La morbidité maternelle grave

La morbidité maternelle grave

La Revue Sage-Femme (2008) 7, 21—26 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com TRAVAIL ORIGINAL La morbidité maternelle grave夽 Severe maternal m...

136KB Sizes 98 Downloads 198 Views

La Revue Sage-Femme (2008) 7, 21—26

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

TRAVAIL ORIGINAL

La morbidité maternelle grave夽 Severe maternal morbidity Sonia Ben Hamouda ∗, Héla Khoudayer, Héla Ben Zina, Abdelwaheb Masmoudi, Badreddine Bouguerra, Rachida Sfar Service de gynécologie-obstétrique B, hôpital Charles-Nicolle, boulevard du 9-avril, 1006 Tunis, Tunisie Disponible sur Internet le 19 mai 2008

MOTS CLÉS Mortalité maternelle ; Morbidité maternelle grave ; Consultation prénatale

Résumé But. — La morbidité maternelle grave constitue un problème de santé publique dans les pays en voie de développement. On se propose dans ce travail rétrospectif, analytique et descriptif de rapporter les caractéristiques des patientes et d’identifier les différentes pathologies responsables d’une lourde morbidité maternelle. Matériels et méthodes. — Nous avons recensé 119 cas de pathologies maternelles graves de la grossesse ou de l’accouchement sur un total de 19732 naissances vivantes de janvier 1999 à décembre 2003. Résultats. — La morbidité maternelle a été calculée à 602,25 pour 100 000 naissances vivantes et les hémorragies obstétricales représentaient la cause la plus fréquente de morbidité maternelle grave (39 %), suivies par les complications de la maladie hypertensive, (25 %). Le taux de mortalité maternelle était de 30,4 pour 100 000 naissances vivantes et c’étaient les complications de la maladie hypertensive qui représentaient la première cause de mortalité contrairement aux données chiffrées tunisiennes où les hémorragies représentent la première cause de mortalité maternelle. Conclusion. — l’amélioration du pronostic des grossesses à haut risque a permis de diminuer la mortalité maternelle. Malgré cette diminution des efforts restent à réaliser dans la prise en charge des pathologies obstétricales graves responsables d’une lourde morbidité maternelle notamment les complications de la maladie hypertensive. © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Abréviations: HELLP syndrome, Hemolysis Elevated Liver enzymes Low Platelets count syndrome ; SHAG, Stéatose hépatique aiguë gravidique ; NV, Naissances vivantes ; SA, Semaines d’aménorrhée ; UNICEF, United Nations International Children’s Emergency Fund ; CPN, Consultation pré-natale. 夽 Ce texte est déjà paru sous la référence J Gynecol Obstet Bio Reprod 2007; 36: 694—698. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Ben Hamouda). 1637-4088/$ — see front matter © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.sagf.2008.03.007

22

S. Ben Hamouda et al.

KEYWORDS Maternal mortality; Severe maternal morbidity; Prenatal consultation

Summary Objectives. — Severe maternal morbidity remains a public health issue in developing countries. We report in this retrospective study, patients’ characteristics and frequency of pathologies responsible of severe maternal morbidity. Materials and methods. — Between January 1999 and December 2003, 119 cases of severe maternal pathologies of pregnancy and delivery occurred among 19 732 live births. Results. — Severe maternal morbidity was 602,25 per 100 000 live births and obstetrical haemorrhages were the most frequent cause (39 %) followed by hypertensive disease (25 %). Maternal mortality rate was 30,4 per 100 000 live births, and hypertensive disease represents the first cause of mortality in our study, contrary to all Tunisian data where haemorrhage remains the first one. Conclusion. — improvement of prognostic of high risk pregnancies has allowed diminution of maternal mortality. Instead of this diminution efforts must be done in the management of severe obstetrical pathologies responsible of high maternal morbidity notably complications of hypertensive disease. © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

La morbidité maternelle grave représente toute complication sévère de la grossesse et/ou de l’accouchement où en l’absence de soins appropriés, le décès survient inévitablement. Elle constitue encore un problème de santé publique majeur dans les pays en développement [1]. Le but de notre travail est de déterminer la fréquence et la nature des pathologies sévères grevées d’une lourde morbidité maternelle.

Matériels et méthodes Il s’agit d’une étude descriptive, rétrospective, sur une période de 5 ans allant de janvier 1999 à décembre 2003. Cette étude réalisée dans un service gynécologie obstétrique avec une maternité de niveau III drainant une population à risque a inclus toutes les patientes ayant présenté une complication sévère de la grossesse et/ou de l’accouchement avec menace du pronostic vital ou décès de la patiente. Le recrutement des patientes pour accouchement se fait à partir des patientes hospitalisées en unité de grossesse à haut risque du service, des patientes suivies à la consultation externe, dans les maternités périphériques et chez les médecins de libres pratiques. Nous ne recevons que très peu de transferts d’autres maternités de niveau inférieur pour complications de la grossesse ou de l’accouchement. Les complications sévères de la grossesse ou de l’accouchement comprenaient : - les hémorragies obstétricales graves jugées sur la base des conséquences thérapeutiques qu’elles entraînaient telles que le recours aux transfusions sanguines, un traitement chirurgical par ligature vasculaire ou par hystérectomie ; - les complications de la maladie hypertensive comprenant l’éclampsie et le HELLP (Hemolysis, Elevated Liver enzymes, Low Platelets count) syndrome. Le HELLP syndrome a été défini comme l’association d’une hémolyse avec des LDH > 600 UI/ml ou un taux de bilirubine > 1,2 mg/dl, des ASAT > 70 UI/ml et une thrombopénie < 100 000 éléments/mm3 ; - les infections gravido-puerpérales sévères concomitantes à l’issue de la grossesse faisaient également partie de

ces complications et le diagnostic a été retenu sur l’association d’au moins deux des critères suivants : une température supérieure à 38 ◦ C ou inférieure à 36 ◦ C, un rythme cardiaque supérieur à 90 battements par minute, un rythme respiratoire supérieur à 20 cycles par minute et des globules blancs supérieurs à 12 000 ou inférieurs à 4000 éléments/ml ; - les autres complications prises en considération étaient la maladie thrombo-embolique, comprenant les thromboses veineuses profondes et les embolies pulmonaires, et la stéatose hépatique aiguë gravidique (SHAG) ; - en outre tous les décès maternels ont été inclus. La fréquence de la morbidité maternelle sévère a été calculée en rapportant le nombre de patientes ayant présenté une complication sévère de la grossesse ou de l’accouchement au nombre des naissances vivantes et exprimé pour 100 000 naissances vivantes (NV). Le recensement des cas s’est fait à partir des dossiers d’hospitalisation codés pour le diagnostic des pathologies obstétricales comme l’éclampsie, le HELLP syndrome et les infections gavido-puerpérales. Les dossiers des patientes ayant présenté une hémorragie ont été retirés a partir du codage des actes chirurgicaux réalisés en per partum en cas de traitement chirurgical de l’hémorragie et du registre transfusionnel dans les cas où l’hémorragie n’a nécessité qu’un traitement médical par utérotoniques et transfusion de sang et/ou de ses dérivés. Les données ont été saisies sur le logiciel SPSS version 8.0. Les variables qualitatives ont été exprimées en pourcentage. Les variables quantitatives ont été exprimées par la moyenne ± déviation standard en cas de distribution gaussiennes, sinon par la médiane et les extrêmes en cas de distribution non gaussiennes.

Résultats Sur une période de 5 ans, nous avons recensé 20 071 accouchements avec 19 736 NV. Cent dix neuf patientes ont présenté une complication grave de la grossesse et/ou de l’accouchement ce qui correspond à un taux de morbidité maternelle grave de 602,25 pour 100 000 NV.

LA Morbidité maternelle grave

Tableau 1

caractéristique des patientes décédées et causes du décès.

Characteristics and death causes of patients.

observation

Age (année)

Antécédents Gestité/ Suivi de parité grossesse

Délai envoie/ arrivée

Déroulement grossesse

Age gestationnel

Accouchement

Délai accouchement/décès

Cause du décès

1

30

G3/P2

2

37

Toxémie gravidique RAS

En ville

Jour même

27 SA

Césarienne

5 jours

Hémorragie méningée

G4/P3

En ville

24 heures

Toxémie gravidique Normal

40 SA

Voie basse

10 heures

RAS

G1/P1

Maternité régionale

Jour même

Normal

28 SA

Vie basse

7 jours

29 ans

RAS

G1/P1

En ville

24 heures

Normal

34 SA

Voie basse

18 heures

5

37 ans

RAS

G3/P3

Au service



40 SA

Voie basse

26 heures

6

23 ans

Toxémie gravidique

G2/P2

Maternité régionale



Diabète gestationnel Normal

39 SA

Voie basse

5 heures

Etat de mal éclamptique avec HELLP syndrome Infarctus veineux entéromésentérique Eclampsie avec HELLP syndrome Hémorragie par rupture utérine Hémorragie par inertie utérine

3

25

4

23

24

S. Ben Hamouda et al.

Tableau 2

Répartition des principales causes de morbidité maternelle grave.

Main causes of severe maternal morbidity.

Causes

na

pourcentage

Décès (n)

Hémorragie Maladie hypertensive Infection SHAGb Maladie thombo-embolique

46 30 17 15 11

39 25 14 13 9

2 4 — — —

Total

119

100

6

a b

n : nombre de patientes. SHAG : stéatose hépatique aigue gravidique.

Six décès maternels ont été observés, soit un taux de mortalité maternelle de 30,4 pour 100 000 NV. Ces décès sont survenus suite aux complications de la maladie hypertensive dans 4 cas et à l’hémorragie du post-partum dans 2 cas. Le Tableau 1 résume les caractéristiques des patientes décédées et la cause du décès. Parmi les complications graves, nous rapportons principalement 46 cas d’hémorragie de la délivrance, 30 cas de complications de la maladie hypertensive, et 17 cas d’infections sévères concomitantes à l’issue de la grossesse. En outre, 15 cas de SHAG ont été recensés au cours de cette période d’étude et 11 accidents thrombo-emboliques (Tableau 2). Les complications hémorragiques représentaient la cause la plus fréquente de morbidité maternelle sévère et concernaient 46 patientes. Le diagnostic d’hémorragie de la délivrance a été retenu devant une hémorragie génitale extériorisée isolée 3 fois sur 4. Chez les autres patientes, le diagnostic a été posé devant une instabilité hémodynamique ou l’association instabilité hémodynamique et saignement génital. L’âge des patientes était de 32 ans avec des extrêmes de 23 à 45 ans. Quinze patientes étaient âgées de plus de 35 ans. L’âge gestationnel moyen de survenue était de 36 semaines d’aménorrhée (SA) ± 3 SA. Le délai de survenue de l’hémorragie était de 28 minutes avec un maximum de 240 minutes après l’accouchement. L’hémorragie de la délivrance était en rapport principa-

Tableau 3

lement avec une inertie utérine dans 14 cas, compliquée dans 7 cas de coagulation intra vasculaire disséminée. L’hématome rétro-placentaire compliqué de troubles de l’hémostase était retrouvé dans 10 cas associé dans 9 cas à une mort fœtale in utéro. Les autres étiologies de l’hémorragie de la délivrance étaient surtout les lésions traumatiques du tractus génital (Tableau 3). Les complications de la maladie hypertensive, retrouvées chez 30 patientes, représentaient la 2ème cause de morbidité maternelle grave et la première cause de mortalité maternelle dans le service au cours de cette période d’étude. Les 21 patientes ayant présenté un HELLP syndrome avaient un âge médian de 33 ans avec des extrêmes de 18 et de 43 ans et 12 d’entre elles étaient primipares. L’âge gestationnel moyen au moment de l’admission était de 35,7 SA ± 5 SA. Le terme au moment de l’accouchement était de 36 SA. Le délai moyen de survenue du HELLP syndrome par rapport à l’accouchement était de 1,1 jour. Pour les 9 patientes ayant présenté une crise d’éclampsie, l’âge moyen était de 26,8 ans ± 4 ans. La parité variait de 1 à 3. Aucune patiente n’avait d’antécédent de toxémie gravidique. L’âge gestationnel moyen au moment de la survenue de la crise d’éclampsie était de 32 SA ± 5 SA. Sept cas sont survenus en anté-partum et 2 cas en post-partum. Une patiente sur trois a présenté une crise d’éclampsie alors qu’elle était sous sulfate de magnésium. Parmi ces patientes, 2 ont développé un HELLP syndrome, une patiente a présenté une insuffisance rénale

Etiologies des hémorragies du péri-partum.

Aetiologies of peripartum haemorrhages.

Causes

na

pourcentage

Décès (n)

Inertie utérine Hématome rétro-placentaire Hémorragie per opératoire Rupture utérine Délabrement vaginal Déchirure du col Thrombus vulvo-vaginal Placenta praevia

14 10 6 6 5 2 2 1

12 9 5 4 4 2 2 1

1 — — 1 — — — —

Total

46

100

2

a

n : nombre de patientes.

LA Morbidité maternelle grave avec œdème aigu des poumons, une autre patiente a eu une thrombophlébite cérébrale. Quant aux complications thrombo-emboliques, elles ont concerné 11 patientes dont 8 ont développé une thrombophlébite des membres inférieurs et 3 une embolie pulmonaire. Parmi ces 11 patientes, 2 avaient des antécédents de thrombose veineuse profonde des membres inférieurs et 5 d’importantes varices des membres inférieurs. Sept de ces accidents thrombo-emboliques sont survenus après césarienne, 4 après un accouchement par voie basse, malgré une prophylaxie par l’héparine à bas poids moléculaire chez 6 de ces 11 patientes. L’autre pathologie responsable de morbidité maternelle grave était l’infection gravido-puerpérale survenue chez 17 patientes d’âge moyen 28,5 ± 5 ans. Le délai moyen d’apparition des symptômes en post-partum était de 3 jours chez 11 patientes ayant accouché par voie basse et 6 par césarienne au cours du travail. Parmi les autres pathologies responsables d’une lourde morbidité maternelle, nous rapportons 15 cas de SHAG. L’age moyen des patientes était de 34 ans. L’âge gestationnel moyen au moment de l’admission était de 33,7 SA ± 3 SA et au moment de l’accouchement de 35 SA ± 2 SA. Quatre fois sur 5, le diagnostic a été porté en anté-partum et 1 fois sur 5 en post-partum après un délai moyen de 1,2 jour après l’accouchement.

Discussion La définition de la morbidité maternelle grave pose toujours le problème des éléments à prendre en considération. Dans leur première enquête réalisée en 1991 en France, BouvierColle et al. [2] ont comptabilisé toutes les pathologies qui menac ¸aient le pronostic vital de la mère et qui nécessitaient une admission en unité de soins intensifs ou en réanimation. Cette définition est très dépendante de l’organisation de soins et lorsqu’une complication survient au cours de la grossesse, elle est généralement bien prise en charge dans la maternité. Dans une seconde enquête européenne multicentrique publiée en 2001 par le même auteur, et au vu des résultats de la première enquête, seules les trois pathologies les plus fréquemment impliquées dans la morbidité maternelle graves ont été retenues. Il s’agit des hémorragies per et post-partum de plus de 1,5 litres, des pré-éclampsies graves et éclampsies y compris le HELLP syndrome et des infections gravido-puerpérales [3]. Dans notre travail, la morbidité maternelle sévère était corrélée aux pathologies graves les plus fréquentes dans notre milieu mettant en jeu le pronostic vital maternel et survenant au cours de la grossesse, l’accouchement ou le post-partum. La fréquence de ces pathologies diffère d’un service à un autre en fonction de la population qu’il draine et du niveau de la maternité, d’où la possibilité de surestimation de la morbidité maternelle grave par rapport aux études menées sur toute une région sanitaire. Ainsi, dans notre service, les complications hémorragiques qui représentent 39 % des cas apparaissent la première cause de morbidité maternelle grave, suivies par les complications de la maladie hypertensive, 25 %. Mais ce sont ces dernières qui représentent la première cause de décès dans notre série. Concernant l’ensemble du pays, une enquête a été menée à

25 l’échelle nationale en 1994 sur tous les dossiers de femmes en âge de procréer avec pour objectifs l’identification des facteurs de risque de la mortalité maternelle en Tunisie. Elle a montré que le taux de mortalité maternelle était de 69 pour 100 000 NV et que la principale cause de décès était l’hémorragie suivie par les complications de la maladie hypertensive [4]. Plus récemment, ce taux a régressé à 54 pour 100 000 NV après une deuxième enquête publiée en 2000 par l’Organisation Mondiale de la Santé et sa diminution est due entre autres à l’identification des facteurs de risque et la codification de leur prise en charge [5]. La différence observée sur la première cause de mortalité entre notre série et l’ensemble du pays pourrait s’expliquer par le recrutement des malades. En effet nous recevons très peu de patientes pour grossesse ou accouchement compliqués d’hémorragie, alors que pour les patientes présentant une complication de la maladie hypertensive, elles sont le plus souvent hospitalisées dans l’unité de grossesse à risque après découverte de la maladie par le médecin de la consultation externe ou le médecin de ville. La morbidité maternelle constitue un véritable problème de santé publique dans les pays en voie de développement. Si dans les pays d’Afrique du Nord, et avec les réels progrès enregistrés, notamment en Tunisie, le taux de mortalité maternelle est parmi les plus bas des pays en voie de développement, il en est autrement en Afrique sub-saharienne où ce taux est 100 fois plus élevé qu’en Europe [6]. Dans cette région du monde et selon les dernières estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé et de l’UNICEF (United Nations International Children’s Emergency Fund), 585 000 femmes meurent encore chaque année des complications de la grossesse ou de l’accouchement soit près de 80 000 de plus qu’au milieu des années 80 [7,8] et les pathologies obstétricales continuent de représenter la 1ère cause de décès des femmes en âge de procréer (16 %) [9]. Ainsi, cette importante variation des taux de mortalité d’un pays à l’autre reflète une grande disparité des taux de morbidité en rapport probablement, d’une part, avec la capacité du système de soins à reconnaître la gravité des complications obstétricales lorsqu’elles surviennent, mais également avec la disponibilité des soins et leur organisation [3]. Toujours est-il que dans les pays en voie de développement, les causes de morbidité maternelle grave ne semblent guère avoir évolué depuis 10 ans et sont représentées par les hémorragies, les dystocies, l’éclampsie, les infections et les avortements compliqués [1]. Actuellement dans notre service et en comparaison avec le taux de mortalité maternelle déjà calculé entre la période de 1982 et de 1992 qui était à 59,5 pour 100 000 NV, ce taux a diminué de moitié [10], diminution due non seulement à l’organisation des soins mais aussi à la généralisation de la consultation prénatale. Le rôle de cette dernière n’est pas approuvé par tous. En effet Pour la grossesse en cours, la consultation pré-natale (CPN) est un sujet de discorde quant à son rôle dans l’amélioration de la morbidité maternelle grave. Tous les espoirs et efforts ont été placés, jusqu’à une période récente, dans l’approche fondée sur la notion de risque [11]. Cette approche était basée sur l’hypothèse que les complications obstétricales et néonatales étaient essentiellement le fait de grossesses dites à risque et que le risque obstétrical était non seulement prévisible mais qu’il pouvait être prévenu [12,13]. Mais l’analyse historique de la réduc-

26 tion de la mortalité maternelle dans les pays industrialisés a montré que la CPN n’a pas joué de rôle probant [14] et que son efficience s’est avérée faible. cours des CPN sont la supplémentation en fer et folates, la mise à jour de la vaccination contre le tétanos et le traitement de l’hypertension artérielle gravidique. Les caractéristiques des patientes à risque de développer une complication obstétricale grave ont longtemps été débattues. Pour Testa et al. [15], la morbidité maternelle grave était liée à l’âge, avec un plus grand risque aux âges extrêmes, au statut matrimonial avec un risque plus important chez les célibataires, au niveau scolaire élevé et au fait d’avoir une activité professionnelle de cadre supérieur. Toutes ces caractéristiques n’ont pas été retrouvées dans l’étude de Girard et al. [16] où le taux de morbidité le plus élevé était observé dans la tranche d’âge 20—25 ans (37,7 %) et chez des patientes mariées (65,6 %). Pour Testa et al. [15], une morbidité grave était également liée à la nulliparité (73 %), à un antécédent de césarienne (27 %) ou de mort-né (9,3 %) à des grossesses multiples (15,8 %), à une grossesse non désirée ainsi qu’à un espace inter-génésique inférieur à 2 ans ou de plus de 5 ans. Les autres facteurs de risque en rapport avec la grossesse en cours étaient une tension artérielle élevée (14,6 %), l’absence des mouvements actifs fœtaux (12,6 %) et la présence de maladie au cours de la grossesse (7,1 %) [15].

Conclusion La morbidité maternelle constitue le reflet des progrès sanitaires d’une nation. Son amélioration est le seul garant d’une moindre mortalité maternelle. Bien que des progrès ont été réalisés dans la prise en charge des grossesses à haut risque permettant une diminution de la mortalité maternelle, des efforts restent à réaliser pour les pathologies responsables d’une lourde morbidité maternelle. Un suivi régulier des grossesses, un accouchement médicalisé dans un centre de maternité de niveau III pour les grossesses à risque et une surveillance stricte en post-partum permettent d’améliorer le pronostic maternel.

Références [1] Weil O, Fernandez H. Maternité sans risque : une initiative orpheline ? J Gynecol Obstet Biol Reprod 1999;28:205—10.

S. Ben Hamouda et al. [2] Bouvier-Colle MH, Varnoux N, Costes Ph, Hatton F. Mortalité maternelle en France: fréquence et raisons de sa sousestimation dans les statistiques des causes médicales de décès. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1991;20:885—91. [3] Bouvier-Colle MH, Varnoux N ; groupe MOMS-B. Mortalité maternelle et morbidité grave dans trois régions franc ¸aises : résultats de MOMS, une enquête européenne multicentrique. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2001; 30(suppl 6):S5-9. [4] Bouvier-Colle MH. Santé maternelle, l’exemple de la Tunisie. Rev Epidemiol Sante Publique 1998;46:239—41. [5] http://www.who.int/countryfocus/cooperation strategy/ countries/ccs tun final fr.pdf [6] Loudon I. Death in child-birth. In: An international study of maternal care and maternal mortality 1800—1950. Oxford: Oxford University Clarendon Press; 1992. [7] Boerma JT. The magnitude of the maternal mortality problem in sub-saharian Africa. Soc Sci Med 1987;24:551—8. [8] Royston E, Lopez AD. On the assessment of maternal mortality. World Health Stat Q 1987;40:214—24. [9] Murray CJ, Lopez AD. Mortality by cause for eight regions of the world: Global Burden of Disease Study. Lancet 1997;349:1269—76. [10] Mahbouli S, Basli M, Messaoudi F, Messaoudi M, Chibani R, Rachdi R. La mortalité maternelle: épidémiologie, facteurs de risque et évitabilité. A propos de dix cas. Gynécologie Obstétrique Fertilité 2003;31:1018—23. [11] Prual A, De Bernis L, El joud DO. Rôle potentiel de la consultation prénatale dans la lutte contre la mortalité maternelle et la mortalité néonatale en Afrique sub-saharienne. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2002;31:90—9. [12] Backett EM, Davies AM, Petros-Barvazian A. The risk approach in health care. With special reference to maternal and child health, including family planning. Public Health Pap 1984;76:1—113. [13] Ebrahim GJ. The at-risk concept. J Trop Pediatr 1983;29: 290—1. [14] Papiernik E. La réduction de la mort maternelle; analyse historique. In : Bouyer J, Breart G, Delecour M, Dormont S, Houllemare L, Papiernik E, Pechevis M. Réduire la mortalité maternelle dans les pays en voie de développement. Pour un programme d’action. Paris : Editions centre international de l’enfance-INSERM, 1988:33—57. [15] Testa J, Ouerdraogo C, Prual A, De Bernis L, Kone B; groupe MOMA. Le poids des facteurs de risque de la morbidité maternelle grave : application à la fiche de consultation prénatale. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2002; 31:44—50. [16] Girard F, Burlet G, Bayoumeu F, Fresson J, Bouvier-Colle MH, Boutroy JL. Les complications sévères de la grossesse et de l’accouchement: état des lieux en Lorraine dans le cadre de l’enquête européenne. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2001;30(suppl 6):S10—7.