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Article original
Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France Theoretical and methodological considerations about the psychosocial hazard prevention at work in French context S. Ponnelle a,*, X. Vaxevanoglou b a
Université de Picardie-Jules-Verne, laboratoire de recherche CRP-CPO, EA7273, chemin du Thill, 80025 Amiens cedex, France b Université de Lille-Droit et santé, faculté d’ingénierie et management de la santé, EA2694, 1, place de Verdun, 59045 Lille cedex, France Reçu le 15 janvier 2017 ; rec¸u sous la forme re´vise´e le 28 mai 2017 ; accepté le 9 juillet 2017
Résumé La prévention des risques psychosociaux au travail s’impose comme une problématique internationale. Il est démontré que le travail, dans ses dimensions organisationnelles, techniques, technologiques et relationnelles, met en jeu un ensemble de contraintes qui, par le biais de mécanismes complexes et variés, porterait atteinte à la santé des travailleurs et à la productivité. Cet article a pour objectif d’expliquer comment, dans le contexte français, un consensus méthodologique articulant législation européenne et accords nationaux, théories scientifiques et instruments d’évaluation, et prise en compte du travail réel s’est progressivement établi. À partir d’éléments théoriques, méthodologiques et un retour d’expérience nous démontrons la pertinence d’une approche intégrée d’évaluation des RPS ayant pour finalité la prévention centrée sur les déterminants du travail. # 2017 AIPTLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Démarche de prévention ; Indicateurs ; Instruments ; Risques psychosociaux au travail ; Retour d’expérience
* Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (S. Ponnelle),
[email protected] (X. Vaxevanoglou). http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003 1420-2530/# 2017 AIPTLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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Abstract Preventing social risks at work is an international concern. It has been demonstrated that the work in its all dimensions such as, organizational, technical, technological and relational, involves a multiplicity of constraints. They participate to the degradation of work health and to the organizational performance through to the complex and various mechanisms. The aim of this paper is to explain how a methodological consensus linking the European legislation, national agreements, scientifically theories and tools, and actual work has been gradually introducing in France. Based on theoretical and methodological considerations and on a Return Of Experience (ROE) we demonstrate the necessity to adopt an integrated approach to prevent social risks that focusing more on the work determinants than on individuals’ issues. # 2017 AIPTLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Hazard prevention; Indicators; Tools; Psychosocial risks at work; Return of experience
1. Réflexion théorique et aboutissement méthodologique autour de la prise en compte des risques psychosociaux au travail en France 1.1. Risques psychosociaux, santé au travail et cadre législatif En France, dès le début des années 2000, la forte médiatisation des suicides en milieu de travail a posé la question de l’organisation et des conditions de travail ainsi que leurs incidences sur la santé physique et mentale. Le documentaire de Jean Michel Carré et de Patricia Agostini (2007) intitulé j’ai (très) mal au travail, a interpellé le rapport que chaque travailleur entretenait avec les nouvelles formes du travail qui seraient associées à une augmentation significative de certaines pathologies. Ces maux du travail, dont leur origine ne seraient pas exclusivement à rechercher dans les particularités de chaque travailleur, mais davantage dans leur interaction avec un environnement socioprofessionnel spécifique, s’expriment sous les formes diverses et variées de souffrance, détresse, mal-être, dépression, stress chronique, épuisements (burnout, bore out, épuisement compassionnel) ou d’addictions (cas du workaholism) (Chappelle, 2016; Lallement et al., 2011). Ces maux se résument sous l’acronyme RPS pour désigner le risque psychosocial (Nasse & Légeron, 2008) ou les risques psychosociaux (Gollac & Bodier, 2011). Objet de controverse, les RPS sont considérés comme un terme « fourre-tout » aux contours mal définis (Haubold, 2009) qui conduisent néanmoins « à considérer les conditions de construction de la santé psychique au travail » (Sarnin, Caroly, & Douillet, 2011 ; p. 314). Ils se situent à l’interface de l’individu (de son fonctionnement mental, de son histoire, de son vécu) et de la situation de travail (organisation, conditions de réalisation, rapports sociaux) susceptibles de porter atteinte à la santé. L’existence d’un risque pour la santé fait référence au lien possible entre l’exposition aux « dangers du travail’ et les préjudices que cette exposition est susceptible d’engendrer. En ce sens, les RPS « constituent une catégorie émergente pour désigner un ensemble de risques que le travail fait courir à la santé psychique et somatique des travailleurs » (Miossec & Clot, 2011 ; p. 342). Le travail, dans ses dimensions organisationnelles, techniques, technologiques et relationnelles, mettrait donc en jeu un ensemble de contraintes qui, par le biais de mécanismes complexes et variés, porterait atteinte à la santé des travailleurs et à la productivité. Ainsi, pour Gollac et Bodier (2011) un risque psychosocial pour la santé n’est pas tant déterminé par sa manifestation que par son origine. Les RPS sont définis comme « les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental » (Gollac & Bodier, 2011 ; p. 31). Dans leur genèse et leurs conséquences, les RPS présentent donc un caractère multiforme impliquant à la fois l’individuel, le social et l’organisationnel. Si bien que pour Machado, Desrumaux, et Lancry (2014) le risque psychosocial aurait avantage à être renommé risquepsycho-socio-organisationnel (RPSO), pour mettre réellement en exergue le rôle de l’organisation et de ses contraintes. Cox, Griffiths, et Rial-Gonzales (2000) distinguent les contraintes qui relèvent du contenu du travail, c’est-à-dire se référant aux conditions de réalisation du travail (conception des tâches, charge/rythme de travail, risques inhérents à l’exécution du travail, etc.) de celles qui dépendent du contexte de travail. Ces dernières se référent à l’organisation du travail et aux rapports sociaux (rôles dans l’organisation, soutiens, latitude de décision, styles de management, etc.). Les effets des contraintes se référant à la tâche et aux rôles dans l’organisation seraient les plus fréquemment à l’origine des atteintes de la santé au travail (St-Arnaud, Gignac, Gourdeau, Pelletier, & Vézina, 2010). Face à l’ampleur des risques psychosociaux et du stress au travail, qui constituent un enjeu majeur de santé publique (OIT, 2016)1, les politiques européennes se sont engagées à les réduire. Promouvoir l’emploi, améliorer la qualité des conditions de travail, garantir la santé et le bienêtre au cours de toute la vie active de chaque travailleur sont autant de buts à satisfaire pour atteindre l’objectif de croissance de l’emploi définie dans la stratégie Europe 2020. Sur les bases de la Directive cadre européenne (89/391/CEE) et des accords nationaux interprofessionnels (ANI 2008 rendu obligatoire par arrêté ministériel du 23 avril 2009)2, l’employeur est dans l’obligation de diagnostiquer et de prévenir les risques professionnels, dont les RPS et le stress. Il doit préserver la santé et la sécurité de ces travailleurs en réalisant un diagnostic systématique et exhaustif de tous les facteurs de risque. En France, la mise en œuvre de mesures visant l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs se formalise dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (décret 2001-1016 du 5 novembre 2001 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité, circulaire no 6 DRT du 18 avril 2002). Il répertorie et analyse tous les risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs, afin de rendre lisible les expositions dans les situations de travail réelles, de rendre compte des poly expositions, de leur intensité et de leur fréquence. Sur la base de ces analyses doit s’organiser le programme annuel de prévention. Dans tous les secteurs d’activité, privé et public, et quelle que soit la taille de l’entreprise (décret 2001-1016 version consolidée au 17 décembre 2016 pour les particuliers employeurs), l’élaboration et la mise à jour annuelle du DUERP sont une obligation. 1.2. Modèles théoriques sous-jacents à la notion complexe de RPS La notion de RPS est appréhendée à travers différentes approches scientifiques qui envisagent, chacune à leur manière, le rapport qu’entretient l’homme avec son environnement de travail et qui participe à la construction, au maintien ou à la dégradation de la santé au travail (Ponnelle, Vaxevanoglou, & Garcia, 2012a). L’analyse des liens entre le travail et la santé est abordée du point de vue de la psychodynamique du travail (Dejours, 1993) et de la clinique de l’activité 1 Stress au travail un défi collectif — journée mondiale et la santé et de la sécurité au travail, OIT, (28 avril 2016). http:// www.ilo.org. 2 Accord national interprofessionnel : http://travailemploi.gouv.fr.
Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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(Clot, 2002) qui accordent une importance majeure à la subjectivité et à l’intersubjectivité, au social et au collectif de travail. La psycho-ergonomie éclaire davantage les relations entre les RPS et le travail réel au travers de l’analyse des déterminants de l’activité ou de régulations des écarts entre le réel et le prescrit (Petit, Dugué, & Daniellou, 2011). Les approches par le stress et la santé au travail s’intéressent plus particulièrement à la confrontation entre l’individu (opérateur, sujet, acteur) et l’organisation du travail (tâche, moyens, objectifs, collègues, hiérarchie) sous l’angle de la formulation de modèles explicatifs, de mesures standardisées et d’outils d’évaluation spécifiques (Kompier, 2003). En pratique, les problématiques des études sur les RPS se centrent classiquement sur les approches interactionniste et transactionnelle du stress, qui offrent des modèles explicatifs et des outils d’évaluation spécifiques. Par exemple, les modèles épidémiologiques de demande-latitude-soutien (DLS ; Karasek, 1979) et du déséquilibre-effort-récompense (DER ; Siegrist, Siegrist, & Weber, 1986) accordent une place prépondérante à l’exposition à certains facteurs psychosociaux (demande psychologique ou efforts, manques de contrôle-soutien-reconnaissance) vecteurs de détérioration de la santé au travail (Ndjaboué, Vezina, & Brisson, 2012). D’autres modèles émergents mettent en lumière des formes particulières de contraintes psychosociales pathogènes (modèles de la « justice organisationnelle », du « leadership » et de « la prédictibilité ou prévisibilité au travail » cf. Ndjaboué et al., 2012). Tous ces modèles visent à identifier les situations à risques dans l’organisation, sans réellement prendre en considération l’ensemble des ressources disponibles, les activités réelles, les mécanismes de régulation-adaptation-défense ou le sens donné aux situations rencontrées. Les modèles transactionnels viennent pallier, en partie du moins, à ces manquements en accordant un rôle pivot aux représentations et aux stratégies d’ajustement qui interviennent entre les contraintes du travail et leurs effets sur les conduites et la santé des travailleurs (William & Cooper, 1998; Vezina, 2002). D’autres modèles s’orientent vers une autre perspective d’analyse plus « positive », car il ne s’agit pas tant de se centrer sur les contraintes que de considérer le rôle des ressources potentielles disponibles dans le milieu de travail (soutien, reconnaissance/gratification. . .) pour contrer les effets de ces contraintes sur la santé (Conservation of Resources-Theory de Hobfoll (1989) ou le Job Demands-Resources model de Demerouti & Bakker (2011)). Si de manière unanime plusieurs contraintes psychosociales susceptibles de détériorer la santé ont été repérées dans tous ces modèles, leur méthodologie d’évaluation et le rapport à la mesure peut s’opposer. Contrairement à la clinique de l’activité par exemple, l’approche des RPS par les modèles du stress invite plutôt à la mesure objective au travers de la recherche d’indicateurs statistiques qui permettent le dépistage des contraintes du travail et leur « chiffrage ». 2. Réflexion méthodologique et implication pour la mise en œuvre d’une démarche d’évaluation-prévention des RPS en France 2.1. Quels sont les indicateurs de RPS au travail ? En application avec la loi et les accords nationaux trois catégories d’indicateurs sont préconisées en France (DGAFP, 2014). Parmi ces indicateurs, deux sont de nature « objective », c’est-à-dire renvoyant au fonctionnement de l’entreprise (types, fréquence d’absentéisme. . .) et à la santé au travail (nombre de situations de travail dégradées. . .). La troisième catégorie s’avère plus « subjective » en cherchant à évaluer la perception, le ressenti ou le vécu qui signale la présence des RPS au travail. C’est principalement à partir de la mise à l’épreuve des modèles interactionnistes du stress que ces indicateurs se sont développés. L’élaboration des Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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Fig. 1. Exemples d’outils spécifiques en autoévaluation et leurs principaux indicateurs pour le diagnostic des déterminants psychosociaux au travail en France.
questionnaires « demande-contrôle-soutien » ou du « déséquilibre-efforts-récompenses » (Fig. 1) s’inscrivent dans le prolongement de leur modèle respectif du stress au travail (DLS et DER). Ces outils témoignent de cette volonté de quantifier certains facteurs psychosociaux tels que les contraintes liées à l’accomplissement des tâches, la mobilisation d’efforts ou les récompenses. En continuité avec les modèles transactionnels, mettant en lien contraint, processus psychiques mobilisés et/ou ressources individuelles et organisationnelles, des outils « généraux » (cf. WOCCQ ; De Keyser & Hansez, 1996) ou OSI ; William & Cooper, 1998) ; Fig. 2) permettent l’évaluation d’un nombre plus diversifié d’indicateurs (facteurs, capacité, santé, bien-être. . .). La lecture des outils synthétisés dans les Fig. 1 et 2, suffit à se rendre compte qu’il existe un nombre important d’indicateurs souvent limités à quelques aspects du contenu et/ou du contexte de travail et plus rarement à un panel plus diversifié. Pour disposer d’une vision étendue sur la pluralité des contraintes rencontrées en lien avec les conditions, l’organisation du travail et les rapports sociaux, il est souvent nécessaire de combiner plusieurs de ces indicateurs lors d’une même démarche de diagnostic RPS. Les enquêtes statistiques sur les conditions de travail et les études prospectives témoignent de cette nécessité (combinaison dimensions du JCQ avec l’échelle de reconnaissance du questionnaire de Siegrist (Vezina, 2002), qui s’avère cependant pas toujours satisfaisante au regard de la réalité du travail. Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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Fig. 2. Exemples d’outils généraux en autoévaluation et leurs principaux indicateurs pour le diagnostic des risques psychosociaux au travail en France.
2.2. Construction et place des indicateurs « Gollac » dans la démarche de prévention des RPS En France, face à l’ampleur des RPS attestées par un ensemble de données issues d’enquêtes épidémiologiques, des observatoires nationaux, des recherches scientifiques et de faits de société, le Ministère de du travail, de l’emploi et de la santé a fait part de sa préoccupation concernant le dépistage et la prévention de la multiplicité et la nouveauté des facteurs de risques. Suite à un premier rapport ministériel (Nasse & Légeron, 2008), un collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux a été mandaté pour mettre en place un dispositif de diagnostic et de suivi des RPS. Six grandes familles de facteurs psychosociaux évaluées par divers indicateurs synthétiques ont été proposées : intensité du travail et/ou temps de travail, exigences émotionnelles, autonomie, rapports sociaux et relations de travail, conflits et valeurs, insécurité de la situation de travail et changements. Cette classification est l’aboutissement d’un travail de synthèse de la littérature scientifique internationale, de données issues d’enquêtes statistiques nationales et internationales et d’auditions de personnalités scientifiques pluridisciplinaires et de représentants des salariés et des employeurs. Les différents déterminants de la santé au travail ainsi identifiés renvoient à une collection de concepts issus d’approches théoriques différenciées (théories du stress, psychodynamique du travail. . .) susceptibles de rendre compte des RPS en Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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Fig. 3. Exemples d’outils en hétéroévaluation et leurs principaux indicateurs pour le pré-diagnostic des risques psychosociaux au travail en France.
France. Plusieurs propositions de mesures synthétiques de ces déterminants ont été obtenues à partir des questions formulées dans les enquêtes nationales et/ou européennes sur les conditions de travail et sur la base de nombreux outils internationaux au travail (Ponnelle et al., 2012b) S’agissant de ces derniers, les indicateurs proposés résultent de l’extraction d’item(s) issu(s) d’échelles de mesure validées en France (Axe 2. indicateur de latitude décisionnelle à partir du JCQ) et d’item(s) extrait(s) d’outils créés dans un autre contexte culturel (Axe 4. indicateurs d’appréciation du travail par le supérieur à partir du COPSOQ, Fig. 3) ou seulement traduit en français (Axe 4. indicateurs de harcèlement à partir du Negative Acts Questionnaire). L’enquête conditions de travail de 20133 à permis sur la base des indicateurs « Gollac » d’étudier les facteurs psychosociaux en France. Après un affinement des différentes contraintes et de leur classement, le questionnaire créé mesure huit catégories de contraintes psychosociales. Une analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM) a été réalisée sur les groupes d’items de chaque dimension afin de créer l’indicateur synthétique correspondant à chaque axe (Davie, 2015). Plus récemment, dans le cadre de l’évaluation statistique de l’exposition aux facteurs de RPS auprès d’enseignants et de cadres et professions intermédiaires de la fonction publique ou du
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Enquête condition de travail : édition 2013 http://dares.travail-emploi.gouv.fr. Les références bibliographiques des outils présentés aux figures 1 à 3.
Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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secteur privé, Jego et Guillo (2016) ont procédé à une validation factorielle du questionnaire auprès de 11 219 agents. Ils ont conduit des analyses factorielles des correspondances et en composantes principales et ont abouti à une solution à 7 dimensions ou indices de RPS expliquant 36,5% de la variance totale. Leurs résultats s’avèrent proches dans leur contenu des 6 axes Gollac : intensité-complexité du travail, manque d’intérêt du travail, comportements hostiles, exigences émotionnelles, tension dans l’encadrement de personnel, etc. 2.3. Nécessité d’une démarche intégrée d’évaluation des risques pour passer des « évaluations chiffrées » à l’analyse du « travail réel » En France, un consensus méthodologique articulant législation européenne et accords nationaux, théories et instruments, et prise en compte du travail réel s’est progressivement établi. D’un point de vue pratique, les indicateurs « Gollac » permettent de disposer d’un cadre méthodologique commun à l’identification des facteurs de risque et à leur suivi. L’évaluationprévention des RPS au travail tend ainsi à se structurer autour d’une démarche qui combine différentes approches et qui prend comme support d’évaluation des outils développés ou recensés par les relais du ministère du travail (ANACT) et de la santé (INRS). Ces structures appuient cette démarche au travers le DUERP et la formation. L’application nationale des dimensions « Gollac » a reçu une application nationale au travers le développement de deux outils en hétéroévaluation (recueil par des tiers) : outils RPS-DU et « faire le point » (Fig. 3). Le point commun et central de la réglementation dans ces domaines est lié à l’affirmation de la nécessité d’analyser les risques et leurs conséquences a priori (recherche d’indicateurs précoces) et en lien avec le travail réel, c’est-à-dire en prenant en considération l’activité des salariés, les contraintes réelles qu’ils gèrent, ce qu’ils mobilisent pour y arriver (etc.), par opposition au travail prescrit (prescriptions organisationnelles). Ainsi, le positionnement théorique et la méthodologie proposée s’inscrivent dans une approche intégrée d’évaluations quantitative et qualitative centrées sur le travail réel. La démarche de diagnostic RPS doit se réaliser dans le respect des trois temps forts et ce, quelle que soit la demande initiale (intervenir sur un cas unique de risque de burnout ou faire l’évaluation des RPS pour leur intégration DUERP). Un premier temps « d’évaluation » qui nécessite le recueil d’indicateurs diversifiés aux moyens d’outils référencés dans le domaine de la recherche scientifique et adaptée par des organismes ou agences locales reconnues (Fig. 1–3). Fait suite un deuxième temps de « diagnostic » qui articule les résultats de l’évaluation (qualitative et/ou quantitative) et la réalité des contraintes rencontrées et des ressources disponibles avec la mise en débat de ces résultats avec des groupes de salariés représentants les unités organisationnelles, managériales et les métiers, et les analyses du travail réel. Enfin, le dernier est un temps de « construction sociale des actions d’amélioration » qui doivent être conforme aux exigences légales en matière de prévention des risques et aux attentes de changements réels de conditions et d’organisation du travail. Adopter une approche intégrée renvoie à recentrer la question l’évaluation des RPS sur les déterminants organisationnels et sociaux pour construire des actions de prévention primaire, c’est-à-dire visant prioritairement à modifier durablement l’organisation et les conditions réelles du travail. 2.4. Démonstration de la nécessité d’une approche intégrée des RPS : le cas d’un retour d’expérience sur une situation de dégradation des rapports sociaux Illustrons cette approche au travers d’un retour d’expérience qui relate du problème de la dégradation des rapports sociaux au sein d’un Groupement bancaire français composé de 120 Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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salariés répartis en six directions. Il ne s’agit pas de démontrer la validité scientifique de l’outil « Gollac » mais d’illustrer le « comment » et dans « quelle condition » il doit être utilisé pour poser des diagnostics qui conduisent à des actions de prévention primaire ciblant les déterminants des risques. Dans cette structure, le CHSCT interpelle la Direction sur des événements et des signes de dégradation des conditions de travail des salariés, marquée par des situations individuelles et collectives de souffrance psychique. Il n’y a pas de diagnostic médical de souffrance mais un accident du travail RPS est déclaré (indicateur de santé). L’instance signale, par ailleurs, l’absence d’évaluation/plan de prévention des RPS (non intégrée au DUERP) ce qui conduit à l’impossibilité de positionner les événements et les cas individuels par rapport à un diagnostic centré sur l’évaluation des RPS au travail. La problématique des RPS est alors posée de façon globale, les cas observés ne sont que la manifestation de processus pathogènes dans le fonctionnement de l’entreprise. L’objectif de la démarche sera de repérer les éléments qui, dans le travail, sont de nature à favoriser l’émergence de ces situations de souffrance morale. La démarche fait donc référence aux textes réglementaires qui régissent l’évaluation des risques professionnels (Décret 2001-1016) et s’inscrit dans une approche intégrée d’évaluation quantitative et qualitative centrée sur le travail réel. L’évaluation des RPS a été réalisée à partir de l’autoquestionnaire CT 2013 évaluant les 6 axes « Gollac » (40 indicateurs), de l’inventaire des violences psychologiques au travail de Leymann dans sa version française (LIPT, 1996 ; Fig. 1) et des entretiens individuels centrés sur le travail réel. Les résultats de cette phase évaluative ont été confrontés au travail réel via des réunions collectives représentant les unités organisationnelles et les métiers. Le diagnostic recentre la problématique de la prévention sur les déterminants du travail : pour 75% des collaborateurs et managers rencontrés (90/120), la dégradation des rapports sociaux au sein de l’établissement fait suite à une série d’événements de nature organisationnels produits depuis 4–5 ans. Les événements évoqués se rapportent à la filialisation de 2008, aux réorganisations de certains services qui ont suivi, à la condamnation (au TGI) du groupement consécutivement à la mise en place de cette réorganisation, l’agression d’un élu ou encore le problème de santé ayant conduit à la démarche de reconnaissance de l’accident RPS. Même si les interprétations et les prises de position (pour ou contre les élus, la direction) divergent, il y a consensus sur les types d’événements déclencheurs. Ces derniers ayant eu un impact global sur les relations sociales, les partenaires sociaux ont dès lors été considérés par la direction, comme voulant porter atteinte au bon fonctionnement du groupement. Cela s’est traduit pour certaines personnes par des impacts individuels qui ont pris la forme de discrédit et d’atteinte aux règles de métier. Par exemple, pour l’une de ces personnes, cela s’est traduit par une dégradation de sa santé (conflit éthique). Parallèlement, la Direction est apparue comme archaïque, incompétente socialement et incapable de structurer le fonctionnement social pour la majorité des salariés. Ainsi, les événements de ces dernières années, qui s’inscrivent tous dans un contexte d’incertitude sur l’avenir sans cesse renforcé depuis les filialisations pour une partie des collaborateurs, ont été autant d’occasions d’affrontement entre Direction et IRP avec prise à partie des collaborateurs. Le diagnostic montre que la logique organisationnelle fondée sur les affinités, les ententes et les conflits interpersonnels et les modes relationnels entre la Direction et les Instances représentatives du personnel, fait jouer au management « terrain » un rôle pathogène, qui est directement à l’origine du stress et de la souffrance des managers et des collaborateurs et de l’émergence des conduites harcelantes observées dans les situations de travail. Les indicateurs de l’axe 3 témoignent de l’autonomie dans le travail et de la possibilité d’agir que produit la logique organisationnelle. Il apparaît clairement que, ce qui structure l’autonomie Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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se sont les marges et les moyens d’action par rapport aux méthodes de travail (70,2%), aux contraintes temporelles (57,4%) et aux prises de décision autonomes (75,8%). Dans ce contexte la possibilité de prendre des décisions autonomes dans son travail soulève des interrogations relatives à la nature et à la forme de cette autonomie décisionnelle qui devient problématique quand elle est combinée avec des exigences trop élevées du travail (axe 1) d’une part, et l’individualisation excessive du travail et l’évaluation individualisée des salariés, d’autre part. Pour caractériser les situations de harcèlement, deux situations sont distinguées : les « comportements méprisants », subis par 13,8% des collaborateurs et le « déni de la qualité du travail », qui concerne 9,2% des collaborateurs. Les rapports sociaux (axe 4), sont marqués par la force du soutien social des collègues et l’existence de possibilités de coopération et d’entraide (75,8%) et du soutien social de la hiérarchie (71,9%). Toutefois, le fait marquant à trait à l’impossibilité pour les collaborateurs « victimes » ou « témoin » d’événements délétères d’attribuer des causes en lien avec le travail (organisation, management, climat social) aux violences psychologiques. La problématique des violences psychologiques au travail est liée pour les uns à la focalisation sur « le dénigrement auprès des collaborateurs par la direction des IRP pour lesquels elle a du mépris. . . » (1 collaborateur sur 5 évoque au moins un comportement violent à son égard et 1 sur 4 affirme avoir été témoin de violences envers un tiers). Alors que pour les autres, elle est liée à la mauvaise ambiance de travail générée par le fait que les IRP « assurent leurs fonctions uniquement sur des bases juridiques. . .et donnent plutôt l’impression d’exercer leurs fonctions à des fins personnels. . . ». Les processus « pathogènes » en jeu le sont à la fois pour les individus (problème de santé, violences psychologique et physique) et pour le système organisationnel (projets en échec, coopérations défaillantes, équipes opérationnelles en mode dégradé. . .). Dans les situations de déséquilibre entre charges et marges de manœuvre, les incohérences du pilotage managériales (manque de clarté des informations, injonctions contradictoires) ont des effets négatifs sur la performance et sur la santé psychique. Le contexte interne au groupement n’est pas générateur de confiance en l’avenir (axe 6) : 1/3 d’entre eux craint pour son emploi (33,8%), tout en affirmant que les perspectives de promotion sont faibles (80,7%) et qu’il va devoir changer de métier (66,7%). L’absence de clarté dans la politique RH et l’absence de lisibilité de la stratégie opérationnelle produisent des craintes qui nourrissent les conflits et peuvent conduire à la dégradation des rapports sociaux. L’affrontement permanent que la direction alimente en ne respectant pas les règles sociales et que les IRP renforcent en radicalisant leurs positions juridiquement, ne permet pas de régler les problèmes organisationnels, opérationnels et sociaux. Il en résulte l’émergence de clans qui clivent socialement le groupement, dégradent les rapports sociaux et activent des processus délétères propres à déstructurer l’organisation et à alimenter la souffrance morale des collaborateurs. Les axes de prévention des RPS proposés ont été mis en débat avec les groupes constitués lors de la phase diagnostic, la direction, et le CHSCT. Ils s’appuient sur le socle de la restructuration des rapports sociaux autour de la mise en œuvre de l’intégration des RPS dans le DUERP et la conduite en CHSCT du plan de prévention. Ce rappel à la loi a permis de recadrer les relations entre la direction et l’instance et à reconfigurer les modes de fonctionnement autour des questions de santé au travail. Parallèlement, des mesures spécifiques au recadrage des conduites délétères et des violences psychologiques ont été élaborées. Une procédure d’alerte permet par exemple, aux salariés de poser les problèmes directement sur la table du CHSCT qui peut dès lors exercer sont droit d’enquête. La prise en compte de la qualité des rapports sociaux dans les équipes et de la santé psychique des collaborateurs dans l’évaluation des pratiques managériales a été mise en projet. Enfin, la mise en place d’espaces de discussion des problématiques du travail dans un Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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contexte de réorganisations, s’est imposée comme outil collectif de régulation des pressions organisationnelles et des conflits. L’intégration de ses espaces de discussion dans l’organisation et le pilotage de l’activité a permis de structurer collectivement et en amont des modes de coopération qui évitent les conflits et la dégradation des rapports sociaux. 3. Recommandations pratiques pour la mise en œuvre de la démarche évaluationprévention de RPS L’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs passe par une évaluation des risques en milieu de travail. Les choix des méthodes et des outils dans la démarche RPS dépendent de la problématique que définissent la demande, l’état de prévention des RPS en place, la conformité à la loi, les attentes sociales, les possibilités de recueil des informations, la taille de l’entreprise, ou encore de la qualité des rapports sociaux. En France, le document unique est la pièce maîtresse du programme de prévention et doit, en conséquence être réalisé dans le respect de certaines « bonnes pratiques » que l’on peut décliner en quatre grands principes associés. Le premier concerne directement la démarche à entreprendre pour évaluer et prévenir les RPS. Leur évaluation s’inscrit directement dans la démarche de prévention globale des risques professionnels qui comprend cinq étapes allant de la préparation de la démarche à la réévaluation des risques (Application circulaire 6 DRT du 18 avril 2002). Elle a pour objectif de repérer les principales sources de dysfonctionnement permettant de traiter des problématiques du travail en termes de conditions, d’organisation, de rapports sociaux et/ou de relations de travail en lien avec la réalité du travail et les ressources disponibles dans l’environnement. Le but est de proposer des actions de prévention adaptées qui réduiront ou supprimeront dans la durée leurs effets sur l’individu et l’organisation. Pour l’intervenant, cette démarche engage tous les acteurs de l’entreprise et implique le respect des trois temps forts développés précédemment (évaluation, diagnostic et construction sociale). Le deuxième principe d’application se réfère à l’orientation théorique sous-jacente au choix de la démarche d’évaluation-prévention. Plusieurs approches théoriques avec leurs modèles explicatifs sont proposées afin de rendre compte des RPS et du stress dans leur singularité et leur complexité. Leur transposition en situation de travail influence les démarches évaluatives (choix méthodes et outils pour déterminer les indicateurs ; interprétation des résultats) et préventives (interventions primaire, secondaire ou tertiaire). La connaissance du positionnement théorique est centrale à la compréhension du rapport santé/travail. Elle permet de réfléchir sur leur « capacité » théorique et méthodologique à cerner une réalité aussi complexe et à fournir des résultats qui interrogent non seulement les limites de l’individu, mais aussi et surtout, les conditions dans lesquelles les problèmes de santé apparaissent. Le troisième principe renvoie à la pertinence et l’opérationnalité dans le choix des outils d’évaluation-prévention. Les risques psychosociaux ne sont pas à considérer comme des risques « à part » et une démarche intégrative est nécessaire (INRS, ANACT). Pour autant, leur dimension subjective peut tendre à penser que leur évaluation est plus complexe et moins précise que les autres risques professionnels. Il convient, dans un premier temps, de s’appuyer sur les travaux scientifiques (Conseil d’orientation des conditions de travail et son réseau :AFSSET, INRS, ANACT) et professionnels (Chouanière, 2009). Dans un second temps, il est indispensable de prioriser les méthodes et outils associés en fonction des particularités du contexte, des situations de travail réel et de la phase dans la démarche d’intervention. La phase de pré-diagnostic qui consiste à repérer des situations collectives de RPS dans l’entreprise et à identifier les mesures déjà mises en œuvre, sera ainsi facilitée par le recueil d’indicateurs portant Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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sur le fonctionnement de l’entreprise, sur les problèmes que rencontrent les travailleurs et sur leur santé physique et mentale. Plusieurs outils d’hétéroévaluation se présentent sous la forme de grilles de questionnement comprenant certains indicateurs « objectifs » de dépistage des situations problèmes évaluées par des tiers (Fig. 3). Lors de la phase de diagnostic plus approfondi et quand le nombre de travailleurs le permet, le recourt à des outils d’autoévaluation peut être une solution pour dresser une cartographie des difficultés vécues dans une structure donnée (Fig. 1–2). Il est possible de « dresser un portrait statistiques »(St-Arnaud et al., 2010 ; p.7) des facteurs de risques. Malgré la pluralité des approches et outils disponibles, il n’existe pas de « méthode miracle », comme le souligne Vezina (2007), mais différentes méthodes de diagnostic plus ou moins adaptées au contexte de l’entreprise (taille, secteur d’activité etc.). Le quatrième et dernier principe interroge davantage la place du travail réel dans le diagnostic RPS. Le diagnostic par questionnaire participe au repérage des situations problèmes en ciblant par exemple les groupes de travailleurs les plus exposés aux risques dans l’entreprise. Cependant, il convient de ne pas se limiter à ces données, sous risque de paraître déconnecté à la fois des expériences personnelles des travailleurs, des spécificités des métiers et des situations réelles de travail. Le diagnostic se doit d’être approfondi au moyen d’entretiens individuels et collectifs portant sur le travail et son organisation afin de saisir le sens que prend pour chaque travailleur, les dysfonctionnements relevés et les ressources mobilisées ou entravées. L’entrevue de groupe pour St-Arnaud serait même à privilégier dans la mesure où la confrontation des différents points de vue permet d’échanger, de discuter, d’établir une interprétation commune afin de dégager ce qui est réellement important au regard de l’activité réelle de travail (St-Arnaud et al., 2010). Comme le démontre le retour d’expérience exposé, la prise en considération du travail réel permet de recentrer les RPS sur la question du travail et non des particularités individuelles. Dès lors, une démarche intégrée permet de proposer des leviers d’action pertinents et adaptés à chaque situation, et ce, même s’ils doivent directement porter atteinte à l’organisation du travail et à son management. Aborder les facteurs de RPS avec « une approche constructive et développementale » (Sarnin et al., 2011 ; p.317) en accordant plus de place au travail et aux formes d’expressions autour des conditions de travail dans la démarche d’intervention devient incontournable. Pour répondre aux obligations légales en matière de santé et de sécurité au travail et de suivi, la mesure des facteurs de risques de RPS est pourtant nécessaire et indispensable. L’application de la démarche proposée intégrant l’évaluation des risques dans un diagnostic centré sur le travail réel, nécessite des outils d’évaluation valides et des compétences en analyse du travail. Cumuler des « chiffres » sans les mettre en perspective avec les situations concrètes de travail ne permet pas de comprendre et encore moins d’orienter la prévention vers des actions qui ciblent les déterminants du travail. La qualité empêchée par exemple est une construction organisationnelle qui s’impose à l’opérateur conduisant potentiellement à un conflit éthique (faire des choses que l’on désapprouve, ne pas avoir le temps pour faire un travail de qualité) qui impacte la santé psychique et les rapports sociaux (conflits interpersonnels sur fond de contraintes d’application des règles de métier). L’enjeu n’est pas de savoir si cela concerne 10% ou 50% des salariés mais sur quoi il faut agir pour que le travail de qualité redevienne possible. L’objectif ultime de toute démarche d’intervention est bien de proposer des leviers d’actions suffisamment pertinents et opérationnels pour qu’ils puissent pallier aux problèmes rencontrés. Remettre le travail au cœur de la démarche revient inévitablement à proposer des mesures de prévention qui visent la mise en œuvre d’interventions organisationnelles ciblant directement le problème pour le réduire, contrôler ou l’éliminer le risque. Ce niveau d’intervention primaire est considéré comme celui Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003
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offrant des mesures efficaces de prévention des RPS et du stress (Quick, Quick & Nelson, 1998) en évitant l’individualisation des problèmes de santé au travail. La prévention primaire questionne la place des ressources psychologiques et sociales offertes par l’organisation pour créer les conditions du bien-être ou de la santé au travail. Le rôle de ces ressources dans la construction ou (de)construction de la santé au travail est attestée par des approches variées issues des sciences de gestion (modèle SLAC ; Abord de Chatillon & Damien, 2015), des théories du stress (modèle transactionnel, JD-R. . .) ou de la clinique de l’activité (Clot, 2002). L’importance accordée à la notion de ressources conduit Clot (2010) à détourner de son sens classique l’acronyme RPS pour transformer le R de risque en ressources psychosociales, ressources en tant qu’instrument pour maintenir ou développer la santé au travail. Il démontre combien l’homme ne subit pas son environnement de travail et que tout travailleur est d’autant plus heureux, si l’organisation lui offre la possibilité d’exercer ses capacités d’action ou « le pouvoir d’agir » sur soi et sur sa situation de travail. Tout l’enjeu de la lutte contre la souffrance au travail est bien à ce niveau. Pouvoir exercer un contrôle, se réaliser dans son travail, trouver du sens à son activité, contribuent à la reconnaissance individuelle et collective au travail, qui est vecteur de santé et d’efficacité. Ce sont vers ces différents points d’action, indispensables au développement et au maintien d’un « milieu de travail sain » (Kelloway & Day, 2005) que les entreprises auraient avantage à se tourner. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références Abord de Chatillon, E., & Damien, R. (2015). Du Sens, du Lien, de l’Activité et du Confort (SLAC). Revue Française de Gestion, 4(249), 53–71. http://dx.doi.org/10.3166/RFG.249.53.71 Chappelle, F. G. (2016). Modélisation des processus d’épuisement professionnel liés aux facteurs de risques psychosociaux : burnout, bore out, stress chronique, addiction au travail, épuisement compassionnel. Journal de therapie comportementale et cognitive, 26, 111–122. http://dx.doi.org/10.1016/j.jtcc.2016.06.003 Chouanière, D. (2009). Dépister ou diagnostiquer les risques psychosociaux : quels outils ? Bulletin epidemiologique hebdomadaire, 25–26, 261–265. Clot, Y. (2002). Clinique de l’activité et répétition. Cliniques méditerranéennes, 2(66), 31–53. http://dx.doi.org/10.3917/ cm.066.0031 Clot, Y. (2010). Le travail à cœur. In Pour en finir avec les risques psychosociaux. Paris: La découverte. Cox, T., Griffiths, A. J., & Rial-Gonzales, E. (2000). Research on work related stress. Luxembourg: European Agency for Savety and Health at work. Davie, E. (2015). Méthode de construction d’indicateurs synthétiques de conditions de travail et de risques psychosociaux. [Notes DES/15-076, 2015, DGAFP]. De Keyser, V., & Hansez, I. (1996). Vers une perspective transactionnelle du stress au travail, pistes d’évaluations Méthodologiques. Cahiers de médecine du travail, 33(3), 133–144. Dejours, C. (1993). Travail : usure mentale–De la psychopathologie à la psychodynamique du travail. Paris: Bayard. Demerouti, E., & Bakker, A. B. (2011). The job Demand-Resources mode: challenges for future research. South African Journal of Industrial Psychology, 37(2), 1–9. DGAFP Ministère de la réforme de l’état, de la décentralisation et de la fonction publique. (2014). Guide méthodologique d’aide à l’identification l’évaluation et la prévention des RPS dans la fonction publique. Gollac, M., & Bodier, M. (2011). Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser. In Rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail. Haubold, B. (2009). Les risques psychosociaux—identifier, analyserprévenir les risques humains. Paris: Eyrolles. Hobfoll, S. E. (1989). Conservation of resources: A new approach at conceptualizing stress. American Psychologist, 44, 513–544.
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Pour citer cet article : Ponnelle S, Vaxevanoglou X. Éléments de réflexion pour la mise en œuvre d’une démarche de prévention des risques psychosociaux au travail en France. Psychologie du travail et des organisations (2018), http://dx.doi.org/10.1016/j.pto.2017.07.003