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www.sciencedirect.com Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 317–325
Revue de la littérature
Génétique des schizophrénies : mise en perspective des schizophrénies à début précoce et autres pathologies du développement Genetics of schizophrenia: Perspectives on early-onset schizophrenia and other developmental disorders C. Laurent a,b,∗ , M. Giannitelli a , D. Cohen a,c , D.F. Levinson d,e b
a Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, GHU de la Pitié-Salpêtrière, AP–HP, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France CRICM, UPMC/Inserm UMR S 975/CNRS UMR 7225, équipe biotechnologies et biothérapies, ICM, GHU de la Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France c Laboratoire CNRS, institut des systèmes intelligents et robotiques, UPMC, 4, place Jussieu, 75005 Paris, France d Department of psychiatry, Stanford University, 401, Quarry Road, Stanford, CA 94305-5797, États-Unis e Service hospitalo-universitaire, centre hospitalier Sainte-Anne et faculté de médecine Paris Descartes, 7, rue Cabanis, 75014 Paris, France
Résumé La schizophrénie (SCZ) est une pathologie psychiatrique sévère, caractérisée par des hallucinations, un délire, des affects plats ou inappropriés et une détérioration cognitive. Le risque durant la vie est à peu près de 0,5 %, avec un taux d’héritabilité de 65–85 %. Dans les formes à début précoce (si l’on définit l’âge de début avant 15 ans), la prévalence n’a pas été encore bien établie, mais elle est probablement proche de 5–10 % toutes formes confondues. Du fait de leur rareté, les SCZ à début précoce restent difficiles à étudier. Cet article est centré sur les études génétiques de la SCZ de l’adulte en en soulignant les résultats disponibles pour les SCZ à début précoce. Avant ces cinq dernières années, aucune association ou liaison significative entre la schizophrénie et des gènes spécifiques n’avait été répliquée quand des corrections statistiques pour des tests multiples étaient appliquées. De nombreux résultats « faux positifs » ont certainement été publiés en utilisant une approche gènes candidats. Récemment, le développement de puces de type single nucleotide polymorphisms (SNP) a permis de réaliser des analyses des études d’association sur le génome entier (Genome-Wide Association Study [GWAS]) suggérant que, parmi les différents groupes d’âge, un certain pourcentage du risque génétique pouvait être attribuée à un nombre important de SNP communs, chacun d’entre eux contribuant au risque avec un très faible effet (odds ratios de 1,1 ou moins). L’effet génétique le plus connu est attribué à la délétion 22q11.2 de taille de 1,5–3 Mb, dont l’incidence est de ∼ 1/4000 à 1/6000 des nouveau-nés et dont 20–30 % des porteurs développeront une SCZ. Des études avec des aCGH array ou avec des puces à ADN (microarrays) avec SNP ont identifié des associations significatives entre la SCZ et de nouvelles variations structurelles rares et de taille importante (CNV, duplications et délétions), avec des odd ratios élevés (5–10), ces anomalies incluent les délétions 1q21, 2p16.3 (gène de la Neurexine 1), 3q29 et 15q13.3, et les duplications 16p11.2. Certains de ces CNV ont également été associés à l’autisme et à d’autres pathologies neurodéveloppementales, telles que l’épilepsie, ou les déficiences intellectuelles, ce qui suggère la possibilité d’un chevauchement des mécanismes qui contribuent aux risques pour ces troubles. En se fondant sur les données préliminaires des études à plus large échelle, environ 1–2 % des cas serait porteur d’un CNV, associé à la SCZ (OR 4–12). Les études de séquenc¸age de l’exome entier, réalisées sur un échantillon de grande taille d’adultes constitue la prochaine étape pour identifier des mutations encore plus rares associées à la SCZ : mutations ponctuelles et des CNV de plus petite taille et plus rares. Les découvertes en génétique commencent à contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes biologiques impliqués dans l’étiologie et dans la vulnérabilité à la schizophrénie, et pourront conduire à de nouvelles stratégies thérapeutiques. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Schizophrénie ; Génétique ; Début précoce ; CNV
Abstract Schizophrenia (SCZ) is a severe brain disorder characterized by hallucinations, delusions, flat and/or inappropriate affect and cognitive impairment. The lifetime risk is about 0.5% with heritability of 65–85%. The prevalence of early-onset schizophrenia (defined here as before 15 years of
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Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected],
[email protected] (C. Laurent).
0222-9617/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2013.06.001
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age) has not been well studied, but is likely to be 5–10% of all cases. The rarity of early-onset SCZ has made it difficult to study. We focus on genetic studies of adults with schizophrenia, highlighting results for early-onset schizophrenia where available. Prior to the past 5 years, studies failed to find replicable association or linkage between SCZ and specific genes when appropriate statistical corrections for multiple testing were used. Many false positive results were probably reported using the candidate gene approach. Recently, the development of single nucleotide polymorphism (SNP) “chips” has permitted large genome-wide association study (GWAS) analyses that suggest that across all age groups, a proportion of genetic risk can be attributed to a large number of common SNP, each with a very small effect on risk (odds ratios of 1.1 or less). The greatest known genetic effect is conferred by the 1.5–3 Mb 22q.11.2 deletions, which occurs in ∼ 1/4000–1/6000 births with SCZ developing in 20–30% of carriers. Large SNP and aCGH microarray studies have now identified associations between SCZ and other rare, large copy number variations (CNV, insertions and deletions) with high odds ratios (5–10), including deletions of 1q21, 2p16.3 (neurexin-1 gene), 3q29 and 15q13.3, and duplications of 16p11.2. Some of these CNV are also associated with autism or other developmental disorders as well as epilepsy or intellectual deficiency, suggesting some overlap in the mechanisms that contribute to risks of these disorders. Based on preliminary data from larger-scale analyses in progress, approximately 1–2% of cases carry a CNV that has been clearly associated with SCZ (ORs 4–12). Whole exome and genome sequencing studies of large adult samples will be the next steps to identify rarer SCZ-associated mutations, including point mutations and smaller as well as rarer CNV. Genetic findings are beginning to contribute to an understanding of biological mechanisms of SCZ risk and may lead to new approaches to treatment. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Schizophrenia; Genetics; Early onset; CNV
1. Abréviations CGH Comparative Genomic Hybridization CNV Copy Number Variant COS Childhood Onset Schizophrenia GWAS Genome-Wide Association Study GWLS Genome-Wide Linkage Study MCDD Multiple Complex Developmental Disorder NRXN1 Neurexin 1 EOS Early Onset Schizophrenia PGC Psychiatric Genomics Consortium SCZ Schizophrénie Single Nucleotide Polymorphisms SNP VCF Vélo Cardio-Facial VEOS Very Early Onset Schizophrenia 2. Épidémiologie génétique : mise en évidence d’une prédisposition génétique dans la schizophrénie Des facteurs héréditaires ont été impliqués dans la genèse des troubles mentaux dès le début du xixe siècle. À la fin du xixe siècle Kraepelin établit les grands cadres nosologiques qui restent pour l’essentiel encore utilisés de nos jours en isolant la dementia praecox [1] qui deviendra plus tard la schizophrénie (gruppe der schizophrenien) [2]. Classiquement la schizophrénie est un syndrome caractérisé par des symptômes psychotiques et évoluant vers « une dissociation progressive de la personnalité ». Il comporte des symptômes dits positifs, tels qu’idées délirantes, hallucinations, des symptômes de désorganisation (troubles du cours de la pensée, comportements bizarres) et des symptômes négatifs tels que retrait, manque de motivation ou pauvreté affective. Il conduit à une perturbation dramatique du fonctionnement social, pouvant aller jusqu’à l’isolement et à des degrés variables d’altération du fonctionnement cognitif. Il faut noter d’emblée qu’il existe clairement une hétérogénéité clinique des schizophrénies ; l’ensemble des symptômes est rarement présent chez un individu donné et le syndrome est donc difficile à cerner de part le grand nombre de formes cliniques qu’il peut prendre.
Depuis le début du siècle, de nombreuses études épidémiologiques révèlent une agrégation familiale de cas de schizophrénies à l’intérieur des familles comprenant un proposant schizophrène [3–5]. Elle montre que plus un apparenté est proche d’un malade plus il risque de développer ce syndrome pendant sa vie. La prévalence dans la population générale est de 0,5 % [6]. Il s’élève de 5 à 10 % pour un frère ou une sœur de schizophrène. Pour les enfants de ce dernier, le risque de développer la maladie est de 13 % voire de 46 % si les deux parents sont atteints. Les apparentés des second (oncles et tantes, grands-parents) et troisième (cousins germains) degré ont un risque moindre évalué à 3 % et à 2 % [7]. Les proches parents de schizophrènes présentent également un risque élevé de développer d’autres troubles psychiatriques, troubles de la personnalité ou maladie psychiatrique à part entière. L’ensemble des troubles psychiatriques retrouvé plus fréquemment dans les familles de schizophrènes sont définis comme les spectre strict (schizophrénie et troubles schizoaffectifs) et spectre large (trouble schizophréniforme, trouble psychotique bref, trouble psychotique non spécifié, trouble de la personnalité paranoïaque, trouble de la personnalité schizotypique et en fonction des études dépression unipolaire). Cependant, la présence au sein d’une même famille de plusieurs personnes atteintes ne permet pas de dissocier l’influence des facteurs de prédisposition génétique de celle de l’environnement. Il faut faire appel à d’autres méthodes de génétique épidémiologique comme les études de jumeaux, d’enfants de jumeaux et d’adoption. Le principe des études de jumeaux dont l’un au moins est schizophrène, repose sur la comparaison du taux de concordance de la schizophrénie chez les jumeaux vrais dits monozygotes et chez les faux-jumeaux dits dizygotes, en présupposant que ces jumeaux partagent les mêmes influences environnementales et culturelles. Elles ont montré que la concordance de la schizophrénie chez les monozygotes s’élève à approximativement 50 % alors qu’elle est de 10 % chez les dizygotes ce qui correspond au risque de développer le syndrome dans la fratrie d’un schizophrène [8]. Le taux d’héritabilité est de 65–85 % dans les études de jumeaux, il est à 75 % estimé à partir des familles informatives de Suède [5,9].
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Quant aux études d’adoption (adoptive family method), elles ont clairement démontré que la prévalence de la maladie est supérieure chez les enfants adoptés ayant des apparentés biologiques atteints que chez les enfants adoptés sans apparenté biologique atteint, les deux vivant dans un même environnement [9]. L’ensemble des études de jumeaux [8], d’enfants de jumeaux et d’adoption a donc affirmé l’existence d’une prédisposition génétique qui participe à la concentration des cas de maladies à l’intérieur des familles de schizophrènes. Ces mêmes études conduisent à admettre l’intervention conjointe de facteurs environnementaux qui contribuent au développement de ces troubles mentaux [5,8,9]. Toutes ces observations conduisent à identifier le ou les facteurs génétiques impliqués dans l’étiologie des syndromes schizophréniques et à déterminer leur mode de transmission. Les principes des méthodologies en épidémiologie génétique peuvent être consultés sur le site Internet suivant : http://www.dorak.info/epi/genetepi.html. 3. Le mode de transmission de(s) schizophrénie(s) 3.1. Généralités–méthodes d’analyse La difficulté à déterminer le mode de transmission d’une pathologie par le simple examen des familles a conduit à développer des méthodes d’analyse plus sophistiquées. L’analyse simple de ségrégation permet de tester l’hypothèse d’une transmission monogénique autosomique simple, c’est-àdire impliquant un seul gène [10]. Cependant dans de nombreux cas, comme celui de la schizophrénie, l’agrégation familiale du caractère étudié ne peut pas s’expliquer par un mécanisme simple. Il existe, comme nous l’avons vu, une hétérogénéité clinique des diagnostics, les critères standardisés DSM de l’APA [11] ou de l’ICD-10 [12] sont identiques pour l’enfant, l’adolescent et l’adulte. 3.2. Modèle de transmission Un modèle polygénique a été proposé pour la schizophrénie. Il paraît en effet clair que le mode de transmission d’un phénotype schizophrène ne répond pas à un modèle mendélien classique : autosomique dominant ou récessif, ou lié à l’X. La première hypothèse qui avait été formulée dès le début du siècle est que la schizophrénie puisse être due à l’altération d’un seul gène. Les risques non mendéliens sont alors interprétés comme la marque d’une pénétrance réduite, c’est-à-dire que les individus qui héritent du gène délétère ne développent pas obligatoirement la maladie. Le modèle de transmission à un seul locus ne peut rendre compte de la répartition des cas pathologiques observés dans les familles multiplex [13]. De plus, le modèle à un seul gène n’est pas non plus capable de rendre compte d’une relation entre le risque encouru par un sujet et son lien de parenté avec le proposant. Par ailleurs selon McGue et Gottesman (1986) [14], l’hypothèse selon laquelle le syndrome schizophrénique serait constitué de plusieurs entités génétiques différentes (hétérogénéité génétique) ne peut pas non plus s’expliquer par le modèle à un seul locus. Il est clair que les schizophrénies ne sont pas un mélange de maladies
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transmissibles à un seul gène. La schizophrénie est donc un syndrome à hérédité complexe associant une hétérogénéité génétique (des anomalies associées à différents gènes peuvent donner des symptômes similaires), une polygénicité, le concours de plusieurs gènes est nécessaire au développement du(es) syndrome(s) et de facteurs environnementaux (par exemple une exposition à des stress pendant le premier trimestre de la grossesse des mères de patients schizophrènes [15]. En revanche, la contribution mineure de la présence de mutations rares et/ou de novo (en génétique, de novo signifie nouvellement synthétisé ; c’est un variant non hérité) au taux d’héritabilité ne peut pas être exclue pour les traits complexes [16]. Néanmoins, il existe parfois des variants de novo qui jouent un rôle important dans l’étiologie de certaines maladies. Identifier ces variants de novo contribuera certainement à la découverte de gènes de susceptibilité et à la compréhension de certains des mécanismes de la schizophrénie. Les nouvelles technologies de génotypage et de séquenc¸age sont des atouts majeurs pour l’identification de ces mutations et la connaissance de leurs rôles dans les maladies neuropsychiatriques. 4. Identification de nouveaux sous-groupes en fonction de l’hétérogénéité clinique De plus, il existe une hétérogénéité clinique comme nous l’avons précédemment mentionné et la question est posée à savoir quel phénotype utiliser dans les études biologiques, sachant que l’hétérogénéité clinique ne chevauche pas forcément l’hétérogénéité génétique. Des critères sont classiquement utilisés pour affiner le phénotype d’une maladie en prenant en compte les éléments responsables de l’hétérogénéité clinique. Ils redéfinissent ainsi des sous-groupes de patients. L’impact de ces critères dans la recherche par cartographie génétique de facteur de prédisposition à une maladie donnée peut être mesuré par l’augmentation du risque relatif d’être atteint dans les différents sous-groupes. Les critères les plus souvent utilisés pour différencier les sous-groupes sont les suivants : • l’âge de début de la maladie ou du syndrome. Ainsi dans les sous-groupes de schizophrénie, en fonction de l’âge de début, sont définies les schizophrénies infantiles (COS) [17] débutant dans l’enfance avant l’âge révolu de 12 ans et dont la prévalence est estimée de 0,2–0,4/10000 [18], les schizophrénies à début très précoce (VEOS) avant l’âge révolu de 13 ans et enfin les schizophrénies à début précoce (EOS), avant l’âge révolu de 15–18 ans. L’âge a permis dans certaines pathologies de mettre en évidence une certaine hété rogénéité génétique ; • l’histoire familiale qui a permis de reclasser certains cancers en particulier (cancer héréditaire du colon et non polyposique avec âge de début précoce et association à d’autres cancers) [19] ; • la sévérité de la maladie qui est utilisée comme critère, par exemple dans le cas de l’hypertension artérielle [20]. Si le
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phénotype étudié présente une distribution continue, il est souvent préférable d’utiliser les individus atteints en champ extrême de cette distribution. On parle également d’anticipation quand il existe un âge de début plus précoce et/ou une sévérité accrue. Une base moléculaire a été mise en évidence pour le phénomène de l’anticipation dans les pathologies neurodégénératives : allongement anormal du nombre de triplets répétés [21]. Cependant, jusqu’à présent aucun des critères utilisés pour définir de nouveaux sous-groupes n’a permis de définir un sousensemble de familles avec la ségrégation de certains marqueurs ou un risque familial différent. L’hétérogénéité génétique ne chevauche pas l’hétérogénéité clinique tel que définie dans ces études.
• on peut également utiliser des marqueurs biologiques ou cognitifs dans les études génétiques tels que les déficits neuropsychologiques et psychophysiologiques qui sont observés de fac¸on plus fréquente chez les patients schizophrènes et leurs proches apparentés [28]. Ces traits constituent peut-être des facteurs de prédisposition au syndrome. Ces marqueurs peuvent être considérés comme des endophénotypes qui répondent à la définition suivante : ils sont hérités et sont plus directement en rapport avec le ou les gènes défectueux que ne l’est le phénotype constitué par le tableau clinique ; • les analyses en génétique moléculaire peuvent combiner en un seul groupe plusieurs phénotypes catégoriels, si ces phénotypes ont montré un certain degré de chevauchement dans de précédentes études familiales ou dans des études en génétique, comme discuté ci-après.
5. Définition de phénotypes pour les études en génétique
6. Méthodologie en psychiatrie génétique
Un des aspects les plus délicats dans l’étude de la composante génétique des troubles psychiatriques est lié à la définition du phénotype. À cause du spectre large des diagnostics mineurs et majeurs, un premier problème qui se pose est de savoir qui inclure et qui exclure [22]. La plupart des études en génétique moléculaire a utilisé les critères diagnostiques standardisés du DSM-IIIR ou du DSM-IV en détectant avec un grand succès des associations entre des SNP ou des CNV et la schizophrénie comme discuté ci-après. Cependant, il est clair qu’il existe des limites à cette approche comme le démontrent plusieurs des résultats suivants :
Plusieurs stratégies se sont développées pour mettre en évidence des facteurs de prédisposition à la schizophrénie.
• il existe un degré de co-ségrégation parmi les SCZ, les troubles schizoaffectifs et la dépression unipolaire [23] et la SCZ et l’autisme [24] au sein des familles ; • comme mentionné ci-dessus, la plupart des CNV rares qui prédispose à la SCZ sont aussi observés dans l’autisme, les déficiences intellectuelles et l’épilepsie [25] ; un exemple de la pléiotropie (plusieurs phénotypes sont observés pour une même mutation) ; • des approches alternatives ont été développées, mais ne se sont pas avérées jusqu’à présent plus efficaces dans les études en génétique moléculaire ; • l’analyse du phénotype peut également se faire en considérant séparément chacune des dimensions inhérentes à la schizophrénie positive, négative ou désorganisée ou également dépressive. Comme précédemment définie, la complexité du modèle de la schizophrénie, et qui plus est des pathologies du spectre de la schizophrénie, est difficile à analyser et les différentes dimensions cliniques qui ont émergé des résultats des différentes analyses factorielles dans ce domaine [26] peuvent être utilisées comme phénotype dans les études de liaison ou d’association génétique. Les études s’orientent vers l’utilisation de dimensions cliniques (dimension positive, négative et désorganisée. . .) parfois quantitatives, prenant en compte la durée et la sévérité. Cette approche permettrait de définir des sous-types phénotypiques chez les schizophrènes [26,27] ;
6.1. Approche de gènes candidats par analyse d’association dans des populations de cas témoins, de triades/trios (proposant et ses deux parents), ou par analyse de liaison dans des familles nucléaires ou multiplex informatives Initialement, les gènes étudiés ont été sélectionnés en se fondant principalement sur les hypothèses dopaminergiques, sérotoninergiques et neurodéveloppementales de la schizophrénie. Dans une étude d’association, on détermine si le variant dans une séquence spécifique d’ADN est observé à une fréquence différente parmi les cas atteints par rapport aux témoins, ou s’il est transmis des parents aux cas (enfants) plus ou moins de ce qui est attendu par chance. Pendant la « première période » d’études de gènes candidats, il n’était pas possible d’étudier les variants sur l’ensemble du génome. 6.2. Étude du criblage systématique du génome par analyse de liaison génétique Dès 1987 [29], des cartes génétiques de marqueurs couvrant le génome entier sont devenues disponibles (variants de l’ADN pour lesquels ce qui importait était de connaître leur localisation dans le génome). Une étude de liaison nécessite d’avoir des familles avec de nombreux membres atteints par la maladie étudiée. On détermine les marqueurs, parmi ceux que l’on étudie, qui tendent à être hérités par tous ou par la plupart des membres atteints plus souvent que ne le voudrait le hasard. Le terme anglais utilisé actuellement est genome-wide linkage study (GWLS)]. 6.3. Projet du séquen¸cage du génome humain et avancées technologiques en génétique moléculaire Plus récemment, en se fondant sur le projet du séquenc¸age du génome humain (Human Genome Project) et des avancées
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technologiques en génétique moléculaire, il a été possible de mener des études d’association sur le génome entier ou GWAS. Un « GWAS » analyse un ensemble de SNP. Les SNP sont des localisations génomiques, où chacun des deux chromosomes d’un individu dans la population peut contenir un des deux acides nucléiques différent de l’autre (chaque individu est porteur de deux « allèles » pour chaque marqueur ; l’être humain étant diploïde avec 23 paires de chromosomes). Un GWAS consiste à examiner de nombreux SNP (de l’ordre de 500 000 à plusieurs millions, utilisation de puces à ADN) chacun d’eux ayant deux allèles qui sont communs dans la population (5 % ou plus de l’ensemble des chromosomes dans une population) afin de déterminer si un des variants est associé au trait étudié. 6.4. Méta-analyses Il est très vite devenu évident que des échantillons uniques soit de familles ou soit de cas/témoins étaient de taille trop faible pour identifier les variants de susceptibilité à la SCZ. Des groupes de recherche ont commencé à collaborer plus fréquemment pour combiner leurs données en utilisant des méthodes statistiques de méta-analyses, ou parfois en combinant directement les données brutes (méga-analyses). 6.5. Recherche d’anomalies structurelles de type microdélétion ou duplication encore appelé Copy number variation En plus, de l’analyse des variants de la séquence tels que les SNP, les technologies modernes de puces à ADN peuvent également détecter si un segment d’ADN a été supprimé sur un ou les deux chromosomes ou s’il a été dupliqué, tripliqué. Si l’on compare aux précédentes techniques en cytogénétique, ces avancées ont permis l’étude de mutations plus courtes. 6.6. Méthodes de séquen¸cage à haut débit Enfin, des méthodes de séquenc¸age à haut débit se sont développées récemment et peuvent être utilisées pour étudier les exons (séquences courtes et fonctionnelles d’ADN qui représentent les régions dans les gènes qui sont traduites en protéines) ou le génome entier. Si l’on considère les différentes étapes de la biologie intégrative, toutes les étapes décrites dans cet article se font par la génomique. D’autres études qui ne seront pas décrites ici utilisent le transcriptomique (au niveau des ARN), la protéomique (au niveau des protéines) ou le métabolomique (Etudes des réseaux fonctionnels et des systèmes biologiques), ou l’épigénétique (fac¸on dont l’environnement et l’histoire individuelle influent sur l’expression des gènes). 7. Résultats des études en génétique 7.1. Études de gènes candidats Il est essentiel dans cette approche de réaliser des analyses multicentriques afin d’augmenter le pouvoir statistique de
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détection. Il faut également se prémunir des biais qui résultent des différences dans les critères diagnostiques (hétérogénéité clinique), et de la stratification ethnique des fréquences alléliques qui peuvent entraîner à la fois des faux positifs et des faux négatifs. Par ailleurs, si l’on teste un nombre important de gènes candidats, un taux important de faux positifs est obtenu. De nombreuses études sur les gènes candidats et la schizophrénie ont été publiées. Par exemple selon le site web, http://www.schizophreniaforum.org/res/sczgene/default.asp, en décembre 2011, 1727 études avaient été publiées sur les gènes candidats avec l’implication de 1008 gènes en utilisant 8788 polymorphims et parmi ces 1727 études, 287 étaient des meta-analyses. En utilisant l’approche gène candidat, aucune association allélique ou génotypique « robuste » et répliquée entre la schizophrénie et les gènes étudiés n’a été mise en évidence dans différentes populations. Les études de gènes candidats ont largement été remplacées par les études GWAS et les études par séquenc¸age qui considèrent l’ensemble des gènes du génome et non un faible nombre d’entre eux sélectionnés avant que ne soit connue la complexité des réseaux de gènes et des mécanismes biologiques. 7.2. Étude du criblage systématique du génome par analyse de liaison Au cours de la décennie des années 1990, l’absence de connaissance globale sur les mécanismes pathophysiologiques des troubles psychiatriques a contraint les chercheurs à adopter une stratégie de criblage systématique du génome qui permet sans hypothèse préalable quant à la fonction du gène de localiser une région dans laquelle se trouve le gène altéré et/ou le polymorphisme fonctionnait. Une stratégie intermédiaire de recherche d’association et de liaison avec des gènes ou des régions candidates a été également adoptée au cours de cette décennie comme nous l’avons précédemment décrit. Suite aux résultats des premiers criblages internationaux, différentes collaborations se sont mises en place afin de déterminer si les régions déjà mises en évidence étaient impliquées dans la schizophrénie [30]. La réplication des résultats est capitale dans les études de liaison pour la schizophrénie du fait de son mode de transmission multifactoriel et de l’hypothèse d’une hétérogénéité génétique. Les consortium ont ainsi déterminé plusieurs régions candidates. Des études de fine mapping sont utilisées pour affiner la région candidate et sont suivies d’études de déséquilibre de liaison afin de pouvoir mettre en évidence des gènes candidats par position. En parallèle, d’autres études basées sur les gènes candidats, en transcriptomique sur des cDNA microarrays ou encore par la présence d’anomalies cytogénétiques retrouvées dans certaines familles de schizophrènes ont également mis en évidence des gènes candidats. Aucun des signaux n’a montré de résultats significatifs en utilisant les critères d’analyse pour les maladies à hérédité complexe (Lander et Kruglyak) [31]. Parmi les études génétiques multicentriques dans des familles de schizophrènes, l’une d’entres elles à laquelle nous avons participé était un projet multicentrique avec huit centres, 707 familles
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recrutées avec des ancêtres européens, 100 familles avec des ancêtres africains ou d’autres pays et la dernière étude réalisée dans le cadre de ce consortium utilisait 5861 SNP (illumina v4.0 linkage map) et plusieurs liaisons suggestives ont été retrouvées sur le bras court du chromosome 8 en 8p21 et en 8p24.1, ainsi qu’en 9q34 et 12q24.1 [32]. Aucune étude de liaison n’a rempli les critères de significativité, établis par Lander et Kruglyak [31]. 7.3. Méta-analyse Une méta-analyse de l’ensemble de 32 genome-wide linkage dans la schizophrénie dont les familles de notre étude, avec les SNP a été réalisée incluant 3255 familles de schizophrènes et les génotypages de 7413 individus schizophrènes ou appartenant au spectre de la schizophrénie. Aucune significativité n’a été obtenue [30]. 7.4. Genome-Wide Association Studies Depuis 2007, un certain nombre de résultats fiables ont été répliqués dans le cadre des études en psychiatrie génétique [33]. Ces avancées ont été dues aux études d’association sur le génome entier (GWAS) et aux études de recherche de variation structurelle, bien que les études de variations exoniques rares ou de variants peu fréquents seront probablement les plus prometteuses dans les quelques années à venir. Ces résultats remplissent les critères standard de significativité et de réplication pour les études en génétique humaine [31]. Une méta-analyse à grande échelle publiée en 2009 a montré les premiers résultats significatifs pour la génétique de la schizophrénie [34–36]. L’analyse a considéré un ensemble de 8008 cas versus 19 077 témoins de trois échantillons. Sept SNP sur le chromosome 6p22.1 ont donné des résultats significatifs après correction pour les tests multiples. Ces SNP sont localisés dans la région du complexe majeur d’histocompatibilité élargi qui inclut les gènes HLA. Dans une seconde analyse, Purcell et al. [35] ont introduit la méthode d’analyse des scores polygéniques (Polygenic Score Analysis) pour tester l’hypothèse déjà ancienne de l’existence d’un mécanisme polygénique dans la schizophrénie. Avec cette méthode, on sélectionne deux échantillons indépendants, puis on se sert des résultats des analyses d’association standard pour 60 000–100 000 SNP du premier échantillon pour prédire l’appartenance au groupe « cas » ou « témoins » dans le second. Chaque SNP est pondéré par le résultat obtenu dans le premier échantillon (par exemple, le logarithme de l’odds ratio d’un allèle). Dans le second échantillon, ces poids sont utilisés pour construire un score pour chaque sujet, selon les génotypes pour chaque SNP et les poids attachés à un des allèles. Puis, on analyse la différence entre les scores des cas et ceux des témoins. S’il n’y a pas d’effet polygénique, aucune différence ne sera trouvée entre les scores des cas et ceux des témoins dans le second échantillon. Mais si cet effet est présent, on observe une différence significative. Normalement, on répète la procédure plusieurs fois, par exemple avec des pondérations de 0,1 %, 1 %, 5 %, 10 %, 20 %, etc., des SNP dans l’ordre de leurs significance
dans le premier échantillon. S’il y a un effet polygénique, on pourrait trouver une valeur de « p » de plus en plus significative pour la prédiction des cas versus des témoins dans le second échantillon en utilisant des groupes avec un nombre de SNP de plus en plus important. Ces résultats peuvent être maximisés avec 20 % de SNP. Quelle en est la raison ? Apparemment, il y a beaucoup de SNP (peut-être 1000 ou plus de 1000) qui contribuent avec des effets mineurs au risque de susceptibilité pour la schizophrénie. Les odds ratios de ces SNP sont distribués parmi des valeurs moyennes à des valeurs plus élevées. Par ce test, on n’identifie pas lesquels des SNP contribuent au résultat, mais on établit l’existence d’un effet polygénique. On trouve régulièrement des résultats significatifs pour la schizophrénie entre n’importe lequel des deux échantillons, avec une significativité accrue quand la taille des échantillons est de plus en plus grande. On remarque ainsi qu’avec un type d’analyse différent, Lee et al. ont estimé que les SNP (et dans un premier temps les SNP communs) expliquent à peu près 23 % de la variance phénotypique de la schizophrénie [37]. Ce résultat montre la progression dans ce domaine depuis cinq ans. Suite à ces travaux, les chercheurs de ce domaine ont organisé le « Psychiatric Genomics Consortium » (PGC, https://pgc.unc.edu/index.php ; initialement le Psychiatric GWAS Consortium) pour combiner les échantillons GWAS disponibles et ainsi réaliser des analyses à plus large échelle (« méga » et « méta ») de la schizophrénie, les troubles bipolaires, les épisodes dépressifs majeurs, l’autisme et les troubles déficits de l’attention–hyperactivité (TDAH). La première analyse de la schizophrénie a été publiée en 2011 [33]. Une méga-analyse des 9394 cas et 12 462 témoins a été suivie par une méta-analyse avec un apport de 8442 cas et 21397 témoins. Des associations significatives ont été détectées dans sept régions génomiques, incluant une association de la région HLA beaucoup plus significative que dans l’étude précédente. Actuellement (mai 2013), le PGC se prépare à publier leur seconde analyse de la schizophrénie, avec près de 34 000 cas et 45 000 témoins. En octobre 2012, ils ont présenté des résultats préliminaires au Congrès mondial en génétique psychiatrique (World Congress of Psychiatric Genetics) à Hambourg : des associations significatives ont été trouvées dans plus de 80 régions génomiques, incluant encore la région HLA et plusieurs SNP en commun avec les résultats obtenus pour les troubles bipolaires. Nous ne nous concentrerons pas sur les résultats spécifiques de la première analyse du PGC, en encourageant le lecteur à lire la seconde analyse statistiquement beaucoup plus puissante, qui va être publiée. Enfin, le PGC a publié en 2013 [38] une analyse qui combine les échantillons de cinq pathologies du PGC en une seule analyse pour prendre en considération les relations entre ces diagnostics. Quatre associations significatives ont été trouvées, dont deux dans des gènes pour deux canaux calcium différents. Pour CACNA1C, à la fois les échantillons de la schizophrénie et ceux des troubles bipolaires ont contribué à des effets importants, et pour CACNB2, les échantillons de la schizophrénie, de la dépression majeure et des TDAH ont contribué à des effets moyens. Les analyses des scores polygéniques étaient également significatives entre les échantillons des paires des trois
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pathologies de l’adulte (schizophrénie, troubles bipolaires, la dépression majeure), ce qui suggère un chevauchement entre les facteurs génétiques pour ces trois pathologies. Une autre publication est en cours sur la taille du chevauchement entre les pathologies. Pour résumé, les études de « SNP communs » commencent à impliquer des gènes spécifiques et des mécanismes polygéniques en général dans l’étiologie de la schizophrénie. Ils montrent également un chevauchement entre des pathologies majeures. La prochaine étape est de se dire qu’avec des échantillons de plus grande taille pour chaque pathologie, on pourrait détecter statistiquement les réseaux biologiques qui contribuent à chacune ou à plusieurs de ces pathologies, ce qui permettra d’en étudier les mécanismes biologiques. Une autre conclusion de ces résultats, est de rester ouvert aux mécanismes identifiés. Par exemple, on ne s’attendait pas à ce que la région HLA donne les résultats les plus significatifs pour la schizophrénie (et non pour les troubles bipolaires ou pour la dépression majeure), ce qui pourrait impliquer dans la schizophrénie, des infections et/ou des mécanismes auto-immuns. D’un autre côté, il n’est pas clair pourquoi on observe un chevauchement génétique entre la schizophrénie et l’autisme dans les résultats des études des CNV, mais pas dans les études des SNP communs. En tout cas, il est clair que les études GWAS contribuent de fac¸on majeure à notre compréhension de la schizophrénie. 7.5. Recherche de variant chromosomique structurel de type Copy Number Variant La variabilité du nombre de copies d’un gène désigne en génétique une forme particulière de polymorphisme (CNV) dans lequel le nombre de copies d’un même gène ou d’un segment chromosomique dans le génome est variable entre individus de la même espèce [microduplication (3 copies ou plus) ou microdélétion (0–1 copie)]. Les analyses de population à large échelle pour la schizophrénie utilisant des CGHs, micro-arrays ou bien des SNP, ont permis d’identifier des associations entre la schizophrénie et un certain nombre de CNV avec des odds ratios importants (entre 5 et 10) incluant la délétion 1q21, 2p16.3 (gène de la NRXN1), 3q29 et 15q13.3 et des duplications de la région 16p11.2 [39]. La délétion la plus fréquente et la plus connue en génétique psychiatrique est la délétion 22q11.2 de taille 1,5–3 Mb avec une fréquence dans la population générale de l’ordre de 1 sur 6000 [40]. Un certain nombre de noms a été attribué au tableau clinique des délétions identiques du 22q11.2 en fonction de la symptomatologie observée (qui n’est pas relié à la taille exacte de la délétion). Les plus connues sont les dénominations du syndrome de Di Georges, du syndrome de Shprintzen ou du syndrome VCF. La schizophrénie est observée pour 20 à 25 % des porteurs de la délétion du chromosome 22, et parmi les schizophrènes on retrouve ∼ 0,3–0,5 % de porteurs de la délétion du 22 (odd ratio d’environ 20–30) [41]. Il est à noter qu’il existe une très grande hétérogénéité des troubles psychiatriques puisqu’on retrouve quasiment de fac¸on constante des troubles des apprentissages et/ou du développement et/ou déficiences intellectuelles avec un risque plus important de développer un autisme, des
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troubles du spectre autistique, des troubles déficit de l’attention en général sans hyperactivité et comme on l’a vu, une schizophrénie, des troubles de l’humeur de type bipolaire ou épisode dépressif majeur et une anxiété généralisée. La perte de matériel génétique entraîne la délétion de 30 à 40 gènes au niveau de la région 22q11.2. Dans 90 % des cas, cette délétion est non transmise. La localisation de la délétion n’est pas un prédicteur des symptômes psychotiques. Les études de cette région n’ont pas identifié de variant associé de fac¸on significative au phénotype schizophrénie (SNP commun ou rare). La prochaine étape est de savoir s’il existe des mutations pathogènes (communes ou plutôt rares, à détecter par séquenc¸age) dans les gènes de la région du syndrome VCF chez les patients schizophrènes non porteurs de ce syndrome. La duplication de la région du 16p11.2 est le second CNV le plus fréquemment associé à la SCZ [42]. Une microcéphalie est associée à la duplication tandis qu’une macrocéphalie l’est aux porteurs de la délétion associées à l’autisme [43]. La taille de la microduplication/délétion est le plus souvent constante d’environ 600 Kb et a été observée dans de nombreux troubles précoces du développement, comme le sont également les autres CNV qui ont été associés à la SCZ et qui sont citées précédemment. L’ensemble des phénotypes rencontrés chez les porteurs de CNV sont les suivants : schizophrénie, troubles des apprentissages, troubles du spectre autistique, épilepsie, déficiences intellectuelles et souvent seul un voire deux de ces phénotypes sont associés et l’on ignore jusqu’à présent quelles en sont les raisons. 8. Partage d’une étiologie génétique commune entre schizophrénie et autisme ? D’un côté, les études sur des CNV spécifiques ont démontré une prépondérance de cas avec un début précoce parmi les porteurs du CNV. D’un autre côté, l’étude de Sebat et collaborateurs [44] a estimé qu’une proportion plus importante de cas versus des témoins seraient porteurs de CNV de très grande taille et rares, la plupart du temps ceux-ci étant trop rare pour prouver leur association à la SCZ de fac¸on individuelle. C’est pourquoi, il est probable qu’un rôle plus important de CNV rares sera démontré associé au SCZ à début précoce dans les années à venir, peut être de l’ordre de 5 % ou plus des cas mais cela reste à montrer. Il existe également des arguments cliniques en faveur de facteurs étiologiques communs entre TSA et SCZ. Il y a en effet une évolution schizophrénique chez certains patients avec TSA/dysharmonies psychotiques, syndrome d’Asperger/MCDD. Cependant, les mêmes CNV sont présents dans les formes adultes de SCZ avec ou sans TSA/RM ainsi que chez des enfants présentant un terrain développemental comme dans les SCZ à début précoce (retard mental, troubles des apprentissages, retard psychomoteur.). De plus d’un point de vue moléculaire, dans l’autisme, autre trouble neurodéveloppemental à début très précoce, un risque augmenté de porter certains CNV identiques à ceux retrouvés dans la schizophrénie a également été démontré [45,46]. Il serait intéressant d’étudier une population de schizophrénie à début précoce, particulièrement ceux qui présentent un terrain
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prémorbide neurodéveloppemental, troubles du spectre autistique ou troubles développementaux qui pourraient être porteurs de mutations à plus haute pénétrance et cela permettrait de comprendre les mécanismes qui sous-tendent la schizophrénie. Les délétions exoniques de la NRXN1 sont le seul exemple de CNV qui affecte un seul gène (celui de la NRXN1) et montre une augmentation importante du risque pour la SCZ. Les neurexines sont des protéines pré-synaptiques qui forment des complexes trans-synaptiques avec les protéines post-synaptiques (neuroligines) afin de réguler le développement des synpases et la transmission synaptique. Des mutations ponctuelles ont été identifiées dans les neurexines dans l’autisme et la SCZ [47] et dans les neuroligines pour l’autisme [48]. En résumé, en tenant compte de ces données préliminaires, il est nécessaire de réaliser des analyses à plus large échelle. Certaines sont en cours. Il est estimé qu’environ 2 % des cas de schizophrénies seraient porteurs d’un CNV empiriquement associé à la schizophrénie [25]. De plus, dans une proportion qui irait jusqu’à 5 % (mais peut être moins), la population de SCZ serait porteur d’un CNV à haut risque d’association à la schizophrénie mais trop rare pour montrer des associations significatives dans les études actuelles. Le taux le plus important de CNV pathogénique estimé jusqu’à présent l’est dans la plus importante étude disponible sur les schizophrénies infantiles [44]. Mais, la taille de l’échantillon est trop petite pour faire une estimation valide. Il existe également une autre étude de schizophrénie infantile par Addington et Rapoport [49], où est retrouvé un taux de 10 % d’anomalies cytogénétiques et un taux de CNV de novo de 28 %, si l’on exclut les anomalies déjà identifées par cytogénétique classique. Enfin pour les CNV, il est important de repérer cliniquement certains symptômes [49]. On peut retrouver des microcéphalies dans les délétions de la région 1q21.1 et la duplication 16p11.2 alors que des macrocéphalies sont retrouvées dans la délétion du 16p11.2 [42,43,50]. L’ensemble des résultats sur les CNV peut être retrouvé dans le tableau de l’article de Levinson et al., 2011. [25]. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de mutation ponctuelle à haute pénétrance qui a été associée à la schizophrénie et il n’y a pas eu d’étude spécifiquement sur les schizophrénies à début précoce (inférieur à 18 ans). 9. Conclusions Après cinq ans d’études genome-wide de SNP et de CNV : les conclusions des différentes études montrent : • qu’on identifie un nombre croissant de SNP associés à la SCZ, chacun avec un effet mineur ; • que des effets « polygéniques » mineurs peuvent être mis en évidence en utilisant les génotypes des SNP genome-wide ; • qu’au moins cinq CNV produisent une augmentation importante du risque de développer une SCZ (∼ 2 % des cas), incluant un qui n’affecte qu’un seul gène (NRXN1). Les CNV associés à la SCZ sont en partie en commun avec ceux identifiés dans l’autisme ; certains des résultats significatifs obtenus avec des SNP sont en commun avec ceux des troubles bipolaires.
Nous sommes à un point tournant pour notre compréhension des facteurs de prédisposition génétique pour la SCZ. Un grand nombre de SNP communs contribuent pour la majeure partie au risque génétique de la SCZ. Les prochaines étapes seront d’identifier les facteurs spécifiques : • identifier les réseaux connectant des sous-ensembles de SNP, et en particulier l’un d’eux dans le complexe HLA ; • se questionner sur la récurrence de résultats dans les études qui mettent en jeu des facteurs de risque communs entre la SCZ et les TSA et la SCZ et BP/MDD. Les CNV avec des effets majeurs pour le risque de développer une SCZ permettront de comprendre certains des mécanismes étiologiques. Des études physiologiques peuvent se mettre en place en utilisant des cellules humaines provenant de cellules souches pluripotentes induites ainsi que des modèles animaux. Enfin, il est possible que ces nouvelles connaissances déboucheront sur de nouveaux traitements ou de nouvelles stratégies de prévention. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Kraepelin E. Psychiatrie. Ein Lehrbuch fur Studierende und Aerzte. 6. Auflage, Leipzig: Barth; 1899. [2] Bleuler E. Lehrbuch der psychiatrie. Berlin: Springer Verlag; 1920. [3] Kendler KS, Gruenberg AM. An independent analysis of the Danish Adoption Study of Schizophrenia. VI. The relationship between psychiatric disorders as defined by DSM III in the relatives and adopted. Arch Gen Psychiatry 1984;4:555–64. [4] Kendler KS, Neale MC, Walsh D. Evaluating the spectrum concept of schizophrenia in the Roscommon Falily Study. Am J Psychiatry 1995;152:749–54. [5] Svensson AC, Lichtenstein P, Sandin S, Öberg S, Sullivan PF, Hultman CM. Familial aggregation of schizophrenia: The moderating effect of age at onset, parental immigration, paternal age and season of birth. Scand J Public Health 2012;40:43–50. [6] Eaton WW, Martin SS, Nestadt G, Bienvenu OJ, Clarke D, Alexandre P. The burden of mental disorders. Epidemiol Rev 2008;30:1–14. [7] Kallmann FJ, Roth B. Genetic aspects of preadolescent schizophrenia. Am J Psychiatry 1956;112:599–606. [8] Cardno AG, Rijsdijk F, West RM, Gottesman II, Craddock N, Murray RM, et al. A twin study of schizo-affective mania, schizo-affective depression and other psychotic syndromes. Am J Med Genet B Neuropsychiatr Genet 2012;159:172–82. [9] Lichtenstein P, Yip BH, Björk C, Pawitan Y, Cannon TD, Sullivan PF, et al. Common genetic determinants of schizophrenia and bipolar disorder in Swedish families: a population-based study. Lancet 2009;373:234–9. [10] Morton NE. Sequential tests for the detection of linkage. Am J Hum Genet 1955;7:277–318. [11] APA. DSM IV – Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Paris: Masson; 1994. [12] Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Classification Internationale des Maladie et des problèmes de santé connexes, CIM-10/ICD 10. Paris: Masson; 1993. [13] O’Rourke DH, Gottesman II, Suarez BK, Rice J, Reich T. Refutation of the general single-locus model for the etiology of schizophrenia. Am J Hum Genet 1982;34:630–49.
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