Rev Mdd Interne 2004 ; 25 Suppl 2 : $227-$230 © 2004 Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s
O K p o u r le bal ! I. DelEvaux 1, M. Andr61, I. Marroun 1, M. Chanudet 2, O. Aumaitre x ~Service de m~decine interne, CHU, place Henri-Dunant, 63000 Clermont-Ferrand, France 2Service de chirurgie digestive, CHR, rue Saint-Pierre, 43101 Brioude, France
Expert-consultant : J.-J. Mourad Ddpartement de mgdecine interne, h6pital europgen Georges-Pompidou, 75908 Paris cedex 15, France Fig. 1.
LES FAITS CLINIQUES Un homme de 44 ans dtait hospitalisE pour un hoquet 6voluant depuis trois semaines. A l'~tge de 11 arts, il a 6tE traitd par cortico'fdes pendant un an pour une anEmie hdmolytique. I1 y a deux ans, il a eu une paralysie faciale droite a frigore. I1 fume (20 paquetsannEes) et il travaille au service des Eaux de la ville. L'histoire de la maladie a dEbutE par l'apparition soudaine, au cours d'un fou fire, d'un hoquet. Depuis, ce dernier est quasi permanent puisqu'il ne c~de spontandment que quelques heures par jour. Ce hoquet est g l'origine de vomissements et d'un amaigrissement de 8 kg. Un premier bilan a comport6 la rEalisation de scanners, cErEbral et thoracique, qui 6taient normaux. Seule, la gastroscopie montrait une oesophagite de grade II et le TOGD une vidange gastrique normale. Un traitement par inhibiteurs de la pompe ~ protons et des antiEmEtiques a EtE inefficace, de m~me que la prescription de chlorpromazine et de baclofbne. I1 6tait alors hospitalisE dans notre service. l'examen, le hoquet Etait effectivement toujours prEsent. I1 existait une paralysie du voile du palais avec une deviation de la langue/t droite (Fig. 1), une amyotrophie de l'hEmilangue droite avec fasciculations. Le pouls Etait h 50 pulsations/rain. Le reste de l'examen Etait normal. Le bilan biologique ne montrait pas de syndrome inflammatoire. La NFS et l'ionogramme s anguin 6taient normaux. Les ASAT dtaient normales, les ALAT 6taient ~t 95 UI (Nle < 50), les "/GT 6talent ~ 88 UI/1 (Nle < 50). Les phosphatases alcalines et LDH Etaient normales. La protEinurie Etait ~t 0,39 g/24 h. Les sErologies de Lyme et du VIH dtaient negatives. L'dtude du liquide cEphalorachidien montrait la presence de 5 leucocytes/ram 3 et une protEinorrachie
0,45 8/1. L'ECG confirrnait une bradycardie (Fig. 2). Un examen biologique de routine et un examen radiologique vont permettre le diagnostic de ce hoquet. Quels sontils ?
Fig. 2.
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Les constatations initiales permettent de retrouver un cortege fiche de signes neurologiques d~ficitaires ou d'irritation, contrastant avec un bilan biologique relativement pauvre. La demarche diagnostique devra tenir compte de I'anamn~se, des signes cliniques objectifs, des therapeutiques en cours et integrer eventuellement les antecedents medicaux rapport~s. I'analyse detaillee de I'examen neurologique permet de suspecter plusieurs atteintes des nerfs cr&niens : - le hoquet chronique doit faire suspecter une compression du neff phr6nique ; I'amyotrophie de I'hemilangue droite et sa deviation droite est pr~cieuse car elle oriente vers une paralysie du neff hypoglosse (XII) droit ; la paralysie du voile du palais fait suspecter une atteinte du neff vague (X). La dissociation auriculoventriculaire (BAV nodal) observee pourrait eventuellement s'y integrer. II ne semble pas exister de troubles de la deglutition ni anomalie de la phonation, ce qui est compatible avec I'unilat~ralite de ratteinte neurologique. La coexistence de ces atteintes permet de cerner la r~gion anatomique suspectee. C'est par consequent la region du cou qui est le siege de la lesion explicative. I'anamn~se permet de retenir un mode de survenue brutal des symptSmes recents. C'est en effet au d~cours d'un fou rire que ie patient #. developpe un hoquet. On ignore si le rire etait motive. Le cas echeant, on pourrait discuter I'hypothese d'un <>[1] d'un infarctus cerebral. Neanmoins, si le hoquet se chronicise, il n'est pas fait mention d'episodes de rires immotives. De plus, le scanner cerebral, realise & distance de I'evenement initial s'est avere normal. C'est donc possiblement les variations hemodynamiques aigu~s engendrees par le rire qui sont en cause. Darts ce contexte, le diagnostic de dissection d'une art&e cervicale avoisinant les nerfs leses doit ~tre evoque en premier lieu. Si ce diagnostic se confirmait, il conviendra de verifier l'absence d'arteriopathie sous-jacente. Les causes sont nombreuses, dominees par la fibrodysplasie. On ignore le niveau tensionnel du patient. Les antecedents du patient apportent une orientation etiologique : I'anemie hemolytique survenant a I'&ge de 11 ans ne semble pas avoir abouti & un diagnostic etiologique. On peut considerer que la
Fig. 3.
recherche d'une maladie de syst~me (lupus...) a et6 realisee. En revanche, il est possible que cette anemie soit une hemoglobinurie paroxystique a frigore [2]. Le plus souvent, ce syndrome survient apres une infection rhinopharyngee virale pseudogrippale. 1'6tiologie classique etait la syphilis qui n'est pratiquement plus jamais en cause depuis la diminution de I'incidence des syphilis congenitales. Neanmoins, la syphilis congenitale peut 6tre paucisymptomatique et 6tre diagnostiquee tardivement au stade de syphilis tertiaire [3]. Les atteintes cardiovasculaires peuvent dominer le tableau clinique. Les anevrismes sent le plus souvent Iocalises & I'aorte thoracique mais I'atteinte des art&es & destinee c6r~brale est possible [4]. Les troubles conductifs cardiaques, s'ils s'av&aient chroniques, pourraient 6tre le reflet d'une gomme syphilitique cardiaque [5]. La paralysie faciale a frigore signalee deux ans auparavant pourrait alors s'expliquer par I'existence d'une syphilis meningovasculaire chronique [6]. Sur la base de cette hypothese, le diagnostic evoque est une syphilis tertiaire avec atteinte multifocale et arterite syphilitique avec dissection sous-adventitielle de la carotide interne droite revelee par une compression des nerfs cr&niens de voisinage. Le diagnostic serait conforte par la realisation de tests serologiques (TPHA/VDRL) dans ie sang et le LCR et par une imagerie des troncs supra-aortiques (echo-doppler, scanner injecte ou angio-IRM). RI~FI~RENCES
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Communication
Tableau 1 l~tiologies du hoquet chronique (d'aprbs Walker P e t al., Pain Symptom Manage 1998;16) Central nervous system Graniocerebral injury Neoplastic diseases: Intracranial neoplasms Brainstem neoplasms Demyelinating diseases: Multiple sclerosis Spinal cord: Syringomyelia Tabes dorsatis Cervical bydromyelia. Cerebrosascular diseases: Ischemic disease lntracranial hemorrhage Arteriovenous malformation Temporal arteritis :" Infectious diseases: Meningitis. Encephalitis Neurosyphilis Brain abscess Tuberculomas Miscellaneous: Epilepsy Hydroceplmlus Ventricuio-pedtoneal shunt' CNS sarcoidosis Psychiatric causes Reaction to grief or shock Hysteria Personality disorders Anorexia nervosa .Enuresis Malingering Metabolic, infectious and toxic causes Renal failure Diabetes Metabolic disorders: HypOrtatremia Hypocatcemia Hypocapnia Hyperuricemta Combination of metabolic disorders Fever, sepd¢ shock Insulin shock therapy Alcohol Drugs: Alpha methyidopa Dexamethasone Methylprednisolone Sutphonomides Diazepam Midazolam Chlordiazepoxide 13arbimrates Methsuximide Heroin addiction Nicotine Etoposide Malaria Herpes zoster Typhoid fever Acute rheumatic fever Influenza Ear, nose, and throat Pharyngitis, laryngitis Goiter
Neck tumor or lymphadenopathy Glaucoma Hair or insect in external auditory canal "I'horax Lung and Bronchi: Pneumonia, bronchitis Tuberculosis . Lung cancer ~ Aathma ~ Pleura: Pleuritis Emphysema Mediastinum: Mediastinitis Tumor Pericarditis Abscess C.ardiowascui~r: Myocardial infarction Angina pectoris Thoracic aortic aneurysm Irritation caused by foreign body Cor pulmonale Esophagus: , F.sophageai cancer or obstruction Esophaghis, esophageal ulcers Hiatus hernia and esophageal reflux Diaphragm: Diaphragmatic hernia Diaphragmatic tumors Neurofibroma of phrenic nerve Irritation of foreign body Post operative Abdomen Gastric disorders: Gastric cancer, or ulcer Gastritis Gastric distention Foreign body Gastrointestinal blcedi'ng Pancreatic disorders: Pancreatic cancer Pancreatitis Hcpatobiliary disorders: Hepato- or splenomegaly Hepatitis~ perihepatitis Cholecystitis Chotelithiasis •Cirrhosis ...... Intestinal disorders: " " Crohn'sdisease, ulcerative colitis Bowel obstruction -~ Peritoneum: Sttbplirenic abscess Intra-abdominal absce.~s Appendicitis Parasitic infection Peritonitis Postoperative Cardiowa.scular disorders: Abdominal, ao~ic aneurysm -' Aortorenal graft .' Irritadoa.cause d by x~,dring of abdominal aorta Kidney arrd urinary, tract: "• Hydronephrosis. - .... Prostatic infection and cancer Prostatic and".u.rinary tract interventions
Note: It LsunclL'arwhether conditions reported, to.cau~ hiccup art" true edolo#~or only a~tmi~tions. CNS, central nermus system " '. " " : From rcfercnce 3 . ' ,
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DI~MARCHE DIAGNOSTIQUE Le brian de coagulation montrait un TCA 5 46 secondes pour un t6moin h 31. La recherche d'un anticoagulant circulant 6tait positive. Les anticorps anticardiolipines 6taient 65 UMPL et les anti-~32GP1 ~ 15 UMPL. Les anticorps antinucl6aires 6taient ~t 1/2560 sans anti-ADN natifs mais avec un anti-SSA. UIRM c6r6brale (Fig. 3) r6vdlait une zone iscMmique du tronc c6r6bral (infarctus lat6robulbaire) l'origine de l'atteinte du X, XI, XII droit. Ainsi l'atteinte du X 6tait responsable de la bradycardie, elle-m~me ~t l'origine d'un 6chappement idioventriculaire lorsque le rythme cardiaque 6tait trop lent. La disparition du hoquet s'est accompagn6e d'une normalisation de I'ECG (frdquence cardiaque ~ 80/min). L'interrogatoire dirig6 retrouvait l'apparition depuis un an d'une photosensibilit6 et il 6tait conclu h u n lupus 6ryth6mateux dissdmin6 avec syndrome des antiphospholipides responsable de l'atteinte neurologique centrale. Une corticoth6rapie par mdthylprednisolone 120 mg/j. a permis de faire c6der le hoquet en 72 h. Le patient a 6galement re~u des bolus mensuels de cyclophosphamide et un traitement antiagr6gant. Des anticoagulants oraux ont 6t6 ddbutds un mois apr~s la disparition des manifestations neurologiques.
DISCUSSION De trbs nombreuses pathologies parmi lesquelles les pathologies oesogastriques et les atteintes du syst~me nerveux central peuvent atre 5 l'origine d'un hoquet chronique
(Tableau 1). Le lupus et le syndrome primaire ou secondaire des antiphospholipides (APL) ont 6t6 exceptionnellement rapportds comme 6tiologie d'un hoquet chronique. I1 n'existe ~ notre connaissance qu'une seule observation de lupus rdv616 par un hoquet chez un patient qui avait une my61ite transverse cervicale et dorsale [1]. Par ailleurs, Ruiz-Argtielles [2] a rapport6 une observation de syndrome primaire des APL 6galement ~ l'origine d'une my61ite transverse et d'un hoquet chronique. Enfin, il est signal6 darts une observation la d6couverte d'un anticoagulant circulant chez un patient avec un infarctus du bulbe rachidien r6v616 par une hdmipar6sie droite, une dysarthrie et un hoquet [3]. Chez les deux premiers patients, le hoquet a disparu aprbs l'introduction de la corticoth6rapie. Dans notre observation, une corticoth6rapie parent6rale a 6galement permis la disparition ddfinitive du hoquet en 72 h. Ainsi, sans pourvoir l'affirmer, l'atteinte neurologique observde chez ces trois patients nous appara~t plus atre d'origine inflammatoire que secondaire ~ une vasculopathie li6e au syndrome des APL.
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