Douleur et allaitement, une fatalité ?

Douleur et allaitement, une fatalité ?

La Revue Sage-Femme (2018) 17, 153—159 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MÉMOIRE Douleur et allaitement, une fatalité ? ...

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La Revue Sage-Femme (2018) 17, 153—159

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

MÉMOIRE

Douleur et allaitement, une fatalité ? Pain and lactation, a fatality? J. Bruneau de la Salle a,∗, C. Paquié b a

Département de maïeutique, UFR des sciences de la santé Simone-Veil, 2, avenue de la source de la Bièvre, 78180 Montigny-le-Bretonneux, France b Maternité du centre hospitalier de poissy saint germain en laye, centre hospitalier intercommunal de Poissy Saint-Germain-en-Laye, 10, rue du champ Gaillard, 78300 Poissy, France Disponible sur Internet le 18 juin 2018

MOTS CLÉS Allaitement ; Douleur ; Prévention ; Prise en charge



Résumé Objectifs. — L’objectif principal de cette étude était de déterminer la place occupée par la douleur dans les arrêts d’allaitement. L’objectif secondaire était d’étudier la prévention et la prise en charge proposées aux patientes afin d’identifier des axes d’amélioration possibles pour notre pratique quotidienne. Matériel et méthodes. — Il s’agissait d’une étude descriptive bicentrique réalisée auprès des mères allaitant leur enfant. Après avoir obtenu leur consentement signé, un questionnaire leur a été remis pendant leur séjour en suites de naissance, puis un mois et trois mois après l’accouchement. Les questions portaient sur la présence de douleur, les conseils rec ¸us ainsi ® que la prise en charge proposée. Les logiciels Excel et R ont été utilisés pour l’analyse des résultats. Résultats. — La douleur concerne 89,21 % de patientes en suites de couches et 62,99 % des patientes à 1 mois, et ce, sans distinction de parité ou de voie d’accouchement. La douleur est la cause de l’arrêt de l’allaitement dans 1,4 % des cas en suites de naissance et 17,53 % des cas à 1 mois. Nous avons observé davantage de douleur chez les patientes n’ayant rec ¸u qu’une partie des conseils recommandés par l’OMS et la HAS (92,37 % versus 8,84 %, p < 0,001). Conclusion. — Malgré la satisfaction des mères à allaiter, la douleur est une cause non négligeable d’arrêts d’allaitement. La douleur est souvent d’origine multifactorielle et difficile à objectiver surtout dans le contexte du postpartum, mais une harmonisation des pratiques et des conseils exhaustifs permettraient de mieux la prévenir, notamment en ce qui concerne le positionnement de l’enfant et la variation des positions. © 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Auteur correspondant. Les Flamboyants, île Gautier, 9, chemin de halage-nord, 78380 Bougival, France. Adresse e-mail : [email protected] (J. Bruneau de la Salle).

https://doi.org/10.1016/j.sagf.2018.04.001 1637-4088/© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

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KEYWORDS Breastfeeding; Pain; Prevention; Care

J. Bruneau de la Salle, C. Paquié

Summary Objective. — The main objective of this study was to determine the impact of the pain on the cessation of the breastfeeding. The second objective was to evaluate the prevention and the care proposed to the mothers. Methods. — We undertook a descriptive multicentric study to the feeding mothers. Having obtained their signed consent, a questionnaire was distributed first in maternities, then one month after birth and finally three months after. Questions were about the presence or not of pain, ® its prevention and its care. Excel and R software were used for the analysis of the results. Results. — Pain concerned 89,21% of the patients in maternity and 62,99% of the patients one month after childbirth, whatever the parity and the way of childbirth. Pain is responsible for the cessation of the feeding in 1,4% of the cases in maternity and in 17,53% of the cases one month after. We noticed higher pain in patients who received only few advices recommended by OMS and HAS (92,37% versus 8,84%, P < 0.001). Conclusion. — In spite of the satisfaction of the mothers to breastfeed, pain is a significant reason of cessation of the feeding. Pain is often of multifactorial origin and difficult to objectify, especially in the context of the postpartum. But a harmonization of the practices and exhaustive advices would allow to prevent it in particular as regards to the positioning of the child and the variation of the positions. © 2018 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Devant les nombreux bénéfices de l’allaitement maternel, tant pour la mère que pour l’enfant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Haute Autorité de santé (HAS) recommandent actuellement un allaitement maternel exclusif jusqu’aux 6 mois de l’enfant et sa poursuite jusqu’à ses deux ans [1—6]. Si le taux d’allaitement est supérieur à 90 %, dont la moitié pendant plus de 9 mois, en Norvège, Suède, Hongrie ou Suisse, il reste inférieur à 70 % en France et pour une durée médiane de 3 semaines et demi [7—12]. Les facteurs retrouvés dans la littérature et influenc ¸ant la durée de l’allaitement en France sont l’âge, la parité, le faible niveau d’études, la perte de poids. . ., mais la douleur n’a pas été prise en compte dans ces études. Or, il a été montré que 26 % des femmes n’allaitent pas par peur de la douleur qui serait l’une des premières causes d’arrêt d’allaitement [6,13]. L’étude que nous avons réalisée avait donc pour objectif principal d’évaluer l’association entre la douleur ressentie par les patientes et les arrêts d’allaitement. L’objectif secondaire était d’étudier la prévention et la prise en charge proposées aux patientes.

Matériel et méthode Nous avons réalisé une étude descriptive bicentrique à l’aide de questionnaires anonymisés distribués dans deux maternités d’Île-de-France de niveaux III et IIB respectivement du 26 mai 2015 au 10 octobre 2015 et du 30 août 2015 au 23 décembre 2015. L’ensemble des mères qui allaitaient

exclusivement leur enfant et pour lesquelles la grossesse avait été unique et physiologique avec un accouchement à terme (> 37 SA) d’un enfant eutrophe ont été inclues dans l’étude. Un second questionnaire leur a été envoyé un mois après et un dernier questionnaire trois mois après l’accouchement. Le premier questionnaire comprenait trois parties : • les informations générales concernant l’âge, la parité, la voie d’accouchement, les éventuels antécédents d’allaitement et la préparation à la naissance et à la parentalité ; • la prévention en salle de naissance ; • la prévention, l’évaluation et la prise en charge de la douleur pendant le séjour en suites de naissance.

Les deux questionnaires suivants nous ont permis d’évaluer à 1 et 3 mois la présence ou non de douleur, sa durée, sa prise en charge, sa prévention ainsi que la durée de l’allaitement. ® Pour l’analyse des questionnaires, les logiciels Excel et R ont été utilisés. L’évaluation de la douleur a été réalisée à l’aide de l’échelle numérique simple (ENS) qui a permis aux patientes de coter leur douleur entre 0 (absence de douleur) et 10 (douleur maximale). Les données qualitatives ont été décrites selon leurs effectifs et pourcentages, et les tests de Khi2 et de Fisher ont été utilisés. Les variables quantitatives ont quant à elles été décrites par leurs moyennes et écarttypes.

Douleur et allaitement, une fatalité ?

Principaux résultats Sur les 454 questionnaires distribués, 289 ont été rendus et 286 questionnaires ont pu être analysés en suites de naissance. Par la suite nous avons rec ¸u 154 réponses à un mois et 108 réponses à trois mois.

Description de notre population d’étude Les caractéristiques de notre population sont présentées dans le Tableau 1. Les résultats des études précédentes n’étant pas unanimes concernant l’influence de la parité, de la voie d’accouchement et des allaitements précédents sur la survenue de douleurs, nous avons souhaité évaluer ces critères au sein de notre population. Les résultats présentés dans le Tableau 2 montrent que le seul critère lié à la survenue de douleur est la présence de la douleur lors d’allaitements précédents.

Prévalence de la douleur La Fig. 1 nous montre que le taux d’allaitement a diminué au cours de l’étude au profit de des allaitements mixte et artificiel. La douleur était présente dès la salle de naissance et touchait près de 90 % des patientes les premiers jours et près de 63 % des patientes à 1 mois. La durée moyenne de la douleur était de 12 jours et demi avec un écart-type de 9,7 jours. La douleur était principalement présente en début de tétée (61,29 %) et pour un quart des patientes durant toute la tétée. Par ailleurs, la douleur était liée à la présence de crevasses (52,67 % versus 6,90 %, p < 0,001). Il n’y avait pas de différence significative de l’évaluation de la douleur entre les primipares et les multipares (4,66 versus 4,33, p = 0,92). Après trois mois d’allaitement, la majorité des patientes étaient satisfaites de leur allaitement (88/96 patientes) malgré la persistance de douleurs chez 16,67 % (18/108) d’entres elles.

Influence de la douleur sur la durée de l’allaitement Sur l’ensemble des patientes ayant initié un allaitement, 1,4 % (4/286) ont arrêté l’allaitement durant leur séjour en suites de naissance à cause de la douleur. Durant le premier mois, la douleur a compromis l’allaitement chez 24 % des patientes et entraîné l’arrêt chez 17,53 % des patientes. Au cours des deux mois suivants, la douleur a compromis l’allaitement chez 4,63 % des patientes (5/108) et 3,70 % (4/108) ont arrêté du fait de la douleur.

Prévention de la douleur D’après les Tableaux 3 et 4, trois facteurs sont significativement liés à une diminution de la douleur : • le fait de laisser l’enfant aller seul vers le sein (56,32 % versus 71,50 %, p = 0,04) ; • recevoir l’intégralité des conseils liés au positionnement de l’enfant ; à savoir ventre contre ventre, oreille, épaule et hanche alignées pour une stabilité dorsale et lombaire de l’enfant, tête en légère extension, nez dégagé et un

155 grand degré d’ouverture de la bouche avec la lèvre inférieurs retroussée (92,37 % versus 8,84 %, p < 0,001) ; • la variation des positions (86,02 % versus 13,96 %, p = 0,03). Les autres facteurs étudiés sont présentés dans le Tableau 3.

Accompagnement proposé Au sein de notre population, 67,99 % des patientes laissaient leur enfant aller seul vers le sein. Parmi les 92,83 % des patientes (259/279 réponses) ayant rec ¸u des informations sur le positionnement de l’enfant, 8,74 % d’entre elles ont rec ¸u l’intégralité des conseils. Sur l’ensemble des patientes, 49,63 % (135/272) ont signalé avoir des difficultés à mettre leur enfant au sein. Cette difficulté était significativement liée à la survenue de la douleur (5,22 % versus 94,78 %, p = 0,011) et à l’absence d’explications sur les positions d’allaitement (83,15 % versus 16,15 %, p = 0,008). Or, le fait de varier les positions était significativement liée à l’absence de douleur et de crevasse (12,07 % versus 87,93 %, p = 0,03). Cependant, seules 22,22 % des patientes (32/144) variaient les positions et 25 % des patientes n’ont rec ¸u aucune information sur les différentes positions d’allaitement. Parmi les patientes informées, seules 2, voire 3 positions leur étaient montrées.

Discussion La douleur apparaît de fac ¸on progressive chez une majorité de femmes et principalement en début de tétée puisque 31,07 % des femmes l’ont ressenti dès la première mise au sein en salle de naissance contre 89,21 % en suites de naissance. Nous pouvons nous poser la question du rôle des endorphines présentes juste après l’accouchement mais en quantité moindre dans les jours qui suivent. Cela pourrait aussi être lié à l’absence de crevasses lors de la première tétée, puis aux tétées à répétition qui sensibilisent de plus en plus le sein. Ces douleurs diminuent avec le temps puisque le taux de douleur dans le premier mois est de 62,99 % avec tout de même une persistance des douleurs à la fin du premier mois de 18,1 et de 16,67 % à trois mois. Il est cependant possible que ces taux surestiment la douleur, peut-être que les patientes n’ayant pas ressenti de douleur ne se sont pas senties concernées et n’ont donc pas souhaité répondre au questionnaire. Malgré la présence et la persistance de la douleur, l’impact sur le projet d’allaitement est faible étant donné que seules 1,4 % des patientes ont arrêté leur allaitement durant leur séjour en maternité. À un mois, en revanche, les douleurs ont compromis l’allaitement dans 24 % des cas et sont responsables d’arrêts dans 17,53 % des cas. Malgré cela, à trois mois, la majorité des femmes se disent satisfaites de leur allaitement et 20 % souhaitent le prolonger. Cependant, nous ne pouvons pas considérer l’impact de la douleur comme négligeable avec un taux d’arrêt lié à la douleur de près de 20 %. D’autant plus que certaines patientes ont répondu au questionnaire à un mois mais pas à trois

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J. Bruneau de la Salle, C. Paquié

Tableau 1

Caractéristiques de la population. n

Âge (années), m ± sd Parité, n (%) Primipare Multipare PNP, n (%) Primipare Multipare Voie d’accouchement, n (%) Voie basse Césarienne Durée souhaitée d’allaitement (mois), n (%) 1 mois 2—4 mois 6 mois et plus Ne savent pas ATCD d’allaitement chez les multipares, n (%) Durée des allaitements précédents (mois), n (%) 1 mois 2—3 mois 4—6 mois 7—12 mois 13—24 mois Douleurs aux allaitements précédents, n (%)

Effectif total

31,5 ± 4,5 286 147 (51,4) 139 (48,6) 197 (69,6) 121 (61,4) 76 (38,6)

283

281 214 (76,2) 67 (23,8) 286 9 (3,1) 129 (45,1) 126 (44,1) 22 (7,7) 133 (95,7) 20 39 34 24 15 95

(15,1) (29,5) (25,8) (18,2) (11,4) (71,4)

136 132

133

PNP : préparation à la naissance et à la parentalité ; ATCD : antécédent.

Figure 1.

Évolution du taux d’allaitement et de la douleur au cours du temps.

mois et inversement. Nous pouvons penser qu’avec un plus grand nombre de réponses nous aurions eu un taux d’arrêt lié à la douleur plus important. Mais, malgré la douleur, les patientes étaient satisfaites de leur allaitement. Notre étude a montré un défaut d’information concernant principalement le positionnement de l’enfant au sein et les différentes positions d’allaitement. En effet, nous avons pu mettre en évidence que la moitié des patientes avaient des difficultés à mettre leur enfant au sein et que cela était lié à la présence de la douleur. Or, cette difficulté était également liée au manque d’explication sur les différentes positions d’allaitement, pour rappel 25 % des patientes n’ont rec ¸u aucune explication. Par ailleurs, le fait de donner des

informations complètes sur le positionnement de l’enfant (ventre contre ventre, oreille, épaule et hanche alignées pour une stabilité dorsale et lombaire de l’enfant, tête en légère extension, nez dégagé et un grand degré d’ouverture de la bouche avec la lèvre inférieurs retroussée) permet de diminuer significativement la douleur, mais dans la majorité des cas seuls un ou deux de ces éléments sont communiqués aux patientes. Pour finir, nous avons montré que laisser l’enfant aller seul vers le sein évite les douleurs. Même si cela n’est bénéfique qu’en salle de naissance, nous pouvons penser que si la première tétée n’a pas été douloureuse, l’appréhension pour les suivantes sera moindre et par voie de conséquence

Douleur et allaitement, une fatalité ? Tableau 2

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Influence de la parité, des allaitements précédents et de la voie d’accouchement sur la douleur. Présence de douleur

Absence de douleur

n = 87 48 (55,2) 39 (44,8) n = 35 30 (85,7) 5 (14,3) n = 85 67 (78,8) 18 (21,2) n = 248 133 (53,6)

n = 193 96 (49,7) 97 (50,3) n = 96 65 (67,7) 31 (32,3) n = 191 144 (75,4) 47 (24,6) n = 30 11 (36,7)

115 (46,4) n = 111 88 (79,3) 23 (20,7) n = 244 188 (77,1) 56 (22,9) n = 97 49 (50,5) 48 (49,5) n = 44 31 (70,4) 13 (29,6) n = 95 75 (78,9) 20 (21,1)

19 (63,3) n = 18 6 (33,3) 12 (66,7) n = 30 21 (70) 9 (30) n = 57 29 (50,9) 28 (49,1) n = 26 17 (65,4) 9 (34,6) n = 56 41 (73,2) 15 (26,8)

p

Salle de naissance Primipare Multipare Douleur à allaitement précédent Absence de douleur à allaitement précédent Voie basse Césarienne Primipare Suites de couches Multipare Douleur à allaitement précédent Absence de douleur à allaitement précédent Voie basse Césarienne Primipare Multipare 1 mois Douleur à allaitement précédent Absence de douleur à allaitement précédent Voie basse Césarienne Tableau 3

Peau à peau Laisser l’enfant aller seul vers le sein Aide à la mise au sein Aide pour repositionner l’enfant en cas de douleur Reconnaître que l’enfant est prêt à téter Observation des tétées (> 3) Allaitement à la demande

Douleur

Douleur

0,07 (NS)

0,64 (NS)

0,12 (NS)

0,00017

0,53 (NS)

1 (NS)

0,86 (NS)

0,54 (NS)

Influence des mesures de prévention sur la douleur. Nombre de patientes ayant rec ¸ues l’information n (%)

Tableau 4

0,48 (NS)

Présence de douleurs (ENS > 6)

Absence de douleurs (ENS < 6)

p

246 (87,5) 189(68)

79 49

164 138

0,45 0,04

215 (76,5) 142 (61,2)

71 66

141 76

0,23 0,0008

162 (59,3)

143

18

1

167 (58,6)

151

15

0,34

183 (70,1)

163

20

0,82

Impact des positions et du positionnement de l’enfant sur la survenue de douleur. Variation des positions (%)

Absence de variation (%)

p

13,96

86,02 %

0,003

Conseils rec ¸us en intégralité (%)

Conseils fractionnés (%)

p

8,84

92,37

< 0,001

158 la douleur également. Cela pourrait être une pratique à généraliser puisque qu’elle est pour l’instant faite par 67,99 % des patientes.

Points forts de l’étude Nos questionnaires ont pu être distribués dans deux maternités de départements et de niveaux différents. Cela a permis d’augmenter la taille de notre échantillon, d’une part, et d’avoir une population plus diversifiée, d’autre part. Le sujet de notre étude a également été apprécié des patientes et des équipes hospitalières. En effet, la plupart des patientes ont dit être très intéressées par le sujet, être heureuses que nous nous intéressions à la douleur qu’elles peuvent ressentir et certaines ont demandé à être informées des résultats de l’étude. Une équipe hospitalière a également souhaité recevoir un exemplaire de l’étude. Bien que certaines études se soient déjà intéressées aux solutions thérapeutiques permettant de soulager la douleur, l’impact de la douleur n’avait quant à lui pas été étudié. Les résultats de notre étude ont donc permis de l’évaluer et de mettre en avant des axes d’amélioration pour notre pratique quotidienne.

Limites et biais Le principal biais de notre étude est un biais de sélection. Les patientes ayant répondu aux questionnaires sont peutêtre celles qui étaient plus intéressées par le sujet et plus motivées pour la réussite de leur allaitement. Par ailleurs, le mode de recueil des informations via un questionnaire présente des limites telles que l’aspect déclaratif des réponses, sans vérification possible de la bonne compréhension des questions par la patiente. Le mode de distribution des questionnaires ne nous a pas permis de choisir un jour particulier du postpartum pour les distribuer, et ce, même si nous leur demandions d’y répondre la veille de leur sortie. Ainsi, pour les patientes qui n’ont pas rec ¸u de conseils pour positionner leur enfant ou pour soulager leurs douleurs, les questionnaires étaient peut-être distribués trop tôt et elles n’avaient alors pas encore rec ¸u d’informations. Enfin, l’exploitation des données s’est révélée complexe par la multitude des critères évalués. Cela était légitime pour une première étude, basée sur les recommandations de l’OMS, mais par la suite il sera plus performant de cibler davantage.

Perspectives Pour aller plus loin dans la prévention, une étude spécifique sur les connaissances des professionnels de santé sur la survenue de la douleur pendant l’allaitement et leur fac ¸on de l’appréhender pourrait être intéressante pour travailler sur l’harmonisation des pratiques.

Conclusion Nous avons pu mettre en avant la place importante de la douleur lors de l’allaitement. Elle est présente sans distinction de parité, de voie d’accouchement ou de préparation

J. Bruneau de la Salle, C. Paquié à la naissance et à la parentalité. Pour autant, il semblerait que la motivation des mères leur permette, dans une majorité des cas, de passer outre la douleur afin de profiter de ce lien mère—enfant si important pour elles. La prévention de la douleur est un élément pouvant être amélioré. Moins d’un quart des patientes ont une information complète pendant leur grossesse, il a été montré à moins de la moitié des patientes comment reconnaître que leur enfant est prêt à téter, moins de 10 % ont bénéficié d’une information complète sur le positionnement d’un enfant au sein, il existe un certain nombre de positions différentes pour allaiter, mais dans un quart des cas aucune n’est montrée. La présence de douleur pourrait donc être une explication à la faible durée de l’allaitement en France. En tant que professionnels de santé, nous pourrions mettre l’accent sur l’accompagnement des mères en prenant le temps de leur montrer le positionnement de l’enfant au sein et les différentes positions d’allaitement.

Remerciements Aux patientes sans qui ce travail n’aurait pas pu voir le jour, aux équipes hospitalières pour l’intérêt porté à notre étude, à l’ensemble des personnes ayant aidé à la réalisation de ce projet.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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