Évolution des enfants atteints d’amyotrophie spinale de type 1 : synthèse de la littérature et démarche palliative

Évolution des enfants atteints d’amyotrophie spinale de type 1 : synthèse de la littérature et démarche palliative

Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2013) 12, 141—151 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com PÉDIATRE Évolut...

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2013) 12, 141—151

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

PÉDIATRE

Évolution des enfants atteints d’amyotrophie spinale de type 1 : synthèse de la littérature et démarche palliative夽 Evolution of spinal muscular atrophy type 1 children: Synthesis of literature and palliative approach Aude Le Divenah a,∗,1, Christine Barnerias b, Stéphane David c,d, Marcel-Louis Viallard e, Isabelle Desguerre f a

Équipe mobile soins palliatifs pédiatrique, service de médecine palliative pédiatrique, laboratoire d’éthique médicale, université Paris Descartes, hôpital Necker—Enfants-Malades, AP—HP, 75015 Paris, France b Service de neuropédiatre, hôpital Necker—Enfants-Malades, AP—HP, 75015 Paris, France c Direction des ressources humaines, AP—HP, 3, avenue Victoria, 75184 Paris cedex 4, France d Centre de gestion scientifique, école normale supérieure des mines de Paris, 60, boulevard Saint-Michel, 75006 Paris, France e Équipe mobile soins palliatifs pédiatrique, service de médecine palliative, EA 4569, département « politique, éthique, santé », université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, hôpital Necker—Enfants-Malades, AP—HP, 75015 Paris, France f Service de neuropédiatre, département Inserm « génétique et développement », université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, hôpital Necker—Enfants-Malades, AP—HP, 75015 Paris, France Rec ¸u le 2 janvier 2013 ; accepté le 8 janvier 2013 Disponible sur Internet le 6 mars 2013

MOTS CLÉS Amyotrophie spinale de type 1 ; Revue de la littérature ;

Résumé Introduction. — La médecine palliative s’adresse à des enfants atteints de maladie neuromusculaire non curable telle que l’amyotrophie spinale type 1. Ces enfants aux fonctions cognitives normales présentent une dyspnée associée à une faiblesse musculaire évoluant vers une détresse respiratoire et une quadriplégie d’évolution fatale. Ce travail a pour but de questionner les pratiques cliniques et de proposer une réflexion pour des soins raisonnables.

夽 Cet article a fait l’objet d’une communication lors du 5e congrès international de soins palliatifs pédiatriques, Montréal, 4—6 octobre 2012. ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (A. Le Divenah). 1 Photo.

1636-6522/$ — see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.01.001

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Démarche palliative ; Soins palliatifs pédiatriques ; Maladie neuromusculaire ; Pédiatrie

KEYWORDS Spinal muscular atrophy type 1; Literature review; Palliative approach; Paediatric palliative care; Neuromuscular disease; Paediatrics

A. Le Divenah et al. Méthode. — Une revue de la littérature a été réalisée sur l’histoire naturelle de la maladie mais plus particulièrement ciblée sur les pratiques et les questionnements éthiques relatifs à la démarche palliative. Résultats. — Les 60 articles sélectionnés de 1995 à 2012 précisent la génétique de la maladie et décrivent les pratiques pour le traitement des symptômes respiratoires, neurologiques, digestifs, mais aussi de la douleur et du confort. Les discussions d’ordre éthique relatives aux prises de décisions médicales montrent la complexité des situations. Discussion. — Aucun travail sur de grandes séries concernant la prise en charge spécifique des symptômes n’a été retrouvé et limite la réflexion. En revanche, la clinique de cette maladie et l’évolution des différents symptômes sont bien connues, essentiellement centrés sur les signes respiratoires. La littérature fait état d’une grande disparité des pratiques depuis la réanimation invasive jusqu’au « laisser mourir ». Quelles alternatives proposer pour éviter les risques d’obstinations déraisonnables ? Conclusion. — Les pistes de réflexion d’une démarche palliative pour ces enfants atteints d’amyotrophie spinale infantile type 1 (ASI 1) relèvent d’un travail de recherche prospectif multicentrique et sur une grande série, travail actuellement engagé. © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.

Summary Introduction. — Palliative medicine concerns children affected by incurable neuromuscular diseases such as spinal muscular atrophy type 1. This form of disease rapidly develops and its evolution is fatal. These conscious children with an excellent contact present a respiratory distress syndrome in a context of paralysis of four members and intercostals muscles atrophy. This work aims at questioning the clinical practices and at proposing a reflection on reasonable care. Method. — A review of the medical literature was realized on the natural history of the disease but more particularly targeted at the practices and the ethical questionings relative to the palliative approach. Results. — Sixty articles selected from 1995 till 2012 specify the genetics of the disease and describe the practices for the treatment of the respiratory, neurological, digestive symptoms, but also the pain and the comfort. The ethical discussions show that decision-making is difficult because the situations are complex. Discussion. — No work on major series concerning the specific care of the symptoms was found and limits the reflection. However, the symptoms of this fatal respiratory and neurological illness are well known, essentially on the respiratory signs. The literature states an actual result to differ from medical intensive care to ‘‘let die’’. What alternatives to propose in order to avoid the unreasonable risks of unreasonable obstinacy? Conclusion. — The tracks of reflection in palliative approach for infantile spinal muscular atrophy patients necessity need multicenter research in major series, work that is in progress. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction La médecine palliative pédiatrique ne se limite pas aux situations oncologiques et hématologiques. Elle s’adresse aussi à des enfants atteints de maladie neuromusculaire non curable. Elle s’applique à tous les âges de la vie, mieux ancrée pour les adultes depuis une vingtaine d’année, impulsée par la loi relative aux droits à l’accès aux soins palliatifs pour toute personne atteinte d’une maladie incurable [1]. Quid des enfants qui naissent pour mourir ? La médecine est toujours soignante [2] y compris en pédiatrie, le « savoir-faire » avec des techniques médicales actives et proportionnées est relié au « savoir être » comme une alliance indicible. L’amyotrophie spinale de type 1 ou maladie de WerdnigHoffmann est un exemple type de maladie neuromusculaire pour laquelle, dès le diagnostic, la démarche palliative et l’accompagnement sont intégrés dans le projet de soin et de

vie. L’annonce de cette maladie aux parents, malgré toutes les précautions prises, engendre un « cataclysme » dans leur vie. En termes d’incidence, l’amyotrophie spinale infantile est la deuxième maladie autosomique récessive létale après la mucoviscidose. C’est également la deuxième maladie neuromusculaire la plus fréquente chez l’enfant après la dystrophie musculaire de Duchenne [3]. Cette pathologie invalidante et létale dans sa forme de type 1 vraie atteint en moyenne un enfant sur 5000 à 10 000 naissances. Il n’existe actuellement aucun traitement curatif [4]. Des soins lourds et continus avec une prise en charge adaptée des symptômes peuvent augmenter le pronostic de fac ¸on significative [5]. Selon les sources Insee 2011 [6], le bilan démographique dénombre 827 000 naissances par an en France. La prévalence de l’amyotrophie spinale infantile type 1 (ASI 1) est estimée dans les sources Orphanet à 3/100 000 [7].

Amyotrophie spinale type 1 : synthèse de la littérature et démarche palliative L’objectif de ce travail est d’identifier les étapes de la prise en charge selon l’évolution des symptômes permettant de définir une démarche palliative pour l’enfant et son entourage. Comment avancer vers la moins mauvaise décision dans les choix thérapeutiques de confort et au côté des parents, entre l’espoir d’une qualité de vie présente et la préparation aux complications ultérieures ? Face à une espérance de vie inférieure à deux ans, ces enfants conscients avec un excellent contact présentent en fin de vie une détresse respiratoire dans un contexte de paralysie des quatre membres et des muscles intercostaux. Comment concrétiser de fac ¸on personnalisée le projet qui sera en perpétuel ajustement ? Ce travail s’inscrit dans une réflexion commune à l’équipe mobile de soins palliatifs et au centre de référence de neuropédiatrie de l’hôpital Necker (AP—HP) sur la démarche palliative et l’évaluation des pratiques de soins palliatifs et d’accompagnement pour ces enfants, sujet actuel d’un projet de recherche prospectif.

Méthodologie Une revue de la littérature a été réalisée Les bases Medline/Pubmed, Cochrane, ScienceDirect, Scopus ont été consultées sur une période de 17 ans de 1995 à 2012. Les mots clés utilisés étaient : spinal muscular atrophy type 1, Werdnig-Hoffman disease, pediatric palliative care, end of life, drug treatment, randomized trials, neuromuscular disease, neuromuscular disorder, gastrostomy, tracheotomy, ventilatory disorder, supportive care. L’analyse des articles, synthétisés dans une grille de lecture, a permis de décrire l’évolution de ces enfants et les questions posées pour les prises de décision médicales. À partir de cette analyse de la littérature, ont pu être déclinés trois axes de la prise en charge de cette pathologie : • description de la maladie et diagnostic moléculaire ; • pratiques cliniques pour la prise en charge des symptômes physiques, psychiques et l’élaboration du projet de soins et de vie ; • description de la maladie et diagnostic moléculaire.

Résultats de l’analyse de la littérature Soixante articles ont été analysés.

Description de la maladie Génétique et probabilité de survie L’amyotrophie spinale de type 1 est une maladie génétique, de transmission autosomique récessive [8] et liée à une dégénérescence des motoneurones de la corne antérieure de la moelle épinière. La délétion de l’exon 7 [9] au niveau du gène SMN du chromosome 5 est retrouvée dans 95 % des cas. Les autres (5 %) seraient en lien avec une délétion différente, une conversion ou encore une mutation hétérozygote. Le gène SMN 1 est identifié comme facteur de survie du motoneurone associé au rôle joué par gêne modifié dans l’amyotrophie de type 1 (SMNc) copie.

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Description clinique de la maladie Il a été décrit trois formes d’ASI en pédiatrie les types I, II, III et une forme débutant à l’âge adulte ou type IV [10]. La sévérité de l’atteinte paralytique des membres, de l’axe et surtout des muscles respiratoires conditionnait le pronostic vital. L’ASI de type I vraie ou maladie de Werdnig-Hoffman correspond à la forme la plus sévère avec une issue fatale le plus souvent dans la première année de vie. L’âge de début peut être en anténatal ou avant quatre mois, caractérisée par l’absence de tenue de tête, et une quadriplégie paralytique à prédominance proximale. Les travaux les plus récents précisent que l’âge moyen de début des signes est en moyenne de deux mois et l’âge moyen du diagnostic de 3,9 mois2 . Il existe une forme I bis pour laquelle la tenue de tête est possible. Le pronostic de survie est très court, de l’ordre de quatre mois, car les enfants atteints d’ASI I vraie décèdent généralement entre six et huit mois, avec un risque de mort subite de 10 %. Cette maladie est dominée par des symptômes physiques respiratoires et neurologiques, mais aussi digestifs et cardiaques. Le traitement des symptômes spécifiques selon les pratiques décrites dans la littérature permet d’approcher toute la dimension physique, psychique et sociale de la prise en charge pour ces nourrissons et leur entourage. L’analyse de l’histoire naturelle [11] et des données biomoléculaires sont réalisées pour 66 enfants. Il est précisé pour chacun le nombre de copie de SMN2 parmi les enfants dont le diagnostic a été confirmé par une délétion homozygote SMN1 dans les six premiers mois de vie. Quatre nourrissons ayant une copie de SMN2 présentent une ASI 1 sévère de type « 0 » avec des contractures et une détresse respiratoire dès la naissance. Leur âge médian/moyen est de 1,2/1,3 mois. La majorité des autres, soit 57 patients (86,3 % des 66 sujets étudiés) ont deux copies de SMN2. Leur âge médian/moyen est de 3,5/3,4 mois. Les cinq derniers patients ont trois copies de SMN2. Leur âge médian/moyen au début de la maladie est de 6,5/7,8 mois (bornes [0,5—30 mois]). Plus le nombre de copies de SMN2 est élevé et associé systématiquement à une délétion homozygote de SMN1, plus l’espérance de vie s’allonge. Il est identifié d’autres résultats assez proches [12] avec des probabilités de survie à un, deux, quatre, dix et 20 ans qui sont respectivement de 50 %, 40 %, 30 %, 30 % et 30 % (n = 22). Dans cette étude, les jeunes enfants sont tous morts de décompensation cardiorespiratoire et les cinq survivants sont tous dépendants d’un ventilateur mécanique. La durée de vie est améliorée dans cette étude. Ces résultats contrastent avec ceux plus sévères encore, analysés sur des données cliniques dans une étude rétrospective et prospective sur dix ans de 1985 à 1995, à partir d’une cohorte de 445 enfants atteints de spinal muscular atrophy (SMA) incluant les quatre types [13,14]. Parmi les jeunes enfants atteints, tous types confondus et qui n’ont jamais tenu assis,

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Barnerias C, Quijano S, Mayer M, et al. Amyotrophie spinale de type 1 : étude multicentrique et évolution des pratiques sur deux périodes de dix ans. Arch Pediatr 2012 [En cours de soumission pour publication].

144 les probabilités de survie à un, deux, quatre, dix et 20 ans sont dans cette étude respectivement de 32 %, 18 %, 8 % et 0 %. Les enfants ASI de type 1 et survivants à long terme sont ceux encore en vie à l’âge de six ans et traités par ventilation artificielle généralement depuis l’âge de sept mois et pour lesquels l’idée même de la qualité de vie reste un challenge majeur, sachant que ces enfants ont un intellect préservé, mais sont totalement dépendants sur le plan respiratoire, digestif et moteur avec des dysfonctions du système autonome [15] et [16], sans oublier le risque élevé de complications infectieuses. Les causes de décès peuvent être la mort subite inexpliquée en rapport avec des troubles bulbaires (apnées centrales), et/ou une arythmie cardiaque associées à une hypertonie vagale et/ou bradycardies [17]. L’âge médian de décès [18] est de six mois environ. La survie médiane après le diagnostic ne varie pas de fac ¸on significative entre les enfants diagnostiqués à la naissance (survie médiane 137 jours, 95 % intervalle de confiance [CI] = 111—232 jours) et ceux diagnostiqués plus tard (survie médiane : 159 jours, 95 % CI = 141—256). Le taux de progression de la maladie est le même, indépendamment de l’âge de survenue des premiers symptômes. L’étude s’est déroulée sur trois ans pour 34 enfants atteints. Les trois cas vivants à la fin de l’étude (soit un sur dix) ont, soit trois, soit un nombre inconnu de copies SMN2, résultats conformes aux situations déjà décrites ; à savoir que la survie plus longue est corrélée au nombre croissant de copies de SMN2. Dans l’étude, les enfants sont morts d’insuffisance respiratoire et/ou d’infection pulmonaire interstitielle. Une autre étude, prospective, publiée en 2012 [19] précise que le nombre de copies SMN2 influe sur le type d’ASI, mais la corrélation n’est pas assez solide.

Les symptômes Les premiers symptômes neurologiques dans l’ASI type 1 se manifestent en priorité par des signes paralytiques, et/ou parfois d’emblée par une détresse respiratoire aiguë dès la naissance. Généralement, le diagnostic est posé devant un enfant atteint de faiblesse des muscles proximaux voire une hypotonie généralisée avec une abolition des réflexes, des fasciculations linguales et une atteinte paralytique des muscles intercostaux [20]. Aucun outil spécifique d’évaluation n’est utilisable pour le suivi de la maladie, hormis le test simple et fiable du « Children’s Hospital of Philadelphia Infant Test of Neuromuscular Disorders » [CHOP INTEND] [21,22], mais seulement pour la surveillance symptomatique et les essais cliniques. La précocité ou le retard au diagnostic dépend de la sagacité de l’observation du clinicien et de son expérience. À cette grande hypotonie, est généralement associée une diplégie faciale, une faiblesse des muscles masticateurs et des troubles de la succion mais aussi de la déglutition. Des signes de dysautonomie par atteinte du système nerveux végétatif [16] avec de possibles manifestations cardiaques. Sur le plan respiratoire, l’atteinte variable mais constante se caractérise par une respiration abdominale par diminution de l’expansion thoracique, des déformations thoraciques en cloche par atrophie des muscles intercostaux [23], une toux inefficace et un syndrome restrictif. Des pneumopathies d’inhalation ou autres infections ainsi que

A. Le Divenah et al. des insuffisances respiratoires aiguës exposent ces enfants à des risques vitaux permanents. Les risques d’atélectasies liées aux infections respiratoires à répétition conduisent certaines équipes à pratiquer une technique d’oscillation de paroi thoracique à haute fréquence [HFCWO] [24]. Associée à ces symptômes sévères, peut s’ajouter une hypoventilation pendant le sommeil, confirmé par la déclaration de consensus [25]. Les difficultés nutritionnelles surviennent car ces enfants peinent à téter, par atteinte bulbaire, et l’apport caloriques supplémentaire devient indispensable. La pose de la sonde nasogastrique ou nasoduodénale en discontinu, puis continu permet de pallier au risque de dénutrition. Des troubles de la déglutition sont réguliers, souvent révélés par des pneumonies récurrentes par inhalation et la présence d’un reflux gastro-œsophagien (RGO) devient un déterminant important de mortalité et de morbidité [25]. Une dysphagie et/ou une œsophagite [26] sont mis en évidence ainsi qu’une dilatation gastrique, et parfois une constipation voire une distension abdominale.

Quelles pratiques cliniques pour ces enfants ? La sévérité des signes pulmonaires [27] conduit les cliniciens à proposer une ventilation non invasive (VNI) en raison de la récurrence des infections avec fièvre, risques de déshydratation et d’atélectasies [28,29]. Malgré des périodes stables, le moindre évènement intercurrent infectieux viral ou bactérien peut générer une insuffisance respiratoire aiguë majorée par l’incapacité à tousser de fac ¸on efficace. L’aide mécanique à la toux est un moyen technique rarement suffisant. Il existe un risque élevé de décompensations hypercapniques chez ces nourrissons, en raison d’altération des propriétés mécaniques du système respiratoire et de l’atteinte bulbaire [30]. Les muscles respiratoires deviennent incapables d’augmenter leur puissance, y compris face aux signaux les plus alarmants. La discussion de propositions simples comme la kinésithérapie respiratoire, l’aspiration oro-pharyngée voire l’oxygénothérapie est mise en balance avec le choix de soins plus proactifs type VNI [31] voire de ventilation invasive. Dès lors que l’enfant est intubé, le recours à la trachéotomie est discuté et devient obligatoire pour certains auteurs [28,29] si le sevrage du ventilateur est longtemps retardé, voire impossible. Si le sevrage est réalisable, l’enfant est extubé. Si les parents refusent toute nouvelle intubation, il est important de saisir l’occasion de les informer en leur proposant les soins de confort. Un système ventilatoire à type de moyen de ventilation non invasive avec des pressions d’insufflations et d’exsufflation régulées et un temps en plateau (Bipap-ST) peut être proposé. Une pression positive en inspiration est maintenue, augmentée selon la tolérance, facilitait l’expansion de la cage thoracique déformée en cloche. Dès que le sevrage en Bipap-ST est possible, seule la ventilation nasale nocturne est maintenue en recherchant une saturation en oxygène supérieur ou égal à 94 %, et en favorisant le repos des muscles inspiratoires. Une interface nasale est indispensable, des « canules modifiées de Hudson » connectées à des circuits sur des conduits adaptés pour les nourrissons pesant 2 kilos. Pour ceux âgés

Amyotrophie spinale type 1 : synthèse de la littérature et démarche palliative de six mois à cinq ans, un autre type de masque nasal s’impose : modèle Respironic© par exemple. Les manœuvres d’exsufflations—insufflations mécaniques (MI-E) facilitent l’expiration et la ventilation nasale pour l’aide inspiratoire, avec la précaution d’éviter ces manœuvres dans les deux heures qui suivent le repas [32]. Cette étude confirme l’aggravation précoce de l’insuffisance respiratoire restrictive chez ces patients dont le début des symptômes apparaît avant l’âge de trois mois. Le décès survient dans 82 % des cas, dont un tiers avec trachéotomie. L’équipe insiste sur l’importance des premières prises de décisions quant à la gestion des symptômes respiratoires limitant ainsi les complications pulmonaires et permettant une amélioration de la qualité de la vie. Parmi les patients classés en type I intermédiaire (début des symptômes entre trois et six mois), 43 % ont besoin de ventilation nasale nocturne VNN, 57 % ont une trachéotomie et 26 % sont décédés. Certains auteurs [3] pensent qu’il est possible d’éviter la trachéotomie aux enfants atteints d’ASI de type 1 (en fait 1 bis) en généralisant l’utilisation de la VNI à long terme, avec un protocole d’aide à la mobilisation des muscles respiratoires. La respiration paradoxale de ces enfants se développe aggravant le « pectus excavatum ». Cette déformation disparaît au sein de l’échantillon des 11 patients suivis dans l’étude depuis l’instauration de la ventilation nasale nocturne. Les parents souhaitent que leur enfant vive, mais refusent souvent la trachéotomie. Le compromis peut être ainsi trouvé, malgré le délai qu’il faut accepter. Si l’alternative existe entre trachéotomie et VNI, c’est la VNI qui est privilégiée par sécurité et commodité, sans oublier qu’elle facilite la parole, le sommeil, la déglutition, l’apparence, l’image de soi et le confort. Aucune différence significative [28] n’est retrouvée, en termes de longévité, avec ou sans trachéotomie, mais l’équipe précise que les patients sous VNI, et sur une année, sont moins souvent hospitalisés. La différence est significative (p = 0,04) après l’âge de cinq mois, et les enfants ont moins de difficultés à parler. En revanche, les patients avec trachéotomie perdent toute autonomie respiratoire, leur dépendance vis-à-vis du respirateur devient totale, et ils perdent l’usage de la parole. L’assistance ventilatoire [33] est possible, assurant le confort sans trachéotomie, avec la VNI nocturne en priorité, voire continue et limitant les déformations thoraciques [34]. Ce choix est confirmé par plusieurs auteurs [29,35] dont une équipe [29] qui précise que sur 115 enfants ASI 1, maintenus sans trachéotomie 80 d’entre eux sont toujours vivants à l’âge de quatre ans, avec une prise en charge non invasive, une aide mécanique à la toux, et pour certains d’entre eux une ventilation en double pression positive (BPPV). Mais cette alternative paraît plutôt adaptée aux formes ASI type 1 bis sans atteinte bulbaire. L’oxygénothérapie continue peut masquer la désaturation en oxyhémoglobine, signal possible d’une accumulation de mucus dans les voies aériennes ou d’hypoventilation. L’oxygène est indiqué pour les patients en décompensation et intubés ou encore relevant en urgence d’une réanimation. Une autre alternative peut être l’utilisation de l’oxygène à visée de confort en cas de soins palliatifs. Comme l’Australie et la Nouvelle Zélande, les auteurs d’autres pays [36] insistent sur l’importance du recours à l’assistance ventilatoire non invasive dans

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le cas de l’insuffisance respiratoire chronique ou aiguë [37]. L’alimentation par sonde nasogastrique est régulièrement proposée dès que les troubles de déglutition deviennent sévères et que les repas (tétée ou cuillère) se prolongent trop, deviennent épuisants et responsables de fausses routes itératives. L’éducation des parents à l’utilisation de la sonde par l’équipe paramédicale est indispensable. Le RGO est systématiquement traité par un inhibiteur de la pompe à protons. Dans les recommandations de 2008, le concept américain a prévalu en proposant d’associer la technique chirurgicale de Nissen et une pose de gastrostomie précoce. Ces thérapies sont considérées comme sûres et permettent une amélioration du statut nutritionnel des enfants. Il est observé une diminution des drainages par aspiration. Les équipes européennes en particulier anglaises, franc ¸aises et allemandes sont beaucoup plus réservées [38].

La prise en charge orthopédique et de confort articulaire L’atteinte paralytique majeure pour les formes de type 1 est associée à des rétractions tendineuses et un risque accru de douleur. S’y ajoute une ostéopénie et des risques de fractures. Les déformations telles que la scoliose, un flessum, une luxation de hanche, un flessum de genou, un varus équin des pieds peuvent être observés, mais également des déformations des poignets et des mains [30]. L’évaluation par les mesures traditionnelles de force musculaire n’est pas possible pour les enfants en bas âges et sévèrement atteints. L’accent est mis sur l’observation des fonctions. Les procédures d’évaluation intègrent un projet de réadaptation par des moyens orthopédiques incluant le CHOP INTEND [21,22] même si elles sont peu adaptées à l’enfant de moins de un an. Outre la dimension physique, les évaluations incluent l’ergothérapie et l’orthophonie s’il existe des troubles de la déglutition. La fatigabilité est majeure pendant et après les soins et traitements. Cette faiblesse musculaire confire l’évolution des déficits. Cela nécessite d’adapter en permanence les aides pour le maintien du tronc et de la tête, mais aussi pour les gestes simples du nourrisson en particulier la préhension volontaire et quotidienne quand elles sont encore possibles. Une approche pluridisciplinaire de l’évaluation et la prise en charge impose un partenariat étroit entre les équipes paramédicales et médicales, l’enfant et la famille. La chirurgie de la scoliose n’est réalisée que pour des patients qui survivent au-delà de deux ans soit les types 1 bis.

Douleurs et installations Tous les signes sont liés aux atteintes neurologiques et respiratoires ou à leur décompensation au moindre évènement intercurrent. Plus l’atteinte est précoce, donc sévère, moins ils peuvent communiquer (en particulier avant l’âge de deux mois). Il est donc vraisemblable que l’on ne détecte pas suffisamment les douleurs physiques du jeune nourrisson si l’on ne s’y arrête pas avec beaucoup d’attention en observant les traits du visage de l’enfant et son comportement

146 (position antalgique, mouvements permanents ou au contraire attitude prostrée) [37]. Des échelles d’évaluation pédiatriques, la Neonatal Facial Coding System NFCS [39] avec un score de 1/4 ou l’échelle de San Salvadour [40] pour la douleur chronique sont de bons outils de suivi de l’intensité de la douleur, en répétant ces évaluations quantitatives et qualitatives à différents moments de la journée ou de la nuit, au repos, mais également lors des changes et du bain. Les douleurs induites par les soins justifient un traitement ponctuel et anticipé de la douleur. Il existe un risque très vraisemblable de douleurs physiques à traiter, selon qu’il s’agisse d’une douleur par excès de nociception, de douleurs neuropathiques, ou de douleurs mixtes bien souvent retrouvées. Une ankylose et un épuisement par atteinte musculaire peuvent générer des crises douloureuses. À ces douleurs physiques s’ajoute souvent insidieusement une forme d’anxiété, d’inconfort pouvant être lié à une souffrance psychique du nourrisson polyhandicapé qui a toutes ses fonctions cognitives ainsi que sa sensibilité conservées. L’objectif est donc un diagnostic précis de la douleur pour un traitement spécifique, dans une approche globale, physique et psychologique. Le positionnement avec des mousses et des supports simples, voire des orthèses, sont proposés par les ergothérapeutes pour une installation confortable. Les massages doux et la mobilisation passive par un kinésithérapeute offrent un confort chez l’enfant paralytique. La voie buccale ou par sonde nasogastrique est choisie pour l’administration des antalgiques en évitant au maximum les injections. En période douloureuse, il est important de prévenir la douleur, par une administration anticipée d’antalgique. Selon le mécanisme physiopathologique de la douleur, le choix des médicaments est à orienter pour les douleurs nociceptives, les antalgiques des paliers de l’OMS et ou co-antalgiques et pour les douleurs neuropathiques les antidépresseurs ou les anticonvulsivants. Les accès paroxystiques doivent bénéficier d’un traitement adapté selon qu’ils sont neuropathiques, nociceptifs ou mixtes.

Les essais thérapeutiques [41—43] Les études concluent à l’absence de traitement efficace dans cette maladie [44], selon une analyse critique exhaustive de la littérature médicale et scientifique de type Cochrane, constituée de l’intégralité de plusieurs bases de données, et qui centralisait l’ensemble des essais cliniques randomisés. Seul a été retenu l’essai randomisé contrôlé utilisant le Riluzole contre placebo [45]. Malgré une meilleure espérance de vie dans le groupe traité, ce résultat n’est pas statistiquement significatif. Comme le concluent les auteurs, aucune molécule ou médicament n’a fait la preuve de son efficacité dans l’ASI de type I, d’autres essais randomisés contrôlés sont nécessaires.

Démarche palliative et questionnement éthique Des interrogations d’ordre éthiques émergent très tôt dès l’annonce du diagnostic, car les problèmes liés à

A. Le Divenah et al. l’alimentation et à la fonction respiratoire se posent. Une décompensation de l’insuffisance respiratoire notamment quand la ventilation mécanique devient nécessaire [46] pour la survie justifie une concertation multidisciplinaire avec discussion des choix et des décisions raisonnables. La définition des soins palliatifs dans les différents pays (États-Unis, Grande-Bretagne, Canada, France) n’est pas toujours la même. Le rapport à la technique médicale, l’augmentation du nombre de demandes de prolonger la vie de son enfant à tout prix, et les progrès de la médecine (service de neuropédiatrie, de réanimation pédiatrique. . .) entrent en ligne de compte. S’y ajoutent les questions liées aux croyances des familles, leur spiritualité, voire leur religion. Le sens de l’accompagnement, du soutien, du « vivre avec » en ciblant les traitements sur les besoins essentiels et le traitement de confort. Mais face à la souffrance physique, psychique, mais aussi aux symptômes liés à une atteinte respiratoire, neurologique, cardiaque il est observé une disparité des approches selon les pays. Des guides de prise en charge ou « standard care » sont en cours d’élaboration ou publiés [25,47,48], même si la place de la démarche palliative n’y est pas clairement définie [37]. D’autres professionnels (réanimateurs, médecins de soins palliatifs. . .) ont publié sur les limitations et/ou arrêts de traitements actifs [49—51] et sur la sédation en pédiatrie et en phase palliative.

Discussion La littérature internationale détaille l’évolution clinique et les symptômes des enfants atteints d’amyotrophie spinale de type 1 : l’étude génétique de cette maladie a beaucoup progressé ces dernières années, permettant un diagnostic certain, par un simple prélèvement sanguin. Ces résultats sont concordants avec les pratiques actuelles1 en France. L’espérance de vie de ces enfants est étudiée sur de grandes séries. La durée de vie est étroitement liée aux choix thérapeutiques. Cette question soulève des interrogations, des doutes, d’autant que les pratiques restent très disparates selon les écoles, les pays. Les enfants totalement dépendants d’une ventilation mécanique sur des années [12] ont-ils une qualité de vie ? Quand commence l’acharnement thérapeutique ? Les limites des articles concernant la prise en charge spécifique des symptômes d’un point de vue de la qualité de vie sont liées à l’absence de travaux sur de grandes séries En revanche, sont bien décrites dans la littérature, la clinique de cette maladie et l’évolution des différents symptômes au cours des semaines et mois de vie.

Synthèse des pratiques cliniques Cet état des lieux montre à la fois la gravité de la maladie et toute la difficulté d’une pratique cohérente, mesurée, homogène même si chaque situation reste singulière. Question d’ordre médicale, éthique et politique, quelques pistes de réflexion se dégagent de ce travail original. Les thérapeutiques sont en réalité toujours palliatives et doivent être graduées, pourtant aucun consensus n’a été identifié. La prise en charge respiratoire est le cœur de la discussion. Une équipe [3] pense qu’il est possible d’éviter

Amyotrophie spinale type 1 : synthèse de la littérature et démarche palliative la trachéotomie à ces enfants en généralisant l’utilisation de la VNI à long terme, avec protocole d’aide à la mobilisation des muscles respiratoires. La déformation thoracique a disparu pour les 11 patients suivis depuis l’instauration de la ventilation nasale nocturne, étude peu significative car la population est réduite. Les parents veulent que leur enfant vive dans des conditions confortables, où le plaisir partagé persiste dans le jeu, au moment du bain, au cours des promenades y compris en phase avancée de la maladie, et refusent souvent la trachéotomie. En Australie et en Nouvelle Zélande, les équipes [36] insistent sur l’importance du recours à l’assistance ventilatoire non invasive. Ils proposent des pistes de réflexions sur les pratiques et à d’éventuelles recommandations, ainsi qu’une autre équipe [37]. L’oxygénothérapie en continue est discutable pour certains, une pratique courante pour d’autres1 . La décision d’un traitement symptomatique est régulièrement complexe. Traiter un épisode de surinfection broncho-pulmonaire ? L’antibiothérapie est habituellement simple et la décision relève souvent du médecin référent. A contrario, le recours à un traitement plus invasif justifie une approche pluridisciplinaire et un temps de réflexion. Cette démarche évite toute décision solitaire et trop hâtive. Elle permet au contraire de prendre une décision, la plus appropriée à la situation du moment, à la suite d’un choix éclairé. Dans le cas d’une insuffisance respiratoire conduisant à une assistance ventilatoire, le choix entre la VNI sans trachéotomie et une trachéotomie avec ventilation mécanique assistée n’est pas anodin. « Faire » ou « ne pas faire », « savoir-faire et mesurer » doivent garder du sens comme « savoir-être ». Chacun concerté, la décision revient au médecin référent. Sur le plan alimentaire, l’impact psychosocial des difficultés alimentaires pour ces enfants et leur famille est considéré. Les repas prolongés sont source d’inconfort et d’épuisement, avec des risques de fausse route. Le recours à l’alimentation par sonde nasogastrique ne doit pas limiter le rôle éducatif des parents. Ce mode d’alimentation n’empêche pas de poursuivre le plaisir gustatif à la cuillère si l’enfant l’apprécie. Un nouveau confort s’instaure grâce à l’apport calorique par la sonde sans fatigue ajoutée. Une des conditions de réussite est l’éducation des parents au maniement de la sonde et de la pompe, l’ajout de bolus alimentaires et aux changements de sonde. Quelle décision pour l’alimentation en toute fin de vie ? Peut-elle être arrêtée en phase terminale ? La question est d’ordre médical, éthique et sociétal.

Législation en France La législation est particulièrement discrète sur l’enfant en fin de vie. Les limitations et arrêts de traitements actifs (LATA) en pédiatrie n’ont pas été inscrits dans un cadre réglementaire strict. Devant le parlement, le rapporteur l’exprimait « la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie n’a pas été écrite pour les enfants ». Minoritaires par rapport aux adultes en fin de vie, les situations de LATA pédiatriques questionnent la démarche palliative dans le cas précis des ASI de type 1. Consensus social, support à la discussion, cette loi ne cite pas les mineurs. Seul le décret relatif à la procédure collégiale, texte opposable, cite les mineurs. Les directives anticipées (art. 7) ne sont pas

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applicables et le respect de la volonté du patient est impossible à appliquer. Cette pathologie neurologique précoce et invalidante à laquelle tout pédiatre ou spécialiste en néonatologie risque d’être confronté renforce la réflexion sur la démarche palliative.

Soins de confort et d’accompagnement : quelle démarche éthique ? [52] Trois orientations sont possibles. L’une est centrée sur les soins de confort et l’accompagnement « sans laisser purement et simplement mourir ». La visée est alors de soulager afin d’obtenir un « bien-être » de l’enfant quel que soit le stade de la maladie, « toute la tranquillité », une qualité de vie possible pour lui et son entourage, des temps d’échanges, de promenades, le plaisir du bain, les jeux, et cela malgré les traitements spécifiques nécessaires et les ajustements réguliers après réévaluations des objectifs cliniques. À chaque étape de la maladie, les soins sont raisonnables et inscrits dans un projet de soin et de vie partagé entre professionnels et accompagnants naturels (dont les parents). Une autre alternative serait une démarche purement technique parce que « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir » visant exclusivement l’allongement de la survie, au prix de devenir artificielle : le risque d’obstination déraisonnable devient préoccupant car la qualité de vie n’est pas questionnée. La troisième alternative est mesurée, sans dogme, en essayant de conjuguer le confort et la qualité de vie, mais en écoutant la demande permanente des parents qui espèrent vivre ces mois de répit avec l’enfant dans une sorte de lutte pour vivre au plus près de l’enfant. Ils veulent profiter à tous les instants de cette vie courte. La technique reste présente : la sonde nasogastrique, l’oxygénothérapie, les aspirations, mais sans décider de gastrostomie, ni de trachéotomie. Une grande disparité des pratiques médicales pour des tableaux cliniques similaires est constatée depuis la réanimation invasive frôlant l’obstination déraisonnable jusqu’au « laisser mourir » ou un « abandon ». Le projet de soins mais aussi de vie, aussi courte fusset-elle pour l’enfant atteint reste une interrogation. De nombreux aspects sont considérés, au-delà du traitement des symptômes : • la dimension multi- professionnelle, les réunions de concertation multiprofessionnelles, la coordination des équipes avec la famille ; • le lieu de vie et de fin de vie ; • de privilégier le retour à domicile si les parents le souhaitent, ce qui est fréquent, avec une organisation des aides techniques et humaines. Face à cette maladie incurable et toujours létale, la nécessité d’une prise en charge palliative s’organise de manière structurée. Mais si la démarche palliative n’est pas élaborée, ces enfants meurent dans des conditions de grand inconfort, parfois perdus de vue. Sur le plan professionnel, au fur et à mesure que les spécialités pédiatriques se sont développées, les neuropédiatres, pneumopédiatres et réanimateurs comme les professionnels de médecine palliative se retrouvent face à des parents très demandeurs

148 d’une poursuite de soins car le temps est compté pour ces enfants. Cette évolution conduit inévitablement aux questionnements d’ordre éthique : jusqu’où poursuivre les investigations et la mise en œuvre de techniques de réanimation lourde chez ces petits enfants atteints ? Évaluation, réévaluation, accepter l’évolution des choix éclairés, guidés par des questions éthiques selon l’état clinique de l’enfant. La singularité de chaque situation oblige le clinicien à une expertise tenant compte de cette singularité qui cherche à affiner son analyse en tenant compte de l’ensemble des signes cliniques et des paramètres familiaux, culturels, environnementaux pouvant interférer. La conférence de consensus nord américaine donne des pistes de réflexion, mais elle a aussi été l’objet de prises de positions différentes selon les équipes. Dans la plupart des circonstances de pratiques médicales, le but des traitements est directement lié à une nouvelle qualité et espérance de vie. Mais pour les enfants atteints, la visée des thérapies ne peut être aussi clairement définie. Certains choix privilégient la qualité de la vie plutôt que la durée de vie, afin de limiter un état de souffrance global qui dure. « The International Conference on spinal muscular atrophy (SMA) Standard of Care » propose un consensus international sur le niveau approprié de soin, d’expérience, et de formation [25]. La possibilité de ressource disponible semble avoir un grand effet sur les recommandations et décisions ultimes des familles concernant les assistances. Le comité confirme l’existence de pratiques appropriées sur le plan pulmonaire, nutritionnel, orthopédique et autre formes de thérapie. Prendre une décision « la plus adaptée possible » à l’enfant est difficile car, avant toute décision, l’équipe concerte les parents en écoutant leurs demandes. Puis, chaque membre de l’équipe donne son avis. L’équipe de médecine palliative est complémentaire, utile au médecin référent qui prend la décision dans ce temps crucial. Parfois sont associés à cette discussion, d’éventuelles associations de parents d’enfants atteints, des institutions financ ¸ant les soins voire même plus largement la société. L’ensemble de ces interlocuteurs directs ou indirects peuvent avoir des « intérêts » avec une « visée éthique » différente, voire très largement divergente. Les « conflits d’intérêts » ainsi générés risquent de desservir les intérêts propres de l’enfant et complexifient la prise de décision. Cette conférence internationale propose un consensus même si de réelles tensions éthiques émergent quant aux choix thérapeutiques, il n’y a pas « une seule décision juste » [25]. La responsabilité médicale conduit à discuter et écrire dans le dossier toutes les options de soins possibles dans une transparence, juste et équilibrée. L’équipe multidisciplinaire doit libérer un temps suffisant pour l’annonce du diagnostic et tenter de répondre aux nombreuses questions posées mais aussi entendre la souffrance des parents. Si cela semble approprié, d’autres membres de la famille ou amis ou encore des conseillers spirituels peuvent être invités. Un choix imposé aux parents est impossible. Les choix éclairés car présentés et discutés avec les parents doivent être l’aboutissement de réflexions communes entre soignants et parents. La responsabilité de la décision incombe au médecin référent, et cette décision peut engendrer une souffrance des parents

A. Le Divenah et al. bien qu’approuvée. Les parents expriment le besoin d’un soutien et d’un accompagnement par l’équipe référente et de soins palliatifs dans une approche multidisciplinaire pour avancer pas à pas dans le projet de vie, y compris en fin de vie sans rupture.

Une réflexion éthique pour guider la décision Quelles sont ces possibles obstinations déraisonnables, et quelles alternatives. . . ? Des procédures de décision collégiales sont-elles engagées en cas de limitation ou arrêt de traitement ? Quel est l’avis des professionnels en fonction de leur « sur-spécialité » pédiatrique ? L’équipe mobile d’accompagnement et de médecine palliative estelle concertée ? Existe-t-il des réunions de concertations pluridisciplinaires comme dans la pratique oncologique ? Des prescriptions anticipées existent-elles ? Les soins palliatifs peuvent être envisagés comme un modèle de soulagement de la souffrance et d’amélioration de la qualité de vie tout au long de la maladie [53]. Les soins de confort s’inscrivent dans une réflexion éthique, celle qui va au-delà des convictions personnelles. Des études relatives au processus de décision [54] abordent la question des choix de traitement, confrontent les points de vue de l’individu, de la famille et de la société. Elles montrent toute la nécessité d’anticiper. La décision se heurte à des concepts moraux de bienfaisance, de non-malfaisance, des principes d’autonomie et de justice distributive. De ce fait, il existe une grande variabilité selon les équipes, dans la gestion clinique de ces jeunes enfants. Mais arrêtons de penser « pour un mourant », mais plutôt auprès d’un enfant avec les limites de son corps, sujet en tant qu’être humain et bien présent. Il n’y a pas lieu de renoncer aux capacités de la médecine, mais bien de rester réaliste dans une médecine palliative qui est bien soignante avec une visée humaine et sociale. Les professionnels s’engagent dans un travail de réflexion. Partant d’une visée éthique [55] « Face à ce corps souffrant, en quête de sens, en crainte d’un devenir sans advenir, nous est perceptible physiquement mais aussi par l’intermédiaire de son esprit », cette rencontre de l’être seul au monde et singulier devient possible. Cet être pour lequel nous essayons de partager les opinions sur les traitements actifs, conscients des limites que nous ne devons pas franchir. Dépasser ces limites nous éloigne d’une médecine humaine, bien loin du visage et du regard décrit admirablement [56], dont on prend conscience lors de notre rencontre avec cet autre non-moi, d’où naît ma responsabilité sans réciprocité nécessaire, témoins de cette permanence du spirituel en l’homme. La décision d’assurer le confort à ce très jeune enfant atteint est l’aboutissement d’une concertation de l’équipe « multi- et trans-disciplinaire ». La discussion se fait par étapes avec les parents, dans une démarche pas à pas et régulièrement réajustée en fonction des évènements intercurrents, des possibles décompensations d’organes qui questionnent de fac ¸on itérative sur la décision de transférer ou non en réanimation. L’acceptation d’une possible limitation de traitements entre dans le domaine du raisonnable et de la juste mesure pour assurer une fin de vie la plus sereine possible pour l’enfant comme pour ses parents et la fratrie qui l’entourent.

Amyotrophie spinale type 1 : synthèse de la littérature et démarche palliative Les décisions vont de la trachéotomie avec ventilation invasive et gastrostomie au projet palliatif de confort, avec le compromis de la VNI. De ces décisions thérapeutiques dépendra l’espérance de vie de ces enfants, mais dans quelles conditions de vie ? Dans quelles conditions de vie ? Faut-il augmenter cette espérance de vie quelles que soient ces conditions de vie, y compris avec des techniques médicales qui ne peuvent être qu’agressives passé un certain cap ? Le dilemme pour les équipes médicales face aux décisions est compliqué car les parents sont généralement demandeurs d’une poursuite de soins. La participation des infirmier(e)s, aides soignantes, mais aussi des psychologues à l’écoute au quotidien de la parole des parents aide à avancer dans les choix thérapeutiques, dans une démarche éclairée.

Mais qu’appelle-t-on poursuite de soins ? Elle ne signifie pas toujours poursuite de tous les traitements et actes techniques. La juste mesure de l’équipe investie se situe dans un objectif de bienfaisance, tout en restant équitable vis-à-vis de l’accès aux soins et en concertation multiprofessionnelle, avant toute prise de décision qui restera toujours médicale. Dès le diagnostic posé, l’enfant relève de soins palliatifs. Pas d’investigations ni de traitements déraisonnables. Le traitement des symptômes respiratoires, digestifs, de la douleur est la priorité dans la démarche de soin. L’ajustement des installations pour un confort articulaire est important. Identifier et répondre aux besoins physiques, psychologiques et sociaux de l’enfant et de sa famille restent un travail du quotidien avec les soignants, kinésithérapeute, psychologue, assistante sociale, ergothérapeute. . . Limiter la survenue de complications, en rédigeant de fac ¸on consensuelle des prescriptions personnalisées anticipées transmises aux professionnels concernés, y compris le Samu, Smur et urgences pédiatriques est un gage de réussite du projet avec des objectifs précis de confort. Anticiper les conditions du décès, réussir au fil du temps à ce que les parents s’autorisent avec les soignants à avancer dans la verbalisation de leurs inquiétudes, colère, de leur doute. Tant de questions émergent sur le mourir et les signes concrets. Toute l’humilité est ainsi résumée par « le savoir-faire » et le « savoir-être » des soignants présents là à cet endroit et aux côtés des parents et de l’ensemble de la famille, dans toute leur humanité, des bénévoles également. Accompagner permet le vivre ensemble pour passer le cap, y compris en phase terminale et au-delà. Le choix de non-réanimation sauf avis contraire du service référent, le type d’injection en urgence face à une détresse respiratoire aiguë pour une sédation par exemple [57,58], toutes ces consignes sont précisées au service d’hospitalisation à domicile (HAD), réseau de soins palliatifs de proximité jusqu’au cheminement vers le décès avec les prestataires de services, et les professionnels libéraux. Le recours précoce à une équipe mobile d’accompagnement et de médecine palliative aide au processus décisionnel dans son rôle de conseil, de soutien. Elle est le partenaire d’échange et de réflexion lors d’un questionnement éthique, formation, comme un tiers neutre bienveillant aux côtés des professionnels et des accompagnants naturels. En intrahospitalier comme en

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extrahospitalier, l’équipe mobile pédiatrique et adulte est un élément du « lien » quel que soit le stade de la maladie. Elle sert d’interface et peut cadrer des séjours en lits identifiés de soins palliatifs, indispensables aux évaluations cliniques pédiatriques répétées pour le projet de soin et de vie.

Conclusion Forts de deux expériences sur dix ans, l’une de 1988 à 1998 sur 106 enfants atteints d’ASI 1, et la seconde de 1999 à 2009 sur 135 cas d’ASI 11 dans le service de neuropédiatrie de l’hôpital Necker—Enfants-Malades et d’une réflexion commune avec l’équipe mobile de soins palliatifs pédiatriques, il est proposé un travail sur les pratiques médicales et la démarche palliative. Une étude franc ¸aise prospective multicentrique est réalisée à l’initiative de ces deux équipes sur 23 centres dont deux hors métropole. Elle fait l’objet d’un projet de recherche clinique. Après ouverture du premier centre en juin 2012, les premières inclusions sont réalisées. L’objectif de ce travail prospectif est d’étudier les pratiques de soins palliatifs chez ces enfants en France. La phase 1 permet de mettre à disposition des parents et des professionnels un carnet de suivi, support de la prise en charge de l’enfant, qui devra être renseigné par les parents mais aussi l’ensemble des différents intervenants. « Sur mesure », ce carnet de santé est conc ¸u spécifiquement pour l’ASI 1. L’analyse quantitative et qualitative des informations recueillies dans le carnet a pour but d’évaluer les pratiques. L’objectif secondaire est de définir des pratiques consensuelles. La phase 2 est une enquête auprès des familles un an après le décès sur la valeur ajoutée de l’utilisation du carnet de suivi. Des entretiens semidirigés seront réalisés pour évaluer les pratiques à l’écho des parents, identifier les besoins, et pour réfléchir sur les liens qui pourraient être maintenus avec les familles après le décès, et sur le principe de bienfaisance. La phase 3 sera centrée sur la rédaction de propositions de recommandations de bonnes pratiques dédiées à ces enfants.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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