Archives de Pédiatrie 9 Suppl. 4 (2002) 447s–449s www.elsevier.com/locate/
Atelier no 2 Problèmes pulmonaires
La prise en charge à domicile A. Sardet * Centre hospitalier Dr Schaffner, 99, route de la Bassée, 62307 Lens, France
Malgré les efforts de prévention et les progrès de la réanimation au cours de ces quinze dernières années, les séquelles pulmonaires de la grande prématurité sont une réalité. Ces séquelles s’expriment parfois sur le plan clinique et fonctionnel pendant plusieurs années, voire jusqu’à l’âge adulte. La dysplasie bronchopulmonaire demeure encore la première cause de l’insuffisance respiratoire chronique obstructive de l’enfant [1]. Les phénomènes obstructifs bronchiques constituent les séquelles les plus visibles et sont la conséquence : – de modifications du revêtement muqueux – de l’inflammation bronchique – de l’augmentation de la production de mucus associée à une diminution de la clairance mucociliaire – des séquelles sous-glottiques de la ventilation. Une hyperréactivité bronchique est fréquemment associée à l’obstruction ; les atteintes parenchymateuses et alvéolaires sont pour l’instant souvent sous-estimées et mal évaluées. La symptomatologie clinique est très fréquente chez les enfants ayant reçu une oxygénothérapie de longue durée ; elle associe toux, wheezing, hyperréactivité bronchique et dyspnée d’effort [2]. La prise en charge à domicile au décours d’une hospitalisation plus ou moins longue est difficile à standardiser compte tenu de l’évolutivité très variable de la dysplasie bronchopulmonaire. Elle est réalisée en période stable, avec un retour progressif au domicile, après une évaluation familiale et une éducation concernant la surveillance et la réalisation des soins. Cette prise en charge s’organise au sein d’un réseau de soins hospitalier, libéral, voire associatif, avec un référent médical et, si possible, une infirmière coordinatrice.
1. Modalités du traitement au domicile Les modalités du traitement au domicile reposent sur plusieurs éléments : l’oxygénothérapie, les médicaments inhalés, la kinésithérapie respiratoire, la prise en charge des anomalies endotrachéales et bronchiques, le maintien de l’état nutritionnel, la prise en charge du reflux gastroœsophagien et des fausses routes, la mise en place de mesures de l’environnement et la prévention des infections. 1.1. L’oxygénothérapie de longue durée [3] L’oxygénothérapie de longue durée au domicile se justifie par les conséquences de l’hypoxémie : aggravation de la polypnée, modification de la qualité du sommeil, possibilité de malaises graves, développement d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), troubles de la croissance et troubles du développement neurologique. Ses modalités ne sont pas standardisées. Il n’existe pas de recommandations, ni de critères objectifs pour sa mise en place ou son arrêt. La plupart des prescripteurs utilisent la mesure de la saturation transcutanée en oxygène (SaO2) moyenne comme critère de mise en place avec une limite inférieure moyenne de 90 %. Pour cela, des enregistrements diurnes, nocturnes et à « l’effort » (repas) sont utilisés. De nombreux auteurs considèrent que le maintien d’une SaO2 diurne > 92 %, voire 94 %, est suffisante. Il n’existe pas d’argument pour définir une durée minimale d’oxygénothérapie, par exemple 15 h/j comme chez l’adulte, si la SaO2 d’éveil est correcte. L’oxygène est délivré à partir de concentrateurs d’oxygène ou d’oxygène liquide par l’intermédiaire de sondes ou lunettes nasales, voire de canules de trachéotomie. Le sevrage de l’oxygénothérapie de longue durée doit être progressif. 1.2. Les bronchodilatateurs et les corticoïdes inhalés
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
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Le choix entre nébulisation et chambre d’inhalation doit être discuté. Les avantages éventuels des nébulisations ne
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justifient pas toujours ses lourdes contraintes. Le choix du matériel doit être fonction de la clinique, de la réponse aux aérosols inhalés et de la présence ou non d’une oxygénothérapie. Les bronchodilatateurs sont largement utilisés en raison de la fréquence de l’hyperréactivité bronchique et des sibilances. Néanmoins, en dehors des phases de décompensation aiguë, leur efficacité n’a pas été démontrée. Il existe de grandes variabilités individuelles d’où l’intérêt de tests avant et après bronchodilatateurs mesurant la fréquence respiratoire, la SaO2, les signes de lutte respiratoire. Les produits utilisés sont les b2-mimétiques de courte durée d’action, les atropiniques de synthèse, plus rarement la théophylline.
1.6. Mesures préventives
Les corticoïdes inhalés sont, de la même façon, largement utilisés en raison de sibilances, du caractère inflammatoire de la maladie et par analogie avec leur utilisation dans l’asthme. Ils sont souvent prescrits en relais d’une corticothérapie par voie générale. Là encore, il n’existe aucune preuve solide de leur efficacité à long terme. Il est donc préférable d’utiliser les doses les plus faibles possibles pour éviter les effets secondaires.
2. Les décompensations
Les diurétiques ont été utilisés. Il n’existe aucune recommandation actuelle et l’on ne dispose pas de données sur leur administration au long cours. 1.3. La kinésithérapie respiratoire Alors qu’il n’existe aucune donnée précise, on peut penser que la kinésithérapie respiratoire est efficace. Elle repose sur les techniques d’accélération du flux expiratoire. La fréquence des séances est variable en fonction de la symptomatologie. Le kinésithérapeute à domicile a aussi un rôle éducatif et sentinelle. 1.4. L’endoscopie trachéobronchique Les anomalies endotrachéales et bronchiques peuvent se révéler à distance de la ventilation assistée, souvent à l’occasion d’une surinfection. La symptomatologie respiratoire atypique ou les anomalies radiologiques (emphysème localisé, pneumopathie récidivante du même territoire) doivent faire réaliser une endoscopie trachéobronchique sans qu’il existe de consensus à ce sujet [4]. 1.5. Prise en charge du reflux gastro-œsophagien La prise en charge du reflux gastro-œsophagien et des fausses routes est importante sur le plan nutritionnel, mais aussi pour éviter les lésions pulmonaires irréversibles.
Enfin, pour prévenir un certain nombre de complications, il faut : – proscrire, autant que faire se peut, une mise en collectivité l’hiver ; – traiter les foyers infectieux ORL ; – lutter contre le tabagisme passif, les facteurs allergéniques et irritants ; – envisager une vaccination précoce habituelle mais aussi, antipneumococcique, antigrippale avant le sixième mois et une prophylaxie anti-VRS.
Le médecin traitant et les parents doivent connaître les premiers signes cliniques traduisant une décompensation, nécessitant une consultation médicale rapide. Ils doivent savoir augmenter le débit de l’oxygène pour éviter les risques d’hypoxémie sévère. Les décompensations sont le plus souvent infectieuses, virales et hivernales, mais peuvent être aussi bactériennes ou liées à un obstacle endobronchique. Dans un grand nombre de cas, les décompensations entraînent une ré-hospitalisation, notamment en raison des difficultés nutritionnelles, pouvant aboutir à une augmentation de l’oxygénothérapie et être vécues comme un échec. Les parents doivent en être prévenus au moment de la sortie.
3. Le suivi 1/ Les enfants peu symptomatiques bénéficient d’un traitement uniquement au cours des épisodes aigus. Mais le suivi clinique (croissance, fréquence respiratoire, bruits respiratoires, sibilances à l’effort) se doit d’être rigoureux pour ne pas sous-estimer la symptomatologie. Une radiographie thoracique en inspiration et en expiration est systématique à la recherche d’une anomalie parenchymateuse qui ferait pratiquer un scanner thoracique. Idéalement, une exploration fonctionnelle à un an et à quatre ou cinq ans permet d’apprécier l’importance de l’obstruction et l’efficacité des traitements. 2/ Les enfants qui ont des épisodes de décompensation sévères ou fréquents doivent bénéficier d’un suivi plus rapproché. La recherche d’une cause associée (reflux gastroœsophagien, fausses routes liées à des troubles de déglutition, HTAP) doit être systématique. Un scanner thoracique et une endoscopie bronchique sont habituellement pratiqués pour rechercher une cause locale.
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Les bronchodilatateurs ou les corticoïdes inhalés doivent être adaptés à l’efficacité réelle de ces traitements par des tests individuels. 3/ Chez les patients symptomatiques avec insuffisance respiratoire chronique, le suivi est assuré par la famille et les différents intervenants au domicile. Un suivi rapproché clinique, radiologique et fonctionnel par un centre de pneumologie est indispensable pour une adaptation de l’oxygénothérapie et des traitements bronchodilatateurs et corticoïdes inhalés.
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Cette prise en charge précoce, y compris chez les enfants peu symptomatiques, est intéressante pour préserver le capital pulmonaire à l’âge adulte. Un certain nombre de traitements reste à évaluer, notamment les bronchodilatateurs et les corticoïdes inhalés ; des recommandations restent à établir pour l’oxygénothérapie de longue durée.
Références 4. Conclusion
[1]
Wohl MEB. Bronchopulmonary dysplasia in adulthood. N Engl J Med 1990;323:1834-5.
Le développement de la prise en charge à domicile doit tenir compte de la famille et de son environnement. Le suivi respiratoire, y compris dans les formes modérées, est nécessaire. Le bénéfice clinique et fonctionnel des traitements doit être évalué de façon à ne pas les prolonger inutilement.
[2]
Speer CP, Silverman M. Issues relating to children born prematurely. Eur Respir J 1998;12:13s-6s.
[3]
Poets CF. When do infants need additional inspired oxygen? A review of the current literature. Pediatr Pulmonol 1998;26:424-8.
[4]
Denoyelle F, Garabedian EN. Complications trachéobronchiques de la ventilation assistée chez l’enfant. Rev Mal Resp 1996;13:259-64.