Annales de chirurgie plastique esthétique (2013) 58, 132—145
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ANATOMIE CHIRURGICALE
L’anatomie chirurgicale du nez en six sous-unités esthétiques Nose surgical anatomy in six aesthetic subunits B. Chaput a,*,c, F. Lauwers b,c, R. Lopez b,c, J. Saboye a, A. André a,c, J.-L. Grolleau a, J.-P. Chavoin a a
´ s, CHU Rangueil, avenue Jean-Poulhe ` s, 31059 Toulouse, France ˆ le Service de chirurgie plastique, reconstructrice et des bru Service de chirurgie maxillofaciale et plastie de la face, CHU Toulouse-Purpan, place Baylac, 31059 Toulouse, France c ´ de me ´ decine de Toulouse-Purpan, 133, route de Narbonne, 31062, Toulouse cedex, France Laboratoire d’anatomie, faculte b
Rec¸u le 8 octobre 2011 ; accepte´ le 5 mai 2012
MOTS CLÉS Anatomie ; Chirurgie ; Embryologie ; Nez ; Lambeaux
KEYWORDS Anatomy; Surgery; Embryology; Nose; Flap
Résumé Le nez est une entité complexe conjuguant un rôle esthétique et fonctionnel. L’anatomie descriptive est une science fondamentale qu’il est parfois difficile de mettre en rapport direct avec notre activité chirurgicale journalière. Raisonner selon les sous-unités esthétiques pour décider de son geste nous paraîssait donc judicieux. L’objectif de cet article est de reprendre les bases anatomiques utiles à notre pratique quotidienne de manière à parfaitement appréhender les interventions esthétiques ou réparatrices. Notre réflexion souhaite également aborder les limites de la systématisation de ces principes en carcinologie nasale. # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary The nose is a complex entity, combining aesthetic and functional roles. Descriptive anatomy is a fundamental science that it can be difficult to relate directly to our daily surgical activity. Reasoning in terms of aesthetic subunits to decide on his actions appeared to us so obvious. The aim of this paper is to resume the anatomical bases relevant to our daily practice in order to fully apprehend the restorative or cosmetic procedures. We discuss the limits of the systematization of these principles in nasal oncology. # 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Chaput).
Organe impair, le nez confère au visage une grande partie de son caractère et participe aux interactions sociales. Selon les ethnies et les origines, il va différer dans sa forme et les dimensions de sa base d’implantation, dans sa longueur et
0294-1260/$ — see front matter # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2012.05.002
L’anatomie chirurgicale du nez en six sous-unités esthétiques
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dans sa largeur. La connaissance de l’anatomie permet d’appréhender les différentes techniques chirurgicales. Nous souhaitons exposer ici une analyse anatomique directement en lien avec nos applications chirurgicales. Appréhender les sous-unités esthétiques, comme les a décrites Burget, demeure indispensable en chirurgie nasale. Toutefois, nous évoquerons les limites selon nous, de la systématisation de ces principes en carcinologie nasale.
Anatomie descriptive du nez La morphogenèse du nez débute à la quatrième semaine inutéro, et à la fin de la huitième semaine, les principaux éléments de l’architecture nasale sont déjà en place chez l’embryon [1]. Dès la quatrième semaine, la bouche primitive ou stomodéum est le siège du développement de cinq bourgeons qui seront à l’origine de l’intégralité du visage humain : un bourgeon fronto-nasal qui va se développer de façon bilatérale en périphérie de la placode olfactive et former principalement les fosses nasales et en bas le palais primaire ; deux bourgeons maxillaires ; deux bourgeons mandibulaires. Décrit comme une pyramide ostéocartilagineuse par l’ensemble des auteurs, le nez possède une architecture triple : cutanéo-muqueuse, osseuse et cartilagineuse [1— 5]. Chaque élément qui le compose interagît avec la ou les structures qui lui sont adjacentes de façon souvent complexe. (Fig. 1 et 2).
Charpente osseuse La partie inférieure de l’os frontal permet l’insertion des deux os propres du nez (OPN) approximativement au niveau de la glabelle. Ceux-ci sont soudés entre eux par leur face médiale et permettent l’attache des cartilages triangulaires ou cartilages latéraux supérieurs sur leur bord caudal. Le
Figure 1
Perspective de la pyramide nasale.
Figure 2
Base du nez.
nasion représente la suture fronto-nasale, c’est un repère légèrement déprimé. Les OPN sont fréquemment le siège de « bosses » du dorsum nasal dans les nez caucasiens. Les faces latérales de la pyramide nasale sont constituées par les processus frontaux des maxillaires. Elles délimitent en externe l’orifice piriforme. Latéralement on découvre les gouttières lacrymales. En pratique, les ostéotomies latérales des rhinoplasties ne doivent pas les dépasser de manière à ne pas léser les voies lacrymales. (Fig. 3).
Structures cartilagineuses Elles comprennent les cartilages latéraux supérieurs (dits triangulaires), les cartilages alaires et le septum cartilagineux. Les cartilages latéraux supérieurs Appendus en haut aux os propres du nez et latéralement aux maxillaires supérieurs, ils reposent en arrière et médialement sur le septum nasal. Leurs bords inférieurs, libres sont repliés sur eux-mêmes et sur les cartilages sésamoïdes formant la « plica nasi » qui participe à la valve nasale. Le respect de cette valve lors des rhinoplasties est impératif en
Figure 3
Coupe transversale de la région nasale.
134
Figure 4
B. Chaput et al.
Cartilages alaires dans une voie d’abord externe.
particulier lors des temps d’ostéotomie latérale. Une lésion de la valve nasale peut entraîner un collapsus narinaire lors de l’inspiration causant une obstruction ventilatoire. La « keystone area » ou clé de voute, dénommée aussi zone K par Cottle représente la jonction des cartilages latéraux supérieurs avec le septum et l’os nasal [1]. Les cartilages alaires (ou latéraux inférieurs) Ils constituent l’architecture cartilagineuse de la pointe et des ailes du nez (Fig. 4). On distingue pour chacun d’eux trois parties : les crus latérales qui arment la pointe et les ailes ; les crus mésiales dont la réunion participent à la columelle ; les crus intermédiaires ou dômes unissant crus latérales et mésiales. Ce sont eux qui de par leur taille, leur forme, leur axe et leur rigidité vont réellement définir la forme et la projection des ailes narinaires et de la pointe. Le terme de « scroll area » parfois employé représente la zone de surplomb des alaires sur les triangulaires. Le cartilage septal Solide lame verticale, il prolonge antérieurement le septum osseux formé par la réunion de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde en haut et du vomer en bas. Le septum s’insère en bas sur l’épine nasale par l’intermédiaire d’une synfibrose. Il est rapporté des cas de rhinoliquorrhées (écoulement de LCR) faisant suite à des fractures peropératoire de la lame criblée de l’ethmoïde lors de rhinoseptoplasties trop hautes. Le cartilage septal accepte l’insertion des os propres sur sa partie supérieure et des cartilages triangulaires sur sa partie moyenne. Sa partie inférieure, légèrement en avant des cartilages alaires, délimite avec eux le triangle mou de Converse. Il est primordial de respecter rigoureusement la partie antérieure du septum lors des chirurgies réparatrices ou esthétiques car elle soutient littéralement en arrière la pointe et l’arête nasale (L de Killian) [1]. (Fig. 5 et 6)
Revêtement cutané et muscles du nez Peau Dans la partie supérieure du nez, la peau est fine, les téguments sont très mobiles et laxes, ce qui permet souvent de fermer une perte de substance locale par une suture
Figure 5
Positionnement des cartilages alaires.
simple. Au contraire, la partie inférieure du nez, nettement plus épaisse, est difficilement mobilisable. Très séborrhéique, la peau y est intimement adhérente au cartilage et très friable, donc beaucoup moins apte à des sutures directes, sauf chez l’enfant chez qui la peau est plus souple. On peut différencier quatre plans histologiques de la peau vers la profondeur : une couche adipeuse superficielle, un plan fibromusculaire, une couche adipeuse profonde qui fait le lit des vaisseaux et des nerfs, puis le périchondre quand il s’agît de cartilage sinon le périoste. Techniquement, on comprend pourquoi la levée des lambeaux doit se faire ici de pleine épaisseur, de manière à respecter leur vascularisation et leur innervation. Plusieurs auteurs comme Le Pesteur ont étudié l’évolution cutanée cicatricielle post-chirurgicale du nez, concluant à une rétraction cutanée minimale au niveau de la pointe et de la racine du nez [6]. La columelle s’étale de la pointe du nez jusqu’au philtrum, elle recouvre en bas les crus mésiales. Les artères columellaires qui proviennent de l’artère labiale traversent la columelle et sont sacrifiées lors des voies d’abord externes. Le triangle faible est une zone de peau qui se situe au sommet de chaque narine. Comme son nom l’indique, il s’agît d’une zone de faiblesse dépourvue d’armature cartilagineuse qu’il est préférable d’éviter de traumatiser lors de la chirurgie. Dépourvue de cartilage, cette zone s’avère très sensible à la rétraction cicatricielle avec un risque de séquelles esthétiques notables. La riche vascularisation des parties molles du nez possède une double origine [7] :
L’anatomie chirurgicale du nez en six sous-unités esthétiques
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Figure 7
Vascularisation du nez.
est lésée, peut entraîner des syndromes secs (rhinite crôuteuse). Figure 6
Dissection dans un plan ostéocartilagineux.
l’artère faciale (qui a pour origine la carotide externe) par l’intermédiaire de ses branches l’artère angulaire, l’artère dorsale du nez et l’artère nasale externe (Fig. 7). Un rameau alaire irrigue les ailes du nez (Fig. 8) et permet de vasculariser des lambeaux musculocutané d’avancement en îlot ; l’artère ophtalmique (branche de la carotide interne dans sa portion supra-clinoïdienne) principalement grâce à ces branches ethmoïdales. La richesse de la vascularisation de cette région, et particulièrement de la pointe du nez, lui confère un important potentiel de cicatrisation dirigée. L’artère supratrochléaire, vascularisant la région au-dessus de la glabelle est à la base de la technique du lambeau frontal. Le réseau veineux accompagné des lymphatiques est parallèle au réseau artériel, il conflue en majeure partie vers le réseau veineux jugulaire interne par l’intermédiaire de la veine faciale mais également dans le sinus caverneux. La sensibilité du nez est assurée par la cinquième paire crânienne : le nerf trijumeau et plus particulièrement sa branche maxillaire V2 ou nerf infra-orbitaire. Le V1, appelé nerf ophtalmique, participe à l’innervation endonasale par l’intermédiaire d’une de ses branches, le nerf naso-ciliaire. Cette dernière donne fréquemment des rameaux nerveux pour la columelle. Par ailleurs, sa muqueuse de type sécrétoire possède une innervation végétative, qui si elle
Muscles Ils ont un rôle dans la respiration en permettant l’ouverture des ailes narinaires et en élevant la pointe. Le jeu de la musculature nasale a un rôle important de régulateur des flux aériens. On retrouve de haut en bas (Fig. 9) : le muscle pyramidal dont l’insertion supérieure à l’étage glabellaire correspond à l’insertion inférieure du procérus. Sa contraction relève la pointe du nez ;
Figure 8 Rameau alaire de l’artère faciale destiné à l’aile narinaire.
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B. Chaput et al.
Figure 9
Musculature nasale.
le muscle transverse, avec des fibres orientées horizontalement en regard du dorsum. Avec lui, le muscle myrtiforme qui est plus inférieur participe à la constriction de l’aile du nez ; les muscles releveurs superficiels de l’aile du nez (ou élévateur nasolabial) et dilatateurs de l’aile du nez ont une action synergique sur la dilatation narinaire ; l’abaisseur du septum a un rôle inconstant dans la mimique et lors de la parole. Ce dernier est plus accessoire ; le muscle nasal est la réunion des muscles transverses et pyramidaux.
Figure 10
Lignes de Sheen.
La pointe du nez Vue de face, elle peut être subdivisée en deux triangles isocèles, eux-mêmes à l’origine de quatre points de repères. C’est la distance entre ces quatre points qui définit une pointe globuleuse ou une pointe pincée. Le dos du nez : « dorsum nasi » De face, une ligne oblique en bas et en avant unit la racine ou nasion à la pointe. La classique bosse du dorsum ou tout autre
L’ensemble de ces muscles est innervé par le nerf facial ou septième paire crânienne. Une paralysie faciale aura comme conséquence directe un certain affaissement des orifices narinaires avec une composante évidente d’obstruction nasale.
Principes esthétiques fondamentaux : L’étude de l’harmonie nasale est devenue pour certains auteurs à l’image de Burget et Menick, un passage obligé dans la maîtrise de la chirurgie du nez [8,9]. De plus, en plus la description du nez se rapporte à l’analyse approfondie des sous-unités esthétiques.
Angles et courbes Les travaux de Sheen sont encore aujourd’hui les plus répandus en ce qui concerne l’harmonie nasale [4] (Fig. 10 et 11). Sheen définit précisément deux courbes symétriques qui cheminent du rebord orbitaire supérieur jusqu’aux ailes narinaires. Il insiste sur la nécessité de conserver intactes ces lignes au cours de toute chirurgie au risque de briser l’harmonie nasale. La division couramment utilisée du visage en trois tiers, doit obligatoirement « contenir » la pyramide nasale dans le tiers moyen.
Figure 11
Angles fronto-nasal et nasolabial.
L’anatomie chirurgicale du nez en six sous-unités esthétiques processus venant interrompre la continuité de cette ligne risque « d’accrocher » le regard. L’angle fronto-nasal Aux alentours de 1508, il se mesure à la racine du nez. Il est important de signaler que cet angle peut varier énormément en fonction du développement glabellaire, différent d’un individu à l’autre. Toute reconstruction nasale doit tendre vers sa restitution ad integrum. L’angle nasolabial Il est déterminé de profil par l’intersection de la verticale à la lèvre supérieure et la columelle. Il se situe aux alentours de 908 à 1008. Trop fermé ou trop ouvert, il nuit de façon importante à l’harmonie faciale en vue de profil.
Principes des sous-unités esthétiques de Burget et Menick À l’origine, Gonzales-Ulloa est le premier à parler d’unités esthétiques de la face, puis Burget et Menick vont définir le concept des « sous-unités esthétiques du nez » [3,8,9] (Fig. 12). Le respect par le chirurgien de ce concept est actuellement un principe fondamental si l’on désire un résultat de qualité. La pyramide nasale était jusqu’à peu divisée en deux unités : le dos et la base. L’étude des reflets lumineux et des ombres sur les zones convexes de la pointe et des ailes, sur les vues de face, trois-quarts et profil, a permis à Burget de proposer sa définition des sous-unités esthétiques. Au nombre de six : le dorsum (1), les parois latérales (2), la pointe (3), les ailes narinaires (4), les triangles mou de Converse (5), la columelle (6). Les zones concaves, se situant à la jonction des sousunités, sont des localisations électives pour la réalisation des incisions qui seront alors fondues dans l’ombre créée par les zones convexes du nez. De plus, le phénomène de rétraction cicatricielle pourra se confondre avec ces excavations naturelles.
137 Néanmoins, chaque cas est différent et il est difficile de raisonner à chaque fois en termes de sous-unités esthétiques. Le respect systématique de la sous-unité esthétique est un doux rêve. En carcinologie cutanée, il est souvent compliqué de raisonner en sous-unités. Va t’on sacrifier l’intégralité de la sous-unité du dorsum pour une lésion basocellulaire de 3 mm ou encore comment appréhender une lésion à la jonction de trois sous-unités esthétiques ? Doit-on sacrifier les trois sous-unités pour proposer la reconstruction la plus anatomique possible, la plus artistique possible ? De plus, il n’y a pas de réelle corrélation entre l’anatomie de surface définie dans les sous-unités, et l’anatomie profonde, ostéocartilagineuse. Par exemple, les cartilages alaires dépassent souvent la sous-unité esthétique des ailes narinaires et pourtant quand on va réarmer une perte de substance de l’aile narinaire, on ne va pas reconstruire à l’identique les cartilages alaires. Cette différence entre anatomie profonde et anatomie superficielle ou anatomie esthétique au sens de Burget, est à intégrer dans notre réflexion quand on est confronté à des lésions nécessitant des exérèses transfixiantes. Pour le nez, le principe d’une « sous-unité carcinologique » reste donc à réfléchir. . . mais l’exérèse in sano prime sur le respect de l’unité esthétique.
Principes de reconstruction : de la cicatrisation dirigée à la réalisation de lambeaux locaux Le choix de la méthode à privilégier pour traiter une perte de substance nasale est fonction de sa localisation, de sa taille et du terrain du patient.
Cicatrisation dirigée Il ne faut pas la déconsidérer car elle peut rendre de grands services. La pointe du nez et le canthus interne en sont les localisations électives (Fig. 13). Elle est privilégiée d’autant plus que la perte de substance est faible. Elle a pour
Figure 12 Sous-unités esthétiques du nez selon Burget. Le dorsum (1), les parois latérales (2), la pointe (3), les ailes narinaires (4), les triangles mou de Converse (5), la columelle (6). Dessins R. Lopez.
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B. Chaput et al.
Figure 13 Cicatrisation dirigée sur la pointe après résection d’un carcinome basocellulaire. Résultat cicatriciel à trois mois très satisfaisant.
inconvénient un risque de rétraction cutanée périlésionelle qu’il faut savoir évaluer et surveiller. Chez le sujet âgé, la cicatrisation dirigée conserve une place très importante.
Suture directe Elle s’avère particulièrement utile dans les sutures du dorsum et parfois des ailes narinaires dont la laxité peut être suffisante à une fermeture directe. Elle est plus facile chez l’enfant, la peau étant plus laxe que chez l’adulte. Chez le sujet âgé, elle autorise des résultats cosmétiques très satisfaisants.
Greffe Il s’agît le plus souvent de greffe de peau totale. Les sites de prélèvements dont la pigmentation et la texture sont les mieux adaptés sont le front, la région sus-claviculaire et péri-auriculaire. Elle reste plus indiquée chez le patient âgé avec de très bons résultats cosmétiques.
Figure 14
Lambeaux locaux Il est parfaitement admis que le respect des sous-unités esthétiques lors de la reconstruction permet de limiter les phénomènes cicatriciels et de dissimuler les incisions. Il faut essayer de mettre en application ce principe à chaque fois que possible. Néanmoins, ce type de reconstruction est souvent sujet à la mise en boule du lambeau qui peut se rétracter sur lui-même et compromettre le résultat cosmétique. C’est pourquoi la rhinopoïese demeure une procédure chirurgicale difficile. Perte de substance du dorsum Lambeau glabellaire de transposition, de rotation ou d’avancement [10,11]. Incontournable, il s’adapte à une perte de substance pouvant aller jusqu’à 2 cm. Il se base sur la vascularisation des vaisseaux angulaires. Sa levée est réalisée en sus-périosté, puis en sous-périosté au niveau de sa base d’implantation de manière à ne pas léser le pédicule (Fig. 14, 15, 16). Attention toutefois à se limiter à la région
Lambeau glabellaire de rotation.
L’anatomie chirurgicale du nez en six sous-unités esthétiques
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Figure 15 Vascularisation du lambeau glabellaire. 1 : artère frontale interne ; 2 : artère supratrochléaire ; 3 : réseau de l’artère infratrochléaire.
du dorsum car la couverture de perte de substance de la pointe peut entraîner une surélévation post-cicatricielle de celle-ci suite à la rétraction tissulaire (il ne respecte pas toujours strictement la sous-unité du dorsum).
Figure 16
Lambeau glabellaire de rotation. Résultat à six mois.
Lambeau frontal. Perte de substance de grande taille. Lambeau frontal. Perte de substance de grande taille. Perte de substance de la pointe Lambeau de Rieger [12]. Il conjugue un mouvement de translation et de rotation et autorise des résultats souvent très satisfaisants. Son axe de rotation est la zone du canthus interne et son tracé s’étend le plus souvent au-dessus de la glabelle pour obtenir le maximum de déplacement. La levée du lambeau doit se faire en sus-périchondral (immédiatement sous le SMAS). Marchac a proposé une adaptation de ce lambeau [13] (Fig. 17, 18, 19).
Figure 17
Perte de substance des ailes narinaires Lambeau nasogénien [14]. Différentes techniques de lambeaux nasogéniens existent, certaines de transposition, d’autres d’avancement, au hasard ou pédiculés, en îlots. . . Burget a décrit un lambeau à pédicule sous-cutané transitoire qu’il faut sevrer à trois semaines, basé sur le rameau alaire [15]. Ce lambeau est souvent réservé à la reconstruction de toute l’aile narinaire en sous-unité esthétique. Il est fréquemment associé à une greffe cartilagineuse pour armer le lambeau et ainsi éviter le collapsus narinaire.
Lambeau de Rieger.
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B. Chaput et al. également une fermeture en un temps de la zone de prélèvement. Lambeau nasogénien retourné « in and out flap » de Pers modifié par Spear pour les pertes de substances transfixiantes [3]. C’est un lambeau uniquement utilisé pour les pertes de substances transfixiantes. Prélevé en sous-cutané du côté ipsilatéral à la perte de substance, il va être replié sur lui-même pour reconstituer non seulement la face externe de l’aile narinaire mais aussi la paroi muqueuse. Nous conseillons de mettre en place un conformateur les premiers jours. En raison de l’épaisseur du lambeau, des retouches sont souvent nécessaires, notamment des dégraissages. Spear a proposé en remplacement du lambeau d’avancement jugal initialement proposé par Pers, une fermeture directe de la zone de prélèvement (Fig. 20).
Figure 18
Vascularisation du lambeau de Rieger.
Lambeau de transposition de Texier pour les pertes de substances non transfixiantes [16,17]. Son axe de rotation se situe au niveau de l’hémipointe du nez ipsilatérale à la perte de substance. Ce lambeau est levé sous le SMAS dans la portion médiale du dorsum jusqu’à la glabelle de manière à couvrir une perte de substance de l’aile narinaire tout en respectant parfaitement la sous-unité esthétique. Il autorise
Figure 19
Greffe composée prélevée sur l’oreille (Fig. 21). Plus exceptionnellement, le lambeau de Washio (Fig. 22 et 23) : ce lambeau propose d’apporter de la peau rétroauriculaire pour reconstruire une aile narinaire. Son utilisation est devenue anecdotique car il est difficile à mettre en œuvre et les alternatives sont nombreuses. Perte de substance des parois latérales du nez Le lambeau nasogénien, précédemment cité, est une bonne indication dans cette localisation. Sa forme à pédicule supérieur telle que décrite par Préaux, est particulièrement intéressante (Fig. 24). Il peut aussi être utilisé pour les ailes narinaires. On peut également utiliser ici le lambeau musculocutané d’avancement de Rybka (Fig. 25). Dans les pertes
Lambeau de Rieger secondaire à l’exérèse d’un carcinome basocellulaire de la pointe du nez. Technique opératoire.
L’anatomie chirurgicale du nez en six sous-unités esthétiques
Figure 20
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Lambeau de Pers modifié par Spear pour la reconstruction d’une perte de substance transfixiante de l’aile du nez.
Figure 21 Greffon composé prélevé sur la racine de l’hélix. Nous avons réalisé un artifice de fermeture du site de prélèvement à l’aide d’un lambeau prétragien de transposition. Collection Dr. Lopez.
Figure 22 Lambeau de Washio pour la reconstruction d’une perte de substance de l’aile narinaire droite. Collection Pr. Lauwers.
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Figure 23
Résultat à six mois de la reconstruction par le lambeau de Washio.
Figure 24 Lambeau nasogénien à pédicule supérieur de Préaux. Collection Dr. Lopez.
de substance de grande taille, un lambeau frontal est utilisable, associé si besoin à un lambeau d’avancement jugal (type Mustarde) (Fig. 26).
rapport à la perte de substance cutanée afin de maintenir le greffon de part et d’autre de la perte de substance. Les résultats sont néanmoins inconstants.
Perte de substance columellaire Localisation complexe avec des alternatives chirurgicales qui restent assez peu satisfaisantes. Nous retiendrons deux techniques simples [3].
Lambeau d’Elbaz. Il consiste en la réalisation de deux lambeaux levés sur les berges inférieures des deux ailes narinaires emportant une lamelle cartilagineuse, qui vont être suturés l’un à l’autre pour reconstituer une columelle. L’intérêt de cette lamelle cartilagineuse est d’armer la néocolumelle.
Greffe composée prélevée sur l’oreille. Elle est utilisée lorsque le terrain le permet. Le prélèvement sur l’oreille peut se faire au niveau de la racine de l’hélix ou de la conque. Le secret consiste à prélever un surplus de cartilage par
Figure 25
Perte de substance de grande taille Le lambeau frontal reste ici le lambeau de premier choix. Il peut tout aussi bien se limiter à une sous-unité esthétique
Lambeau musculocutané d’avancement de Rybka.
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Figure 26 Association d’un lambeau frontal et d’un lambeau d’avancement jugal. Résultats avant et après sevrage du pédicule du lambeau frontal. Collection Dr. Lopez.
Figure 27 Perte de substance de la pointe du nez et de la columelle comblée par un lambeau frontal paramédian. La mise en place de conformateur pendant deux à trois mois est indispensable. Collection Pr. Lauwers.
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Figure 28 Résultat à six mois. Une retouche cosmétique est encore nécessaire au niveau du nez. Le site de prélèvement a laissé très peu de séquelles.
que reproduire l’ensemble des six sous-unités simultanément. La peau du front de par sa texture et sa teinte va s’adapter parfaitement à la couverture du nez. Très fiable, il se nourrit de l’artère supratrochléaire (ou artère du canthus interne) qui chemine dans la région de la ride du lion. Le dessin du lambeau doit être préétabli et l’utilisation d’un patron en papier est une méthode couramment utilisée. Le lambeau est levé depuis la distalité dans un plan strictement sous-cutané puis au fur et à mesure de la levée, il convient d’être plus profond, en traversant le muscle frontal en oblique jusqu’au périoste de façon à respecter le pédicule. La rotation du lambeau se fait autour du pédicule dont l’épaisseur doit se situer entre 1 et 1,5 cm pour éviter tout risque de strangulation. Une fois le lambeau en place, deux à trois semaines sont nécessaires avant de réaliser le sevrage par section du pédicule. À distance, des retouches sont souvent nécessaires pour dégraisser un lambeau trop épais ou redéfinir une sous-unité esthétique par retouche d’une suture. Dans les rhinopoïeses, certains vont jusqu’à réaliser dix à 12 retouches pour obtenir le résultat escompté.
Il existe différents types de lambeau frontal : lambeau frontal médian et paramédian : c’est le lambeau frontal par définition. Il reste le plus utilisé. Une ou plusieurs sous-unités esthétiques peuvent être reconstruites selon cette modalité (Fig. 27 et 28) ; lambeau frontal en aile de mouette de Millard « Sea Gull flap » [18] : lambeau trifolié qui permet de réaliser des rhinopoïeses complètes, reproduisant les ailes narinaires, le lobule et la columelle. Il peut nécessiter la mise en place préalable d’un expandeur frontal ; lambeau frontal oblique ou latéral : il peut trouver son utilité dans les fronts courts avec implantation basse des cheveux. Néanmoins, le lambeau frontal étant un lambeau axial, ici la vascularisation distale peut être compromise. Attention aussi à l’ascension du sourcil séquellaire du prélèvement (Fig. 29) ; lambeau frontal dit « scalpant » de Converse (Fig. 30) [19] : difficile à mettre en œuvre car mal accepté par les patients, il permet toutefois de réaliser des rhinopoïeses
Figure 29 Reconstruction de pointe par lambeau frontal oblique préalablement expansé chez un jeune garçon. Collection Pr. Boutault.
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Figure 30 Lambeau de Converse réalisant une rhinopoïese complète. Le site de prélèvement a bénéficié d’une greffe de peau totale. Collection Pr. Lauwers.
totales ou subtotales comprenant la columelle et les ailes narinaires. Sa réalisation technique et surtout le temps de modelage du lambeau restent délicats. Les résultats cosmétiques sont parfois décevants.
Conclusion L’anatomie nasale demeure complexe. La chirurgie du nez est une science à part entière. Notre objectif, ici a été de traiter une anatomie aussi proche que possible de notre pratique chirurgicale et non une anatomie purement descriptive. Raisonner en sous-unité esthétique semble être idéal dans une optique d’harmonie nasale optimale, pour autant comme nous l’avons vu la mise en œuvre systématique de ce principe est parfois inadaptée à la lésion, au patient, ou simplement au mode de reconstruction que nous avons à notre disposition.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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