Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature

Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 18—28 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MÉMOIRE ORIGINAL Lupus ér...

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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2020) 147, 18—28

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

MÉMOIRE ORIGINAL

Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature Ungual lesions in lupus erythematosus: A literature review C. Wagner a, F. Chasset b, T. Fabacher c, D. Lipsker a,∗ a

Clinique dermatologique, université de Strasbourg et hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg, France b Service de dermatologie et allergologie, faculté de médecine, Sorbonne Université, hôpital Tenon, AP—HP, 75020 Paris, France c Service de santé publique, laboratoire de biostatistique et informatique médicale, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg, France Rec ¸u le 27 mars 2019 ; accepté le 9 octobre 2019 Disponible sur Internet le 10 décembre 2019

MOTS CLÉS Ongle ; Lupus érythémateux ; Accentuation du relief longitudinal ; Éythème péri-unguéal ; Onycholyse



Résumé Introduction. — Les anomalies unguéales dans le lupus érythémateux (LE) sont peu étudiées. L’objectif de ce travail est de répertorier le type et la fréquence des lésions unguéales rapportées chez des patients lupiques. Matériel et méthode. — Une revue systématique de la littérature a été réalisée en interrogeant la base de données MEDLINE avec les mots-clés « lupus erythematosus » et « nail ». Résultats. — Deux cent quatre-vingt-sept patients présentant des anomalies unguéales ont été colligés, dont 55,1 % de femmes, d’âge moyen 32,2 ± 11 ans. Les atteintes unguéales et péri-unguéales les plus fréquemment rapportées ont été les accentuations du relief longitudinal (83 patients ; 28,9 %), un érythème péri-unguéal (62 patients ; 21,6 %), une onycholyse (60 patients ; 20,9 %), une mélanonychie (34 patients ; 11,8 %) et une dyschromie (33 patients ; 11,5 %). Une association statistiquement significative entre la présence d’une onycholyse et d’un érythème péri-unguéal, d’une part, et l’activité de la maladie, d’autre part, a été mise en évidence (respectivement 33 (38,8 %) et 26 (30,6 %) patients sur 85 avec maladie active contre 3 (5,8 %) et 4 (7,7 %) patients sur 52 avec maladie non active, p < 0,001 et p = 0,018). Une atteinte fongique a été recherchée dans un tiers des cas, avec 34,7 % d’onychomycose prouvée.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Lipsker).

https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.10.027 0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature

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Discussion. — Aucune atteinte unguéale décrite dans la littérature ne permet d’établir spécifiquement un diagnostic de LE. En effet, ces atteintes unguéales peuvent survenir en dehors du LE, notamment dans d’autres collagénoses. Leur diagnostic est toutefois important car elles peuvent constituer le point d’entrée dans la maladie et certaines semblent être l’indicateur d’une maladie plus active. Les onychomycoses sont un facteur de confusion fréquent chez ces patients immunodéprimés mais potentiellement sous-estimé, par absence de recherche systématique. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

KEYWORDS Nail; Lupus erythematosus; Longitudinal ridging; Peri-ungual erythema; Onycholysis

Summary Introduction. — There are few studies focusing on ungual lesions in patients with lupus erythematosus (LE). The aim of this study is to describe the type and the prevalence of ungual lesions among LE patients. Patients and methods. — A systematic literature review with analysis of individual data was performed by searching the MEDLINE database for scientific articles using the keywords ‘‘lupus erythematosus’’ and ‘‘nail’’. Results. — Two-hundred and eighty-seven cases were collated including 55.1% women, with an average age of 32.2 ± 11 years. The most common ungual or peri-ungual lesions were longitudinal ridging (83 patients, 28.9%), peri-ungual erythema (62 patients, 21.6%), onycholysis (60 patients, 20.9%), melanonychia (34 patients, 11.8%) and dyschromia (33 patients, 11.5%). An association between the presence of onycholysis and peri-ungual erythema and disease activity was noted [respectively 33 (38.8%) and 26 (30.6%) patients out of 85 with active disease versus 3 (5.8%) and 4 (7.7%) patients out of 52 with non-active disease, P < 0.001 and P = 0.018]. Screening for fungal infection was performed in one third of the cases, with proven onychomycosis in 34.7% of cases. Discussion. — Ungual lesions are not specific and do not permit diagnosis of LE. They can in fact occur in other diseases such as connective tissue disorders. However, their diagnosis is important because they may be the presenting sign in LE, and certain of them may be associated with more active disease. Onychomycosis is frequently a confounding factor in such immunocompromised patients. © 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le lupus érythémateux (LE) est une maladie de mécanisme principalement auto-immun, déclenchée par des facteurs environnementaux mal établis sur un terrain génétique prédisposant qui est de mieux en mieux connu. Le LE peut toucher presque tous les organes. L’atteinte dermatologique du LE est importante à connaître pour plusieurs raisons. Elle est, avec les manifestations articulaires, l’atteinte la plus fréquente au cours de cette maladie [1]. Le LE peut se manifester exclusivement sur la peau, avec des lésions parfois affichantes et difficiles à traiter, pouvant entraîner des séquelles définitives. Certaines manifestations cutanées dites « spécifiques » permettent, par la simple corrélation anatomoclinique et en l’absence des autres signes de la maladie, de poser le diagnostic de LE [2]. Enfin, certaines lésions cutanées traduisent chez un malade lupique des phénomènes thrombotiques, conférant un plus mauvais pronostic, alors que d’autres sont le marqueur du LE cutané neutrophilique imposant des choix thérapeutiques particuliers [3]. Si les manifestations cutanées, muqueuses et capillaires du LE sont souvent abordées dans les ouvrages de référence et les publications de séries

de malades, il n’en est pas ainsi pour les manifestations unguéales. L’objectif de ce travail est, à partir d’une revue de la littérature, de répertorier le type et la fréquence des lésions unguéales rapportées chez des patients atteints de LE.

Matériel et méthodes Une revue systématique de la littérature avec analyse des données individuelles a été réalisée en interrogeant la base de données MEDLINE entre le 01/01/2018 et le 31/05/2018 avec les mots-clés « lupus erythematosus » et « nail ». Les articles en langue franc ¸aise, anglaise et allemande ont été retenus. Un premier tour de sélection a permis de retenir les articles potentiels sur la base de la lecture du titre ou du résumé. Secondairement, tous les articles portant sur des cas de lésions unguéales cliniques associées au LE ont été inclus et une analyse individuelle des cas a été réalisée. La bibliographie de chacun des articles sélectionnés a été vérifiée pour voir si d’autres articles pertinents

20

Figure 1.

C. Wagner et al.

Diagramme de flux.

étaient cités afin de les inclure. Ces données sont résumées dans le diagramme de flux représenté Fig. 1. Le test du ␹2 et le test exact de Fisher ont été utilisés en fonction des situations pour comparer la fréquence des atteintes unguéales et du repli sus-unguéal entre 2 sousgroupes de patients (selon que la maladie soit active ou non). Une valeur de p inférieure à 0,05 était considérée comme statistiquement significative avec un test bilatéral. Les résultats ont été ajustés avec la méthode de Holm. Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel R dans sa version 3.5 via l’application GMRC Shiny Stat des hôpitaux universitaires de Strasbourg version 2.1.

Résultats Il y avait 203 articles référencés en saisissant les mots clés « lupus erythematosus » et « nail ». Au total, 37 articles rapportant des cas de lésions unguéales cliniques au cours du LE ont été retenus. Deux cent quatre-vingt-sept cas de patients atteints de LE ayant une atteinte unguéale clinique ont été rassemblés après analyse des 37 articles sus-cités. L’ensemble des caractéristiques cliniques et paracliniques est résumé dans le Tableau 1 [4—40].

Épidémiologie et types de lupus érythémateux Les caractéristiques démographiques des patients sont résumées dans le Tableau 1. Parmi les 287 cas de LE avec atteinte unguéale, il y avait une majorité de femmes (n = 158 soit 55,1 %). L’âge moyen au moment du diagnostic de l’atteinte

unguéale était de 32,2 ± 11 ans (pour des extrêmes allant de 9 à 75 ans). Deux cents quarante-huit malades (86 %) pouvaient être classés en LE systémique (LES) car ils avaient au moins 4 critères ACR (American College of Rheumatology) ou SLICC (Systemic Lupus International Collaborating Clinics). Trentedeux malades avaient des lésions évocatrices de LE cutané aigu (11,1 %), toutes associées à un LES sauf un patient, qui avait également des lésions évocatrices de LE cutané chronique mais pas assez de critères pour conclure à un LES. Deux autres patients présentaient plusieurs sous-types de lupus cutané, un avec des lésions évocatrices de LE cutané aigu et chronique et un avec des lésions de LE cutané subaigu et chronique. Dix-huit patients avaient des lésions évocatrices de LE cutané chronique (6,3 %) en comptant les 3 patients sus-cités, dont 4 lupus discoïdes localisés, 5 lupus discoïdes disséminés, et 9 de forme non précisée. Parmi eux, 10 patients avaient une forme isolée sans LES associé. Quatre patients avaient des lésions évocatrices de LE cutané subaigu (1,4 %) en comptant le patient sus-cité qui avait également des lésions évocatrices de LE cutané aigu et chronique. Trois patients avaient un LE cutané subaigu isolé sans LES associé. Un patient avait un LE cutané subaigu induit au procaïnamide. Six patients (2,1 %) n’avaient pas d’atteinte évocatrice de LE cutané aigu, subaigu ou chronique. Les sous-types n’étaient pas précisés chez les 231 patients restants (80,5 %).

Durée d’évolution du LE La durée d’évolution du LE au moment de la description de l’atteinte unguéale était précisée pour 143 patients (49,8 %)

Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature Tableau 1 Caractéristiques démographiques, cliniques et paracliniques des cas de lupus érythémateux avec atteinte unguéale rapportés dans la littérature (n = 287). Sexe : n (%) Femme Homme Non précisé Âge moyen en années Origine ethnique : n (%) Caucasienne Hispanique Afro-américaine Non précisée Atteinte unguéale : n (%) Accentuation du relief longitudinal Onycholyse Onychomycose avérée : n (% spécifique) Onychomycose infirmée Onychomycose non cherchée Mélanonychie Origine afro-américaine : n (% spécifique) Origine hispanique Origine caucasienne Origine non précisée Atteinte partielle (< 5 doigts) Atteinte diffuse (≥ 5 doigts) Atteinte non précisée Sous APS Dont caucasien Dont hispanique Sous cyclophosphamide Âge moyen Dyschromie unguéale Hémorragies en flammèche Lunule rouge Hyperkératose sous-unguéale Atteinte des orteils : n (% spécifique) Atteinte digitale Onychomycose avérée Onychomycose infirmée Onychomycose non cherchée Leuconychie Dont onychomycose avérée : n (% spécifique) Dont onychomycose infirmée Dont onychomycose non cherchée Xanthonychie Dont onychomycose avérée : n (% spécifique) Dont onychomycose infirmée Dont onychomycose non cherchée Trachyonychie Onychorrhexie Onychoschizie

158 (55,1) 34 (11,8) 95 (33,1) 32,2 ± 11 (9—75) 177 (61,7) 53 (18,5) 23 (8) 34 (11,8) 83 (28,9) 60 (20,9) 9 (15) 14 37 34 21

(23,3) (61,7) (11,8) (61,8)

6 (17,6) 5 (14,7) 2 (5,9) 7 (20,6) 23 (67,6) 4 (11,8) 6 (17,6) 4 2 1 (2,9) 40,9 ± 9,8 ans 33 (11,5) 22 (7,7) 20 (7) 22 (7,7) 14 (63,6) 8 (36,4) 15 (68,2) 2 (9,1) 5 (22,7) 20 (7) 4 (20) 3 (15) 13 (65) 16 (5,6) 10 (62,5) 1 (6,3) 5 (31,2) 11 (3,8) 11 (3,8) 10 (3,5)

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Tableau 1 (Suite) Dépressions ponctuées Ptérygion (ventral ou dorsal) Onychomadèse Déformation unguéale Amincissement de la tablette Atteinte du repli sus-unguéal Érythème péri-unguéal Télangiectasies Altérations cuticulaires Hémorragies Nécroses cutanées Localisation de l’atteinte unguéale Non précisée Précisée Doigts sans plus de précision Orteils sans plus de précision Doigts et orteils sans plus de précision Atteinte des doigts et/ou des orteils précisée Uniquement des doigts : n (% spécifique) Doigts et orteils Orteils seuls Atteinte diffuse des orteils (≥ 5 orteils) Atteinte limitée des orteils (< 5 orteils) Atteinte diffuse des doigts (≥ 5 doigts) Atteinte limitée des doigts (< 5 doigts) Pouce Index Majeur Annulaire Auriculaire Onychomycose : n (%) Non recherchée Recherche positive Recherche négative Maladie considérée comme « active » : n (%) Oui Non Non précisé Atteinte cutanée du LE : n (%) Forme cutanée de LE Non précisée Pas d’atteinte cutanée spécifique LE cutané chronique Isolé : n (% spécifique) Associé à un LES LE cutané aigu LE cutané subaigu Atteinte dermatologique autre Non précisée Pas d’atteinte cutanée

9 9 8 8 4

(3,1) (3,1) (2,8) (2,8) (1,4)

62 (21,6) 29 (10,1) 27 (9,4) 9 (3,1) 8 (2,8) 135 (47) 152 (53) 39 (13,6) 9 (3,1) 60 (20,9) 44 (15,3) 38 (86,3) 5 (11,4) 1 (2,3) 4 (9,1) 2 (4,5) 29 (65,9) 14 (31,8) 26 27 26 25 22

(59,1) (61,4) (59,1) (56,8) (50)

192 (66,9) 33 (11,5) 62 (21,6)

85 (29,6) 52 (18,1) 150 (52,3)

231 (80,5) 6 (2,1) 18 (6,3) 10 (55,6) 8 (44,4) 32 (11,1) 4 (1,4) 224 (78) 19 (6,6)

22

C. Wagner et al.

Tableau 1 (Suite) Atteinte muqueuse Buccale seule Bucco-génitale Bucco-anale Non précisée Alopécie Atteinte de la phalange distale Oui Non Non précisé Autres atteintes d’organe spécifique du LE : n (%) Non précisé Pas d’autre atteinte associée Atteinte spécifique du LE Sans précision : n (% spécifique) Une seule atteinte d’organe Atteinte articulaire : n (% spécifique) Atteinte rénale Plusieurs atteintes d’organe Atteinte articulaire Atteinte rénale Atteinte neuropsychiatrique Sérite (cardiaque ou pulmonaire) Atteinte musculo-squelettique Atteinte ophtalmologique Bilan biologique : n (%) Anticorps antinucléaires Positifs : n (% spécifique) Négatifs ou non significatifs Non précisé Autres anticorps : Précisés Non précisés Anticorps anti-Sm Anticorps anti-ADN Anticorps anti-U1RNP Anticorps anti-SSA Anticorps anti-SSB Anticorps anti-cardiolipines Anticoagulant circulant Anticorps anti-bêta2-GP1 Consommation du complément Anémie hémolytique Leucopénie/lymphopénie Thrombopénie Traitements en cours : n (%) Non précisé Aucun traitement Patients traités Monothérapie : n (% spécifique) Polythérapie Non précisé Corticothérapie générale Antipaludéens de synthèse Cyclophosphamide

Tableau 1 (Suite) 25 (8,7) 3 (1) 1 (0,3) 1 (0,3) 20 (7) 23 (8) 3 (1) 27 (9,4) 257 (89,6)

190 (66,2) 8 (2,8) 89 (31) 74 (83,2) 6 (6,7) 3 (50) 3 (50) 9 (10,1) 33 (37,1) 26 (29,2) 22 (24,7) 17 (19,1) 4 (4,5) 3 (3,4)

56 (19,5) 4 (1,4) 227 (79,1) 83 (28,9) 204 (71,1) 29 (10,1) 28 (9,8) 15 (5,2) 16 (5,6) 7 (2,4) 9 (3,1) 6 (2,1) 4 (1,4) 7 (2,4) 3 (1) 3 (1) 0 198 (69) 12 (4,2) 77 (26,8) 36 (46,8) 8 (10,4) 33 (42,8) 56 (72,7) 46 (59,7) 18 (23,4)

Azathioprine Mycophénolate mofétil Méthotrexate Ciclosporine AINS (piroxicam)

13 (16,9) 12 (15,6) 6 (7,8) 1 (1,3) 1 (1,3)

et était en moyenne de 7,2 ± 2,4 ans. La durée d’évolution de l’atteinte unguéale au moment de sa description était rapportée dans 13 cas (4,5 %) et était en moyenne de 10,4 ± 17,8 mois.

Atteinte unguéale et péri-unguéale Les atteintes unguéales et péri-unguéales les plus fréquemment décrites, remarquées à l’œil nu ou au toucher (sans que cela soit précisé clairement dans les différents articles répertoriés), étaient la présence d’une accentuation du relief longitudinal (83 patients sur 287, soit 28,9 %) et d’un érythème péri-unguéal (62 patients, 21,6 %). Une onycholyse était notée chez 60 patients (20,9 %), dont 9 avec onychomycose avérée (soit 15 % des patients ayant une onycholyse) (cf. Fig. 2—6 ; les photographies proviennent de la collection de la clinique dermatologique de Strasbourg). L’âge des patients ayant une accentuation du relief longitudinal était précisé chez 49 d’entre eux (soit 59 %) et était en moyenne de 34,3 ± 7,8 ans, pour des extrêmes allant de 11,9 à 61 ans. La quasi-totalité de ces patients (42 sur 49 soit 85,7 %) avaient un âge compris entre 30 et 44 ans. La présence de cette atteinte sur 9 ou 10 doigts était rapportée chez 6 patients seulement sur les 83 ayant des accentuations du relief longitudinal, soit 7,2 %, sachant que la localisation précise de ce type de lésions n’était décrite que chez 8 patients sur les 83, soit 9,6 %. Il existait une mélanonychie d’un ou plusieurs doigts ou orteils chez 34 patients (11,8 %), dont 6 recevant un antipaludéen de synthèse (APS) [7,18—20,34] et un du cyclophosphamide [6]. Leurs caractéristiques démographiques sont précisées dans le Tableau 1. La durée de la prise de l’APS avant l’apparition de la mélanonychie était précisée chez 3 patients et était de 8 ans [7], 1 an [20] et 10 mois [34]. La durée n’était pas précisée pour 2 patients et pour le dernier, il était noté que la mélanonychie était apparue avant l’introduction de l’APS [19]. Le patient ayant développé une mélanonychie sous cyclophosphamide était d’origine afroaméricaine. Cette mélanonychie était apparue 3 mois après une poussée de LES ayant motivé l’introduction du cyclophosphamide. La localisation exacte de la mélanonychie est précisée dans le Tableau 1. Une atteinte associée des ongles des orteils était décrite chez un seul patient (celui traité par cyclophosphamide). On observait une dyschromie unguéale chez 33 patients (11,5 %), dont 2 après introduction d’amodiaquine (APS) [4,5]. Les autres atteintes unguéales et péri-unguéales ainsi que leur localisation sont détaillées dans le Tableau 1. Les doigts et/ou orteils touchés étaient précisément décrits chez 44 patients. Il n’y avait pas de différence entre les différents doigts touchés, ni entre les côtés droit et gauche. Les atteintes unguéales et péri-unguéales des patients ayant

Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature Tableau 2

23

Atteinte unguéale, péri-unguéale et de la phalange distale selon le type de LE cutané.

Atteinte unguéale : n (%) Accentuation du relief longitudinal Onycholyse Mélanonychie Dyschromie unguéale Lunule rouge Hyperkératose sous-unguéale Dont onychomycose Leuconychie Dont onychomycose Hémorragies en flammèche Xanthonychie Dont onychomycose Dépressions ponctuées Déformation unguéale Atteinte péri-unguéale : n (%) Érythème péri-unguéal Télangiectasies Altérations cuticulaires Micro-hémoragies Nécroses cutanées Atteinte phalange distale : n (%)

LE cutané aigu n = 32

LE cutané subaigu n=4

LE cutané chronique n = 18

0 19 (59,4) 0 0 0 0 0 1 (3,1) 1 1 (3,1) 0 0 0 2 (6,3)

0 0 0 0 2 (50) 0 0 0 0 0 0 0 0 0

6 0 1 2 2 4 0 0 0 0 1 0 1 1

(33,3)

1 (3,1) 0 0 1 (3,1) 1 (3,1) 0

0 0 0 0 0 0

1 1 1 1 0 3

(5,6) (5,6) (5,6) (5,6)

(5,6) (11,1) (11,1) (22,2)

(5,6) (5,6) (5,6)

(16,7)

une forme cutanée aiguë, subaiguë ou chronique de LE sont précisées dans le Tableau 2.

péri-unguéal était significativement associée à une maladie active (respectivement p < 0,001 et p = 0,018).

Onychomycose

Biologie

Une atteinte fongique était recherchée dans 95 cas sur 287 (33,1 %). Une onychomycose était mise en évidence par examen mycologique (examen direct ou culture) ou à l’histologie (coloration PAS positive) chez 33 patients (34,7 %). Les anomalies unguéales des patients avec onychomycose avérée sont résumées dans le Tableau 1. L’agent pathogène était identifié dans 9 cas : Trichophyton rubrum chez 4 patients, Trichophyton mentagrophytes chez 2 patients, Microsporum canis chez 2 patients, et Candida chez un patient (sans précision de l’espèce).

Les éléments pertinents du bilan biologique sont résumés dans le Tableau 1. Ils représentent les anomalies immunologiques et hématologiques habituellement rencontrées au cours du LE.

Autres atteintes du LE Les autres atteintes dermatologiques et atteintes d’organe du LE sont résumées dans le Tableau 1. Une atteinte cutanée de la phalange distale par des lésions spécifiques de LE (décrite dans l’article ou visible sur photographie) était rapportée dans 3 cas de LE cutané discoïde (1 %), dont un évoluant vers un LES (cf. Tableau 2) [9,36,38]. Il n’y avait pas d’atteinte de la phalange distale dans 27 cas (9,4 %) et cela n’était pas précisé chez les 257 patients restants (89,6 %).

Activité de la maladie La maladie était considérée comme active au moment de la description de l’atteinte unguéale chez 85 patients, soit 29,6 %. La fréquence des atteintes unguéales et du repli susunguéal selon l’activité de la maladie est résumée dans le Tableau 3. La présence d’une onycholyse et d’un érythème

Histologie Une biopsie unguéale était pratiquée dans 3 cas : une biopsie de la matrice associée à une analyse histologique de la tablette unguéale dans le 1er cas, une biopsie latérolongitudinale dans le 2e cas et une biopsie du lit unguéal dans le 3e cas [8,9,35]. Il était mis en évidence des signes histologiques évocateurs de LE (essentiellement dermite de l’interface avec vacuolisation de la couche basale de l’épiderme, et infiltrat dermique lymphocytaire périvasculaire et/ou péri-annexiel). Dans l’étude de Nabil et al., des biopsies du repli sus-unguéal proximal étaient réalisées chez des patients atteints de LES ou de LE cutané discoïde avec mise en évidence à l’IFD d’une bande lupique chez 13 patients sur 18 dont 11 avaient une atteinte unguéale [10]. Les lésions unguéales ou péri-unguéales les plus observées dans cette étude étaient une accentuation du relief longitudinal (41,7 %) et un érythème péri-unguéal (50 %).

Prise en charge thérapeutique Les traitements en cours au moment de la description de l’atteinte unguéale sont résumés dans le Tableau 1. Quatre patients sur 44 traités par APS (9,1 %) et un patient sur

24 Tableau 3

C. Wagner et al. Atteinte unguéale et péri-unguéale selon l’activité de la maladie.

Atteinte unguéale : % (n) Accentuation du relief longitudinal Onycholyse Mélanonychie Dyschromie Lunule rouge Hyperkératose sous-unguéale Leuconychie Hémorragies en flammèche Déformation unguéale Dépressions ponctuées Atteinte du repli sus-unguéal : % (n) Érythème péri-unguéal Nécroses cutanées Télangiectasies Onychomycose : % (n)

Maladie active (n = 85)

Maladie non active (n = 52)

p

OR

11,7 38,8 10,5 9,4 1,1 2,3 5,8 16,4 5,8 5,8

% % % % % % % % % %

(10) (33) (9) (8) (1) (2) (5) (14) (5) (5)

13,4 % (7) 5,7 % (3) 23,1 % (12) 23,1 % (12) 1,9 % (1) 5,7 % (3) 7,6 % (4) 5,7 % (3) 3,8 % (2) 5,7 % (3)

1 < 0,001 0,58 0,53 1 1 1 0,961 1 1

0,858 10,217 0,398 0,349 0,609 0,396 0,752 3,197 1,558 1,021

30,5 5,8 1,1 0

% % % %

(26) (5) (1) (0)

7,6 % (4) 5,7 % (3) 0 % (0) 5,7 % (3)

0,018 1 1 0,58

5,234 1,021 Incalculable Incalculable

Figure 2. Accentuation du relief longitudinal et onychoschizie diffuses, début de ptérygion ventral du 2e doigt droit et hyperkératose sous-unguéale du 3e doigt droit.

16 traité par cyclophosphamide (6,3 %) avaient une atteinte unguéale considérée comme secondaire au traitement : 2 cas de dyschromie avec l’APS, et 3 cas de mélanonychie (2 avec un APS et un avec du cyclophosphamide). Aucun traitement n’était mis en place uniquement pour l’atteinte unguéale, excepté concernant les onychomycoses. La réponse au traitement de l’atteinte unguéale n’était de ce fait quasiment pas décrite (seulement 14 patients sur 287 soit 4,9 %). Elle était favorable dans la quasi-totalité des cas (12 patients sur les 14 soit 85,7 %) : un cas décrit en 1930 traité par sels d’or [36], un cas de déformation unguéale en pince traitée chirurgicalement [14], un cas de dyschromie unguéale sous APS ayant régressé après l’arrêt du traitement incriminé [5], un cas d’onychomycose avérée à M. canis traitée par itraconazole [29], traitement par APS seul dans 2 cas [35,38], ajout de thalidomide à un traitement par APS dans un cas [13], corticothérapie orale seule dans 2 cas [11,19], association corticothérapie orale, APS et isotrétinoïne dans un cas [9] et association

Figure 3. Accentuation du relief longitudinal et érythème périunguéal des 3, 4e et 5e doigts droits. Hémorragies en flammèche du 4e doigt droit.

corticothérapie, APS et cyclophosphamide dans un cas [15]. Le traitement mis en place n’était pas précisé dans un cas [37]. Les 2 patients pour qui l’évolution n’était pas favorable sous traitement étaient tous les 2 traités par APS [8,12].

Discussion Les manifestations unguéales et péri-unguéales du LE sont peu étudiées dans la littérature ; les plus fréquentes sont les accentuations du relief longitudinal, un érythème périunguéal, une onycholyse et une mélanonychie. L’onycholyse semble être surtout l’apanage du LE cutané aigu. Les accentuations du relief longitudinal semblent être surtout l’apanage du LE cutané chronique et, dans ce cas, souvent

Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature

Figure 4.

25

Onycholyse des 3e , 4e et 5e doigts gauches.

associées à une hyperkératose sous-unguéale. La présence d’une onycholyse et d’un érythème péri-unguéal sont associées à l’activité de la maladie. Ces associations découlent des données disponibles dans la littérature qui ne sont probablement que très partiellement représentatives de la réalité clinique. Les atteintes unguéales lupiques paraissent rares en pratique clinique mais sont probablement sous-diagnostiquées en raison de biais d’évaluation. En effet, il s’agit d’une zone souvent négligée à l’examen clinique. De plus, l’examen clinique du patient lupique par un dermatologue n’est pas systématique. Dans notre étude, 81 cas sur les 287 (28,2 %) ont été rapportés par des spécialistes autres que dermatologues (rhumatologues et pédiatres). Il semble ainsi important de prévoir une évaluation dermatologique régulière chez tous les patients lupiques, même sans atteinte cutanée évidente. Une analyse fine du repli sus-unguéal, complétée par un examen dermoscopique de débrouillage, est également utile de par la grande précision clinique qu’elle apporte avec notamment la visualisation d’éventuelles anomalies capillaires évocatrices de LES comme les capillaires tortueux, les anomalies morphologiques capillaires et les hémorragies [41]. En outre, les patients ne rapportent pas systématiquement de doléance concernant cette localisation, par absence de gêne fonctionnelle ou esthétique. Il s’agissait de la récrimination première du patient dans 3 cas seulement, ce qui a permis de poser le diagnostic de LE systémique par la suite [8,11,13]. La présence d’une accentuation du relief longitudinal est l’anomalie la plus fréquemment relevée dans notre étude (Figs. 2 et 3). Elle est également fréquemment décrite notamment dans la sclérodermie systémique ou la polyarthrite rhumatoïde (PR). Il s’agit de la lésion unguéale la plus fréquente dans les études de Tunc et al. (37 % de 39 patients atteints de sclérodermie systémique et 46 % de 47 patients atteints de PR), d’El Mansour et al. (4 patients sur 16 atteints de sclérodermie systémique), de Michel et al. (48 patients sur 50 atteints de PR) et de Marie et al. (53,5 % de 129 patients atteints de sclérodermie systémique) [24,25,42,43]. Dans la PR, Michel et al. décrivent une

Figure 5. droits.

Mélanonychie longitudinale des 2e , 3e et 4e doigts

Figure 6.

Hyperkératose sous-unguéale de l’index gauche.

association significative entre PR et accentuation du relief longitudinal, uniquement lorsque les lésions sont présentes sur 9 ou 10 doigts. La présence d’une accentuation du relief longitudinal sur un ou 2 doigts est fréquente dans la population générale (16 sur 40 sujets contrôles dans la série de Tunc et al., 47,5 % sur 80 contrôles dans la série de Marie et al. et 44 sur 50 contrôles dans la série de Michel et al.) et a tendance à augmenter avec l’âge [30]. En revanche, la présence d’une accentuation du relief longitudinal sur tous les doigts est rare. Dans notre étude, il a été visualisé des accentuations du relief longitudinal sur 9 ou 10 doigts chez seulement 6 patients sur les 83 soit 7,2 %, sachant que la localisation de cette atteinte était précisée dans moins de 10 % des cas. Ces patients étaient relativement jeunes, ce qui rend l’hypothèse d’une cause liée à l’âge moins probable. El Mansour et al. et Tunc et al. décrivent respectivement 50 % et 7,7 % d’érythème péri-unguéal chez des

26 groupes de 8 et 13 patients atteints de dermatomyosite (DM) ou polymyosite [24,25]. Cet érythème est peu décrit dans la sclérodermie. Dans la DM, il se différencie du fait qu’il forme un épaississement œdémateux et kératosique, finement télangiectasique, douloureux lors de la pression rétrograde de la matrice (signe de la manucure) [1]. Dans notre étude, la majorité des patients chez qui une mélanonychie était rapportée était d’origine afroaméricaine (61,8 %), constituant un facteur de confusion certain (Fig. 5). En effet, les mélanonychies ethniques affectent 77 % des sujets d’origine afro-américaine de plus de 20 ans et presque 100 % de ceux ayant 50 ans et plus. Elles sont souvent multiples, bien limitées, de largeur variable et de coloration plus ou moins foncée. Les mélanonychies ethniques sont surtout localisées sur les doigts les plus impliqués dans la préhension (pouce, index, majeur) ou sujets à traumatismes (gros orteil). Le nombre et l’épaisseur de ces mélanonychies augmentent avec l’âge. À l’opposé, les mélanonychies sont rares chez les sujets à peau claire. Elles peuvent être favorisés par les traumatismes [44—47]. Ces données se sont confirmées dans notre étude. En effet, lorsque l’atteinte était partielle, touchant moins de 5 doigts, les doigts les plus atteints étaient les 3 premiers doigts de la main. De plus, l’âge moyen des patients ayant une mélanonychie était plus élevé que l’âge moyen général des patients lupiques avec atteinte unguéale (40,9 ± 9,8 ans pour les patients avec mélanonychie contre 32,2 ± 11 ans). Une autre atteinte unguéale fréquemment notée chez les malades lupiques est l’onycholyse, dont la cause principale est mécanique (Fig. 4) [48]. Dans l’étude d’Urowitz et al., l’onycholyse est l’anomalie unguéale la plus rapportée (36 patients sur 42, dont 25 ont une atteinte évocatrice de LE cutané aigu, et 39 une maladie considérée comme active) [32]. Dans l’hypothèse du biais maximum, on peut en déduire qu’au moins 33 patients de cette étude avec onycholyse ont une maladie active et 3 une maladie non active. De la même manière, on peut en déduire qu’au moins 19 patients avec atteinte de LE cutané aigu ont une onycholyse. De même, Tunc et al. ont décrit une association entre la présence d’hémorragies en flammèche (Fig. 3) et l’activité de la maladie chez les patients lupiques [25]. Par ailleurs, Higuera et al. ont observé, chez des patients lupiques, une association entre la présence d’une atteinte unguéale (principalement onycholyse et accentuation du relief longitudinal) et une atteinte d’organe plus importante (mesurée par le SLICC/ACR Damage Index) [16]. Notre étude de la littérature suggère ainsi que la présence d’une onycholyse est la lésion la plus observée chez les patients ayant une maladie considérée comme active. L’analyse en sous-groupes confirme une association statistiquement significative entre onycholyse et activité de la maladie. Cependant, les critères utilisés pour définir l’activité de la maladie ne sont pas détaillés clairement dans toutes les études. Le score SLEDAI (Systemic Lupus Erythematosus Disease Activity Index) ou SLEDAI-2000 n’a été utilisé que dans 2 études [16,25]. Urowitz et al. ont utilisé des critères se rapprochant du SLEDAI, leur étude datant de 1978, tandis que le SLEDAI n’a été développé qu’en 1992 [49]. Pour les autres études, les critères n’ont pas été clairement explicités. Lorsque les données cliniques et

C. Wagner et al. paracliniques étaient suffisamment complètes, nous avons pu déterminer si la maladie était active ou non en utilisant les critères du SLEDAI-2000. Toute interprétation concernant ces données reste donc délicate. Par ailleurs, il n’a pas été possible de déterminer la sévérité de la maladie (notamment via le SLICC/ACR Damage Index) par manque de données dans la grande majorité des études retenues. Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents à ces différentes lésions unguéales ne sont pas encore compris. A l’instar de l’atteinte cutanée, différents mécanismes peuvent être à l’origine d’une atteinte unguéale dans le LE : atteinte immunologique par dépôts de complexes immuns, se traduisant à l’histologie par une dermite de l’interface et à l’IFD par des dépôts d’Ig et/ou de C3 le long de la membrane basale (à rapprocher des accentuations du relief longitudinal et de l’hyperkératose sous-unguéale visualisées chez les patients avec histologie et/ou IFD évocatrices) ; atteinte vasculaire par des phénomènes thrombotiques (hémorragies en flammèche, purpura stellaire acral non infiltré) appelant à une vigilance accrue et une conduite thérapeutique spécifique (traitement antiplaquettaire ou anticoagulant) ; atteinte vasculaire par inflammation des vaisseaux (vasculite lupique ou vasculite urticarienne) ; atteinte indirecte par inflammation de contiguïté (en cas d’atteinte de la phalange distale associée : dépressions ponctuées, déformation unguéale, trachyonychie . . . mais aussi accentuation du relief longitudinal et hyperkératose sous-unguéale) ou secondaire aux traitements (dyschromie unguéale ou mélanonychie longitudinale secondaires au cyclophosphamide ou aux APS) [50—53]. Dans notre étude, environ 10 % des patients traités par APS avaient une atteinte unguéale considérée comme secondaire au traitement. La présence d’une atteinte de la phalange distale associée à l’atteinte unguéale n’a été précisée que chez 10,5 % des patients, ce qui ne nous permet pas de conclure quant à l’existence d’un lien entre les deux bien que l’hypothèse d’une dystrophie unguéale par inflammation de contiguïté soit fortement probable. Il existe également d’autres facteurs confondants dont le principal est l’onychomycose. L’atteinte fongique a été cherchée dans un tiers des cas que nous avons rapportés, avec environ un tiers d’onychomycose avérée parmi ces cas. L’onychomycose est plus fréquente chez les patients lupiques du fait d’une immunodépression liée à la pathologie elle-même et aux traitements systémiques [26,54,55]. Cette immunodépression est également un facteur favorisant les infections par des micro-organismes rarement pathogènes chez l’homme. Ainsi, des cas d’onychomycose à M. canis sont décrits [26,29]. M. canis est un dermatophyte zoophile rarement pathogène pour l’ongle chez l’homme (responsable de moins de 1 % des infections unguéales fongiques). Il est également décrit des cas d’onychomycose proximale, forme quasi exclusivement observée chez des patients immunodéprimés [56—58]. Les atteintes unguéales les plus évocatrices d’onychomycose sont la leuconychie, la xanthonychie, l’hyperkératose sous-unguéale et l’onycholyse. Un examen clinique dermatologique attentif régulier est donc nécessaire chez les patients lupiques. Un prélèvement mycologique systématique semble indispensable lors de la visualisation d’anomalies unguéales chez un patient lupique afin de ne pas méconnaître une infection fongique associée.

Lupus érythémateux et atteinte unguéale : revue de la littérature La réalisation d’une biopsie péri-unguéale ou de l’appareil unguéal constitue un outil diagnostique précieux permettant de rechercher des signes histologiques ou à l’IFD évocateurs de LE. La biopsie d’un repli péri-unguéal est un acte simple et d’accès facile, dont la réalisation devrait être plus fréquente en pratique courante étant donné qu’il s’agit du seul examen permettant d’établir avec certitude l’origine lupique de l’atteinte. Le praticien se rappellera que la matrice proximale est protégée par le repli susunguéal et que le trocart ne doit pas aller jusqu’au contact osseux à cet endroit. Sur le plan thérapeutique, l’atteinte unguéale ne modifiait pas la prise en charge car elle n’était jamais isolée (associée soit à un LE systémique, soit à une forme cutanée isolée de LE). Il y avait une amélioration sous traitement dans la majorité des cas (85,7 %), en faveur d’une association entre la pathologie et l’atteinte unguéale décrite, sans pouvoir toutefois l’affirmer.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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