rouges de Mmascus En
Asie,
les
champignons
Monascus sont couramment
filamenteux
employ&s pour pro-
duke des colorants rouges alimentaires. souches
shrktent
toxique,
la citrinine.
d’une m&bode
cependant permettant
* lnstitut natlonal des sciences appllquks (Insa). DBpartement de g&w? blochimique et allmentalre, UMR-CNRS 5504. Complexe sclentifique de Rangueil, 37077 Toulouse cedex 04.
en Europe
aliments, coloration des celle des textiles, ” --.. / .i: comme remonte aux temps les plus anciens. Durant des siecles, les seuls colorants disponibles ont CtC d’origine animale (carmin), vtgetale (xanthophylles, anthocyanines, curcumine...) ou minerale (oxydes de fer...). En 1856, le chimiste britannique William Perkin obtint, en oxydant de l’aniline, produit de distillation de I’indigo,
R
l
Novembre1998
la synthke
permettre
leur
un colorant mauve (la mauveine) capable de teindre la soie. A partir de cette date, les colorants naturels ont progressivement ett remplaces par des matitres de synthese. Actuellement, on assiste a un renversement de tendance : la coloration alimentare est jug&e indispensable, Ctant don& son importance pour la valeur organoleptique des aliments ; mais les groupes industriels se tournent de
Jaune
34 BIOFUTUR183
rkente
et aux hats-&is.
li
Monascine Ankaflavme
d’e’viter
pourrait
;L 1a _/ .‘-
une substance
La mise au point
de ce compose’ toxique utilisation
Certaines
n-C,H,, n-C7H,5
My&hum microscope
de Monascus et en boite
au de Petri.
plus en plus vers les substances naturelles, car la liste des colorants organiques de synthese autorisis tend a diminuer, sous la pression de la reglementation et des consommateurs (voir les tableaux p. 36). Depuis I’Antiquite, les vigetaux ont largement etC exploit& pour la
coloration alimentaire et textile, mais leur productivitC est souvent faible. De plus, leur utilisation pose des probl6mes de rtcolte, de culture et de purification, souvent difficiles j Gsoudre. Une solution est la culture in vitro de cellules vCgCtales ; ce procPdC a CtC exploit& industriellement,
con&e i exploiter filamenteux, en
les champignons particulier
les
micromyci-tes pigmentogtnes, que I’on peut assez facilement cultiver industriellement. Monascus fait partie de ceux-1;. Cette moisissure naturelle est peu connue en Europe, bien qu’elle ait CtC d&ouverte sur la pomme de terre par le botaniste franfais Philippe van Tieghem dans les annPes 1880. Aujourd’hui, elle est surtout connue en tam que moisissure du riz (Monascus puvpweus, M. YM~ICI. et M. pilosus). Elle Clabore, au tours de sa croissance, des pigments rouges qui, en Asie, sent largemerit utilisis sous le nom d’s< Anka )a (ou Ang-Kak, c’est-&dire riz rouge) pour colorer les charcuteries, la viande, le vin de riz, le fromage de soja, le Poisson ou le ketchup. Traditionnellement, ces pigments sent produits industriellement en Chine par Monascus purpweus et M. ruher, grPce 1 la fermentation de riz en milieu solide (I). De nombreux brevets ant 6t6 dCpos@s sur des pro&d& de production de ces pigments, par exemple par NestlC, dans les an&es 1980, Quaker Oat Company (Chica-
go, Illinois), Shell, et aussi par les entreprises japonaises Yaegaki BioIndustry lnc et Riken Vitamie Co. Ltd. En 1992, la consommation annuelle au Japan (le plus fort consommateur aprgs la Chine) d&passait les 600 tonnes, pour des vemes s’Clevant a I 440 millions de yens.
> Une substance toxiaue : la citrinine MalgrC cet intCrit, ces pigments ne sent autoriGs ni dans I’Union europkenne, ni aux Ibats-IJnis, par manque d’Ctudes toxicologiques. De plus, la production de pigments rouges par les Monascz~s prtsente un dPfaut : elle est tri’s souvem associbe i celle d’une substance antibiotique, la monascidine A, dont nous avons montre en 1995,1 I’Insa de Toulouse, qu’il s’agit d’une molCcule toxique connue sous le nom de citrinine (2). Par exemple, sur des cellules hCpatiques de fcetus de rats, la citrinine a un effet comparable 5 celui de l’acide laccai’que, un agent mutagtne (3).
(l)A.Durand (1998) B/of&r 181, 41-43. (2) PJ. Blanc eta/ (1995) Int d Food Microbial. 27. 201-213 (3)F Sako eta/ (1983) Chem Biol interactions 44. 17-26
Les pigments des Monascus correspondent A six mol6cules diffbrentes, dont deux seulement sont rouges : la rubropunctamine et la monascorubramine. Les autres sont de couleur jaune (ankaflavine et monascine) ou orange (rubropunctatine et monascotubrine) et ne sont pas utilis6es en alimentation, leur quantit6 intracellulaire &ant trop faible par rapport B la quantit6 extracellulaire - ce sont, de plus, des pigments hydrophobes. Les six mol&ules different par leur degr6 d’insaturation, leurs fonctions auxochromes (oxygbne et amine) et la taille de leurs chaines aliphatiques. Les pigments orange (monascorubrine et rubropunctatine) proviennent directement du m6tabolisme secondaire du champignon, alors que les pigments jaunes (ankaflavine et monascine) et les pigments rouges (monascorubramine et rubropunctamine) sont des m&abolites issus d’une r6action de reduction des pigments orange pour les pigments jaunes, et d’une &action d’amination par I’ammoniaque pour les pigments rouges (1). Ces pigments sont intracellulaires, peu solubles dans I’eau, sensibles A la chaleur, instables aux pH extrgmes et A la lumikre. Mais ce ne sont pas eux qui sont utilises comme colorants. En effet, le champignon a la facult6, en les liant A un groupe amin6, de les rendre hydrosolubles et de les excr&er dans le milieu de culture (riz ou milieu liquide) (voir ci-dessus). BIOFUTIJR 183 l Novembre 1998 35
AGROB~IOLOGIE (:elui-ci induit une augmentation de In y-glutamy transpeptidase, uric enzyme qui intervient dans Ir transport des acides aminis, et dont I’induction par divers composts toxiques (cornme I’kthanol, par exemple) est IiCe j une activation de la carcinogen&e (4).
Colorants
synthetiques
Bleu brillant FCF Bleu parent6 V Carmin indigo Vert acide brillant Fast green FCF Tartrazine Jaune de quinol&ne Jaune orange S Jaune citron Orange B Amarante kythrosine Rouge allura Azorubine (carmoisine) Rouge cochenille Pigment rubis Noir brillant
(4) U Boelsterll (1979) Trends Pharmacol Sci IO. 47-49. (5) J. Fink-Gremmels. M. Sabater Vlla (1998) Pharmacological and toxicological aspects of Monascus and the role of citrinin Proceedings of the symposium on Monascus culture and applications. Toulouse, France, 8-10 juillet 1998. (6) P J. Blanc et al (1998) Control of the product/on of CItnnin by Monascus. Proceedings of the symposium on Monascus culture and applications. Toulouse, France. B-10 juillet 1998 (7) R.J Have1 eta/ (1987) Ann. intern Med 107. 609-615. (8) A. Endo. K. Hasuml (1989) Adv Enzyme Regul 28, 53-64 (9) www pharmanex corn/
Etats-Unis
UE
Bleu no 1 E 131 El32 E 142
Bleu no 2 Verl n” 3 Jaune no 5
E 102 El04 E 110
Jaune no 6 Jaune citron Orange b
no 2
El23 E 127
importantes
Colorants
no 40
Bien que des 6chantillons commerciaux de pigments provenant de divers pays d’Asie puissent i-tre dCpourvus de citrinine (5) - ce qui peut s’expliquer soit par I’abaencc de production de toxine par I’espPce de Mo7zascus exploitCe, soit par des phCnomPnes de dCtoxication post-production - il est indispensable de trouver u11 moyen d’Cviter la synthkse de ce compoSC toxique lors de la production des pigments. II s’av+re en effet que les meilleures souches productrices de colorants produisent Cgalement de la citrinine (6).
de proline,
E E E E
100 101 160 161
E 120 E 162 E 163 El40 E 141 El42 E 150 El50 E 153
d’arginine
en pr&ence
Citrhine
> Desressources pharmaceutiques Afin d’Cviter la formation de ce composC, nous avons cherchC j trouver une mCthode contr6lant sa biosynthgse. Le dicryptage des voies mCtaboliques a montrk que la production de citrinine de fortement
de
la
prCsence
de
certains
acides aminks dans le milieu de culture. I31 cultivant une souche de Monnscus ruher hyperproductrice de citrinine sur un milieu liquide contenant du glucose et divers acides amin&. la production du composC toxique est apparue maximale en prCsence d’acide glutamique ou d’alanine, forte en 36 BIOFUTUR
185
l
Janwer
1999
pour liqui-
la Le taux de cholestCrol dans le plasma d’animaux traiti‘s oralement ou par intraveineuse diminue de 10 ;1 20 % par rapport j des animaux non trait&s. Sous forme de compltment di&&ique hypocholest&ol& miant, la monacoline est vendue aux &ats-Unis sous le nom de CholestinO par la sociCtC Pharmanex (Simi Valley, Californie) (9) et sous le nom de WenstardinO en Chine par la sociCtC WBL (issue de I’universiti de P&kin). Les perspectives d’utilisation en Europe existent certainement dans le domaine des aliments sant6, les ~~alicaments~~ ou ((nutraceutiques>). Mais Ii encore, les industriels seront confront& i un probl&me d’homologation par I’Union europCenne. En Chine, les pigments de Monascus sont aussi utilists dans I’industrie cosmitique ; par exemple des pigments produits par Ningxia R.D. Natural Pigment (Ningxia, Chine) servent j colorer des rouges i I&res. A I’UniversitC Kasetsart de Bangkok (Thai‘lande), c’est au textile que les chercheurs se sont in&es& ; g&e a Monasctls, ils ont pu teindre naturellement en rouge et jaune de la soie et de la laine. Aux Pays-Bas, 2 Wageninl’institut nCerlandais de gen, recherche agrotechnologique (ATO/DLO) cherche plus particuli&ement i teindre grlce j Monascus des matCriaux biod& gradables, comme les emballages en PHB/PHV. D’un r¢ symposium sur la culture et les applications de Momsc-us (g-10 juillet 1998, i Toulouse), auquel ont participC une trentaine de sptcialistes du monde entier, reprksentant seize nationalit&, est ressortie la n&essiti d’une &valuation glohale du taux de citrinine es Cchantillons provenant de nomhreux pays. Un rapprochement avec biosynthcse
ou de d’histidine ou de tryptophane (6). En supprimant I’acide glutamique du milieu, on empCche de plus la synthsse d’acide malique, qui inhibe la production du pigment. Ce pro&d6 a permis de produire des pigments de Monasctls exempts de toxine, ce qui peut ctre un premier argument en faveur d’une autorisation d’utilisation de ces pigments en Europe (ceux-ci sent seulement autorists en Allemagne, par CcdCrogation))). Un si&le apt+ leur dCcouverte, les Monascus commencent done j ttre reconnus en Europe. Ces champignons et nulle
en milieu
de. Les monacolines inbibent spPcifiquement In HMGCoA rkductase, cnryme cl6 dans
Jaune Curcumine Riboflavine Annato Xantophylles Rouge Acide carminique Rouge de betterave Anthocyanines Veti Chlorophylle Chlorophyllines Vert S Brun Caramel ammoniacal Caramel sulfite d’ammonium Noir Carbo medicinalis
glycine,
E 122 E 124 El60 El51
la fermentation
naturels
prksence
Rouge
applicatlcms de Mom~srus
industrielles
,,
du
cholest&ol.
tives interessantes. IIs peuvent produire, comme d’autres champignons, des substances i vocation thkrapeutique, telles que les monacolines K, J et I,, dont I’activitt hypocholestCrolCmique est attestbe (7, 8). Le d&iv& K, le plus actif, est plus connu sous le nom de m&inoline, ou lovastatine. La produc-
cadre du 51 programme cadre de recherche et dCveloppcment, devrait permettre de connaitre les prkrequis indispensables j I’autorisation de produire et d’utiliser ces colorants en Europe, comme cela se fait dep
tion
des
de monacolines
est I’une
des
plus
la
Commission
si&les
europkenne,
en
Asie.
dans
le