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AMEPSY-1819; No. of Pages 6 Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx
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Me´moire
Penser la formation des familles et de l’entourage d’une personne atteinte de schizophre´nie How to envision the training of the family and entourage of a schizophrenic person He´le`ne Davtian a,*, Re´gine Scelles b a b
Universite´ de Rouen, 9 bis, avenue des Tilleuls, 94140 Alfortville, France Universite´ de Rouen, 76000 Rouen, France
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Rec¸u le 11 fe´vrier 2013 Accepte´ le 2 avril 2013
Le de´placement des soins de l’hoˆpital vers la cite´ a conside´rablement modifie´ le regard porte´ sur les familles ; la maison familiale est aujourd’hui le principal recours pour l’accueil du patient. Face a` ce changement radical de la conception de l’entourage des patients en psychiatrie, plusieurs e´quipes soignantes ont conc¸u des programmes de formation pour permettre aux familles de tenir une fonction d’aidant et de favoriser l’accueil du patient au domicile. Paralle`lement, les familles rassemble´es en associations ont de´veloppe´ des dispositifs pour transmettre a` d’autres familles leur expe´rience. Cet article propose une re´flexion base´e sur une comparaison entre des programmes de formation de l’entourage conc¸us par les soignants et des programmes conc¸us par les familles. Il s’agit de comprendre pourquoi ils se sont de´veloppe´s simultane´ment, de mettre en e´vidence leurs diffe´rences et leurs points de convergence afin de mieux comprendre les besoins re´els des familles. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Mots cle´s : Aidant familial E´valuation des besoins en formation E´thique Groupe d’entraide Re´forme du syste`me de sante´ Schizophre´nie Syste`me de soin
A B S T R A C T
Keywords: Caregivers Community mental health services Education Family health Health care reform Mental health associations Organizations Non-profit Parents Schizophrenia and disorders with psychotic features Self-help groups Training programs
Shifting care from hospitals to the community has significantly changed the perception on families. The family home is now the primary means of hosting patients. Given this radical change in psychiatric care approach, training programs dedicated to the patient’s entourage have developed. We question the large number of these programs and we aim to analyze whether there are important variations from one to another. It is about detecting differences but also convergence points between these programs in order to understand and better address the specific needs and difficulties encountered by families of persons with psychiatric disorders. In this article, we will take the profile of the designers of these programs as a variable. We will compare two training programs designed by professional caregivers and two other training programs designed within family associations by families themselves, who therefore are both designers and recipients of these programs. We will see how the designer profile has an impact on training goals, on the substance but also on how this information is passed, as well as on the assessment criteria of these trainings. In addition, we will see that the very concept of ‘‘entourage’’ and ‘‘family’’ varies according to the nature and function of the designer. Secondly, we will see how this comparative approach helps us to better understand the impact of changes in psychiatric care on families and to detect new arising questions such as: ‘‘Are entourage members intended to become care assistants?’’, ‘‘Should family carers be professionalized?’’, ‘‘Should the family home be considered as a place of care?’’, ‘‘How to define the patient’s family?’’, ‘‘Who are the people concerned by the changes in caring and hence by these trainings?’’ This original comparative approach allows us to
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (H. Davtian). http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.06.017 0003-4487/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
Pour citer cet article : Davtian H, Scelles R. Penser la formation des familles et de l’entourage d’une personne atteinte de schizophre´nie. Ann Med Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.06.017
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take into account the complexity of these changes and to detect how strong their impact can be on the schizophrenic person’s entourage. It raises the question of training to other stakeholders, including in the social and medical-social sectors, since families cannot handle by themselves the shifting of care to the community. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction Dans les socie´te´s contemporaines, la famille de patient schizophre`ne est amene´e a` remplir un roˆle si essentiel dans l’accompagnement des personnes malades que l’e´quilibre et l’efficacite´ du syste`me de soin en de´pendent. La maison familiale repre´sente en effet le recours le plus commun a` la sortie d’hospitalisation et constitue selon Carpentier le lieu le plus fre´quent de « relocalisation du patient psychiatrique » [3]. Ce glissement des soins autrefois prodigue´s dans un e´tablissement public de sante´ vers la sphe`re prive´e place les familles en premie`re ligne dans l’accompagnement de leur proche. Les E´tats-Unis ont connu ce phe´nome`ne avant l’Europe, passant de 500 000 lits en psychiatrie publique en 1955 a` 60 000 lits en 20001. La maison familiale est ainsi progressivement devenue lieu de soin et l’entourage a e´te´ institue´ dans un roˆle d’aidant familial. Le de´veloppement des soins a` domicile n’est cependant pas propre au champ de la psychiatrie, le recours a` l’aidant familial s’imposant plus largement comme une re´ponse possible aux enjeux socie´taux pose´s par le vieillissement de la population et la chronicisation des maladies graves. Mais aujourd’hui en psychiatrie, ce basculement a atteint un tel niveau que si la famille ne joue pas son roˆle d’hospitalite´, l’ensemble du syste`me de soin peut vaciller. La famille du patient se retrouve garante de l’e´quilibre d’un syste`me dont elle avait longtemps e´te´ tenue a` l’e´cart, variable d’ajustement dans un contexte en mutation. En conse´quence, d’une part est apparue la ne´cessite´ de mieux prendre en compte et de former les familles en psychiatrie, d’autre part, durant cette meˆme pe´riode, les familles ont commence´ a` se rassembler et a` s’organiser en association (NAMI2 aux E´tats-Unis, UNAFAM3 en France, EUFAMI4 en Europe). Ces deux mouvements, formation des familles et organisation des familles en association, peuvent eˆtre conside´re´s a` la fois comme conse´quences des soins dans la cite´ mais aussi comme tentatives de re´ponse a` ces transformations profondes. Si aujourd’hui la plupart des professionnels de sante´ envisagent les soins avec la participation active de l’entourage du patient, les associations de familles questionnent de plus en plus les limites et la nature du roˆle de l’entourage. Elles alertent sur un niveau de tension excessif, comme le montre le titre d’un e´ditorial de la FFAPAMM5 « Et si les familles faisaient gre`ve ! » [8] et les propos introductifs du Congre`s de l’EUFAMI a` Baˆle en 2011 : « Du point de vue des familles et des aidants, la ‘‘prise en charge dans la cite´’’ a tourne´ en re´alite´ a` la ‘‘prise en charge familiale’’. [. . .] aussi on peut se poser la question : du point de vue des familles, les soins dans la cite´ sont-ils une be´ne´diction ou une male´diction ? » Dans cet article, a` partir de la comparaison de programmes destine´s aux familles conc¸us a` l’initiative de soignants ou conc¸us a` l’initiative de familles, nous montrons la ne´cessite´ d’avoir une vision syste´mique dans la manie`re de repe´rer les besoins des familles et les re´ponses a` y apporter. Pour cela, nous comparons 1
Chiffres cite´s par le Centre de Re´habilitation Psychiatrique de Boston. NAMI National Alliance on Mental Illness. 3 UNAFAM Union Nationale de Familles et Amis de Personnes Malades et/ou Handicape´es Psychiques. 4 EUFAMI European Federation of Families of People with Mental Illness. 5 FFAPAMM Fe´de´ration des Familles et Amis de la Personne Atteinte de Maladie Mentale (Que´bec). 2
deux types de programmes de formation des familles : les programmes du groupe A sont conc¸us par des professionnels de la psychiatrie ; ceux du groupe B ont e´te´ de´veloppe´s a` l’initiative des familles et avec elles. Nous montrons que si ces programmes ont de nombreux points de convergence, ils reposent sur des conceptions diffe´rentes de la famille et de son roˆle dans l’accompagnement des patients. La mise en perspective des deux types de programme permet de repe´rer les re´els besoins des familles. 2. Mise en perspective des deux approches Les programmes du groupe A se distinguent de ceux du groupe B par la nature de leurs concepteurs : les programmes du groupe A sont conc¸us a` l’initiative d’e´quipes soignantes avec pour objectif l’ame´lioration de la sante´ de leur patient (Tableau 1). Les programmes du groupe B sont conc¸us par les familles pour les familles autour des questions de vie quotidienne et de cohabitation de tous les membres de la famille. Le groupe A rassemble deux programmes a` l’initiative des professionnels : A.1/ « Coping with schizophrenia : A guide for families » : programme ame´ricain e´labore´ en 1994 par le Professeur Kim T. Mueser, du Centre de recherche en psychiatrie du New Hampshire, et le Docteur Susan Gingerich, du Colle`ge me´dical de Pennsylvanie (traduction franc¸aise a` la FFAPAMM en 2001) ; A.2/ Profamille : programme psychoe´ducatif e´labore´ en 1988 au Que´bec par l’e´quipe du Professeur Cormier puis diffuse´ dans le monde francophone via le Re´seau Francophone des Programmes de Re´habilitation Psychiatrique. Il a connu une importante modification sous l’impulsion du Docteur Yann Hode´, du Centre Hospitalier de Rouffach, pour aboutir a` la version V2.2 en 2006 ; c’est de cette version dont il sera question dans cet article. Par rapport a` la version initiale de Profamille, la version V2.2 e´volue vers plus d’informations me´dicales et plus de technicite´ dans les attitudes a` acque´rir [9]. Le groupe B rassemble deux programmes conc¸us directement par des familles : B.1 « Les 14 principes pour faire face » de Ken Alexander, pre´sente´ en 1998 au Congre`s Eufami de Dublin. A` partir de son propre parcours, Ken Alexander, chercheur australien et pe`re d’un enfant psychotique, a insiste´ sur la ne´cessite´ d’aider les proches de malades a` eˆtre attentifs a` ce qu’ils vivent eux-meˆmes. Il pose ceci comme une condition ne´cessaire et incontournable pour l’ame´lioration de la sante´ de la personne malade et le bien-eˆtre de son entourage ; B.2 Le programme Prospect de l’EUFAMI, lance´ en 2004 et disponible en 12 langues, est compose´ de trois volets qui ont vocation a` eˆtre mene´s ensemble afin de favoriser les e´changes : un volet pour les familles et les amis, un volet pour les « personnes ayant l’expe´rience intime de la maladie », un volet pour les professionnels des services psychiatriques et sociaux. Meˆme si nous portons notre attention sur le premier volet conc¸u par des familles pour des familles, cette approche globale du programme Prospect est un e´le´ment a` prendre en compte dans la
Pour citer cet article : Davtian H, Scelles R. Penser la formation des familles et de l’entourage d’une personne atteinte de schizophre´nie. Ann Med Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.06.017
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Tableau 1 Tableau comparatif de programmes de formation des familles de patients schizophre`nes d’apre`s le lien des concepteurs par rapport a` la personne malade. A Programmes conc¸us par des professionnels du soin en psychiatrie
B Programmes conc¸us par des familles
A.1 Vivre avec la schizophre´nie, un recueil d’information et d’exercices destine´ aux familles Susan Gingerich, Colle`ge me´dical de Pennsylvanie, E´tats-Unis, 2001 Pre´venir les rechutes : Encourager la personne a` prendre la me´dication Encourager la personne a` cesser la consommation d’alcool ou de drogue Pre´venir et intervenir lors des situations de crise
B.1 Comprendre et faire face a` la schizophre´nie, 14 principes pour les proches Ken Alexander, Melbourne, Australie, 1991
Extraits de 7 des 14 principes qui constituent la base de la me´thode : Prenez garde aux ravages de la culpabilisation, ils peuvent re´duire vos chances de faire face, pour toujours. Nos re´actions naturelles instinctives se re´ve`lent souvent eˆtre un guide peu fiable pour affronter la maladie et s’occuper du malade. Nous avons besoin de formation. De´velopper un milieu de soutien : Diminuer le climat de tension qui peut exister Apprenez a` reconnaıˆtre les origines de la pression, cette pression toujours dans la famille grandissante a` laquelle nous, les proches, sommes sujets. Ge´rer votre stress et celui de votre proche Preˆtez une grande attention aux besoins des autres membres de la famille. Aider la personne atteinte a` de´velopper des habilete´ pour communiquer Prenez garde que le sacrifice personnel sans limite et inconditionnel au profit davantage avec les autres de la personne atteinte soit fatal a` l’efficacite´ des soins et de l’aide. Soyez conscients que passer beaucoup de temps avec une personne atteinte de schizophre´nie peut faire empirer la situation. Ame´liorer la qualite´ de vie : trois items concernent la qualite´ de vie du malade Ne soyez pas surpris de de´couvrir que finalement, c’est cette capacite´ a` changer, Cohabiter ou ne pas cohabiter avec le proche atteint de schizophre´nie (4e item) a` regarder les choses diffe´remment qui distingue les proches qui arriveront Re´actions a` la schizophre´nie : perspective des fre`res et sœurs a` faire face de ceux qui ne le pourront pas
Pre´parer l’avenir de votre proche : un de´fi A.2 Profamille Programme psychoe´ducatif pour les familles ayant un proche souffrant de schizophre´nie Re´seau Profamille, Version V2.2, 2006 1re version Laboratoire Lundbeck Le programme repose sur 5 e´tapes : E´ducation sur la maladie : modifier les attributions, permettre de comprendre. De´velopper des habilete´s relationnelles : ame´liorer sa relation avec le malade, baisser la tension, mieux aider le malade. Gestions des e´motions et de´veloppement de cognitions adapte´es. De´velopper des ressources : tenir sur la dure´e, pouvoir faire face aux ale´as et pre´parer l’avenir. E´tape d’approfondissement destine´e a` renforcer les apprentissages et favoriser la mise en application des savoir-faire de´veloppe´s dans le programme
comparaison : l’effort n’est pas uniquement centre´ sur la capacite´ des familles a` s’adapter a` la situation, la famille est un acteur parmi d’autres concerne´s par la question des soins dans la cite´, le programme Prospect dans sa globalite´ est conc¸u pour toucher l’ensemble de ces acteurs. Venues de diffe´rentes associations europe´ennes (FEAFES pour l’Espagne, Schizophrenia Ireland pour l’Irlande, YPSILON pour les Pays-Bas, UNAFAM pour la France. . .), les familles ont cherche´ a` repe´rer ce qui leur e´tait commun, quel que soit le syste`me de soin de leur pays d’origine ; c’est donc sur la base de l’expe´rience de la vie quotidienne et familiale avec une personne atteinte de schizophre´nie que le programme a e´te´ e´labore´.
B.2 Programme europe´en Prospect : atelier d’entraide pour la famille et les amis Eufami, 2004 Ces ateliers s’appuient sur une approche de pair a` pair avec une progression en 4 e´tapes : Reconnaissance par des pairs : passer par l’autre pour reconnaıˆtre ce qui se passe pour soi-meˆme. Mise en commun des connaissances du groupe sur la maladie et sur ses effets. Reconnaissance d’un sce´nario de code´pendance qui au lieu de re´duire l’isolement de la personne malade conduit a` l’isolement de tous. Faire face en sortant des positions excessives de fusion et de rejet. Amorcer un changement en acceptant que l’on ne peut faire face seul et que tout changement porte une part de risque
Cette approche comparative permet de distinguer les diffe´rences et les comple´mentarite´s des aides propose´es aux familles suivant que l’on a une expe´rience de soignant de membre de l’entourage du patient.
s’est centre´e sur le climat familial, e´tablissant une corre´lation entre le niveau d’e´motionnalite´ exprime´e (EE) par l’entourage familial, sous forme d’attitudes hostiles, de critiques ou de trop grande implication, et l’accroissement de la symptomatologie du patient [19]. Sur la base de ces recherches, s’est impose´e l’ide´e qu’il fallait agir sur le milieu de vie du malade afin que celui-ci soit propice a` son bien-eˆtre, a` la bonne observance et a` l’efficacite´ des soins. Dans une perspective the´rapeutique pour le patient, la formation des familles est pense´e pour lutter contre les rechutes lie´es aux variables environnementales ; c’est pourquoi il faut rendre la maison familiale, faute d’autres possibilite´s en ressources communautaires, suffisamment stable, accueillante, voire soignante et en tous les cas contenante. Les propositions du groupe B sont influence´es en partie par le mouvement de l’empowerment6 [11]. Il s’agit de garder une certaine maıˆtrise sur son existence, de ne pas eˆtre victime de la maladie mais de devenir acteur engage´ et influent. Par ailleurs, le de´veloppement des associations de familles a contribue´ a` faire connaıˆtre et a` valoriser le savoir empirique acquis par l’expe´rience de vie avec une personne malade, un savoir non savant, peu reconnu des professionnels auparavant mais identifie´ par les
2.1.1. Des influences diffe´rentes Deux angles de recherche sur les familles ont fortement influence´ les formations du groupe A. La premie`re concerne l’e´valuation de la « charge » des aidants car il s’agissait de transfe´rer la charge autrefois porte´e par les e´tablissements de sante´ et la solidarite´ nationale vers l’intimite´ et la solidarite´ familiale [17]. La seconde piste de recherche
6 Selon Ninacs [15], la notion d’empowerment est apparue progressivement a` la diminution du champ d’action de l’E´tat providence dans les pays occidentaux, en psychiatrie elle fait donc e´chos au mouvement de de´sinstitutionnalisation, il propose la de´finition suivante : « Sommairement, on peut de´finir l’empowerment comme la capacite´ des personnes et des communaute´s a` exercer un controˆle sur la de´finition et la nature des changements qui les concernent. »
2.1. A` l’origine de ces approches : des influences diffe´rentes, un pragmatisme partage´
Pour citer cet article : Davtian H, Scelles R. Penser la formation des familles et de l’entourage d’une personne atteinte de schizophre´nie. Ann Med Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.06.017
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familles comme essentiel pour leur permettre de vivre avec la re´alite´ de la maladie et ses conse´quences. 2.1.2. Un pragmatisme partage´ Le point commun de ces diffe´rentes approches re´side dans une prise de conscience tre`s pragmatique de la situation : les soignants sont contraints de trouver de plus en plus rapidement des relais hors des lieux de soins pour la prise en charge des malades ; les familles, confronte´es a` la vie au quotidien avec une personne souffrant de troubles psychotiques, ont besoin de savoir comment l’accompagner dans sa vie de tous les jours. De ce fait on constate que, quelle qu’en soit la raison, volonte´ the´rapeutique ou contrainte e´conomique, le de´placement des soins de l’hoˆpital vers la cite´ a conside´rablement transforme´ la relation soignant du patient/famille du patient. Ils sont devenus interde´pendants : les familles ont bien entendu besoin des soignants mais aujourd’hui l’organisation du dispositif fait que les soignants ont e´galement besoin des familles. Cependant, comme le remarque le sociologue Carpentier [3], la famille n’est pas force´ment preˆte a` assumer ce roˆle ni eˆtre capable de l’assumer : « La famille de « l’e`re » de la de´sinstitutionnalisation devient, en quelque sorte, la solution au proble`me du retour du patient dans la communaute´, mais apparaıˆt du meˆme coup comme l’e´le´ment le moins bien organise´ du syste`me de soins communautaires ». Il s’agit donc a` travers les formations du groupe A de permettre a` la famille, devenue un e´le´ment essentiel du syste`me, d’assumer son roˆle d’accueil du patient voire de lieu de soin. L’objectif est d’outiller les « aidants », de les former a` l’accompagnement quotidien des malades afin qu’ils soient a` meˆme d’assurer un relais des structures de soins. Finance´es par les laboratoires pharmaceutiques, les formations du groupe A s’inscrivent dans une de´marche d’e´ducation the´rapeutique : controˆle de la prise des neuroleptiques, repe´rage et alerte des crises. Pour le groupe B, le de´bat au sein des associations de familles ne s’est pas pose´ dans les meˆmes termes. Venant de diffe´rents pays europe´ens et regroupe´es au sein de EUFAMI, les familles ont pris conscience que quels que soient la politique et le syste`me de soin de leur pays, les membres de l’entourage passaient par des processus psychiques identiques et que la reconnaissance de ce processus e´tait une condition ne´cessaire a` l’ame´lioration de la situation de tous. Cette mise en commun des expe´riences a aussi permis aux familles, jusque-la` renvoye´es a` un questionnement intime parfois tre`s culpabilisant, de prendre conscience de la dimension universelle de l’expe´rience de vie avec un proche schizophre`ne et a ainsi contribue´ a` sortir les familles de la culpabilite´ et de l’isolement. Donc, si l’on trouve bien a` l’origine de ces deux approches une meˆme de´marche pragmatique visant a` re´soudre un proble`me relatif a` la vie et au soin de la personne malade mentale, les fac¸ons de l’aborder sont fondamentalement diffe´rentes. 2.2. Ce qui caracte´rise ces deux types de programmes Les programmes A et B se distinguent principalement sur deux points : d’une part, le choix des informations et des connaissances et la fac¸on dont celles-ci sont transmises, d’autre part, les crite`res d’e´valuation choisis permettant de bien comprendre les objectifs de ces programmes. 2.2.1. Le rapport au savoir Certains the`mes sont communs a` tous les programmes mais c’est surtout par la fac¸on dont ils sont traite´s que se distinguent les deux types d’approche : dans le Groupe A, les deux objectifs dominants sont l’information et l’e´ducation the´rapeutique. L’information porte sur la maladie et sur les comportements a` adopter envers le patient. L’ide´e qui
sous-tend cette approche est que la formation des familles passe par un savoir a` acque´rir, ce savoir e´tant de´tenu par les professionnels soignants, ce sont donc eux qui animent la formation et transmettent aux familles ce qui est juge´ pertinent a` connaıˆtre. Le deuxie`me objectif rele`ve plutoˆt de l’e´ducation the´rapeutique et s’organise autour de deux volets principaux : il s’agit de former l’aidant familial pour qu’il assure la continuite´ des soins au domicile, veille a` la prise du traitement, a` l’hygie`ne de vie, et soit capable de repe´rer les signes de rechutes et d’alerter, mais il s’agit aussi de le former pour qu’il acquie`re les attitudes ade´quates suivant les expressions de la maladie, de´velopper les « habilete´s relationnelles » : « De´velopper un milieu de soutien : diminuer le climat de tension qui peut exister dans la famille, ge´rer votre stress et celui de votre proche » (A.1), « ame´liorer sa relation avec le malade, baisser la tension » (A.2) ; dans le groupe B, l’approche repose sur un mode`le d’e´ducation par les pairs, il n’y a pas de savoirs transmis en tant que tels, les connaissances viennent des e´changes dans le groupe. L’objectif est de cre´er les conditions pour favoriser un cheminement s’e´tayant sur le partage de savoir, savoir-faire, savoir-eˆtre et savoir-dire des familles et s’en nourrissant. C’est Ken Alexander [1] qui a donne´ une le´gitimite´ a` ce savoir implicite des familles en posant sa reconnaissance comme condition incontournable a` l’ame´lioration de la personne malade. Pour cela, les e´changes entre pairs autour de cette expe´rience commune permettent aux membres des familles de se de´couvrir « sachant » mais e´galement de se sentir valorise´s en devenant les transmetteurs de ce savoir. Dans les approches du groupe B base´es sur la transmission d’une expe´rience partage´e, les familles sont invite´es a` eˆtre attentives aux retentissements de la maladie : « Apprenez a` reconnaıˆtre les origines de la pression, cette pression toujours grandissante a` laquelle nous, les proches, sommes sujets » (B.1), « Reconnaissance d’un sce´nario de code´pendance qui au lieu de re´duire l’isolement de la personne malade conduit a` l’isolement de tous » (B.2).
2.2.2. Les crite`res d’e´valuation Les crite`res d’e´valuation permettent de bien comprendre la diffe´rence entre les deux types d’approche. Pour le groupe A, les crite`res retenus sont la baisse des rechutes et la diminution des dure´es d’hospitalisation du patient. Ces crite`res ne sont pas centre´s sur le mieux-eˆtre de l’aidant mais sur l’ame´lioration de la sante´ du malade. Il s’agit de crite`res d’e´valuation applicables a` n’importe quelle proce´dure the´rapeutique, ce qui signifie que pour le groupe A, la formation des aidants familiaux fait partie inte´grante du protocole de prise en charge : la famille est forme´e pour tenir un roˆle dans la prise en charge du patient, elle est conside´re´e comme auxiliaire des soins. Hogarty [10] a montre´ que lorsque la famille participait a` un programme psychoe´ducatif, le malade avait moins de rechute et plus de chance de retrouver un emploi. Le crite`re de rentabilite´ e´conomique est mis en avant par les promoteurs de ces programmes, ainsi pour le Dr Hode´ qui de´veloppe le programme Profamille, l’absence de prise en charge approprie´e des familles « repre´sente une perte de chances pour les malades et aggrave les ˆ ts de la sante´ ». Cependant, ce crite`re d’e´valuation peut cou conduire la famille a` se sentir responsable des rechutes de son proche et a` renforcer son sentiment de culpabilite´. Concernant les approches du groupe B, l’e´valuation consiste en une autoe´valuation sous forme de questionnaires, ceux-ci pouvant rester anonymes pour permettre une plus grande liberte´ dans les commentaires. Il n’y a pas dans ces approches d’attendus directs sur l’ame´lioration du patient, ce qui est vise´ c’est le mieux-eˆtre de l’aidant. L’e´valuation porte d’abord sur le mieux-eˆtre des proches en tant que sujets implique´s et concerne´s par la situation.
Pour citer cet article : Davtian H, Scelles R. Penser la formation des familles et de l’entourage d’une personne atteinte de schizophre´nie. Ann Med Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.06.017
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3. Effets sur les conceptions de la famille en psychiatrie L’ide´e que les familles en psychiatrie puissent be´ne´ficier d’une formation et jouer un roˆle actif est en soi une modification importante du regard longtemps porte´ sur les familles de patient. En effet, en quelque 40 ans, la manie`re de penser la famille en psychiatrie a conside´rablement e´volue´ a` travers trois grands courants : la famille rend malade l’un de ses membres (Searles) [16] ; c’est le groupe, dans son ensemble, qui est malade (Cooper) [4] ; la famille est a` la fois le proble`me et la solution au proble`me. (Ausloss) [2]. Aujourd’hui, avec un certain recul, on peut repe´rer les effets de ces approches et les nouvelles questions qu’elles font e´merger. 3.1. Au-dela` des temps de crise, une collaboration enrichissante Quels que soient les modes d’approche, ceux qui y participent, familles comme soignants, y voient de nombreux points positifs. Tout d’abord, ces temps de formation permettent des e´changes dans un cadre apaise´ ou` l’on peut retrouver un plaisir a` penser et a` re´fle´chir ensemble hors des temps de crise et de l’e´motion. Certains professionnels qui jusqu’alors ne rencontraient les familles que dans l’urgence ont vraiment change´ leur regard, et, pour les familles, pouvoir eˆtre entendu, eˆtre reconnu comme un interlocuteur par des pairs et/ou par des professionnels est un point essentiel pour sortir de l’isolement et baˆtir une relation de confiance avec les soignants de leur proche. Quelle que soit l’option, ces groupes sont des me´diateurs des sce`nes sociales permettant de tisser des liens, de faire e´voluer l’isolement des familles. Autrement dit, quel que soit le format, l’important est que chacun prenne le temps de parler, d’eˆtre e´coute´ et d’e´couter l’autre. Phe´nome`ne bien connu et souvent de´crit pas les the´oriciens du groupe [18]. Lorsque ces approches sont juge´es comple´mentaires et non concurrentielles, elles favorisent une compre´hension plus globale des besoins des familles : de nombreuses familles ont be´ne´ficie´ des deux types d’approche, reconnaissant qu’elles y avaient trouve´ un soutien diffe´rent [12]. 3.2. Soutenir ou professionnaliser ? Les formations du groupe A s’inscrivent dans une conception comportementale et cognitive ou` les familles sont conside´re´es comme des familles « normales » confronte´es a` une maladie dont l’origine est ce´re´brale [13]. Comme le note Miermont [14], « le de´gagement de l’implication familiale dans l’origine des troubles est devenu radical dans l’approche comportementale et cognitive ». Mettant a` mal une conception ou` les troubles schizophre´niques seraient la re´sultante de conflits familiaux, cette approche est se´duisante pour les familles mais en contrepartie elle contribue a` pousser les familles vers un roˆle d’aidant de plus en plus lourd. La schizophre´nie e´tant conside´re´e comme une maladie comme une autre, les soins aux domiciles et la place des aidants familiaux sont aborde´s de la meˆme fac¸on que pour une autre pathologie chronique. Ce nouveau paradigme pre´figure une quatrie`me e´tape qui fait suite aux trois conceptions de la famille en psychiatrie pre´ce´demment cite´es : aujourd’hui, la famille est conside´re´e comme un auxiliaire des soins. C’est-a`-dire qu’il ne s’agit plus de soutenir ou de traiter une famille mais de la rendre suffisamment performante pour prendre en charge son proche ; la formation des familles peut alors glisser vers une forme de professionnalisation des familles [5]. Comme nous l’avons vu, les associations de familles commencent a` poser la question de la limite et de la nature de
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leur roˆle et prennent conscience que le risque est que la formation des familles devienne un pre´texte pour augmenter leur charge. En d’autres termes, qu’il soit demande´ aux familles « en crise » de garantir le fonctionnement d’un syste`me de soin « en crise », auquel cas il s’agirait d’une instrumentalisation des familles par le biais de leur formation. Ausloos [2], lors de la confe´rence de consensus belge sur le traitement de la schizophre´nie, avait insiste´ sur le fait qu’il fallait aider la famille du schizophre`ne car « la crise du patient est aussi une crise de sa famille ». A` trop promouvoir la participation des familles, cette dimension est banalise´e. 3.3. La famille re´duite aux aidants familiaux ? Alors que le mot « famille » apparaıˆt de manie`re re´currente dans tous les programmes cite´s, il subsiste un grand flou sur ce que ce mot e´voque re´ellement. Dans les faits, les participants des programmes sont majoritairement des parents, plus souvent me`re que pe`re, engage´s dans un roˆle d’aidant aupre`s du patient. Ceci laisse penser que la famille en psychiatrie se re´duit au malade entoure´ de son proche aidant, c’est-a`-dire le plus souvent le malade et son ou ses parent(s). Or, cette conception occulte la place des autres membres de l’entourage alors que leur implication est un effet majeur du basculement des soins vers la maison familiale. Elle ne rend donc pas compte de la re´alite´ du groupe familial et en particulier de la pre´sence d’un conjoint et de l’entourage jeune du patient (ses fre`res et sœurs ou ses enfants). Ceci est particulie`rement marque´ pour les programmes du groupe A ou` le mot « famille » s’entend clairement comme « famille du patient ». Dans les programmes du groupe B, le sens est plus large et e´voque plutoˆt la famille confronte´e aux troubles de l’un des siens. Dans ces programmes, les fre`res et sœurs, s’ils ne sont pas totalement oublie´s, ne sont pas pense´s comme e´galement concerne´s et/ou destinataires de ces interventions, mais plutoˆt comme des personnages annexes auxquels il faut « preˆter attention » (B.1), c’est-a`-dire comme une charge supple´mentaire pour leurs parents. Pourtant, les fre`res et sœurs, meˆme s’ils sont jeunes, peuvent eˆtre amene´s a` intervenir tre`s directement dans la vie du malade. Ils jouent parfois un roˆle tout a` fait central, notamment sur le climat familial, sur leur capacite´ a` maintenir le malade dans sa ge´ne´ration et a` empeˆcher que la famille ne se ferme sur elle-meˆme. Personnages de l’ombre, ils subissent aussi les retentissements de la maladie et trouvent rarement des interlocuteurs. Ils sont pre´sents, te´moins souvent silencieux de l’expression des troubles, assistants solitaires quand les adultes sont happe´s par leur roˆle d’aidant [5]. Nos travaux ante´rieurs [6,7]7 montrent qu’il serait important aujourd’hui d’imaginer des modes d’information et d’accompagnement spe´cifique pour l’entourage jeune des patients (fre`res et sœurs et enfants de patients) dont la pre´sence aupre`s des patients est une conse´quence importante mais souvent oublie´e du basculement des soins de l’hoˆpital vers les familles. Mais par ailleurs, c’est la place du patient dans sa famille qui diffe`re entre les approches du groupe A et celle du groupe B. Conside´rer la famille et l’entourage comme des soignants (groupe A) transforme voire de´forme la dynamique familiale : parmi les siens, la personne malade est un patient a` soigner avant d’eˆtre au meˆme titre que les autres membres du groupe famille. Les approches du groupe B cherchent plutoˆt a` ce que chacun puisse vivre dans cette proximite´ sans eˆtre happe´ par la souffrance, c’est-a`-dire en luttant contre l’effet centripe`te de la maladie.
7 Recherche-action mene´e aupre`s de 600 fre`res et sœurs de personnes souffrant de troubles psychotiques : 45 % d’entre eux estiment que la maladie de leur proche a des effets sur leur propre sante´ ; ce chiffre atteint 61 % dans le groupe des 10/21 ans, c’est-a`-dire ceux qui le plus souvent vivent avec leur fre`re ou leur sœur au moment de l’e´mergence des troubles [7].
Pour citer cet article : Davtian H, Scelles R. Penser la formation des familles et de l’entourage d’une personne atteinte de schizophre´nie. Ann Med Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.06.017
G Model
AMEPSY-1819; No. of Pages 6 H. Davtian, R. Scelles / Annales Me´dico-Psychologiques xxx (2014) xxx–xxx
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3.4. « Cohabiter ou ne pas cohabiter ? » Cette formule de l’un des derniers items du programme A.1 condense en fait la question fondamentale pose´e a` toute personne confronte´e a` la proximite´ de la souffrance psychotique. Les questions de distance, de limite, de frontie`re, de place sont au cœur de l’accompagnement des personnes atteintes de schizophre´nie. En ouvrant une bre`che dans les enceintes des asiles, le mouvement de de´sinstitutionnalisation a permis que ces questions se posent autrement que par les murs, l’isolement et l’enfermement. Cependant, il convient aujourd’hui de penser d’autres fac¸ons de contenir l’angoisse et d’imaginer des limites rassurantes pour le patient, mais aussi pour les proches et pour le corps social. Aujourd’hui, cette question qui n’est plus suffisamment porte´e par les institutions soignantes et me´dico-sociales se pose directement dans l’espace familial. Il est inte´ressant de voir que si ce the`me est aborde´ sous forme ponctuelle dans les programmes conc¸us par les soignants, il est en revanche central dans le programme Prospect, aborde´ d’une fac¸on ou d’une autre a` chaque se´ance : proximite´ ou e´loignement, choix ou contrainte, le´gitimite´ ou non a` occuper un roˆle d’aidant, souffrance du malade mais aussi souffrance de l’entourage. . . Si les programmes du groupe A sont conc¸us autour de la ne´cessite´ de « faire » en de´veloppant les strate´gies de coping, ceux du groupe B sont pense´s autour de la ne´cessite´ d’« eˆtre », l’enjeu pour les membres de la famille e´tant de retrouver la capacite´ d’eˆtre ensemble tout en restant soi-meˆme, d’eˆtre ensemble tout en tenant compte de soi et du reste de la famille, d’eˆtre ensemble sans se sentir menace´ par l’autre et sans repre´senter une menace pour lui. Ainsi, au-dela` des approches pour « faire face », les familles apportent une approche plus existentielle et posent, dans ces programmes, la question de la coexistence. Cet apport des familles semble essentiel, il implique que le soutien des familles ne se re´duise pas a` la formation des aidants familiaux, et que l’accompagnement de la personne malade au sein de sa famille ne se re´sume pas a` l’observance du traitement et au repe´rage des signes de rechute. Le de´calage entre les formations du groupe A et celles du groupe B montre que la vie quotidienne avec une personne souffrant de troubles schizophre´niques conduit toute personne de l’entourage, quelle qu’elle soit et quel que soit son aˆge, a` des interrogations personnelles et a` des re´ame´nagements psychiques incontournables. 4. Conclusion Le diffe´rentiel entre les deux approches pre´sente´es dans cet article montre qu’il y a une ne´cessite´ a` repenser la notion de « famille », trop souvent re´duite aux parents et a` l’enfant atteint. Pour ne pas limiter la famille a` une fonction d’aidant, il convient de prendre en compte la diversite´ et la complexite´ des besoins de l’ensemble de ses membres et de penser la diversite´ des liens de ceux qui entourent la personne malade, notamment des jeunes peu concerne´s par ces programmes. Dans le champ de la psychiatrie, l’aide a` apporter aux aidants familiaux ne peut se limiter a` une e´ducation the´rapeutique ; elle
ne´cessite aussi d’appre´hender les retentissements de la maladie sur les membres de l’entourage du patient, sur le syste`me familial et sur ses interactions avec l’environnement. Au-dela` des strate´gies pour faire face et vivre avec, c’est la question essentielle du vivre ensemble, de la cohabitation, voire de la coexistence que posent les approches conc¸ues par les familles. Enfin, le diffe´rentiel entre ces approches montre que les familles ne peuvent pas porter seules la question de la prise en charge dans la cite´. Il convient d’e´largir la question de la formation a` l’ensemble des acteurs concerne´s par la place des personnes malades dans la ville (services municipaux, offices HLM, gardiens d’immeubles, secteur associatif. . .) mais aussi d’adapter la formation des e´quipes soignantes pour les accompagner dans cette mutation des soins et donc de leur travail. Meˆme avec une formation, les familles ne pourront pas tenir ce roˆle d’interface entre tous ces acteurs, les soins dans la cite´ supposant aussi de transformer ses capacite´s d’accueil et d’hospitalite´. ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Alexander K. Understanding and coping with schizophrenia: 14 principles for relatives. Melbourne: Wilkinson Books; 1991. [2] Ausloos G. La compe´tence des familles : temps, chaos, processus. Toulouse: E´re`s; 1995. [3] Carpenter N. Le long voyage des familles : la relation entre la psychiatrie et la famille au cours du XXe sie`cle. Sci Soc Sante 2001;19:76–106. [4] Cooper D. Psychiatrie et antipsychiatrie. Points Sciences humaines; 1978. [5] Davtian H, Scelles R. La famille de patient schizophre`ne serait-elle devenue une ressource ine´puisable ? Info Psychiatr 2013;89:73–82. http://dx.doi.org/ 10.1684/ipe,2013.1011. [6] Davtian H, Collombet E. Pour une meilleure prise en compte des fre`res et sœurs de personnes souffrant de troubles psychotiques, 3. Gene`ve: The´rapie Familiale; 2009. p. 315–26. [7] Davtian H. Les fre`res et sœurs face aux troubles psychotiques. UNAFAM; 2007. [8] Fradet H. Et si les familles faisaient gre`ve ! Paris: FFAPAMM; 1998. [9] Hode´ Y. Profamille V2.2 Manuel de l’animateur. [10] Hogarty GE, Anderson CM, Reiss DJ, Kornblith SJ, Greenwald DP, Ulrich RF, et al. Family psychoeducation social skills training and maintenance chemotherapy in the aftercare treatment of schizophrenia. Arch Gen Psychiatry 1991;48:340. [11] Le Bosse Y. De l’« habilitation » au « pouvoir d’agir » : vers une appre´hension plus circonscrite de la notion d’empowerment. Nouv Prat Soc 2003;16:30–51. [12] Leymarie P, Gufflet D. Enqueˆte sur la pertinence des me´thodes de soutien aux familles 1025 questionnaires, 2. UNAFAM, Un autre regard; 2008. [13] McFarlane WR. Family therapy in schizophrenia. New York: The Guillford Press; 1983 (cite´ par Miermont [13 p3]). [14] Miermont J. The´rapies familiales et schizophre´nies. Encycl Med Chir 2004;1–6 [37-295-D-10]. [15] Ninacs W. Empowerment et service social : approches et enjeux. Rev Serv Soc 1995;44:69–93. [16] Searles S. (1965) L’effort pour rendre l’autre fou.. Paris: Folio Essais; 2010. [17] Thompson EH, Doll W. The burden of families coping with the mentally ill: an invisible crisis. Fam Relat 1982;31:379–88. [18] Vacheret C. Pourquoi le groupe et l’objet me´diateur dans le soin psychique ?In: Au fil de la parole, des groupes pour dire. Ramonville Saint-Agne: E´re`s; 2005. [19] Vaughn C, Leff J. The measurement of expressed emotion in the families of psychiatric patient. Br J Soc Clin Psychol 1976;2:157–65.
Pour citer cet article : Davtian H, Scelles R. Penser la formation des familles et de l’entourage d’une personne atteinte de schizophre´nie. Ann Med Psychol (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.06.017