Hématome sous-périosté orbitaire chez un enfant drépano-thalassémique

Hématome sous-périosté orbitaire chez un enfant drépano-thalassémique

Rec¸u le : 17 juillet 2009 Accepte´ le : 30 mars 2010 Disponible en ligne 7 mai 2010 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Fait clinique...

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Rec¸u le : 17 juillet 2009 Accepte´ le : 30 mars 2010 Disponible en ligne 7 mai 2010

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com



Fait clinique

He´matome sous-pe´rioste´ orbitaire chez un enfant dre´pano-thalasse´mique Orbital subperiosteal hematoma in child with sickle cell thalassemia. A case report W. Douira-Khomsia*, M. Jarrayaa, L. Ben Hassinea, H. Louatia, A. Chebbib, L. Lahmara, H. Bouguilab, I. Bellaghaa a

Service de radiologie pe´diatrique, hoˆpital d’Enfants de Tunis, place Bab Saadoun, 1007 Tunis Jabbari, Tunisie b Service d’ophtalmologie A, institut He´di Raies, Tunis, Tunisie

Summary

Re´sume´

Sickle cell anemia is the most common hemoglobinopathy worldwide; its musculoskeletal complications consist more often of medullary infarctions involving long bones. Orbital infarction is uncommon. We report on a case of orbital subperiosteal hematoma in a 9-year-old male with a medical history of sickle cell thalassemia. ß 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La dre´panocytose est l’he´moglobinopathie la plus commune. Ses complications musculo-squelettiques consistent le plus souvent en des infarctus me´dullaires impliquant les os longs. L’infarctus orbitaire est rare. Nous rapportons un cas d’he´matome sous-pe´rioste´ orbitaire secondaire a` un infarctus orbitaire chez un garc¸on dre´panothalasse´mique aˆge´ de 9 ans. ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Dre´panocytose, Orbites, He´matome sous-pe´rioste´, Enfant

1. Introduction La dre´panocytose est la plus fre´quente des he´moglobinopathies. Elle s’exprime le plus souvent par des crises vasoocclusives entraıˆnant des dysfonctionnements d’organes tels que les infarctus osseux. Ce type de complication porte ge´ne´ralement sur les os longs, les os plats e´tant rarement atteints. Le cas que nous rapportons illustre une localisation orbitaire rare d’infarctus osseux complique´ d’un he´matome sous pe´rioste´ survenant au de´cours d’une crise vaso-occlusive chez un enfant dre´pano-thalasse´mique.

2. Cas clinique Un garc¸on aˆge´ de 9 ans, dre´pano-thalasse´mique suivi depuis l’aˆge de 4 ans, consultait pour l’apparition brutale d’une * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] 0929-693X/$ - see front matter ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.arcped.2010.03.014 Archives de Pe´diatrie 2010;17:1174-1177

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tume´faction orbitaire gauche douloureuse (fig. 1). L’examen clinique a` son admission notait une apathie avec paleur, icte´re et tempe´rature a` 38 8C. La pression arte´rielle e´tait de 130/ 85 mmHg, la fre´quence cardiaque a` 120 battements/min, la fre´quence respiratoire a` 25 cycles/min. L’examen ophtalmologique mettait en e´vidence une exophtalmie gauche non pulsatile associe´e a` un e´paississement des parties molles pe´riorbitaires et a` des signes inflammatoires locaux. L’acuite´ visuelle e´tait de 6/10 a` gauche et de 8/10 a` droite. Le fond d’œil re´ve´lait une hyperhe´mie avec sure´le´vation papillaire. Le reste de l’examen physique e´tait normal en dehors d’arthralgies des 2 coudes, une sensibilite´ de la re´gion e´pigastrique et une sple´nome´galie. Le bilan biologique re´ve´lait une concentration d’he´moglobine a` 7 g/dl, des plaquettes a` 200 000/mm3, des leucocytes a` 5000/mm3 et une cre´atine´mie a` 1,4 mg/dl. Les he´mocultures e´taient ne´gatives. Le taux de prothrombine et le temps de ce´phaline-kaolin e´taient e´galement normaux. La tomodensitome´trie (TDM) orbitaire montrait une formation fusiforme intra-orbitaire gauche jouxtant la paroi

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Figure 1. Tume´faction orbitaire gauche entraıˆnant une exophtalmie associe´e a` des signes inflammatoires locaux.

osseuse externe et se raccordant a` angle ouvert avec celle-ci. Cette formation e´tait d’aspect spontane´ment hyperdense, refoulait le muscle oculomoteur homolate´ral en dedans et e´tait responsable d’une exophtalmie (fig. 2). Les coupes TDM en feneˆtre osseuse montraient e´galement un e´largissement associe´ du diploe´ du toit des deux orbites. Devant cet aspect a` la TDM, chez un enfant fe´brile, 3 diagnostics pouvaient eˆtre e´voque´s : un rhabdomyosarcome orbitaire, tumeur me´senchymateuse la plus fre´quente de l’enfant ; une oste´omye´lite du toit de l’orbite avec abce`s sous-pe´rioste´ ; et puisqu’il s’agissait d’un enfant dre´panothalasse´mique, un infarctus osseux avec he´matome souspe´rioste´. L’imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) retrouvait la formation juxta-osseuse du toit de l’orbite gauche ainsi que l’e´largissement du diploe´ du toit des deux orbites. Cette

Figure 2. Tomodensitome´trie orbitaire : coupe axiale sans injection de produit de contraste : collection juxta osseuse hyperdense localise´e a` la partie supe´ro-externe de l’orbite gauche et responsable d’une exophtalmie (fle`che).

formation e´tait en isosignal T1 par rapport au muscle, entoure´e par une couronne d’hypersignal pe´riphe´rique avec un hyposignal franc en T2 et en e´cho de gradient T2 (EG T2*) et un faible rehaussement pe´riphe´rique apre`s injection de gadolinium. Elle e´tait responsable d’un effet de masse sur le nerf optique et les muscles oculomoteurs droit supe´rieur, droit late´ral et grand oblique gauches. L’os frontal sus-jacent e´tait le sie`ge d’une anomalie de signal et d’une prise de contraste he´te´roge`ne. Devant cet aspect a` l’IRM, un rhabdomyosarcome orbitaire e´tait facilement e´carte´ puisqu’il est typiquement en hypersignal T2. Une oste´omye´lite avec abce`s sous-pe´rioste´ e´tait e´galement e´limine´e devant la normalite´ du bilan biologique, mais e´galement le signal de la le´sion en T2 et la faible prise de contraste pe´riphe´rique. En effet, l’hyposignal franc en T2 et en EG* T2 orientait vers la pre´sence de produit de de´gradation de l’he´moglobine et donc le diagnostic retenu e´tait un he´matome sous-pe´rioste´ du toit de l’orbite gauche avec infarctus osseux pe´riorbitaire. L’e´largissement bilate´ral du diploe´ e´tait explique´ par l’hyperplasie me´dullaire lie´e au terrain dre´pano-thalasse´mique (fig. 3a–c). Le patient recevait un traitement comportant des antalgiques, de l’hydroxyure´e et des transfusions sanguines. L’e´volution e´tait remarquable avec re´cupe´ration de la motilite´ oculaire et re´gression de l’exophtalmie et de la tume´faction pe´riorbitaire au bout de 16 j (fig. 4).

3. Discussion La dre´panocytose est une he´moglobinopathie he´re´ditaire particulie`rement re´pandue en Afrique. Elle est due a` la substitution de l’he´moglobine fœtale par une he´moglobine S anormale responsable de la falsification des globules rouges en cas d’hypoxie ou d’acidose et de la survenue de crises vasoocclusives qui sont caracte´ristiques de la maladie. Ces crises inte´ressent ge´ne´ralement les os tubulaires chez le petit enfant et les os longs chez le grand enfant du fait de leur richesse en moe ¨lle he´matopoı¨e´tique a` ces pe´riodes de vie. Les os plats, tels que les os du craˆne, sont plus rarement touche´s et l’atteinte, dans ce cadre, se manifeste par un e´largissement de la me´dullaire osseuse, un amincissement des tables interne et externe de l’os et par une oste´ope´nie due a` l’hyperplasie me´dullaire, qui est habituellement prononce´e au cours de la dre´pano-thalasse´mie, ce qui e´tait le cas dans notre observation [1–4]. Les infarctus osseux orbitaires sont une complication exceptionnelle des syndromes dre´panocytaires. A` ce jour, 26 observations ont e´te´ rapporte´es dans la litte´rature [4–6]. Sur le plan clinique, l’infarctus osseux pe´riorbitaire se traduit par des douleurs frontales ou faciales, une fie`vre, un œde`me pe´riorbitaire, voire un syndrome de compression orbitaire (SCO) de se´ve´rite´ variable [7,8]. Ce SCO, initialement appele´ syndrome de l’apex orbitaire, associe un œde`me pe´riorbitaire douloureux avec exophtalmie et limitation des mouvements

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W. Douira-Khomsi et al.

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Figure 3. Imagerie par re´sonance magne´tique ce´re´brale : he´matome sous-pe´rioste´ du toit de l’orbite gauche (stade subaigu) pre´sentant une couronne pe´riphe´rique en hypersignal T1 (a : coupe sagittale oblique T1 - fle`che) et un hyposignal franc en T2 (b : coupe coronale T2). Notez le refoulement du nerf optique et des muscles oculomoteurs par l’he´matome ainsi que l’anomalie du signal du diploe´ (b : e´toile). Rehaussement faible et pe´riphe´rique de l’he´matome apre`s injection de gadolinium (c : coupe coronale T1 apre`s saturation de la graisse et injection de gadolinium).

oculaires ; il re´sulte de la mise sous tension des e´le´ments musculaires et nerveux contenus dans un volume orbitaire restreint. Ses causes sont varie´es, infectieuses, tumorales ou pseudo tumorales [5]. Dans la dre´panocytose, le SCO a e´te´ initialement attribue´ a` une occlusion des veines ophtalmiques au niveau de l’apex orbitaire au cours des accidents vasoocclusifs [9]. Cependant la reconnaissance des infarctus

Figure 4. Re´gression de l’exophtalmie apre`s 16 j.

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osseux pe´riorbitaires a permis d’incriminer des phe´nome`nes inflammatoires secondaires a` l’ische´mie me´dullaire [5]. Par ailleurs, le de´veloppement d’un he´matome au niveau de l’espace orbitaire, comme chez notre patient, a pu contribuer au de´veloppement et a` l’aggravation d’un SCO. Les he´matomes sous-pe´rioste´s compliquent environ deux tiers des infarctus osseux orbitaires au cours des syndromes dre´panocytaires, ils peuvent re´ve´ler un traumatisme facial meˆme minime ou eˆtre secondaire a` une extravasation sanguine des vaisseaux me´dullaires occlus [4,5,10]. Dans notre observation, l’he´matome sous-pe´rioste´ e´tait secondaire au saignement me´dullaire comme en te´moignait l’hypersignal T1 spontane´ intra-diploı¨que adjacent. Le diagnostic diffe´rentiel entre infarctus osseux et oste´omye´lite aigue ¨ est souvent difficile du fait de la similitude des pre´sentations cliniques et radiologiques. La scintigraphie osseuse au techne´tium 99, non pratique´e dans le cas que nous rapportons, est d’un grand apport. Elle met en e´vidence un de´faut de fixation du radiotraceur au niveau du territoire

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osseux infarci. En outre, l’oste´omye´lite aigue ¨ est beaucoup moins fre´quente que les accidents vaso-occlusifs au cours des syndromes dre´panocytaires et sa localisation orbitaire dans ce contexte n’a encore jamais e´te´ de´crite dans la litte´rature [11]. L’imagerie en coupe (TDM et surtout IRM) est essentielle pour le diagnostic de l’he´matome sous-pe´rioste´. Devant un contexte clinique e´vocateur d’un infarctus osseux pe´riorbitaire, la TDM oriente vers le diagnostic devant la pre´sence d’une le´sion fusiforme juxta osseuse spontane´ment hyperdense. Cependant, elle reste limite´e dans l’e´tude des anomalies de la me´dullaire osseuse et peut parfois poser le proble`me de diagnostic diffe´rentiel avec une le´sion tumorale type rhabdomyosarcome, comme dans notre observation. L’IRM est, dans ce domaine, supe´rieure. Elle permet de confirmer le diagnostic d’he´matome en montrant un hyposignal franc T2 et EG T2*, de mieux pre´ciser son sie`ge et ses rapports et de mieux e´tudier les anomalies de signal intra me´dullaires associe´es qui apparaissent en hypersignal T2 et hyposignal T1. La prise en charge de ces infarctus osseux pe´riorbitaires de´pend de l’existence d’un he´matome re´tro-orbitaire associe´, de sa taille et de l’importance de son effet de masse sur le nerf optique. Chez notre patient, l’e´volution a e´te´ favorable sous traitement antalgique et apre`s re´hydratation et n’a pas ne´cessite´ de drainage chirurgical.

4. Conclusion L’he´matome sous-pe´rioste´ secondaire a` un infarctus osseux orbitaire est une complication exceptionnelle de la dre´panocytose. Son diagnostic doit eˆtre suspecte´ devant un SCO chez un patient dre´panocytaire. L’apport de l’imagerie en coupe (TDM et IRM) est capital permettant de faire le diagnostic positif et d’e´carter les principaux diagnostics diffe´rentiels. L’IRM permet en outre de montrer les modifications osseuses lie´es a` l’hyperplasie me´dullaire.

Conflit d’inte´reˆt Aucun.

Re´fe´rences [1]

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