IRM de dépistage d’une patiente à haut risque

IRM de dépistage d’une patiente à haut risque

Quel est votre diagnostic ? 46 Imagerie de la Femme 2006;16:46-49 © Masson, Paris, 2006 Quel est votre diagnostic ? IRM de dépistage d’une patient...

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Quel est votre diagnostic ?

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Imagerie de la Femme 2006;16:46-49 © Masson, Paris, 2006

Quel est votre diagnostic ?

IRM de dépistage d’une patiente à haut risque Karen Kinkel Institut de radiologie, Clinique des Grangettes, 7, chemin des Grangettes, CH 1224 ChêneBougeries, Suisse. Correspondance : K. Kinkel, à l’adresse ci-dessus. Email : [email protected]

Observation Demande d’IRM des seins chez une patiente de 49 ans, porteuse d’une mutation BRCA1 et ayant subi une tumorectomie pour cancer lobulaire invasif du sein droit en 2004 (6 mois auparavant). Dossier comparatif d’une mammographie avec échographie mammaire effectuée une semaine avant. Réalisation d’une IRM mammaire bilatérale à 1.5T, en pondération T1 par technique 3D, en incidence sagittale avec suppression de graisse par excitation d’eau (WATS).

Quel est votre diagnostic du sein gauche en appliquant la terminologie BI-RADs® ? (fig. 1 et 2)

Figure 1. Mammographie numérique du sein gauche. • a : en incidence de face. • b : en incidence axillaire.

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d Figure 2. IRM des seins. • a : image sagittale native en pondération T1 avec suppression de graisse du sein gauche. • b : image post-injection précoce au même niveau que la fig. 2a, 2 minutes 30 après injection intraveineuse de produit de contraste. • c : image post-injection tardive au même niveau que la fig. 2a, après injection intraveineuse de produit de contraste, au temps 7 minutes 30 après injection. • d : image de maximum intensity projection (MIP) au temps postinjection de 2 minutes 30 en incidence sagittale. • e : MIP en incidence axiale au temps post-injection de 2 minutes 30.

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Diagnostic Les deux incidences mammographiques comparatives du sein gauche (fig. 1) montrent une densité mammaire élevée, hétérogène (densité 3) qui limite la sensibilité de la mammographie. Il n’y pas d’image mammographique suspecte, en particulier pas de foyer de microcalcification, pas d’opacité spiculée ou masquée et pas de distorsion architecturale. Le chiffre BI-RADS final de cette mammographie est de 1. L’échographie complémentaire réalisée le même jour (images non montrées) a été considérée comme normale. La figure 2a montre l’absence de pathologie spontanément en hypersignal dans un sein globalement dense. La prise de contraste précoce des quadrants inférieurs sur la figure 2a correspond à une prise de contraste non focale, décrite comme canalaire en raison de sa forme linéaire irrégulière, différente d’un vaisseau. Son intensité de rehaussement est modérée car inférieure à celle des vaisseaux, mais supérieure à la prise de contraste faible, punctiforme diffuse du parenchyme mammaire restant. L’analyse de la cinétique sur la figure 2c montre une possible fuite de produit de contraste. Cependant, la qualité de cette image tardive est amoindrie par l’artéfact de mouvement respiratoire, bien visible par l’aspect double et flou des vaisseaux sanguins de la moitié antérieure du sein. Cet artéfact empêche l’utilisation de courbe dont la valeur serait faussée par le volume partiel dû au déplacement de parenchyme mammaire. Les projections MIP des figures 2d et 2e du temps précoce confirment la réalité de cette prise de contraste dont la forme triangulaire est mieux reconnaissable en MIP. Ces images MIP permettent de classer ce rehaussement en prise de contraste segmentaire et de le mesurer à 10 × 5 × 5 mm. Son contenu homogène la rend hautement suspecte d’une pathologie canalaire in situ. Malgré l’absence de renseignement sur la cinétique, cette image a été classé en BI-RADs® 4 devant

Figure 3. Image échographique Doppler Couleur en incidence sagittale des quadrants inférieurs du sein gauche.

son aspect morphologique suspect. Devant la négativité de la mammographie, une échographie complémentaire dirigée sur les quadrants inférieurs du sein gauche a été réalisée (fig. 3). Elle montre un nodule hypoéchogène irrégulier dans le tiers postérieur du quadrant inféro-externe du sein gauche d’environ 10 × 5 mm. L’analyse en Doppler couleur montre de petits vaisseaux verticaux dans sa partie antérieure alors que le reste du sein est peu vascularisé. Devant la corrélation en forme, taille et position de l’anomalie IRM et échographique, on juge qu’il s’agit probablement de la même lésion et on poursuit par une biopsie échoguidée par technique coaxiale moyennant un pistolet automatique 14G ramenant 5 carottes tissulaires blanchâtres. Le résultat histologique montre une hyperplasie canalaire atypique possiblement canalaire in situ, mais trop petite pour affirmer ce diagnostic. La patiente subit une tumorectomie après repérage échographique de la lésion. Le diagnostic histologique de la pièce de tumorectomie montre un carcinome canalaire in situ cribriforme de bas grade mesurant 11 × 10 × 5 mm et réséqué en marge saine.

Discussion Ce cas montre l’importance de la connaissance des prises de contraste canalaire ou segmentaire pour le dépistage de cancer canalaire in situ

[1, 2]. Leur visualisation est facilitée par des techniques d’IRM en haute résolution spatiale le plus souvent sous forme segmentaire ou canalaire [2]. Leur diagnostic avait été initialement décrit comme faux négatif de l’IRM en raison du manque fréquent d’une cinétique de lavage [3]. En effet, dans une étude rétrospective, seul 77 % des patientes présentaient une cinétique de lavage. La découverte d’une anomalie IRM suspecte déclenche sa recherche par d’autres techniques d’imagerie, plus facilement utilisable comme outil de guidage pour réaliser une biopsie. Cependant, seule la biopsie sous guidage IRM pourrait garantir que la lésion biopsiée corresponde à l’image IRM suspecte. Les biopsies sous guidage IRM ont le défaut de ne pas montrer en temps réel le bout de l’aiguille et la lésion au moment du déclenchement du mécanisme de tir. En raison de la moindre qualité de coupe des aiguilles amagnétiques, la taille des prélèvements tissulaires est plus petite. La taille minimale d’une lésion biopsiable sous IRM a été décrite comme supérieure à 5 mm [4]. En raison de ces difficultés, il est logique de chercher d’autres voies de guidage plus facile à réaliser. La différence entre une image échographique et IRM entraîne des risques que la lésion biopsiée sous ultrasons ne corresponde pas à l’image IRM. Dans le cas de cette patiente, le résultat histologique est

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concordant puisque l’on s’attend à cette histologie devant la présentation morphologique typique de cancer canalaire in situ. Si la biopsie échoguidée n’avait pas montré de lésion suspecte, il aurait fallu faire un contrôle IRM 6 mois plus tard. En effet, la localisation d’une lésion vue en échographie, en décubitus, n’est pas forcément la même qu’un cas de découverte IRM, réalisée en procubitus. Les patientes porteuses de la mutation BRCA1 peuvent présenter tous les types histologiques de cancer du sein avec cependant une fréquence accrue de présentation morphologique ou dynamique atypique, c’est à dire plutôt bénigne dans les cancers canalaires invasifs [5]. Une prudence accrue est donc de règle pour l’interprétation des images IRM en cas de connaissance

préalable du status génétique de la patiente.

Références [1]

Conclusion Ce cas illustre l’importance des IRM mammaires de dépistage chez les patientes à haut risque avec des seins denses. Il montre également l’importance des échographies mammaires complémentaires en cas d’IRM suspecte, même si l’échographie initiale (sans connaissance des données IRM) avait été considérée comme normale. La visualisation d’une anomalie échographique susceptible de correspondre à l’anomalie IRM est couronnée de succès dans 40 à 70 % des cas selon les études récentes. Des études prospectives sont nécessaires pour valider cette démarche et fournir des données statistiques plus importantes.

[2]

[3]

[4]

[5]

Gilles R, Zafrani B, Guinebretiere JM, Meunier M, Lucidarme O, Tardivon A et al. Ductal carcinoma in situ: MR imaging-histopathologic correlation. Radiology 1995;196:415-9. Orel SG, Mendonca MH, Reynolds C, Schnall MD, Solin LJ, Sullivan DC. MR imaging of ductal carcinoma in situ. Radiology 1997;202:413-20. Kinkel K, Hylton NM. Challenges to interpretation of breast MRI. J Magn Reson Imaging 2001;13:821-9. Kuhl CK, Morakkabati N, Leutner CC, Schmiedel A, Wardelmann E, Schild HH. MR imaging-guided large-core (14gauge) needle biopsy of small lesions visible at breast MR imaging alone. Radiology 2001;220:31-9. Kuhl CK, Schmutzler RK, Leutner CC, Kempe A, Wardelmann E, Hocke A et al. Breast MR imaging screening in 192 women proved or suspected to be carriers of a breast cancer susceptibility gene: preliminary results. Radiology 2000;215:267-79.

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