Estimations a priori et Lipschitz pour le groupe d'évolution des équations de Navier–Stokes

Estimations a priori et Lipschitz pour le groupe d'évolution des équations de Navier–Stokes

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 331, Série I, p. 675–678, 2000 Analyse mathématique/Mathematical Analysis (Équations aux dérivées partielles/Partial Differ...

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 331, Série I, p. 675–678, 2000 Analyse mathématique/Mathematical Analysis (Équations aux dérivées partielles/Partial Differential Equations)

Estimations a priori et Lipschitz pour le groupe d’évolution des équations de Navier–Stokes Isabelle GALLAGHER Département de mathématiques, Université de Paris-Sud, 91405 Orsay cedex, France Courriel : [email protected] (Reçu le 17 juillet 2000, accepté le 20 septembre 2000)

Résumé.

Soit A un espace « adapté » aux équations de Navier–Stokes tridimensionnelles (par A ˙ 1/2 , L3 , B ˙ −1+3/p exemple H pour p < +∞ ou ∇BMO), et soit BNS la plus grande p,∞ 1/2 A ˙ boule de A centrée en zéro telle que les éléments de H ∩ BNS génèrent une solution globale. On montre une estimation a priori pour de telles solutions, ainsi qu’une estimation Lipschitz pour l’application associant la donnée à cette solution. Ces résultats reposent sur un théorème général de décomposition en profils pour les solutions des équations de Navier–Stokes associées à une suite bornée de données initiales.  2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

A priori and Lipschitz bounds for the evolution group of the Navier–Stokes equations Abstract.

Let A be an “admissible” space for the tridimensional Navier–Stokes equations (for A ˙ 1/2 , L3 , B ˙ −1+3/p example H for p < +∞ or ∇BMO), and let BNS be the largest ball p,∞ A ˙ 1/2 ∩ BNS in A centered at zero such that the elements of H generate global solutions. We prove an a priori estimate for those solutions, as well as a Lipschitz estimate for the mapping from data to such solutions. Those results are based on a general theorem of profile decomposition for solutions of the Navier–Stokes equations associated with bounded sequences of initial data.  2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

1. Introduction On considère les équations de Navier–Stokes : ( (NS)

∂t v + v · ∇v − ν∆v = −∇p, v|t=0 = v0 avec div v0 = 0,

div v = 0

3 dans R+ t × Rx ,

où v et p sont la vitesse et la pression d’un fluide incompressible de viscosité ν > 0. Rappelons que la pression peut être éliminée par projection sur les champs de divergence nulle, par l’intermédiaire du projecteur de Leray P , orthogonal dans L2 . D’après les travaux de J. Leray [10], ces équations possèdent Note présentée par Yves M EYER. S0764-4442(00)01697-9/FLA  2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

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I. Gallagher

˙ 1 ) dès que v0 ∈ L2 , où H ˙ s désigne l’espace de Sobolev une solution dans L∞ (R+ , L2 ) ∩ L2 (R+ , H homogène d’indice s, défini par  Z déf déf ˙s= u ∈ S 0 kukH˙ s = H

R3

2 b(ξ) dξ |ξ|2s u

1/2

 < +∞ .

Pour assurer l’unicité des solutions de (NS), les résultats connus à ce jour supposent plus de régularité ˙ 1/2 , alors il existe sur la donnée initiale. Le premier résultat est dû à H. Fujita et T. Kato [3] : si v0 ∈ H déf ˙ 1/2 ) ∩ un unique temps maximal T∗ > 0 et une unique solution v = NS(v0 ) avec v ∈ ET = C0 ([0, T ], H 2 3/2 ˙ ) pour tout T < T∗ . Le temps T∗ est infini si kv0 k ˙ 1/2 6 c ν, où c est une constante L ([0, T ], H H déf ˙ 1/2 ) ∩ L2 (R+ , H ˙ 3/2 ). universelle, et l’on a alors une estimation a priori de NS(v0 ) dans E∞ = C0b (R+ , H Le plus gros espace dans lequel un tel résultat d’existence et d’unicité est connu est l’espace des champs de vecteurs dont les composantes sont des dérivées premières de fonctions dans BMO (voir H. Koch et ˙ 1/2 et cet espace, de nombreux espaces fonctionnels ont été étudiés dans cette D. Tataru [9]). Entre H optique ; citons en particulier L3 (T. Kato [8] et G. Furioli, P.-G. Lemarié et E. Terraneo [4]) et l’espace de ˙ −1+3/p (R3 ), p < +∞ (M. Cannone [2] et F. Planchon [13]). Besov B p,∞ Notons que tous ces espaces ont la particularité d’être invariants par le changement d’échelle lié à déf déf l’équation : si v = NS(v0 ), alors vλ = NS(v0,λ ) avec vλ (t, x) = λv(λ2 t, λx) et v0,λ (x) = λv0 (λx). Dans la suite, nous considérerons indifféremment n’importe lequel de ces espaces, en définissant la notion générale suivante. ˙ 1/2 dans A est continue. D ÉFINITION 1. – Soit un espace de Banach A ⊂ S 0 (R3 ) tel que l’injection de H Alors A est adapté si et seulement si les propriétés suivantes sont vérifiées : (i) la norme k kA est invariante par les transformations ϕ 7→ λϕ(λ·), pour tout λ ∈ R, et ϕ 7→ ϕ(· − x0 ), pour tout x0 ∈ R3 . ˙ 1/2 et kv0 kA 6 cA , alors (ii) Il existe une constante cA ν ne dépendant que de ν et A telle que si v0 ∈ H ν NS(v0 ) ∈ E∞ . Notons que tous les espaces cités plus haut dans la discussion sur l’unicité sont des espaces adaptés. On A  déf A déf ˙ 1/2 ⊂ D∞ , où BρA = = sup ρ > 0 Bρ ∩ H {ϕ ∈ A | peut associer à tout espace adapté les quantités CNS déf 1/2 A déf A ˙ kϕkA < ρ}, et où l’on a noté D∞ = {ϕ ∈ H | NS(ϕ) ∈ E∞ }, et l’on définit aussi BNS = BCNS . Le théorème suivant généralise à tout espace adapté A un résultat évident quand par exemple A est ˙ 1/2 et C A est remplacé par cν du théorème de H. Fujita et T. Kato. l’espace H NS A A de [0, CNS [ dans R+ telle T HÉORÈME 1. – Soit un espace adapté A ; il existe une fonction croissante  A ν 6 A kv0 k ˙ 1/2 que pour toute donnée v0 ∈ BNS , on a kNS(v0 )kE∞ H (R3 ) . D’autre part, l’application NS A envoyant des données dans BNS sur les solutions de (NS) associées est lipschitzienne sur les sous-ensembles A . bornés de BNS

2. Démonstration du théorème 1 Le théorème 1 s’obtient comme corollaire d’un théorème de décomposition en profils pour les solutions ˙ 1/2 : ce théorème (ainsi que le théorème 1) de (NS) associées à une suite bornée de données initiales dans H est démontré dans [5]. Nous n’allons pas ici énoncer le résultat dans son intégralité, mais seulement ce qui nous permettra d’en déduire le théorème 1 ; notons qu’il s’appuie sur le travail de P. Gérard [7] de ˙ s pour 0 < s < 3/2, et que l’idée d’opérer une telle décomposition en profils des suites bornées de H décomposition pour les solutions d’équations non linéaires provient du travail de H. Bahouri et P. Gérard [1] pour l’équation des ondes semi-linéaire critique. L’estimation a priori du théorème 1 s’apparente alors à l’estimation de Strichartz de [1], alors qu’un raisonnement analogue à celui conduisant à la borne Lipschitz

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peut se trouver dans [6], dans le cadre de l’équation des ondes semi-linéaire critique à l’extérieur d’un obstacle strictement convexe. ˙ 1/2 , et soit A un espace adapté. Il T HÉORÈME 2. – Soit (ϕn ) une suite de données, bornée dans H j 1/2 j ˙ avec kϕ kA 6 lim supn→∞ kϕn kA , et une famille de suites existe une famille (ϕ )j∈N d’élements de H N (hjn , xjn ) de R+ r {0} × R3 , orthogonales au sens où si j 6= k, alors,  soit

lim

n→∞

hjn hkn + hkn hjn

 soit hjn = hkn

= +∞,

lim

et

|xjn − xkn |

n→∞

hjn

= +∞,

déf

telles qu’en définissant V j et T j tels que V j = NS(ϕj ) ∈ ET j , et quitte à extraire une sous-suite, on a déf pour tout n ∈ N, x ∈ R3 et pour tout t 6 τn = minj∈J (hjn )2 T j , ∀` ∈ N,

NS(ϕn )(t, x) =

` X 1 j=0

hjn

 V

t

j

(hjn )2

,

x − xjn hjn

 + rn` (t, x),

 où pour ` assez grand, la suite (rn` ) est bornée dans E∞ et vérifie lim`→∞ lim supn→∞ krn` kL∞ (R+ ,L3 ) = 0. En particulier, si τn = +∞, alors (NS(ϕn )) est bornée dans E∞ . De plus, il existe un ensemble fini J A , alors J = ∅. d’entiers en dehors duquel T j = +∞, et si kϕn kA 6 ρ < CNS Principe de la démonstration du théorème 2. – Rappelons que d’après l’étude de P. Gérard [7] on peut écrire, à extraction près, pour tout n ∈ N et pour tout x ∈ R3 , ∀` ∈ N,

ϕn (x) =

` X 1 j=0

hjn

 ϕj

x − xjn hjn

 + ψn` (x),

où ϕj et(hjn , xjn ) vérifient les propriétés énoncées dans le théorème 2, et où ψn` vérifie lim`→∞ lim supn→∞ kψn` kL3 = 0. Notons que ce type de décomposition (sous une forme moins précise) a été introduit par P.-L. Lions dans [11,12]. A . Dans ce cas, on a kϕj kA 6 ρ, et donc V j ∈ E∞ , On commence par démontrer le cas kϕn kA 6 ρ < CNS ` pour tout j. On écrit alors l’équation vérifiée par rn et des arguments d’orthogonalité permettent d’obtenir le résultat. Dans le cas général, l’étude est compliquée par le fait que V j ∈ ET j avec T j < +∞ a priori. On utilise alors le fait que L3 est un espace admissible, et le cas précédent permet de décomposer en profils la suite NS(ψn` ), dès que ` est assez grand, et parallèlement d’exhiber l’ensemble fini J . On conclut alors par des arguments similaires au cas ci-dessus, la décomposition finale étant valable sur le plus petit des temps d’existence de chacun des profils. Nous ne donnons pas plus de détails, et renvoyons à [5] pour la démonstration. 2 Montrons à présent comment ce résultat permet d’obtenir le théorème 1. L’estimation a priori s’obtient en raisonnant par l’absurde : supposons qu’il existe une suite de solutions A , telle globales à (NS), associées à une suite de données initiales (ϕn ) bornée dans une boule fermée de BNS que  



lim sup NS(ϕn )(t, ·) H˙ 1/2 + NS(ϕn ) L2 (R+ ,H˙ 3/2 ) = +∞. n→∞ t>0

Le théorème 2 appliqué à (ϕn ) implique que (NS(ϕn )) est bornée dans E∞ puisque tous les termes de la décomposition de NS(ϕn ) le sont d’après la dernière assertion du théorème. D’où la contradiction. L’estimation Lipschitz quant à elle est une conséquence de cette estimation a priori : démontrons pour commencer le résultat suivant.

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I. Gallagher déf

˙ 1/2 telles que u = NS(u0 ) ∈ E∞ . Alors L EMME 1. – Soient u0 et v0 deux données dans H  d NS(u0 + εv0 ) |ε=0 = v, dε où v est l’unique solution dans E∞ de ∂t v + P (v · ∇u + u · ∇v) − ν∆v = 0, avec v|t=0 = v0 . On a en outre pour tout t > 0,

v(t) 2˙ 1/2 + ν H

Z 0

 Z t 

4

v(s) 2˙ 3/2 ds 6 kv0 k2˙ 1/2 exp C ku(s)kH˙ 1 ds . H H ν3 0

t

Démonstration du lemme. – Le fait qu’il existe une unique solution v vérifiant l’estimation ci-dessus ˙ 1 ) par interpolation entre L∞ (R+ , H ˙ 1/2 ) et est un calcul laissé au lecteur. Notons que u ∈ L4 (R+ , H déf déf ˙ 3/2 ). Définissons à présent uε = NS(u0 + εv0 ), et εrε = uε − u − εv. Il suffit de montrer que L2 (R+ , H déf ε = 0, où f ε = −εP (v · ∇v + limε→0 rε = 0 dans E∞ . Mais on a ∂t rε + Q(rε , u) − ν∆rε = f ε et r|t=0 ˙ 1/2 , associée à l’estimation vérifiée par v, v · ∇rε + rε · ∇v + rε · ∇rε ). Une estimation d’énergie dans H permet d’écrire 2  ∀t > 0, C(u)ε X ε (t) − X ε (t) 1 − C(u)ε + C(u)ε > 0, Rt déf où X ε (t)2 = krε (t)k2H˙ 1/2 + 2ν 0 krε (s)k2H˙ 3/2 ds, et où C(u) est une constante dépendant seulement de la norme de u dans E∞ . Le résultat suit. 2 Ce lemme conduit alors directement au fait que l’application (NS) est lipschitzienne sur les bornés A d’après l’estimation a priori démontrée ci-dessus. de BNS Le théorème 1 est démontré. 2 Références bibliographiques [1] Bahouri H., Gérard P., High frequency approximation of solutions to critical nonlinear wave equations, Amer. J. Math. 121 (1999) 131–175. [2] Cannone M., Ondelettes, Paraproduits et Navier–Stokes, Diderot Éditeur, Arts et Sciences, 1995. [3] Fujita H., Kato T., On the Navier–Stokes initial value problem I, Arch. Rational Mech. Anal. 16 (1964) 269–315. [4] Furioli G., Lemarié P.-G., Terraneo E., Unicité des solutions mild des équations de Navier–Stokes dans L3 (R3 ) et d’autres espaces limites, Revista Mat. Iberoamer. (à paraître). [5] Gallagher I., Profile decomposition for solutions of the Navier–Stokes equations, Séminaire Équations aux dérivées partielles de l’École polytechnique, mai 2000 ; Bull. Soc. Math. France (à paraître). [6] Gallagher I., Gérard P., Profile decomposition for the wave equation outside convex domains, Prépublication de l’Université Paris-Sud, 2000 ; J. Math. Pures et Appl. (à paraître). [7] Gérard P., Description du défaut de compacité de l’injection de Sobolev, ESAIM Contrôle Optimal et Calcul des Variations 3 (1998) 213–233. [Version électronique : http://www.emath.fr/cocv/.] [8] Kato T., Strong Lp solutions of the Navier–Stokes equations in Rm with applications to weak solutions, Math. Z. 187 (1984) 471–480. [9] Koch H., Tataru D., Well-posedness for the Navier–Stokes equations, Prépublication, 1999. [10] Leray J., Essai sur le mouvement d’un liquide visqueux emplissant l’espace, Acta Math. 63 (1933) 193–248. [11] Lions P.-L., The concentration-compactness principle in the calculus of variations. The locally compact case, Part I, Ann. Inst. Henri-Poincaré 1 (1984) 109–145. [12] Lions P.-L., The concentration-compactness principle in the calculus of variations. The limit case, Part II, Revista Mat. Iberoamer. 1 (1985) 145–201. [13] Planchon F., Global strong solutions in Sobolev or Lebesgue spaces to the incompressible Navier–Stokes equations in R3 , Ann. Inst. Henri-Poincaré 13 (1996) 319–336.

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