mm/h) et la C-Reactive Protein (3 mg/L) étaient normales. La recherche du facteur rhumatoïde (FR) et des anticorps antinucléaires (ANA) était négative. L’EVA était de 8 et l’Oswestry Disability Index (ODI) était à 78 en préopératoire. Les radiographies des mains montraient un élargissement des métaphyses, un aplatissement des épiphyses, un pincement de l’interligne articulaire associé à une ostéopénie diffuse (Fig. S1 ; voir le matériel supplémentaire associé à cet article en ligne). La radiographie du bassin montrait un élargissement et un aplatissement de la tête fémorale associés à un pincement de l’interligne articulaire coxo-fémorale à droite avec une PTH à gauche en place (Fig. 1). Les radiographies du rachis montraient une platyspondylie, des plateaux vertébraux irréguliers, des pédicules courts et une discrète cyphoscoliose thoracique (Fig. S2). Une TDM avec reconstruction 3D et une IRM du rachis dorsolombaire montraient différents degrés de sténose du canal médullaire entre T10 et S1 avec des hernies discales multiples plus prononcées en T11-T12 et en L1-L2 (Fig. S3). Cet aspect est en concordance avec l’examen neurologique. Le diagnostic de PRJ fut remis en cause et celui de DPP fortement suspecté. Un typage génétique du gène WISP3 a été effectué, révélant une mutation par délétion homozygote du nucléotide (c. 840delT) au niveau de l’exon 5, comme cela a été mentionné précédemment chez les patients atteints de DPP [3,4]. Une laminectomie décompressive avec fixation postérieure a été réalisée. Nous avons utilisé comme instrument le CD Horizon M8 (Medtronic, Sofamor, Danek, USA Inc.). Une hypertrophie des surfaces articulaires et des ligaments a été objectivée. Les pédicules étaient courts, avec une hyperplasie extensive vertébrale, rendant le canal médullaire très étroit. La moelle épinière était comprimée par les disques protrus et le ligament jaune. La dure-mère était adhérente aux tissus adjacents, ce qui a rendu la décompression difficile et périlleuse (Fig. S4). Après cette chirurgie, le patient fut nettement amélioré de sa douleur des membres inférieurs, avec disparition de l’hypoesthésie et normalisation du tonus musculaire trois mois après la chirurgie. La Fig. 2 montre les radiographies préet postopératoires. Sur les radiographies postopératoires réalisées un an après le geste, le canal médullaire apparaissait complètement

décomprimé avec obtention d’une fusion satisfaisante. L’EVA était à 3 et le score ODI à 48 à la dernière consultation. Une fuite du liquide céphalorachidien est survenue en peropératoire. La dure-mère avait été entamée lorsque nous avons disséqué les adhérences rachidiennes méningées. Elle a été suturée. Un ajustement de la position et l’administration de méthazolamide ont été réalisés après la chirurgie. 3. Discussion La DPP est une maladie autosomique récessive affectant l’homéostasie du cartilage, avec une incidence estimée à 1/1 000 000 [5,6]. Les symptômes débutent entre trois et huit ans [1,2,6,7]. Des polyarthralgies symétriques avec gonflement non synovial surviennent généralement chez les enfants et s’aggravent avec l’âge [2,5–7]. Une autre présentation clinique consiste en une limitation de la mobilité rachidienne associée à des déformations de type cyphoscoliose thoracique [7–10]. L’atteinte neurologique, rarement rapportée, survient au cours de la troisième décennie de la vie. La taille est habituellement normale au début, mais légèrement réduite à l’âge adulte. Le bilan biologique est habituellement normal, avec absence d’inflammation de FR et d’ANA [2,7], à l’inverse des autres rhumatismes tels que la PRJ. Les radiographies sont nécessaires afin de confirmer le diagnostic. Les caractéristiques radiographiques comprennent : élargissement des épiphyses et des métaphyses, pincement de l’interligne articulaire, irrégularité de la surface articulaire, ce qui peut évoquer une PRJ [8]. Les radiographies du rachis peuvent montrer une platyspondylie avec les pédicules courts et des plateaux vertébraux irréguliers donnant un aspect de type Scheuermann [2,8–11]. Chez les patients plus âgés, des hernies discales peuvent se produire, particulièrement au niveau thoracolombaire et lombosacré. L’explication possible pourrait être le stress excessif exercé sur le disque en raison de la structure et des courbures anormales du rachis et de l’irrégularité des plateaux vertébraux, ce qui fait accélérer la dégénérescence discale. Des études récentes avaient identifié une mutation du gène WISP3 dans la DPP [6,12,13]. Ce gène est un membre de la famille CNN qui est essentielle pour la croissance normale du squelette et le métabolisme du cartilage [6,12–14]. Notre patient a bénéficié d’un test génétique visant les séquences du WISP3 et une délétion (c. 840delT) de l’exon 5 a été retrouvée. Cette délétion nucléotidique homozygote a déjà été rapportée dans une famille chinoise atteinte

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de DPP. Elle avait permis de poser avec certitude le diagnostic chez notre patient [3,4]. Bien que la DPP ne réduise pas l’espérance de vie, elle est responsable d’un handicap physique progressif et d’une invalidité liée au développement d’une ankylose des articulations périphériques et à la dégénérescence rachidienne avec l’âge [5]. Aucun traitement étiologique n’est disponible. Dans certains cas, une douleur articulaire très importante associée à une raideur articulaire nécessitent un réalignement ou un remplacement prothétique [5,7,15]. Notre patient avait bénéficié d’une PTH unilatérale alors qu’il était diagnostiqué comme PRJ. La réussite de sa prothèse a permis une amélioration de sa qualité de vie. La pose d’une PTH est utile chez les patients atteints de DPP avec une polyarthrite sévère au long terme. À notre connaissance, il s’agit du premier cas de DPP opérée du rachis. D’un point de vue pratique, la décompression rachidienne et la fusion semblent être très efficaces chez les patients qui souffrent de compression nerveuse sévère ou d’altération de la fonction neurologique. Cependant, les chirurgiens doivent prêter attention au risque peropératoire de lésions de la dure-mère et/ou de lésions nerveuses, du fait de l’anatomie particulière et des adhérences. Dans notre cas, une évolution clinique excellente et une fusion satisfaisante ont été obtenues un an après la décompression. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Annexe A. Matériels complémentaires Des matériels supplémentaires (Fig. S1–S4) associés à cet article peuvent être retrouvés sur http://www.sciencedirect.com, à http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2013.06.006.

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