Efficacité de l’enzymothérapie substitutive sur le système nerveux central dans la maladie de Fabry

Efficacité de l’enzymothérapie substitutive sur le système nerveux central dans la maladie de Fabry

La Revue de Médecine interne 31 (2010) S257-S259 ISSN 0248-8663 Décembre 2010 Vol. 31 - Suppl. 2 p. S205-S291 3e Rencontres Multidisciplinaires sur ...

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La Revue de Médecine interne 31 (2010) S257-S259 ISSN 0248-8663

Décembre 2010 Vol. 31 - Suppl. 2 p. S205-S291

3e Rencontres Multidisciplinaires sur la maladie de Fabry Paris, les 23-24 mai 2008

que : Pr Dominique P. Germain Centre de référence de la maladie de Fabry et des maladies héréditaires du tissu conjonctif à expression cutanéo-articulaire Hôpital Raymond Poincaré, Garches, France

Neurologie

Efficacité de l’enzymothérapie substitutive sur le système nerveux central dans la maladie de Fabry Efficacy of replacement enzyme therapy on central nervous system manifestations in Fabry’s disease G. Besson*, W. Vadot, J. Guellerin Unité de Neurologie Générale, Pôle de Psychiatrie et de Neurologie, CHU Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble cedex 09, France

R É S U M É Mots clés : Maladie de Fabry Accident vasculaire cérébral Enzymothérapie

Introduction – La maladie de Fabry (MF), sphingolipidose lysosomale liée au chromosome X, est responsable d’une atteinte multisystémique. L’efficacité de l’enzymothérapie substitutive sur le système nerveux central n’est pas évaluée. Observation – Un patient de 38 ans porteur d’une maladie de Fabry diagnostiquée à l’âge de 10 ans, compliquée d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques à répétition depuis l’âge de 26 ans, reçut une enzymothérapie substitutive par alpha galactosidase recombinante (agalsidase bêta, 1 mg/kg/14 jours) à partir de l’âge de 34 ans. Il bénéficia d’une évaluation par IRM cérébrale 1 an et 4 ans après le début de l’enzymothérapie. En l’absence de récidive clinique, l’imagerie ne retrouva pas de nouvelle lésion. Discussion – Nous rapportons l’évolution en IRM sous enzymothérapie substitutive d’un patient porteur d’une MF avec atteinte neurologique centrale. Aucune nouvelle lésion n’est apparue. Conclusion – L’enzymothérapie substitutive semble bénéfique dans la MF avec atteinte du SNC. © 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

A B S T R A C T Keywords: Fabry’s disease Ischemic stroke Enzyme replacement therapy

Introduction – Fabry’s disease (FD) an X-linked inherited lysosomal sphingolipidosis leads to a multisystemic disease. The efficacy of replacement enzyme therapy on the central nervous system manifestations has not been evaluated. Observation – A 38-year-old patient suffered from a Fabry’s disease diagnosed at the age of 10. Since the age of 26, he suffered from repeated ischemic strokes. Since the age of 34, he

*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Besson) © 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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was treated by enzyme replacement therapy (agalsidase beta, 1 mg/kg/14 days). He had a cerebral MRI evaluation 1 year and 4 years after the initiation of the enzyme therapy. No new clinical event occurred during the follow-up and the imaging did not evidence new lesion. Discussion – We report the cerebral MRI follow-up under enzyme replacement therapy in a patient with Fabry’s disease with central nervous system involvement. No new lesion appeared. Conclusion – Enzyme replacement therapy seems beneficial in Fabry’s disease with central nervous system involvement. © 2010 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1.

Introduction

La maladie de Fabry (MF) est une maladie lysosomale héréditaire du métabolisme, de transmission liée au chromosome X, due au déficit en alpha-galactosidase A. Le déficit enzymatique entraîne une accumulation de glycosphingolipides dans l’organisme, responsable d’une atteinte multisystémique avec des manifestations algiques, dermatologiques, rénales, cardiaques, digestives, cochléo-vestibulaires et neurologiques [1]. L’efficacité de l’enzymothérapie substitutive sur les lésions rénales et cardiaques a été validée, par contre son intérêt dans la prévention des atteintes neurologiques centrales reste à préciser [2]. Nous rapportons l’évolution clinique et en imagerie cérébrale d’un patient atteint de maladie de Fabry avec atteinte du système nerveux central, traité par alpha-galactosidase A recombinante (agalsidase bêta, 1 mg/kg/14 jours) depuis 5 ans.

2.

Observation

Un patient né en 1967, porteur d’une maladie de Fabry, était suivi dans le département de Neurologie du CHU de Grenoble depuis 1993. La maladie était diagnostiquée en 1979 devant des angiokératomes diffus, des accès d’hyperthermie et des acroparesthésies. Sur le plan familial, son grand-père maternel avait été également atteint, sa mère était porteuse saine hétérozygote. Il était traité par greffes de cellules de foie fœtales entre 1985 et 1987, sans amélioration clinique notable. En janvier 1993, il présentait une diplopie horizontale par atteinte du VI droit, régressive en quelques semaines. Il était hospitalisé en août 1993 suite à l’apparition brusque d’une dysarthrie et d’une hémiparésie droite régressives en plusieurs jours. L’IRM cérébrale mettait en évidence sur la séquence pondérée en T2 plusieurs hypersignaux sus- et sous-tentoriels (protubérantiel droit, bras postérieur de la capsule interne gauche, putamen droit, temporal droit). Il était à nouveau hospitalisé en mars 1994 en raison de la réapparition d’une dysarthrie et d’une hémiparésie droite. Les symptômes disparaissaient en 24 heures. L’IRM retrouvait une nouvelle lésion en hypersignal T2 en arrière et bas du noyau caudé droit, n’expliquant pas la symptomatologie. En juillet 1995, il présentait une diplopie verticale et une instabilité, régressives. Le contrôle de l’IRM en octobre 1995 retrouvait l’apparition d’une nouvelle lésion protubérantielle gauche. En mai 1997, il rapportait des troubles de l’équilibre et de la concentration d’apparition brusque au réveil. L’examen mettait

en évidence une parésie faciale centrale droite, un manque du mot avec paraphasies, une désorientation modérée. L’IRM cérébrale montrait une lésion thalamique gauche évoquant une récidive ischémique. Le suivi clinique ultérieur ne détectait pas de nouvel épisode ischémique, mais une détérioration cognitive progressive s’aggravant par à-coups, de type sous-cortico-frontale. Sur le plan thérapeutique, il recevait plusieurs greffes de foie fœtal entre 1993 et 1998. A partir de mars 2001, il bénéficiait d’un traitement par alpha-galactosidase recombinante administrée par voie intraveineuse de manière bimensuelle à la posologie de 1 mg/kg. Sur le plan clinique en août 2002, l’examen retrouvait l’absence de déficit sensitif et moteur, et l’absence d’anomalie des nerfs crâniens. Il existait une détérioration frontale majeure avec un score à l’échelle de Mattis à 122/144, un score frontal à 40.3/50, des persévérations, une apathie (score de Starkstein à 14), des troubles mictionnels. Il présentait également une surdité de perception bilatérale. Il n’existait pas d’hypertension artérielle. Le bilan cardiologique et rénal était normal. L’échographie doppler des troncs supra-aortiques ne retrouvait qu’une surcharge athéromateuse minime. L’IRM cérébrale réalisée en août 2002 retrouvait, outre les lésions déjà constatées, deux lésions en hypersignal T2, d’allure lacunaire, thalamique droite et paraventriculaire postérieure gauche. Entre août 2002 et septembre 2005, aucun événement neurologique aigu n’était à déplorer. Le bilan neuropsychologique réalisé en avril 2005 retrouvait un score à l’échelle de Mattis à 119/144, un score frontal à 36.6/50, un score à l’échelle d’empathie à 9. L’IRM systématique de contrôle réalisée en septembre 2005 ne retrouvait pas de nouvelle lésion.

3.

Discussion

Les complications cérébro-vasculaires concernent 20 à 25 % des patients porteurs de la maladie de Fabry [3]. Les récidives sont fréquentes (76 % des hémizygotes) et peuvent induire à terme un syndrome pseudo-bulbaire et un tableau démentiel [4]. Les mécanismes physiopathologiques des lésions vasculaires du système nerveux central sont mal connus. Les hypothèses envisagées incluent une sténose progressive des petits vaisseaux (secondaire à un dépôt de glycosphingolipides dans la paroi vasculaire), une absence de fonctionnalité des voies vasodilatatrices, un remodelage artériel, un état prothrombotique, une

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hyperaggrégabilité plaquettaire, modification de la régulation de la perfusion cérébrale liée à une dysautonomie, athérosclérose diffuse des gros troncs, embolies d’origine cardiaque (valvulopathie, troubles du rythme), parfois une HTA d’origine rénale [4,5]. L’IRM cérébrale n’est normale que chez 25 % des patients hémizygotes [4]. Les lésions habituellement rencontrées sont des hypersignaux de la substance blanche périventriculaire, des noyaux gris centraux, du tronc cérébral et du cervelet, d’accentuation progressive avec l’âge [6,7]. Le traitement par enzymothérapie substitutive a montré une amélioration des lésions histologiques rénales et cardiaques [2]. Néanmoins, l’évolution des lésions du système nerveux central n’a pas été spécifiquement étudiée. Le patient que nous rapportons présentait une atteinte prédominante du système nerveux central associant AVC ischémiques récidivants et un état multilacunaire. Les différentes thérapeutiques utilisées jusqu’à 2001 n’avaient pas permis de freiner l’évolution péjorative. L’administration bimensuelle agalsidase bêta depuis 2001 s’est accompagnée d’une stabilité radiologique sur les IRM cérébrales pondérées en T2 réalisées en 2002 et 2005, aucune nouvelle lésion n’étant apparue. Sur le plan clinique, l’évolution de l’atteinte cognitive était très modérée et le patient ne présentait aucun nouvel événement clinique. Cette observation permet d’évoquer un effet bénéfique de l’enzymothérapie substitutive chez les patients porteurs d’une maladie de Fabry présentant une atteinte du système

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nerveux central, en prévenant l’apparition de nouvelles lésions. Néanmoins, une étude prospective multicentrique serait nécessaire pour confirmer cette constatation.

Conflit d’intérêt Aucun.

Références [1]

[2]

[3]

[4] [5]

[6]

[7]

Desnick RJ, Brady R, Barranger J, Collins AJ, Germain DP, Goldman M, et al. Fabry disease, an under-recognized multisystemic disorder: expert recommendations for diagnosis, management, and enzyme replacement therapy. Ann Intern Med 2003;138:338-46. Eng CM, Guffon N, Wilcox WR, Germain DP, Lee P, Waldek S, et al. Safety and efficacy of recombinant human alpha-galactosidase A-replacement therapy in Fabry’s disease. N Engl J Med 2001;345:9-16. MacDermot KD, Holmes A, Miners AH. Anderson-Fabry disease: clinical manifestations and impact of disease in a cohort of 98 hemizygous males. J Med Genet 2001;38:750-60. Mitsias P, Levine SR. Cerebrovascular complications of Fabry’s disease. Ann Neurol 1996;40:8-17. Moore DF, Altarescu G, Barker WC, Patronas NJ, Herscovitch P, Schiffmann R. White matter lesions in Fabry disease occur in ‘prior’ selectively hypometabolic and hyperperfused brain regions. Brain Res Bull 2003;62:231-40. Jardim L, Vedolin L, Schwartz IV, Burin MG, Cecchin C, Kalakun L, et al. CNS involvement in Fabry disease: clinical and imaging studies before and after 12 months of enzyme replacement therapy. J Inherit Metab Dis 2004;27:229-40. Crutchfield KE, Patronas NJ, Dambrosia JM, Frei KP, Banerjee TK, Barton NW, et al. Quantitative analysis of cerebral vasculopathy in patients with Fabry disease. Neurology 1998;50:1746-9.