Le contrôle de l'émergence et des nages nocturnes chez les péracarides des plages de méditerranée. Eurydice affinis Hansen (Isopoda), Gastrosaccus mediterraneus Bacescu, Gastrosaccus spinifer (goës) (Mysidacea)

Le contrôle de l'émergence et des nages nocturnes chez les péracarides des plages de méditerranée. Eurydice affinis Hansen (Isopoda), Gastrosaccus mediterraneus Bacescu, Gastrosaccus spinifer (goës) (Mysidacea)

J. exp. mar. Biol. Ecoi., 1977, Vol. 27, pp. 61-81 Q Elsevier/North-Holland Biomedical Press LECONTR~LEDEL'EMERGENCEETDESNAGESNOCTURNES CHEZ LE~PERA...

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J. exp. mar. Biol. Ecoi., 1977, Vol. 27, pp. 61-81 Q

Elsevier/North-Holland Biomedical Press

LECONTR~LEDEL'EMERGENCEETDESNAGESNOCTURNES CHEZ LE~PERACARIDE~DESPLAGESD~~I~DITERR~EE. EURYDZCE AFFZNZS Hansen(lSOPODA),GASTROSACCUS ME~ZTERRANEU~ Baeesq GASTRUSACCUS SPZNZFER (Go&) (NL’YSIDACEA) C. MACQUART-MOULIN Hydrabiolaff~e Marine, Centre Universitaire de MarseiNe Luminy, Marseilfe, et Station Marine ~Ea~urne, Marseille, France

Resume: En mediterran&e, Ewydice afinis Hansen, Gastrosaccus mediterraneas Bacescu, et Gastosaccus spinifer (Go&s) vivent durant la journQ enfouis dans le sable des plages, au niveau du deferlement ou dans la frange superficielle de p&age infralittoral. Darts la soiree, tme emergence g&r&ale se prod& et ies animaux rejoignent les populations planctoniques des eaux bordant la plage. yes trois esp&ces, introduites dans des actographes a barrages photo6lectriques, dam l’obscurite totale et dans des conditions constantes, preaentent un rythme circadien de frequence nocturne d’emergence du sediment et d’activite natatoire. Le rythme est net et persistant chez les Gastrosaccas, ii se manifeste toujours clairement durant une dizaine de jours au moins. Chez E. a.#inis, le rythme n’apparah clairement que durant quelques jours; on observe d’autre part frequemment nn enfouissement permanent des animaux darts le sediment. Dans ce demier cas, le rythme peut &tre mis en evidence par une agitation continuehe ou un retrait du sediment. L’etude des modi~cations des reactions photocin6tiques des trois especes, dans des faisceaux horizontaux de lumiere blanche, pour des Cclairements variant de 4000 a 10e6 lux, a permis d’etablir que Ia synchronisation des rythmes pouvait etre attribuee ii une 1egere tendance photonegative des animaux, pour les eclairements superieurs a 1000 lux, et a une tendance photopositive, souvent tres marquee, pour les klairements inferieurs; les variations dans I’intensite des reactions observQs chez les trois especes peuvent permettre d’expliquer le caractere plus ou moins net et autonome de leur rythme. Une confrontation entre les reactions observees ehez ces especes, et celles not& chez les Peracarides de l’infralittoral qui effectuent des migrations dans Ie plancton nocturne, met en evidence une nette difference de comportement pour les Wairements de l’ordre de quelques centaines de iux. Les reactions photopositives qui se manifestent a ces eclairements chez les animaux des plages devraient leur permettre de rejoindre leur biotope diurne, quelque temps apres l’aube, lorsque I’activite natatoire diminue d’intensite. Abstract: Along the Mediterranean sandy shores, Earydice afinis Hansen, G~trosacc~ mediterra~e~ Bacescu and Gastrosaccas spitzifer (Go&) are present during the day in the sand of the beaches, either near the limit of the wave wash or in the superficial fringe of the infralittoral. In the evening there is a general emergence and the animals rejoin the planktonic populations of the open sea. All the three species when kept in aktographs under constant conditions and continuous darkness exhibit a circadian rhythm of emergence and swimming activity of nocturnal frequency. The rhythm is clear and in the two Gastrosaccinae persists for ten days at least; it has been observed over about fifty days in G. spinifer. In E. a&&, the rhythm is only on some occasions clear; one frequently observes a permanent burying in the sediment, in which case the swirrmring rhythm can be brought to light by a mechanical disturbance or the withdrawal of the sediment. 61

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C. MACQUART-MOULIN

A study of the changes in the photokinetic reactions in a horizontal beam of white light, with intensities varying from 4000 to 10-e lilx, allow the synchronization of the rhythms to be ascribed to a shght photonegative tendency of the animals at intensities > 1000 lux and a photopositive tendency, often marked, at lower intensities. The variations in the intensity of the reactions in the three species allows an explanation of the autonomous rhythms. A comparison between the photokinetic reactions of these species and those of the infralittoral Peracarida, which migrate in the nocturnal plankton, shows great differences with respect to light intensity. In the latter, the phototaxis is strongly negative and frequently accompanied by a strong photo-inhibition while in the former the phototaxis is still often positive and the kinesis is high. The photopositive reaction allows the animals to rejoin their daytime habitat soon after dawn when the swimming activity decreases.

INTRODUCTION

Sur les grandes plages de sable fin de la M~diterran~e et de la lvfer Noire, vivent, au niveau du deferlement, dans I’Ctage mediolittoral et dans la frange superficielle de l’infralittoral, un certain nombre de Pkacarides psammiques au comportement caracttristique. Enfouis dans le sable, parfois profondement, durant la journee, ils emergent dans la soiree et nagent activement durant la nuit dans le ptancton des eaux bordant la plage. Les trois especes Ctudiees sont a ce titre exemplaires. Eurydice afinis, comme beaucoup d’autres esp&es du genre (E. pulchra Leach, E. doltfusi Monod, E. spinigera Hansen, E. clymeneia Monod), s’enfouit durant la journee a la limite des vagues, souvent dans le mtdiolittoral superieur, dans une zone a peine humectee. Les femelles oeuvees restent a ce niveau jusqu’a la liberation de leurs jeunes, mais les males, les jeunes et les femelles non ovigtres, qui s’enfouissent aussi dam la journee pres des femelles ovigeres, ou dans l’infralittoral supdrieur, emergent au crepuscule et passent a une vie pelagique (Bacescu, 1940,194s; Giordani Soika, 1955). Les nages actives ne commencent que dans la soiree, et c’est un fait certain que ces Eurydice ne sont ptchtes en abondance dans le plancton que durant la nuit. Nous ajouterons toutefois que dam la zone du deferlage, dans des eaux le plus souvent troubles done, il n’est pas rare de trouver durant la journ&- des animaux en nage, probablement deranges par Ia violence des vagues; l’espece se comporte ainsi comme E. pulchra, qui peut etre trouvee durant la journee dans le plancton intertidal, lorsque l’eau est suffisamment trouble (Jones & Naylor, 1970). Gastrosaccus mediterraneus est une espbce taxonomiquement trts voisine de G. succors (Van Beneden), espece avec laquelle fes auteurs l’ont presque toujours confondue. Elle s’en distingue essentiellement par I’absence de lobes a la partie posterieure de la carapace et par la structure de l’antennule. Les exemplaires Ctudids dans ce travail ont ttt recoltes le long des plages de Camargue: comme la forme typique d&rite par Bacescu (1970), ils presentent deux epines externes laterales sur l’article median de l’antennule. Le comportement de l’espe~ est assez semblable A celui signale pour la premiere fois par Bacescu (1940) chez G. sarzctus; toutefois, chez la nouvelle espece, les deux sexes participent a la vie psammique, et non pas seulement les femelles, comme chez G. sanctus (Bacescu, 1970). La densite maximale des deux especes se situe dans Y&age mediolittoral, dans la zone alternativement couverte puis decouverte

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DES PLAGES

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par les vagues, done perpktuellement humectke. Les animaux forment des rassemblements, suivant des zonations horizontales, paral@les g la ligne d’eau (phCnom&ne Ctudib en d&ail par Moran (1972) le long des &es d’Israe1). Bacescu (1940) rCsume ainsi le comportement nocturne de ces animaux: “La vraie vie des Gastrosaccus est la vie nocturne; d8s que le soir vient, ils quittent compktement le benthon et la vie sCdentaire (except6 la plupart des $?q oeuvCs) et passent a la vie pClagique la plus typique, done B un tout autre groupe Ccologique: le groupe des nageurs actifs”. Ainsi s’explique la frkquence des captures de ces crusta& dans le plancton nocturne (Fage, 1933; Furnestin, 1959; Hoenigman, 1961). G. spinifer appartient g la faune infralittorale, elle peut vivre jusque dans des profondeurs excCdant une centaine de m&res (Tattersall & Tattersall, 1951). Elle est toutefois tr& abondante le long des plages dans les premiers centim&res d’eau, et nous avons pu en rkolter des centaines d’exemplaires g l’aide d’une drague g Mysis, en Camargue, entre 5 et 60 cm de profondeur. Durant la journke, les individus restent enfouis dans le skdiment, ou nagent g proximitk immkdiate de fond; durant la nuit, une emergence g&&ale a lieu, et tous les individus nagent vers la surface des eaux, enrichissant le plancton rkritique (Fage, 1933; Tattersall & Tattersall, 1951; Furnestin, 1959; Van der Baan & Holthuis, 1971). Les trois espbces BtudiCes prksentent en rtalitt un comportement assez semblable & celui des esptces fouisseuses bentho-planctoniques des zones plus profondes, qui, aprb tmergence, effectuent chaque nuit une migration verticale. Chez un grand nombre d’esptkes de cette dernke catkgorie, et en particulier chez deux Eurydice: E. inermis Hansen et E. truncata (Norman), et chez trois Gastrosaccinae: G. lobatus Nouvel, G. lobatus var. armatus Nouvel, et G. normani G. 0. Sars, esp&ces taxonomiquement voisines de celles des plages, un rythme circadien endog&ne d’bmergence et d’activitk natatoire a pu &tre mis en Cvidence (Macquart-Moulin, 1973, 1976). I1 a pu ctre aussi Ctabli que le mode de vie diurne, ainsi que la distribution dans le plancton nocturne de ces animaux, Ctaient en relation Ctroite avec la nature et l’intensitt de leurs &actions photocinktiques aux diffkrents Bclairements (Macquart-Moulin, 1972, 1975). Nous avons tent& par une premi&e sCrie d’expkriences, effectuke en obscuritk permanente et en milieu constant, de dkeler si, chez les espkces des plages aussi, un rythme circadien endoggne intervenait dans le contrble du comportement nocturne. Une Ctude prtcise des rCactions photocirktiques de ces m&mes espkes a ensuite Ctt entreprise afin de dkterminer dans quelle mesure la sensibilitt de ces animaux aux diffkrents Cclairements Ctait susceptible d’expliquer plus prCcisCment, et leur comportement nocturne, et la particularitt de leur biotope diurne. MAT~RIELET

MBTHODES

Les animaux destines B 1’expCrimentation ont CtCcapturCs durant la journte, le long des plages de Camargue et de Port-St-Louis-du-Rhane, B l’aide d’une drague B Mysis. Cette dernibre, construite d’aprks les donnCes de Bacescu (1940), ttait tirke B la main,

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C. MACQUART-MOULIN

au niveau du deferlement pour la capture de G. mediterraneus, legerement plus profondement pour celle de G. spinifer. Par temps calme, les Isopodes Ctaient obtenus en plus grand nombre en tamisant le sable prelevt nettement au-dessus du niveau moyen, dans la zone atteinte settlement par les plus grosses vagues. La repartition des trois especes le long des plages n’est pas uniforme, et il est ntcessaire, en cas de peches infructueuses, d’effectuer plusieurs tentatives en differents points du littoral. Au laboratoire, les trois especes presentent une grande resistance, a condition toutefois que leur soit fourni du sediment adapt& Chez E. afinis. cette resistance devient spectaculaire: les animaux peuvent subsister plusieurs semaines consecutives dans du sable a peine humide. Nous nous sommes toujours efforce cependant d’experimenter avec des animaux rtcemment p&chCs, done non deconditionnes. Les variations d’origine interne du comportement et du niveau de l’activite natatoire ont Ctt CtudiQs dans des actographes a barrages photo-tlectriques fonctionnant dans l’infrarouge. Nous avons deja decrit (Macquart-Moulin, 1976) un dispositif analogue a celui utilise. Le fond des cuves d’experimentation Ctaient en general recouvert de un a deux centimetres de sediment provenant des plages sur lesquelles Ctaient preleves les animaux; la hauteur d’eau au dessus du sable Ctait en general limitee a une trentaine de centimetres afin de ne pas placer les animaux du mediolittoral dans des conditions trop artificielles. Pour deceler les reactions a l’agitation, nous avons dispose un agitateur magnetique sous les cuves, le barreau aimante entrainait ainsi a volontt une agitation plus ou moins importante du sediment. Les cuves d’experimentations et les barrages Ctaient introduits dans des enceintes obscures et thermostatees, l’eclairement dans la Salle d’experience &ant maintenu constant pour tviter toute variation en cas de fuite lumineuse. Les animaux n’etaient pas nourris durant la duree de l’experience, mais l’eau Ctait en permanence abree par diffusion au travers une paroi en soie de nylon. Toutes les ruptures de barrages se produisant en un temps don& Ctaient sommtes par un compteur et enregistrtes. Sur les figures exprimant les rtsultats obtenus, nous avons fait apparaitre les variations de l’activite natatoire pour chaque jour, l’activite &ant exprimee par le nombre de passages enregistres par heure devant les cellules photo-Clectriques (Cchelle agauche). Nous avons fait figurer les resultats obtenus pour chaque jour d’exptrience les uns en dessous des autres, les m8mes heures Btant situtes sur le m&me alignement vertical. Les heures de nuit (entre 1 lux au crepuscule et 1 lux a l’aube), au premier jour d’experimentation, ont Ctt indiquees par une bande sombre. L’ttude des reactions photocinetiques a Bte realisee en Cclairage horizontal, en lumitre blanche seulement, selon un procede que nous avons deja a plusieurs reprises utilise (Macquart-Moulin, 1972, 1975). La cuve d’experimentation (longue de 1 m et large de 28 cm) Ctait placee sur le trajet d’un faisceau lumineux a rayons paralleles d’un diametre legtrement superieur a la largeur de la cuve, Cmis a travers une lentille par une lampe aux halogenes de 250 W; l’infrarouge de haute Cnergie, susceptible de provoquer un gradient thermique a l’intkieur de la cuve, Btait elimint par un filtre

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DES PLAGES

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antithermique. L’intensitt lumineuse Ctait modifike en interposant, entre la source et la lentille, des filtres neutres en verre de coefficients d’absorption p&is; nous pouvions ainsi faire varier l’tclairement fourni d’environ 4000 a 4.10e6 lux. Les animaux, prealablement adapt& plus de six heures a l’obscurite, a jeun, etaient introduits au centre de la cuve et testes isolement, pour Bviter tout effet de groupe. Les deplacements a faible Cclairement Btaient gCnCralement suivis 21l’aide d’un convertisseur de radiations infrarouges, ces dernieres pen&rant dans la cuve par en-dessous, perpendiculairement au faisceau de lumibre blanche. Pour l’etude des reactions des Isopodes aux faibles Cclairements, nous avons dQ toutefois utiliser un systtme de pibges, et rdaliser des experiences de groupe; l’utilisation du convertisseur presente en effet quelques inconvtnients &ant donne la rapiditt des dtplacements de ces animaux. La duree des experiences a gen&alement et6 limitee a 10 min et, en cas de dtplacements permanents, la position des animaux dans la cuve notte a ce moment-la. Pour caracteriser les deplacements, nous avons utilise un certain nombre d’indices prealablement deja definis (Macquart-Moulin, 1972). Nous indiquerons ici brievement leur signification. Indice relatifde photopositivitk (I). La cuve d’experimentation Ctant divisee en trois parties: la partie la plus sombre (l), la partie mediane (2), et la partie la plus Cclairee (3) le nombre d’animaux trouves dans chaque region 1,2, et 3 (n-, no, n+), apri% un temps donne d’experience, est multiplit par le coefficient correspondant et l’on fait ensuite la somme des resultats obtenus, ce qui donne l’indice absolu de photopositivite. L’indice relatif I est le quotient de l’indice absolu par le nombre d’animaux experiment&; I est Cgal a 1 lorsque toutes les reactions sont negatives, a 3 lorsque toutes les reactions sont positives. Pour les valeurs voisines de 2, l’indice peut indiquer une photoinhibition importante, un Cquilibre entre les reactions positives et les rtactions negatives, une absence de reactions orientees, ou un polyphasisme plus ou moins permanent. Indice de neutralite’ (IV). lndique le rapport des individus retrouves dans la zone mtdiane (2) ou N = 10. n”/(n- +n” +n+). Temps de latence (~5). C’est l’intervalle de temps precedant le premier deplacement notable de l’individu experiment& Durte moyenne des trajets (D.) C’est la duree moyenne effectues pour atteindre la zone sombre (Df) ou la zone Claire (D+). Pour rendre compte du polyphasisme, nous avons indiqd, dans la colonne ‘phases’ des tableaux, le nombre des individus ayant effectue une seule phase (l), deux phases (2) trois phases (3) et davantage (X). Toutes ces donntes ont CtBconsignees pour chacune des especes experimentees sur un tableau. Nous avons en outre indiqut les valeurs de Z et de N obtenues aprbs agitation de la cuve, les dix premieres minutes d’experience Ctant tcoultes.

C. MACQUART-MOULIN

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RBSULTATS ACTNIT

RVTHMIQUE

Eurydice affinis (Figs I, 2 et 3) Des echantillons des populations r&colt& sur les plages ont et6 experiment& a cinq reprises, dans l’obscuritt totale et dans des conditions constantes: un rythme circadien d’activite natatoire de frequence nocturne est apparu dans la plupart des experiences, 12H

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6H

Fig. 1. Activiti: natatoire de 40 Eurydice afinis dans l’obscurit&, en prtknce du 15 au 30 mai.

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de skdiment: experience

mais durant les premiers jours seulement. Nous devons en outre signaler plusieurs faits: - l’activite natatoire augmente bien durant la periode nocturne, mais a des heures tres irrtgulieres; - les nages peuvent se poursuivre durant toute la journee, parfois m&me avec une certaine intensite; - les animaux restent parfois enfouis en

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DES PhACARIDES

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DES PLAGES

permanence dans le sediment: le rythme d’activite natatoire ne peut alors se manifester que si le sediment est enleve (Fig. 2), ou s’il est agite continuellement (Fig. 3); on peut parfois noter une alternance de phases de longue duree: les animaux nagent en permanence, ou restent enfouis dans le sediment, durant plusieurs jours condcutifs.

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Fig. 2. Activitb natatoire de 30 Ewydice afinis dans l’obscuritk, en l’absence de skdiment: experience du 1 au 10 octobre: temperature, 19 “C.

11est possible que les variations observtes soient imputables a des variations de la composition ou de Y&at physiologique des Cchantillons de population experimentes, il semble en rCalitC que les rythmes circadiens d’emergence et d’activite natatoire soient chez cette espece, peu autonomes et tres labiles. La difference avec les rythmes mis en evidence chez les especes de l’infralittoral, E. inermis et E. truncata, est ici trts nette: ces derniers peuvent en effet se manifester clairement durant plus de trente jours constcutifs. Gastrosaccus mediterraneus

(Figs 4,5 et 6)

Les deux sexes ont BtCexperiment& ensemble, puis separement, toujours en presence de sediment. Dans toutes les experiences, un rythme clair et persistant de frequence nocturne est apparu, ce rythme restant net durant une dizaine de jours au moins. Durant les premiers jours, l’activite natatoire commence peu de temps avant le crepuscule et se termine a l’aube. Apres une dizaine de jours, les nages deviennent

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plus ou periode de jours par une exposee

C. MACQUART-MOULIN

moins permanentes durant la journee et on constate une extension de la d’activitt; le rythme peut cependant etre suivi pendant plus d’une vingtaine (Fig. 4). On peut observer un decalage progressif des heures d’activite cause augmentation de la periode du rythme. Chez cette espece, continuellement au deferlement, il est probable que le milieu experimental constitue un milieu

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18H

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Fig. 3. Activitk natatoire de 50 Eurydice afinis dans I’obscurit6, en presence de sediment: un agitateur a &e mis en fonctionnement dans la cuve d’expkimentation le 78me jours vers 17h: experience du 8 au 17 octobre: tempkrature, 18,5 “C.

particulibement calme, par rapport au milieu naturel; l’augmentation de ptriode qui se produit aprts la mise en experience ne parait done pas suprenante si on accepte l’hypothese selon laquelle toute action inhibitrice est susceptible d’allonger la periode des rythmes (Aschoff, 1960). A I’appui de cette derniere hypothtse, nous citerons les resultats de deux experiences effectuees simultanCment avec deux lots de femelles provenant d’un meme Cchantillon, a deux temperatures differentes, 18” et 13 “C

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Fig. 4. Activitk natatoire de 15 Gastrosaccus mediterraneus femelles dans I’obscuritk, en prksence de sediment: exp6rience du 10 juillet au 9 aout: tempkrature, 17 “C.

C. MACQUART-MOULIN

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Fig. 5. Activitb natatoire de 30 G~jfusucc~ med~f~r~aneus maies dam I’obscurite, en prkence sediment: experience du 8 au 20 octobre: temperature, 18,5 “C.

de

TABLEAU 1

Eurydice uffinis: influence de l’intensite lumineuse sur la valeur des differents indices caracterisant les dtplacements de l’espltce dans un faisceau horizontal de lumibre blanche: I, indice de photopositivite. Lux

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(Fig. 6): aiors que la ptriode du rythme n’a que lr5gerement changee chez le premier lot, elle a fortement augment~e chez le second (les animaux, p&h&s au debut de l’automne, Ctaient adapt& a des temperatures estivales).

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12H

18H 24H 6H i""'lll"'lyJ_,L

Fig. 6. Activitb natatoire de deux lots de 18 Gastrosaccus mediterraneus femelles dans l’obscurit6, en prksence de s6diment: expkience du 3 au 23 novembre: temperatures; 13 “C (a gauche), 18 “C (a droite).

Gastrosaccus spinifer (Figs 7,8 et 9) Chez cette esptce, les femelles, les males, et les jeunes immatures ont CtCexptrimentCs separlment (toujours en pr&ence de sediment). Dam les quatre expkriences effect&es, un rythme d’tmergence de frequence nocturne s’est manifest6 clairement chaque nuit; ii a pu &trC suivi durant prts de cinquante jours chez les femelles (Fig. 7). Le rythme est acqui tres rapidement par les immatures: ceci a pu &tre etabli en plaCant en experience les individus les plus jeunes rtcoltes dans la nature (Fig. 8). Contrairement a ce qui se produit chez G. mediterruneus, laperiode du rythme tend k diminuer dans les conditions experimentales; cela peut provenir du fait que le biotope nature1 de ces animaux est sensiblement moins agitt que celui de I’espece du mediolittoral.

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Fig. 7. Activit6 natatoire de 2.5 Gastrosaccus spinifer femelles dans l’obscuritk, en presence de sbdiment: exp&ience du 10 juillet au 29 aout: temptirature, 17°C.

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Fig. 8. ActivitC natatoire de 25 Guslrosaccus spinifer males dans l’obscuritk, en prtsence de skdiment: experience du 10 au 30 juillet: temperature, 17 “C.

REACTIONS PHOTOCINETIQUES

Eurydice affinis (Tableau I, Fig. ZO) Presque tous les individus exptrimenth Btaient des femelles non ovigkes. Le comportement est caractCris6 d’une part, par la valeur moyenne de l’indice de

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_.__.__

Fig. 9. Activitd natatoire de 40 Gastrosuccus spinifer immatures dam I’obscuritk, en presence de sediment: exphience du 10 au 30 juillet: tempbrature, 17 “C.

photopositivitt, cela quel que soit l’eclairement, d’autre part, par une absence totale de photoinhibition et une cinbe extremement &levee. Cette derniere se manifeste, aux Cclairements superieurs a lo-’ lux, par une alternance tres rapide de phases positives et de phases negatives, et, aux tclairements inferieurs, par des nages rapides et non orientees dans toutes les parties de la cuve d’experimentation. Nous pouvons noter une tendance photontgative certaine vers 4000 lux (I = 1,9, puis I,7 apt-es agitation); c’est aussi B cet Cclairement que nous avons note le plus faible nombre de phases,

L’GMERGENCE

DES PfiRACARIDES

DES PLAGES

15

signe dune orientation plus marquee des nages. I1 est probable que cette tendance se serait trot&e confirmee si nous avions pu experimenter avec des Cclairements superieurs, plus voisins de l’eclairement diurne. Une tres leg&e tendance photopositive se manifeste de 400 a 10e2 lux, comme le montrent les valeurs de Z enregistrees i.e., 2,2; 2,3, et 2,2. Pour les Cclairements inferieurs a 10 -3 lux, l’orientation des animaux devient independante de celle de la lumiere. En resume, si les quelques reactions constatees ne nous permettent pas de parler dune indifference de cette espbce a l’orientation de la lumibre, on ne peut que constater, pour les Cclairements utilises, la faiblesse des reactions orientees. Cette derniere contraste fortement avec l’intensitt des reactions observtes dans les mCmes conditions chez les especes de l’infralittoral: E. inermis et E. trumata (MacquartMoulin, 1972). Gastrosaccus mediterraneus

(Tableau ZZ,Fig. IO)

La majorite des individus mis en experience ttaient des femelles, parfois ovigeres; les quelques males testes n’ont pas montre un comportement notablement different de celui des femelles. Les immatures jeunes semblent toutefois nettement plus photopositifs A 4000 lux. TABLEAU

Gastrosaccus

mediterraneus:

caracterisant

les deplacements

Lux

4000

n-

4

no

3

10-4 10-e

3

influence de l’intensite lumineuse SLITla valeur des differents indices de l’espece dans un faisceau horizontal de lumiere blanche: I, indice de photopositivite. I

N

Phases 123 x

4 11

2 3

2,1

3 1

5 12

2,2 2,9

2,1 0,7

5312 13

8 10

5 2

2,4 2,l

6,l 8,3

13 5

400 4 1o-2

II+

11

325 10

1 1

7

L

(set)

12 15

D+

(min-set)

Ames agitation I

N

3’30 1’

1,8 2,5

1 2,l

5’20 1’10

2,2 3

1

1’46 2’56

2,9 2,2

0,7 7,5

Le comportement est, chez cette espece aussi, caracttrise par une absence de photoinhibition et une cinbse qui, bien que moins Clevte que chez les Isopodes, reste importante. Les reactions orient&es sont par contre beaucoup plus franches: l’indice de photopositivitt atteint des valeurs extremes et on nenote le plus souvent qu’une ou deux phases avant l’atteinte dune position de stabilisation. On peut remarquer, comme chez E. afinis, une tendance photonegative Afort eclairement qui se manifeste surtout aprbs agitation (I = 1,S); l’espbce devient franchement photopositive d&s400 lux et le signe de la reaction ne change pas jusque vers lo- ’ lux, Bclairement pour lequel on note une

C. MACQUART-MOULIN

76

certaine neutralite (N = 8,3). Nous remarquerons seulement uncertain affaiblissement de l’intensite de la reaction positive, pour des Cclairements d’ordre crepusculaire, vers 4 lux (cet affaiblissement se manifeste par une diminution brutale de l’indice de photopositivite et par l’augmentation du nombre de phases et de la durte des trajets photopositifs). D’apres les resultats obtenus apt-es agitation, on peut penser que l’intensite des reactions photopositives atteint son maximum pour les Cclairements compris entre 10e2 et 10e4 lux. La difference entre le comportement de cette espece et celui des especes d’habitats plus profonds que nous avons experimenttes, G. lobatus et G. lobatus var. armatus (Macquart-Moulin, 1975) est tres marquee: la photoinhibition est ici nulle et la cin,tse nettement plus ClevCe, les reactions negatives sont peu nombreuses, et les rCactions positives apparaissent pour des tclairements de valeurs diurnes (Fig. 10). Gastrosaccus spinifer (Tableau III, Fig. IO) La plupart des individus testes Ctaient des femelles, ovigeres ou non; nous n’avons pas remarque de differences notables dans le comportement des quelques males experimentees. TABLEAU III Gasrrosaccus spinifer:

influence de l’intensite lumineuse sur la valeur des differents indices caracterisant les deplacements de l’espece dans un faisceau horizontal de lumiere blanche: I, indice de photopositivite. Lux

4000

400 44 10-Z 10-d 10-6

n-

4

4 5 1 1

ia0

6 5 3 7 7

II+

1 2 5 10 6 4

I

1,7 1,8 2 2,8 2,4 2,2

N

5 4,5 _ 2,3 5 5,8

Phases 123

611 6 3 9 1 13 14 12

D+

Apres agitation ______ I N

1’50

9’30

1,6

4,5

1’12

7 10 1’31

I,7 2,3

5,4 1

140 7’10

2,9 2,8

0,7 2,l

7’45

2,3

5

L

x

3 2

La cinese est moins ClevCe que chez les deux esptces du mediolittoral et on note une certaine photoinhibition aux eclairements de valeurs diurnes (le temps de latence est superieur 9 1 min et l’indice de neutralite reste proche de 5, m&me apres agitation). L’indice de photopositivite varie dans d’assez grandes proportion. Pour les Cclairements superieurs a 100 lux, les reactions photonegative predominent (1 = 1, 7 et 1, 6 apres agitation, a 4000 lux); on note aussi l’existence frequente de plusieurs phases. Le signe de la phototaxie s’inverse franchement en dessous de 1 lux, a lo-’ etalO_ 4 lux, Bclairements pour lesquels la quasi totalite des reactions observees sont positives. Vers 10 -6 lux, l’indice de neutralite augmente et l’indice de photopositivitt se rapproche de 2. On note une evolution vers une absence totale de reactions orientees.

L’fiMERGENCE

DES P&.ACARIDES

17

DES PLAGES

Le comportement de l’espece peut Ctre consider6 comme intermediaire entre celui des Gastrosaccus du mediolittoral, et celui des Gastrosaccus des zones plus profondes de l’infralittoral: comme chez G. mediterraneus, la phototaxie devient franchement positive en dessous de 1 lux, comme chez G. lobatus, on note, aux Cclairements de valeurs diurnes, une certaine photoinhibition et une predominance des reactions negatives. LUX

-

I

+

I

1

4.103 4

-

- --

-

4.loa

-

4. IO3

-

4

-G.spinifer 6. lobatus

.,....G.armatus

-G.

-I -

mediterraneus

- --

6. lobatus

......

6. armatus

-E.

affinis

4.10* 1 1

4. IO3 4

I...

I

I

I

....

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

..

-I

- --

E. inermis

......

E. truncata

4. IO” 1 -1

13

2

2,5

3

Fig. 10. Modifications de l’indice de photopositivitk (I) en fonction de l’intensit6 lumineuse chez les trois espkces des plages (E. afinis, G. mediterraneas et G. spinifer) et chez quatre espbces fouisseuses benthoplanctoniques de l’infralittoral (E. inermis et E. truncafa, G. Zabatus et G. Matus var. armatw): les klairements nocturnes sont indiquks par une zone sombre. DISCUSSION

Chez les trois especes &dikes, nous avons pu observer experimentalement la manifestation d’un rythme circadien endogene de frequence nocturne, d’emergence

78

C. MACQUART-MOULIN

et d’activitt natatoire. Ce rythme est relativement autonome et se manifeste toujours clairement chez les Gastrosaccinae; il est beaucoup moins constant, et, semble-t-i1 moins autonome chez E. a&is. Chez les Mysidacts, l’emergence a lieu regulibrement chaque nuit, m@meen milieu absolument calme; chez 1’Isopode au contraire, le rythme ne peut souvent &re mis en evidence que par agitation du milieu, ou par le retrait de tout sediment. Un probleme voisin s’est post a Jones & Naylor (1970) a propos de l’espece E. pulchra, dans les mers a marees importantes toutefois. Ces auteurs devaient agiter en permance le milieu d’exptrimentation ou enlever tout sediment pour voir un rythme (circatidal) se manifester. Recemment, aprb que Fish 8z Fish (1972) aient observe que ces mCmes animaux pouvaient sortir spontanement du sediment en ptriode de vives eaux, I’Ctude du comportement de l’espbce a CtC reprise (Alheit & Naylor, 1976), et un rythme circasemilunaire d’tmergence du sediment mis en evidence: les animaux ne sortent spontanement du sediment que durant les periodes de vives eaux, quand ce rythme d’emergence et le rythme d’activitt natatoire sont a leur maximum. En ptriode de mortes eaux, le rythme circatidal ne peut Ctre mis clairement en evidence qu’en l’absence de sediment. D’aprCs ces rtsultats, on pourrait penser qu’un rythme d’emergence de longue periode surajoute aussi son action a celle du rythme circadien d’activite natatoire, chez E. q$nis, ce qui expliquerait les absences parfois prolongees d’emergence que nous avons constatees: le rythme d’activite natatoire peut en effet etre mis en evidence durant ces ptriodes par une agitation permanente du milieu. Nous n’avons pu encore cependant Ctablir une periodicitt precise de ces periodes d’enfouissement prolong& Nous remarquerons aussi qu’un tel comportement a ttt parfois trouve chez les Eurydice de l’ttage infralittoral qui avaient subi un stress, mais jamais chez les animaux mis directement en experience (Macquart-Moulin, 1976). 11faut rappeler d’autre part que l’esptce E. afinis vit en MCditCrranee dans la zone du deferlement et qu’elle est par suite constamment et journellement soumise a de forts mouvements de sediment; il n’est done pas ttonnant que les emergences ne se produisent pas toujours spontanement en milieu parfaitement calme, bien que le rythme circadien d’activite natatoire persiste. L’agitation qui regne au niveau du biotope diurne de l’espece semble par ailleurs devoir expliquer en partie la difference de nettete existant entre son rythme circadien et ceux des especes de l’infralittoral: la violence des vagues peut en effet en permanence, et m8me le plus souvent durant la journee (par regime de brises cob&es), arracher les individus du sable et les rendre pour un temps a la vie pblagique. Les rythmes observes chez G. mediterraneus et G. spinifer sont nets et relativement autonomes, tout a fait comme ceux enregistres chez les Gastrosaccus d’habitats plus profonds (Macquart-Moulin, 1975). A la suite de ces observations, on peut admettre que les nages nocturnes des especes fouisseuses du mediolittoral et de la frange superficielle de l’infralittoral sent, comme celles des especes des zones plus profondes de l’infralittoral, controlees au moins partiellement par l’existence de rythmes endogenes d’emergence et d’activite

L’BMERGENCE DES PeRACARIDES

DES PLAGES

79

natatoire. Chez E. ajinis, contrairement a ce qui se produit chez les Eurydice de l’infralittoral, l’emergence pourrait Ctre en partie sous la dependance de la violence du deferlement, le rythme d’activite natatoire assurant seulement un maintien plus permanent des individus dans les eaux durant la nuit. Les rtsultats obtenus par l’ttude des reactions photocinetiques des especes peuvent nous permettre d’etudier precistment la synchronisation de ces rythmes. Nous avons fait figurer (Fig. 10) les variations en fonction de la valeur de l’eclairement, des indices de photopositivitt des trois esptces Ctudiees, et des especes qui leur correspondent dans l’etage infralittoral. Nous pouvons considerer, d’apres les rtsultats obtenus dans les actographes, que le rythme d’emergence et d’activitt commence a se manifester vers quelques centaines de lux chez les Mysidaces, et a des Cclairements legerement plus tleves chez les Eurydice, l’activite natatoire, chez cette dernike espece, pouvant parfois se maintenir durant toute la journee. L’observation de la figure 10 nous montre que, chez les trois especes des plages, la phototaxie est leggbrement negative pour les Cclairements superieurs a 1000 lux (nous pouvons penser, comme nous I’avons mentionne que cette tendance photonegative s’affirme au dessus de 4000 lux, pour des Cclairements plus eleves). La tendance photontgative est la plus affirmee chez G. spinifer et une certaine photoinhibition peut aussi &tre observee: il s’agit en fait de la seule espece vivant hors deportee dun ensoleillement direct. Pour les Cclairements inferieurs a quelques lux, la phototaxie est franchement positive chez les Gastrosaccus, mais tres voisine de la neutralite chez E. afinis. I1 semble done que la sensibilite particulibe de chacune des especes a la lumitre soit en mesure d’expliquer la synchronisation de leur rythme circadien: la faible autonomie et le manque de nettete des rythmes chez les Eurjdice pourraient Ctre expliquts par la faiblesse des reactions de l’esptce aux differents tclairements (l’indice de photopositivite reste en effet toujours voisin de 2); ceci expliquerait aussi les differences observees dans la nettete des rythmes, chez cette espece et chez celles de l’infralittoral. Si les variations des reactions photocinttiques des especes en fonction des differents Cclairements permettent d’expliquer le conditionnement de leur rythme circadien, on peut cependant s’interroger sur la signification ecologique de la tendance photopositive qui se manifeste, meme chez des animaux adapt& prtalablement a l’obscurite, pour des Cclairements encore suptrieurs a une centaine de lux: cette tendance est totalement absente chez toutes les esptces des zones plus profondes de l’infralittoral. Elle se manifeste ici nettement chez G. mediterrarteus, et peut Ctre aussi decelee chez l’autre espece du mediolittoral, E. afirtis, et, dans une moindre mesure, chez G. spinifer.

Nous pouvons, a ce sujet, formuler une hypothtse. Cette reaction permettrait aux animaux de ragagner leur habitat diurne au moment de l’aube, la phototaxie negative ne s’installant pas immtdiatement au lever du jour, et la cinese restant ClevCe.A cette reaction devrait s’ajouter necessairement une autre: une reaction geopositive amenant les animaux en contact avec le sediment. L’association de ces deux reactions et dune baisse generale du niveau de l’activite natatoire devrait normalent aboutir a un retour

C. MACQUART-MOULIN

80

des animaux niveau

nageant

du dtferlement,

dans le plancton lorsque

vers les plages, puis A un enfouissement

l’klairement

devient

suptrieur

A un millier

au

de lux.

Comme nous l’avons fait observer, une telle &action photopositive (accompagnte d’une cintse tlevt) pour des Cclairements largement suptrieurs A 1 lux, n’a jamais CtC enregistrke

chez les PCracarides

benthoplanctoniques

de l’infralittoral

que nous avons

Ctudits: chez ces espkes, il n’y a aucune nCcessitC d’un dkplacement horizontal, la photoinhibition et les rkactions photontgatives et gkopositives du lever du jour permettant aux animaux de retrouver aiskment leur biotope diurne. I1 conviendrait toutefois, pour vkrifier l’hypothese Cmise, d’Ctudier, comme nous I’avons fait pour les espkces benthoplanctoniques, les modifications des rkactions gkotaxiques des esptces des plages en fonction du niveau de l’kclairement, oti d’ktablir si la baisse d’activitC natatoire se produisant au tours de la nuit est suffisante pour expliquer une entrCe en contact des animaux avec le stdiment. Le retour des animaux B leur biotope diurne pourrait en outre &tre facilitk par leur sensibilitt aux variations de pression. Morgan (1973) a pu en effet montrer que, chez une population mClangCe de E. pulchra et de E. @inis, toute augmentation de pression entrainait un ddplacement vers le haut des individus.

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L’GMERGENCE

DES PGRACARIDES

DES PLAGES

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