pratique suivi officinal
Le patient dialysé, ce que le pharmacien d’officine doit savoir Karim DARDIM* Pharmacien
Pierre PEYRONNET Néphrologue a Association limousine pour l’utilisation du rein artificiel à domicile, Service pharmacie, Gain, 87170 Isle, France b Association limousine pour l’utilisation du rein artificiel à domicile, Avenue du Buisson, 87038 Limoges, France
Les patients dialysés sont considérés à haut risque d’effets indésirables médicamenteux. L’attention particulière qu’ils requièrent est d’autant plus justifiée qu’ils sont souvent âgés et fragiles. Dans cette population, les décès sont essentiellement d’origine cardiovasculaire, puis infectieuse. Par ailleurs, des progrès restent à faire dans la prise en charge diététique étant donné l’importance de l’hypoalbuminémie et du statut nutritionnel en tant que facteurs pronostiques de la mortalité en dialyse. C’est sur ces trois axes impliquant la survie que le pharmacien doit apporter sa contribution au néphrologue, en étant en particulier garant de la pertinence médicamenteuse. © 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Mots clés - dialyse ; diététique ; infection ; maladie cardiovasculaire ; observance ; officine
Dialysis patients, what the community pharmacist should know. Patients on dialysis are considered to be at high risk of adverse drug effects. The fact that these patients are often old and frail means that they require special attention. In this population, the main cause of mortality is cardiovascular disease followed by infection. Moreover, progress remains to be done in terms of the dietary management of these patients given that hypoalbuminaemia and nutritional status are significant prognostic factors of mortality with dialysis. It is in these three areas which have an impact on survival that the pharmacist can support the nephrologist, by assuring in particular drug compatibility. © 2018 Elsevier Masson SAS. All rights reserved
Keywords - cardiovascular disease; community pharmacist; compliance; dialysis; dietetics; infection
*Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (K. Dardim).
38
© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2018.09.009
© ivas76/stock.adobe.com
L
a France compte une officine pour 2 900 habitants [1] et 629 patients dialysés pour un million d’habitants [2], soit 1,8 par officine. Chaque pharmacien est donc concerné. L’attention qui doit être portée à ces malades est d’autant plus justifiée que leur âge médian est de 70,4 ans [2]. Ainsi, ils sont le plus souvent polypathologiques, donc polymédiqués. L’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) nécessite une épuration extracorporelle (EEC) qui ne comble qu’une modeste partie du défaut d’excrétion des reins. L’absence des fonctions endocrines qui entraîne des troubles métaboliques doit être compensée par la thérapeutique. Cette EEC peut s’effectuer grâce à l’hémodialyse (HD) ou la dialyse péritonéale (DP) : l’HD, qui dure en général quatre heures, est programmée trois fois par semaine dans un centre dédié alors que la DP
L’insuffisance rénale chronique terminale nécessite une épuration extracorporelle qui ne comble qu’une modeste partie du défaut d’excrétion des reins.
se réalise au domicile du patient de façon intermittente (DP automatisée) ou continue (DP continue ambulatoire). L’épuration des médicaments diffère selon la méthode employée. Le patient qui bénéficie d’une DP peut avoir recours au médecin
généraliste ou encore à l’automédication plus facilement. Dans ce contexte, la diurèse résiduelle est extrêmement importante pour la pérennité de la technique et doit être conservée. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sous toutes
Actualités pharmaceutiques • n° 580 • novembre 2018 •
pratique suivi officinal
Notes
Tableau 1. Statines : adaptation posologique chez le patient dialysé.
1
Dénomination commune internationale
Posologie usuelle
Posologie du patient dialysé
Atorvastatine
10 à 20 mg/jour (80 mg/jour maxi)
Pas d’ajustement
Fluvastatine
20 à 80 mg/jour
50 % de la dose
Pravastatine
10 à 40 mg/jour
10 mg/jour
Rosuvastatine
5 à 40 mg/jour
5 à 10 mg/jour
Simvastatine
5 à 80 mg/jour
5 à 10 mg/jour
L’hypertension artérielle est très fréquente chez le patient dialysé (prévalence de 22,7 %). Elle n’est volontairement pas abordée dans cet article car elle est complexe et essentiellement volo-dépendante, donc du ressort du néphrologue.
2
les formes (per os ou topiques) sont donc à proscrire. Les causes de mortalité du patient dialysé sont majoritairement cardiovasculaires, avant les infections, puis les cancers. Dans ce contexte, le pharmacien d’officine doit jouer un rôle majeur dans l’observance et mettre l’accent sur certaines classes thérapeutiques.
Maladies cardiovasculaires Vingt-quatre pour cent des patients dialysés décèdent d’une cause cardiaque : insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde et mort subite.
Antivitamines K
✦ La fibrillation atriale (FA) est l’arythmie qui touche le plus les patients dialysés et insuffisant rénaux, elle affecte entre 15 et 20 % des patients [3]. Les antivitamines K (AVK) représentent le traitement de référence, or le patient dialysé à souvent recours aux antibiotiques ce qui constitue un risque pour l’international normalized ratio (INR). ✦ Le pharmacien d’officine devra être vigilant aux interactions pouvant modifier l’INR (macrolides et apparentés, cotrimoxazole, cyclines, fluoroquinolones, certaines céphalosporines qui augmenteront l’INR et la rifampicine le diminuera jusqu’à une à quatre semaines après l’arrêt). Il faut donc simplement penser à poser la question suivante au patient : « Est-il prévu de recontrôler rapidement votre INR ? »
Actualités pharmaceutiques • n° 580 • novembre 2018 •
Les statines
✦ La question de l’efficacité des statines sur le risque d’événements cardiovasculaires chez le patient dialysé a été abordée très succinctement à travers trois études. ✦ Dans l’essai 4-D, 1 255 patients dialysés diabétiques ont été assignés au hasard dans le groupe atorvastatine 20 mg/jour ou placebo [4]. Au bout de quatre semaines, le taux de lipoprotéines de basse densité (cholestérol LDL) avait diminué avec succès (de 1,2 à 0,7 g/L) dans le premier groupe alors qu’il était resté stable (de 1,25 à 1,20 g/L) dans le second. À l’issue d’un suivi médian de quatre ans, aucune différence n’a été notée concernant le critère principal de l’étude, c’est-à-dire les décès d’origine cardiovasculaire. ✦ Dans l’étude AURORA, 2 776 malades dialysés ont été assignés au hasard dans le groupe placebo ou rosuvastatine 10 mg/ jour [5]. Les concentrations sériques de cholestérol LDL ont diminué de façon significative, de 1 à 0,58 g/L. Avec un suivi médian de 3,8 ans, l’incidence du critère composite (décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal ou accident vasculaire cérébral [AVC] non fatal) était similaire dans les deux groupes. ✦ L’essai SHARP a tenté d’évaluer l’efficacité de la combinaison simvastatine-ézétimibe comparée à un placebo sur la réduction de la mortalité cardiovasculaire chez des patients insuffisants rénaux
chroniques (IRC) qui étaient, pour un tiers d’entre eux, dialysés [6]. Au cours des 4,9 ans de suivi, la combinaison a montré une efficacité sur les événements artérioscléreux plutôt que vasculaires, avec un effet limité sur les AVC et la mort de cause cardiovasculaire autre que coronaire. ✦ Les méta-analyses tenant compte de ces trois essais contrôlés et randomisés montrent que les statines sont inefficaces chez le patient dialysé (ceci ne s’applique pas chez le malade IRC non dialysé). Les recommandations actuelles sont de ne pas initier un traitement par statine en prévention primaire dans cette population [7]. Les statines peuvent toutefois être utiles dans certains cas, mais leur efficacité sera diminuée car la morbi-mortalité cardiovasculaire du malade dialysé n’est pas athérothrombotique mais plutôt due à une calcification valvulaire, une rigidité vasculaire avec calcification, une atteinte de la structure cardiaque (hypertrophie ventriculaire gauche [HVG]) ou une insuffisance cardiaque. Le pharmacien est impliqué dans l’adaptation posologique en cas d’atteinte ou simplement de fatigue musculaire (tableau 1) [8]. ✦ Les calcifications représentent un important risque de morbidité cardiovasculaire et leur présence au niveau vasculaire est une des conséquences de l’hyperphosphorémie [9] qui majore par elle-même le risque de mortalité de 12 % [10]. La prise
Les différentes méthodes d’adaptation posologique ne sont pas détaillées ici (dose, intervalle et mixte).
3
Code de conduite développé par la Fondation Health On the Net.
39
pratique suivi officinal
Références [1] Ordre national des pharmaciens. Cartes régionales-Officine. Juillet 2018. www.ordre.pharmacien.fr/ Le-pharmacien/Secteursd-activite/Pharmacie/ Cartes-regionales-Officine/ Nombre-d-officines [2] Agence de la biomédecine. Registre français des traitements de suppléance de l’insuffisance rénale chronique. Rapport annuel 2012. www.sfndt.org/sn/ PDF/enephro/registres/ rapport_2012/rapport_2012. pdf [3] Soliman EZ, Prineas RJ, Go AS et al. Chronic Renal Insufficiency Cohort (CRIC) strudy group. Chronic kidney disease and prevalent atrial fibrillation: the Chronic Renal Insufficiency Cohort (CRIC). Am Heart J. 2010;159(6):1102-7. [4] Wanner C, Krane V, März W et al. Atorvastatin in patients with type 2 diabetes mellitus undergoing hemodialysis. N Engl J Med. 2005;353(3):238-48. [5] Fellström BC, Jardine AG, Schmieder RE et al. Rosuvastatin and cardiovascular events in patients undergoing hemodialysis. N Engl J Med. 2009;360(14):1395-407. [6] Baigent C, Landray MJ, Reith C et al. The effects of lowering LDL cholesterol with simvastatin plus ezetimibe in patients with chronic kidney disease (Study of Heart and Renal Protection): a randomised placebocontrolled trial. Lancet. 2011;377(9784):2181-92. [7] KDIGO Clinical practice guideline for lipid management in chronic kidney disease. Kidney Int Suppl. 2013;3. https://kdigo.org/wp-content/ uploads/2017/02/KDIGO2013-Lipids-Guideline-English. pdf [8] Ponte B, Bourquin V, Stoermann-Chopard C. Statines : quelle place dans le traitement de l’insuffisance rénale chronique ? Rev Med Suisse. 2009;5:463-8.
40
en charge thérapeutique de ce paramètre est importante et complexe. Elle nécessite une bonne maîtrise des moyens thérapeutiques et diététiques permettant de normaliser la calcémie, la phosphorémie, le taux de vitamine D et de parathormone (PTH). L’objectif est de corriger l’hypocalcémie, l’hyperphosphorémie et l’hyperparathyroïdie secondaire (HPTS).
Les chélateurs du phosphore
✦ Les chélateurs calciques regroupent le carbonate de calcium disponible dans différentes spécialités (Orocal ®, Calcidia ®) ou en préparation magistrale ainsi que l’acétate de calcium (Phosphosorb®). Ces médicaments doivent être pris pendant un repas riche en phosphore si l’objectif est d’abaisser la phosphorémie ou à distance des repas si la correction de l’hypocalcémie est visée. ✦ Les chélateurs non calciques sont le sévélamer (Renvela®, Renagel®) et le lanthane (Fosrenol®). Ces derniers ont une efficacité prouvée dans la correction de l’hyperphosphorémie mais sont fréquemment mal tolérés, surtout au niveau digestif car ils entraînent des douleurs abdominales, une constipation et une diarrhée, ce qui rend l’observance très médiocre. Le rôle du pharmacien est donc primordial. Il doit veiller à ce que le patient prenne correctement ses médicaments, c’est-à-dire absolument au cours ou juste après les repas, afin d’améliorer la tolérance et l’efficacité. De plus, le conditionnement de ces spécialités, ainsi que les posologies variables en fonction des repas, rendent très difficile le suivi pour le néphrologue. L’officinal, qui détient l’historique des délivrances, lui sera d’une aide précieuse.
Le contrôle du taux de vitamine D
✦ Une supplémentation en vitamine D est souvent nécessaire chez les patients dialysés qui présentent la
plupart du temps un important déficit (< 30 ng/mL de 25OH). ✦ Il est préférable d’utiliser de la vitamine D2 (Sterogyl ®) ou D3 (Uvedose®, Zymad®) pour corriger ce déficit. La vitamine D dite “active”, le calcitrol (Rocaltrol®, Un-Alfa®), est utilisée dans certaines situations dans le but de réduire le taux de PTH tout en surveillant la phosphorémie.
L’HPTS
✦ En cas d’HPTS, il est possible de freiner la PTH avec les médicaments présentés précédemment, qui sont spécifiques de l’ordonnance d’un patient dialysé (sauf la vitamine D). ✦ Le cinacalcet (Mimpara®), qui a permis une diminution du recours à la parathyroïdectomie, doit être pris, lui aussi, au moment des repas. Les principaux effets indésirables rapportés sont des nausées, des vomissements et une anorexie. Un délai de 12 heures doit être respecté entre l’administration du comprimé et le dosage de PTH.
Diététique La prise en charge diététique est primordiale dans le traitement des troubles métaboliques affectant le patient dialysé.
Le phosphore
✦ La correction de la phosphorémie est capitale chez le malade sous dialyse. ✦ Certains aliments sont particulièrement riches en phosphore : abats (foie, cervelle, rognons, ris de veau et d’agneau), gibiers (chevreuil, sanglier, faisan, bécasse, caille), préparations industrielles (charcuterie industrielle, plats cuisinés), pigeon, oie, certains poissons frais (sardines, lieu noir, saumon) ou en conserve (sardines, maquereaux, thon), crustacés (crabe, crevettes), mollusques (huîtres, moules), aliments complets (pain, céréales et riz complets), légumes secs (lentilles, haricots blancs, fèves, pois chiches), fromages, en particulier
ceux à pâte dure (gruyère, comté, beaufort, parmesan, cantal…) et allégés, crème de gruyère, fruits oléagineux (amande, cacahuète, noisette, noix, pistache), chocolat, gâteaux secs, madeleines, brioches, viennoiseries…
Le sodium
✦ Pour une bonne prise en charge de la pression artérielle du patient dialysé1, il convient de lui recommander de maîtriser ses apports en sodium. ✦ Une connaissance des aliments riches en sel y contribuera : charcuterie, fromages (cantal, de Hollande, gruyère, camembert), viandes et poissons en conserve, coquillages et crustacés, conserves de légumes, pain et biscottes ordinaires, gâteaux apéritifs, pâtisseries, biscuits et plats cuisinés du commerce, potages en sachet, condiments et sauces du commerce, levure chimique et eaux minérales gazeuses (sauf Perrier® et Salvetat®). ✦ Il convient, par ailleurs, de proscrire les formes galéniques effervescentes qui contiennent 0,4 g de sodium/cp (1 g de sel NaCl) et de conseiller de prendre les formes orales avec une grande quantité d’eau.
Le potassium
✦ Le potassium est dangereux pour la personne sous dialyse, un taux sanguin trop élevé pouvant entraîner un arrêt cardiaque. ✦ Aussi, il est nécessaire d’être en mesure identifier les denrées qui en sont très riches et de ne pas consommer deux des aliments suivants dans la même journée : légumes secs (lentilles, haricots blancs, fèves, pois cassés, pois chiches), épinards, fruits secs (abricots et raisins secs, pruneaux, figues), fruits confits, bananes, abricots, prunes, kiwi et melon, certains fruits rouges (cassis, cerises, groseilles, raisin, framboises), rhubarbe, olives, avocats, châtaignes et marrons, amandes, cacahuètes, noix, noisettes et sirops de fruits en boîte.
Actualités pharmaceutiques • n° 580 • novembre 2018 •
pratique suivi officinal
Tableau 2. Traitements des maladies infectieuses : adaptation posologique chez le patient dialysé. Dénomination commune internationale
Posologie usuelle
Posologie du patient dialysé
Acide fusidique
500 mg toutes les 8 à 12 heures
500 mg toutes les 8 à 12 heures
Angine : 500 mg à 1 g/12 heures
500 mg/24 heures
1 g toutes les 8 à 12 heures
500 mg/24 heures
Azithromycine
Angine : 500 mg/jour
Angine : 250 à 500 mg/jour
Ciprofloxacine
500 à 750 mg/jour
500 à 750 mg/jour
Cloxacilline
50 mg/kg/jour sans dépasser 4 g/jour
50 mg/kg/jour sans dépasser 4 g/jour
Ofloxacine
Infection sévère : 400 mg/12 heures
Infection sévère : 200 mg/24 heures
Sulfaméthoxazole-triméthoprime
800 mg toutes les 8 à 12 heures
800 mg après chaque séance de dialyse
Valaciclovir
Curatif à Herpès simplex virus (HSV) : 500 mg/12 heures
Curatif à HSV : 500 mg/24 à 48 heures
Amoxicilline Amoxicilline-acide clavulanique
1
1
Sur le conditionnement secondaire et primaire de ce médicament, il est stipulé en rouge : une prise = deux comprimés = 1 g.
✦ Des résines échangeuses d’ions peuvent être prescrites (Kayekalate®, Resikali®) au patient dialysé (médicaments spécifiques).
L’eau Le volume de boisson autorisé quotidiennement à un patient dialysé est d’environ 750 mL.
La dénutrition
✦ La dénutrition du patient dialysé, fréquente et multifactorielle [11], est associée à une mortalité élevée (environ 30 %) [12]. Ainsi, dans cette population, le surpoids et l’obésité constituent paradoxalement un facteur de bon pronostic [13]. ✦ Parmi les compléments nutritifs oraux (CNO) disponibles, il est préférable de conseiller les formes hyperprotéinées et hypercaloriques à basse teneur en phosphore et potassium. Le problème principal des CNO est la compliance qui ne dépasse pas 50 à 70 % au-delà de six mois [14]. Ici encore, le rôle du pharmacien est essentiel.
Maladies infectieuses ✦ Les maladies infectieuses constituent la deuxième cause de mortalité chez le patient dialysé (12 %). Leur survenue est liée
Actualités pharmaceutiques • n° 580 • novembre 2018 •
en partie à un dysfonctionnement du système immunitaire qui augmente la sensibilité aux infections. En effet, l’urémie modifie l’immunité naturelle et acquise, ce qui entraîne une immunodépression modérée. ✦ Les conseils du pharmacien concernant l’observance ainsi que la prise en charge d’affections ORL bénignes sont très importants, notamment en matière d’adaptation posologique (tableau 2) [15]. ✦ Il n’est pas rare de voir apparaître des troubles neurologiques dus à un surdosage en valaciclovir pourtant prescrit à la posologie usuelle [15]. ✦ Du fait de la présence d’un dysfonctionnement immunitaire chez les personnes sous dialyse, les sociétés savantes de néphrologie leur recommandent de se faire vacciner contre la grippe [16] à raison d’une injection annuelle [17,18]. Le pharmacien doit les y inciter car il a été montré que les risques d’hospitalisation ou de décès étaient supérieurs chez les patients dialysés non vaccinés [19].
Douleur ✦ Quelques molécules doivent être privilégiées pour traiter la douleur du patient dialysé :
• en cas de douleurs légères, le paracétamol à dose maximale de 2 à 3 g/jour ; • en cas de douleurs modérées, le tramadol associé au paracétamol (Ixprim® ; 3 cp/jour au maximum) ou le tramadol seul à 50 mg à libération immédiate (2 cp/jour au maximum) ou encore le néfopam, en tenant compte de l’effet anticholinergique qui peut être gênant dans cette population souvent âgée ; • dans les douleurs sévères, l’oxycodone et le fentanyl sont les molécules de choix quelle que soit la forme galénique. ✦ La morphine doit être proscrite impérativement car son métabolite actif, la morphine 6 glucuronide (M6G), s’accumule chez le patient dialysé. ✦ En cas de douleurs neuropathiques, dont la survenue est fréquente dans cette population, la gabapentine, la prégabaline ou l’amitriptyline doivent être utilisées à la plus petite dose efficace tout en surveillant leurs effets indésirables.
Produits de contraste Dans le cadre d’un examen par imagerie par résonance magnétique (IRM), il est conseillé d’avoir recours au Dotarem ®
Références [9] Wang AY, Wang M, Woo J et al. Cardiac valve calcification as an important predictor for all-cause mortality and cardiovascular mortality in long-term peritoneal dialysis patients: a prospective study. J Am Soc Nephrol. 2003;14(1):159-68. [10] Rottembourg J. Troubles du métabolisme phosphocalcique au cours de l’insuffisance rénale chronique : diagnostic et traitement. J Pharm Clin. 2011;30(4):235-42. [11] Aparicio M, Cano N, Chauveau P et al. Nutritional status of haemodialysis patients: a French national cooperative study. French Study Group for Nutrition in Dialysis. Nephrol Dial Transplant. 1999;14(7):1679-86. [12] Bossola M, Muscaritoli M, Tazza L et al. Malnutrition in hemodialysis patients: what therapy? Am J Kidney Dis. 2005;46(3):371-86. [13] Cano N. Nutrition de l’hémodialysé chronique. Nutr Clin et Metab. 2004;18(1):7-10. [14] Caglar K, Fedje L, Dimmit R et al. Therapeutic effects of oral nutritional supplementation during hemodialysis. Kidney Int. 2002;62(3):1054-9. [15] Strumia S, De Mitri P, Bionda E. Neurotoxicity of acyclovir and valacyclovir in a hemodialyzed patient. Eur J Neurol. 2004;11(1):68-9. [16] Rangel MC, Coronado VG, Euler GL et al. Vaccine recommendations for patients on chronic dialysis. The Advisory Committee on Immunization Practices and the American Academy of Pediatrics, Semin Dial. 2000;13(2):101-7. [17] Janus N, Vacher LV, Karie S et al. Vaccination and chronic kidney disease. Nephrol Dial Transplant. 2008;23(3):800-7. [18] Dinits-Pensy M, Forrest GN, Cross AS et al. The use of vaccines in adult patients with renal disease. Am J Kidney Dis. 2005;46(6):997-1011.
41
pratique suivi officinal
possède la certification de la Haute Autorité de santé (HAS) et respecte les principes de la charte HONcode3. Initialement réservé aux néphrologues et aux pharmaciens, ce site est aujourd’hui accessible à tous les professionnels de santé (pharmaciens, médecins, spécialistes ou généralistes). Au comptoir, l’officinal peut aisément le consulter afin d’obtenir une information rapide et fiable.
Références
[20] Janus N, LaunayVacher V, Karie S et al. Prevalence of nephrogenic systemic fibrosis in renal insufficiency patients: results of the FINEST study. Eur J Radiol. 2010;73(2):357-9. [21] Tsai CY, Lee SC, Hubg CC et al. False elevation of blood glucose levels measured by GDH-PQQbased glucometers occurs during all daily dwells in PD patients using icodextrin. Perit Dial Int. 2010;30(3):329-35.
© Tyler Olson/stock.adobe.com
[19] Gilbertson DT, Unruh M, McBean AM et al. Influenza vaccine delivery and effectiveness in endstage renal disease. Kidney Int. 2003;63(2):738-43.
Conclusion Le pharmacien d’officine se situe au carrefour des prescripteurs, ce qui lui permet de jouer un rôle majeur dans la prise en charge complexe du patient dialysé.
[22] Launay-Vacher V, Storme T, Izzedine H et al. Pharmacokinetic changes in renal failure. Presse Med. 2001;30(12):597-604.
(0,1-0,2 mmol/kg) dont la sécurité est démontrée [20].
[23] www.vidal.fr
✦ Les patients diabétiques dialysés (prévalence de 21,3 % [2]) sont essentiellement traités par insuline, mais certains médicaments per os peuvent être utilisés comme la répaglinide (Novonorm® ; élimination hépatique à 90 % et métabolites inactifs) à 0,5-1 mg/jour. En revanche, la saxagliptine à 2,5 mg/jour et la sitagliptine à 25 mg/jour ne peuvent être prescrites dans ce contexte, les comprimés n’étant pas disponibles au dosage requis. Enfin, la linagliptine semble intéressante (5 % d’élimination rénale) mais la fixation du prix de ce médicament est en cours. ✦ La prise en charge du patient est la même que celle du sujet diabétique non dialysé bien que les objectifs concernant la glycémie à jeun et l’hémoglobine glyquée (HbA1) soient moins ambitieux. ✦ La problématique des interférences de certains lecteurs de glycémie et de l’icodextrine (Extraneal®) des patients en dialyse péritonéale n’est plus d’actualité [21].
[24] http://sitegpr.com/fr/
Diabète
Adaptation posologique des médicaments ✦ La question de la nécessité d’une adaptation posologique doit être posée pour tous les patients dialysés et la totalité des spécialités [22]2. Toutes les étapes de la pharmacocinétique d’un médicament (absorption, distribution, métabolisme et excrétion [ADME]) peuvent, en effet, être modifiées. Cela constitue une problématique supplémentaire à celle de l’épuration des médicaments, spécifique en fonction de la méthode de dialyse (DP ou HD) utilisée. ✦ En France, la source d’information sur les médicaments officielle, et la plus utilisée par les pharmaciens, est le résumé des caractéristiques du produit (RCP) issu du Dictionnaire Vidal [23]. Or, les indications portant sur le maniement des médicaments y sont manquantes, inadaptées, voire erronées. SiteGPR [23], qui propose d’accéder en ligne aux données publiées dans la collection “Guide prescription et rein” (GPR), constituée à ce jour de 29 volumes sur 18 classes thérapeutiques,
À l’officine, la prise en charge du patient dialysé requiert du temps ainsi qu’une bonne coopération avec l’équipe médicale. Elle concourt à favoriser l’observance et à minimiser les effets indésirables des médicaments qui doivent, par ailleurs, être déclarés au centre régional de pharmacovigilance. Face au problème d’observance médicamenteuse, l’officinal joue un rôle essentiel dans la détection des situations dans lesquelles elle est remise en cause, la prise en compte de la problématique propre à chaque patient et la proposition de conseils adaptés. Il est responsable de l’analyse de l’ordonnance qu’il délivre et des produits d’automédication qu’il dispense. Ainsi, le pharmacien d’officine se situe au carrefour des prescripteurs, ce qui lui permet de jouer un rôle majeur dans la prise en charge complexe du patient dialysé. Il dispose, pour ce faire, d’outils très importants, comme l’historique des délivrances et le dossier pharmaceutique (DP), et a accès à des informations fiables [24]. Alors que le parcours de soins du patient est au cœur du système de santé en France, l’officine est une interface irremplaçable entre les différents acteurs ville-hôpital. ◗
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
42
Actualités pharmaceutiques • n° 580 • novembre 2018 •