Gynécologie Obstétrique & Fertilité 37 (2009) 827–833
PRATIQUES ET TENDANCES
Place du ganglion sentinelle dans la stratégie thérapeutique du cancer du col de l’utérus aux stades précoces Role of sentinel node biopsy in early-stage cervical cancer in the therapeutic strategy R. Lousquy, Y. Delpech, E. Barranger * Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Lariboisière, AP–HP, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France Disponible sur Internet le 17 septembre 2009
Résumé Le traitement standard du cancer du col à un stade précoce (IA2 et IB1) est chirurgical et consiste en une colpohystérectomie élargie aux paramètres (intervention de Wertheim-Meigs) avec lymphadénectomie pelvienne iliaque externe bilatérale plus ou moins lomboaortique. L’envahissement ganglionnaire constitue l’un des principaux facteurs pronostiques indépendants et justifie une thérapie adjuvante. La procédure du ganglion sentinelle (GS) permet une évaluation du statut ganglionnaire fiable grâce à une analyse histologique approfondie. Cette procédure n’est pas encore validée en pratique courante. Le curage pelvien bilatéral est systématiquement réalisé quel que soit le statut du GS. Cependant, l’intérêt de la biopsie du GS dans le cancer du col n’est pas d’éviter une lymphadénectomie inutile qui ne présente pas une morbidité majeure, mais est surtout de réaliser une ultrastadification ganglionnaire. En effet une meilleure stadification permettrait d’adapter au pronostic, d’une part, la radicalité de la chirurgie mais, d’autre part, les traitements adjuvants. La morbidité d’une chirurgie radicale pourrait être limitée chez les patientes de bon pronostic et évitée chez les patientes relevant plutôt d’une radiochiomiothérapie concomitante. ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Early-stage cervical cancer (IA2 and IB1) treatment consists in surgery with a radical colpohysterectomy associated to a systematic pelvic lymphadenectomy more or less a paraaortic lymphadenectomy (Wertheim-Meigs surgery). Pelvic lymph node involvement is the main independent prognostic factor and justifies an adjuvant therapy. Sentinel lymph node (SLN) procedure allows a reliable evaluation of the lymph node status thanks to an accurate histologic analysis. This procedure is still not validated in practice, which means the bilateral pelvic lymphadenectomy is systematically done whatever the lymph node status is. Nevertheless the purpose of the SLN biopsy in cervical cancer does not consist in avoiding an unnecessary lymphadenectomy, which is not really associated with a major morbidity. Actually, a better initial stadification would allow to fit to the risk of recurrence not only the radicality of the surgery, but also the adjuvant therapy. The morbidity of a radical surgery could be limited for good prognosis patients and avoided for the benefit of a concomitant chemoradiotherapy. ß 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Ganglion sentinelle ; Cancer du col ; Micrométastases ; Immunohistochimie ; Invasion paramétriale ; Laparoscopie Keywords: Sentinel lymph node; Cervical cancer; Micrometastases; Immunohistochemistry; Parametrial involvement; Laparoscopy
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (E. Barranger). 1297-9589/$ see front matter ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.gyobfe.2009.07.002
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1. INTRODUCTION Le cancer du col utérin est le second cancer féminin à l’échelle mondiale avec 471 000 cas et 233 000 décès chaque année [1]. Presque 85 % des cas sont observés dans les pays sous-développés, représentant 15 % des cancers féminins. Dans les pays d’Europe du Nord, le dépistage organisé par le frottis cervicovaginal a permis de réduire l’incidence et la mortalité du cancer du col de 80 % [2]. Ces résultats devraient encore être améliorés grâce à la vaccination antivirale HPV chez les femmes jeunes [3]. Le traitement standard d’un cancer du col à un stade précoce (IA2 et IB1) est chirurgical et consiste en une colpohystérectomie élargie aux paramètres (intervention de Wertheim-Meigs) avec lymphadénectomie pelvienne iliaque bilatérale plus ou moins lomboaortique selon le statut ganglionnaire pelvien [4]. Le traitement du cancer du col par cœlioscopie est actuellement validé avec des résultats en termes de pronostic et de survie identiques à ceux de la laparotomie [5–8]. La survie globale à cinq ans des patientes atteintes d’un cancer du col stades IA2 et IB1 varie de 75 à 95 % selon les séries [9–11]. Le statut ganglionnaire constitue un facteur pronostique et décisionnel important ne figurant pas dans la classification Fédération internationale de gynécologie-obstétrique (FIGO). La pertinence des examens radiologiques pour le statut ganglionnaire est inférieure à la chirurgie avec une sensibilité de seulement 43 % pour le scanner, d’environ 60 % pour l’IRM et 75 % pour la tomodensitométrie par émission de positons (TEP) au fluorodésoxyglucose [12,13]. Une méta-analyse récente de Selman et al., incluant 72 études et 5042 femmes, observe des rapports de vraisemblance positifs de 40,8 pour la procédure du ganglion sentinelle (GS) (IC 95 % :24,6–67,6), 15,3 pour la TEP (IC 95 % : 7,9–29,6) , 6,4 pour l’IRM (IC 95 % : 4,9–8,3) et 4,3 pour le scanner (IC 95 % : 3,0–6,2) [14]. Le GS est défini comme étant le premier relais ganglionnaire situé sur le drainage lymphatique de la tumeur. Le principe de cette technique consiste à prélever sélectivement le ou les premiers relais ganglionnaires qui représentent un site électif de métastases. Son histologie est prédictive du statut des ganglions non sentinelles. Cette technique est validée dans diverses tumeurs solides : le mélanome [15], le cancer du sein [16], le cancer de la vulve [17] et en cours d’évaluation pour les tumeurs digestives [18]. Le développement du GS ces dix dernières années a été associé à une analyse histologique approfondie des ganglions prélevés grâce à l’apport de l’immunohistochimie (IHC) sur des coupes sériées permettant de détecter des métastases « occultes » ou micrométastases dont la valeur pronostique reste controversée selon les types de cancers. Des revues de la littérature concernant la procédure du GS montrent que la méthode combinée (colorimétrique et radioisotopique) est associée à un taux de détection d’environ 97 % et un taux de faux-négatifs variant de 0 à 8 %, en prélevant en moyenne deux GS par patiente, avec une bilatéralité estimée à 60 % [19–21]. L’un des intérêts de la biopsie du GS dans le cancer du col que nous ne développerons pas dans cet
article est la mise en évidence d’un drainage aberrant dans 10 % des cas. Malgré ces résultats favorables, la biopsie du GS dans le cancer du col à un stade précoce n’est toujours pas utilisée en pratique courante et la stratégie thérapeutique ne tient pas compte du bénéfice de l’ultrastadification ganglionnaire. L’objectif de ce travail a été d’analyser les données récentes de la littérature afin d’intégrer le concept du GS dans la prise en charge du cancer du col à un stade précoce. Cette analyse a été orientée sur l’impact de la biopsie du GS dans la modification de la stadification ganglionnaire grâce aux analyses histologiques approfondies des ganglions ; ainsi que la corrélation entre le statut histologique du GS et le risque prédictif de l’invasion des paramètres ; et enfin son rôle potentiel dans l’adaptation de la stratégie thérapeutique. 2. ULTRASTADIFICATION GANGLIONNAIRE PAR ANALYSE IMMUNOHISTOCHIMIQUE DES GS Le taux d’envahissement ganglionnaire pelvien dans les stades précoces du cancer du col est faible se situant entre 0 et 27 % selon le stade FIGO (0 à 4,8 % au stade IA, 0 à 17 % au stade IB, 12 à 27 % au stade IIA) [22,23]. L’ultrastadification des GS par IHC sur des coupes sériées détecte jusqu’à 16,7 % de patientes N+ supplémentaires par rapport à l’analyse conventionnelle du fait de l’identification de micrométastases (taille tumorale comprise entre 0,2 et 2 mm) et de cellules isolées ou nanométastases (lésion inférieure à 0,2 mm). Il s’agit des faux-négatifs de l’histologie conventionnelle (Tableau 1). En effet les chances de détecter des cellules tumorales isolées ganglionnaires en histologie conventionnelle sont estimées à moins de 1 % [24]. Cote et al., ont rapporté que l’analyse en coupes sériées seule augmentait le taux de détection des métastases occultes dans les ganglions négatifs de 7 % et de 20 % en associant l’utilisation des anticorps anticytokératines en IHC. [25]. De même, en réalisant les coupes sériées et l’IHC sur 976 ganglions pelviens de 49 patientes atteintes de cancer du col, Juretzka et al. avaient identifié quatre patientes porteuses de micrométastases ganglionnaires qui n’avaient pas été diagnostiquées par l’examen en HES de routine [26]. L’ultrastadification permet d’individualiser un sous-groupe de patientes intermédiaires, non dépistable en analyse classique. Cette analyse ne peut cependant être réalisée en routine sur tous les ganglions d’un curage car elle serait trop longue et trop coûteuse. D’où l’intérêt de ne réaliser cette étude que sur un petit nombre de ganglions qui seraient le reflet du reste du curage : les GS. Ces résultats ont été observés pour d’autres cancers solides où la biopsie du GS a été diffusée. Ainsi, l’IHC permet de détecter de manière significative le taux de micrométastases dans des ganglions indemnes en histologie standard chez des patientes atteintes de cancer du sein [27–29], comme chez des patients atteints de cancer du côlon [30], et ce, en augmentant les taux de détection de 16 % dans le cancer du sein [31], 24 % dans le cancer du côlon [32] et 5 à 16 % dans le cancer de l’endomètre [33,34].
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Tableau 1 Apport de l’immunohistochimie dans l’évaluation de l’envahissement ganglionnaire.
Barranger et al. [60] Plante et al. [61] Lentz et al. [40] Wang et al. [62] Popa et al. [49] Silva et al. [63] Angioli et al. [64] Di Stefano et al. [19] Yuan et al. [65]
Nombre Stades total de patientes
Patientes Patientes Patientes Patientes Patientes avec avec avec avec avec GS+ GS+ en GS+ macrométastases micrométastases HES en IHC
Patientes avec des cellules isolées
Taux de faux-négatifs du curage pelvien conventionnel (%)
18 70 132a 46 36 56 37 50 81
5 12 19 11 0 17 6 10 19
ni 0 ni ni 0 ni – ni ni
16,7 1,4 – 15,2 0 5,4 0 4 3,7
IA2, IB1, IB2, IIA IA, IB, IIA IA2, IB1, IB2 Early stage I, IIa IA2, IIA IB1 IA2, IIA IB1, IIA
2 11 0 4 0 14 6 8 16
3 1 19 7 0 3 0 2 3
ni 9 ni ni 0 ni 6 ni ni
ni 3 ni 7 0 3 – ni 3
IHC : immunohistochimie ; HES : hématoxyline, éosine et safran ; ni : non indiqué ; taux de faux-négatifs du curage pelvien conventionnel = patientes GS + en IHC avec curage pelvien négatif en histologie classique/nombre total de patientes. a Critère inclusion N– en HES.
La Polymerase Chain Reaction (PCR) semble encore plus sensible que l’IHC, pouvant détecter une cellule cancéreuse parmi un million de cellules normales [35,36]. De nombreux protocoles ont été décrits mais aucun n’a été introduit en pratique quotidienne. Dans l’étude de Van Trappen et al., la PCR permettait de détecter 44 % de ganglions positifs supplémentaires qui étaient considérés comme indemnes par l’histologie classique [36]. Tsai et al. améliorent de la même façon les taux de détection de 42,5 % grâce à la PCR [37]. Cependant, ces techniques de biologie moléculaire manquent de spécificité et de nombreux faux-positifs existent. En effet, des fragments d’ARN de cellules tumorales peuvent être retrouvés dans du tissu sain s’il persiste des fragments de cellules cancéreuses mortes ou même dans le cytoplasme des macrophages. De plus il est très difficile en cas de positivité de la RT-PCR de différencier les micrométastases des macrométastases du fait de l’amplification des transcrits qui entraîne une perte de l’aspect quantitatif de la métastase. Le statut ganglionnaire est l’un des seuls facteurs pronostiques indépendants significatifs de survie globale [37], mais c’est également un critère de décision thérapeutique. Les patientes sans atteinte ganglionnaire pelvienne et avec des marges d’exérèse tumorales saines après chirurgie ont un bon pronostic et un faible risque de récurrence [26,36,38,39]. La survie globale à cinq ans est de 90 % chez les patientes N– après hystérectomie radicale et lymphadénectomie pelvienne contre 59,5 % chez les patientes N+ [9]. Les données dans la littérature concernant la valeur pronostique des micrométastases dans le cancer du col sont encore insuffisantes. Les études publiées portaient souvent des séries rétrospectives comportant un faible recul, de faibles effectifs, des cohortes de patientes hétérogènes et surtout pour lesquelles les micrométastases n’étaient pas clairement définies sur le plan anatomopathologique. Néanmoins, il existe des arguments en faveur d’un pronostic plus péjoratif en cas de micrométastases ganglionnaires par rapport aux patientes N– sans que le pronostic soit aussi défavorable qu’en cas de N+ avec macrométastases. Juretzka et al., dans une série rétrospective de 62 patientes, observaient 50 % de récurrence à 39,4 mois chez des patientes
avec des micrométastases détectées uniquement par IHC, pour seulement 6,7 % de récurrence en l’absence d’atteinte ganglionnaire [26]. En 2004, Lentz et al. ont évalué l’incidence des micrométastases chez 132 patientes atteintes d’un cancer du col à un stade précoce [40]. Les micrométastases étaient identifiées chez 15 % des patientes classées N– en histologie conventionnelle, ce qui correspondait au taux de récidives inexpliquées chez les patientes N–. Cependant la présence des micrométastases n’était pas corrélée aux autres facteurs pronostiques comme l’envahissement lymphovasculaire ou la taille tumorale. 3. BIOPSIE DU GANGLION SENTINELLE ET ÉVALUATION DES PARAMÈTRES Le cancer du col s’étend latéralement vers les paramètres soit par extension directe, soit par dissémination lymphatique via des emboles. C’est pourquoi la prise en charge standard des cancers du col inclue une chirurgie radicale comprenant une hystérectomie associée à une résection des paramètres. Néanmoins, la paramétrectomie systématique aux stades précoces reste fortement débattue du fait de sa morbidité et de la forte proportion de patientes n’ayant pas d’envahissement réel. Dans la large série rétrospective (n = 536) publiée par Covens et al. en 2002, l’envahissement des paramètres n’était retrouvé que chez 0,6 % des patientes de stades Ia2 et Ib1 avec une profondeur d’invasion dans le stroma de moins de 10 mm [41]. L’hystérectomie radicale présente des risques de complications immédiates allant de 1,1 à 7,4 % [42,43]. Or, en l’absence d’invasion des paramètres chez les patientes présentant un cancer du col au stade IA2–IB1, il n’existe pas de bénéfice démontré à la réalisation d’une paramétrectomie systématique [44,45]. Cependant, réduire la radicalité de l’hystérectomie peut exposer les femmes à un risque de récurrence accru et réduire la survie. Steed et al. avaient observé 40 % de récurrence en cas d’atteinte paramétriale contre seulement 4 % si les paramètres étaient sains [6]. La sélection d’un sous-groupe de patientes à faible risque d’envahissement paramétrial et pouvant bénéficier d’une
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chirurgie moins lourde demeure un enjeu dans la prise en charge de cette pathologie. Le statut ganglionnaire fait partie intégrante des facteurs de risque d’envahissement des paramètres. En accord avec Covens et al., Stegeman et al. en 2007 ne retrouvaient que 0,63 % d’envahissement des paramètres chez des patientes ayant l’association de facteurs : taille de la tumeur inférieure à 2 cm, profondeur d’infiltration inférieure à 10 mm, absence d’envahissement lymphovasculaire et absence d’envahissement ganglionnaire pelvien [45]. Du fait de la corrélation entre le statut ganglionnaire et l’envahissement paramétrial, certains auteurs proposent d’effectuer un examen extemporané des curages pelviens afin de guider la radicalité de l’hystérectomie. Ainsi, Panici et al. effectuaient une hystérectomie de type Piver III ou IV en cas de N+ à l’examen extemporané et une hystérectomie de type Piver II modifiée en cas de N– [42]. Il semblerait que l’évaluation du GS puisse de la même façon s’intégrer dans l’algorithme de sélection des patientes à faible risque d’envahissement paramétrial. En 2007, dans une série prospective de Strnad et al. chez 158 patientes atteintes de cancer du col aux stades IA2 et IB1, aucune atteinte des paramètres n’était retrouvée en cas de négativité des GS, alors qu’en cas de positivité des GS, les paramètres étaient envahis dans 28 % ( p < 0,001) [46]. De même Rob et al. intégraient la procédure du GS dans la stratégie de prise en charge chirurgicale des patientes atteintes d’un cancer du col stade I et désirant préserver leur fertilité. Une chirurgie en deux temps était réalisée. Celle-ci comportait tout d’abord une lymphadénectomie avec GS puis, une semaine après, une chirurgie de la tumeur plus ou moins radicale en fonction du statut ganglionnaire après ultrastadification [47]. Cependant, il semblerait que l’évaluation des GS seule ne soit pas toujours suffisante pour prédire convenablement l’envahissement des paramètres. Daraï et al. ont rapporté, en 2007, que la positivité des GS par IHC était corrélée à un risque plus élevé d’invasion des paramètres chez des patientes aux stades IA et IB1 (12,8 %) mais non significative ( p = 0,08) [48]. Dans cette série, 15,2 % des patientes avaient un GS négatif avec un envahissement des paramètres prouvé lors de l’analyse anatomopathologique, ce qui sous-entend un taux élevé de FN. D’après les auteurs, la combinaison du GS avec d’autres facteurs comme la taille ou l’envahissement lymphovasculaire semblerait plus pertinente. Ainsi, les femmes présentant un cancer du col de moins de 2 cm, GS négatif, avec une invasion limité au stroma et sans invasion lymphovasculaire semblent être de bonnes candidates à une chirurgie moins radicale [49]. 4. LA BIOPSIE DU GS PAR VOIE CŒLIOSCOPIQUE : INTÉGRATION DANS LA STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE La chirurgie cancérologique moderne tend vers la recherche d’une adéquation la plus fine possible entre le stade de la maladie et le traitement à proposer. L’intégration de la procédure du GS dans le traitement du cancer du col de l’utérus permettrait de proposer une adaptation de la stratégie
thérapeutique, compte tenu de la fiabilité de la procédure du GS et des apports de l’IHC sur coupes sériées [48]. En cas de tumeur de bon pronostic (taille inférieure à 20 mm, profondeur d’invasion inférieure à 10 mm, absence d’emboles lymphovasculaires), il pourrait être réalisé par cœlioscopie l’analyse des ganglions sélectionnés grâce à la procédure du GS. Se pose le problème de la sensibillité de l’analyse extemporanée du GS. Dans la série publiée par Darai et al. la cytologie d’apposition avait une sensibilité de seulement 50 %. Il paraît donc déraisonnable de se fier à cette analyse extemporanée pour évaluer le risque d’envahissement paramétrial. Dans le cancer du sein, certaines équipes proposent un prélèvement du GS sous anesthésie locale premier afin de réaliser l’ultrastadification et d’éviter les faux-négatifs de l’examen anatomopathologique extemporané [50]. Cette stratégie pourrait être appliquée dans le cancer du col moyennant deux interventions. C’est d’ailleurs ce que préconisaient Rob et al. en réalisant une chirurgie en deux temps à une semaine d’intervalle [47]. Une analyse des GS en IHC sur des coupes sériées était réalisée et le geste chirurgical était adapté au statut ganglionnaire dans un deuxième temps. Avec cette attitude, une chirurgie de la tumeur moins radicale comme une hystérectomie simple pourrait être proposée en cas de GS négatif au prix d’une deuxième intervention qui peut être discutable. En cas de positivité du GS se pose le problème de l’adaptation du geste chirurgical. En toute logique un complément de curage lomboaortique devrait être réalisé afin de compléter le staging ganglionnaire. De plus, une lymphadénectomie complète avec exérèse de la totalité des ganglions envahis apporterait un bénéfice en termes de survie [51]. Concernant le geste pelvien, l’analyse de la littérature apporte peu de réponse. En effet, la découverte d’un N+ pelvien dans les cancers du col limités est aujourd’hui le plus souvent une constatation postopératoire, c’est-à-dire après avoir réalisé une chirurgie radicale. La connaissance d’un N+ pelvien avant chirurgie radicale doit-elle conduire à ne pas réaliser de chirurgie radicale ? Dans la série de Panici et al., la connaissance peropératoire d’un N+ pelvien après analyse extemporanée des curages conduisait à réaliser une hystérectomie radicale type III ou IV [42]. De même pour Rob et al., en cas de GS positif, il fallait renoncer à une trachélectomie pour une hystérectomie élargie [47]. L’argument pour une chirurgie radicale chez les patientes N+ pelviens serait une amélioration du contrôle local après chirurgie complète pelvienne et ganglionnaire en association avec la radiothérapie [52]. L’envahissement ganglionnaire pelvien est un événement rare dans les stades Ia (entre 1,5 et 4,2 % [53]) et peut fréquent dans les stades Ib (12 à 22 %) [42,54]. Même si les recommandations dans les stades précoces restent de réaliser une hystérectomie radicale, le bénéfice de cette chirurgie en cas de N+ pelvien n’est pas démontré et ne fait pas l’unanimité dans la littérature [55,56]. Il semble important de rappeler que les options de traitement pour les femmes porteuses d’un cancer du col à un stade précoce sont soit l’hystérectomie radicale avec lymphadénectomies pelvienne et lomboaortique soit une radiothérapie avec ou sans chimiosensibilisation. Richard et al. ne
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retrouvaient pas de différence de survie à cinq ans chez les patientes N+ pelvien de stade IB ayant bénéficié d’une hystérectomie radicale ou non (69 % versus 71 %). Toutes les patientes avaient reçue une radiothérapie adjuvante plus ou moins une chimiothérapie. Le bénéfice de l’hystérectomie radicale en termes de contrôle local n’a jamais été prouvé chez les patientes N+, le pronostic de la maladie étant à ce stade probablement général et à distance. La morbidité de la combinaison radiochirurgicale est plus importante que la morbidité de la radiothérapie seule ou de la chirurgie seule. Dans l’étude de Landoni et al., portant sur 343 patientes où étaient randomisés hystérectomie radicale et curage pelvien versus radiothérapie dans les stades I et II de cancer du col, la morbidité urinaire était significativement plus importante en cas d’association des thérapeutiques [57]. Cette morbidité est d’autant plus importante qu’une association radiochimiothérapie est proposée [58]. D’après l’essai randomisé du GOG (Gynecologic Oncology Group) et de la RTOG (Radiation Therapy Oncology Group) [59] il a été montré que la radio chimiothérapie concomitante (RCC) avait un bénéfice chez les patientes ayant un cancer du col limité et de mauvais pronostic du fait d’un envahissement pelvien ou d’une extension aux paramètres. Dans cette étude, les patientes étaient randomisées soit dans un groupe avec radiothérapie adjuvante exclusive, soit dans un groupe avec RCC (association de cisplatine et de 5-FU toutes les trois semaines pendant quatre cycles). La survie sans récidive, ainsi que la survie globale, était
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significativement plus importante dans le groupe RCC (80 vs 63 % et 81 vs 71 %, respectivement). 5. CONCLUSION L’intégration du GS dans le cancer du col ne se limite pas à l’adaptation de la lymphadénectomie mais concerne l’adaptation de toute la séquence thérapeutique. La plupart des études sont des séries rétrospectives avec de nombreux biais, mais tous ces résultats sont en faveur d’une vraie place du GS dans la prise en charge du cancer du col de stade précoce. En cas de GS négatif avec des facteurs de bon pronostic (absence d’emboles lymphatiques, taille tumorale inférieure à 20 mm) il paraîtrait légitime de ne pas réaliser de paramétrectomie. En cas de GS positif la conduite à tenir est beaucoup moins consensuelle. D’autant plus que l’ultrastadification entraînera la découverte de beaucoup plus de patientes N+ avec des micrométastases pour lesquelles la stratégie n’est absolument pas définie tant sur le plan adjuvant que chirurgical (Fig. 1). La place de l’hystérectomie radicale apparaît de plus en plus limitée dans la prise en charge de cette pathologie. Ces éléments de réflexion doivent être confirmés par des études prospectives afin d’évaluer la faisabilité, notamment en ambulatoire, la durée opératoire, la facilité du second temps opératoire après une procédure du GS, le pronostic thérapeutique en termes de risque de récurrence et de morbi-mortalité par rapport à la procédure standard, le vécu des patientes (nécessité de deux
Fig. 1. Algorithme de prise en charge des cancers du col à un stade précoce (IA2, IB1) avec intégration de la procédure du GS et de l’immunohistochimie sur des coupes sériées. GS : ganglion sentinelle ; IHC : immunohistochimie ; CP : curage pelvien ; CLA : curage lomboaortique ; CHL : colpohystérectomie élargie.
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anesthésies générales en cas de réintervention) et le rapport coût–efficacité. De larges études multicentriques en Europe et aux ÉtatsUnis sont actuellement en cours et leurs résultats proches devraient aider à la validation de la procédure du GS et à l’adaptation de la stratégie thérapeutique dans les cancers du col aux stades précoces. RÉFÉRENCES [1] Greenlee RT, Hill-Harmon MB, Murray T, Thun M. Cancer statistics, 2001. CA Cancer J Clin 2001;51:15–36. [2] Miles A, Cockburn J, Smith RA, Wardle J. A perspective from countries using organized screening programs. Cancer 2004;101:1201–13. [3] Rouzier R, Uzan C, Collinet P. HPV vaccination: principles, results and future perspectives. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2007;36:13–8. [4] Aubard Y, Genet D, Philippe HJ. Caring for stage IB cancer of the cervix. Proposal for a protocol based on a review of the literature. Gynecol Obstet Fertil 2003;31:2–13. [5] Querleu D, Leblanc E, Cartron G, Narducci F, Ferron G, Martel P. Audit of preoperative and early complications of laparoscopic lymph node dissection in 1000 gynecologic cancer patients. Am J Obstet Gynecol 2006;195:1287–92. [6] Steed H, Rosen B, Murphy J, Laframboise S, De Petrillo D, Covens A. A comparison of laparascopic-assisted radical vaginal hysterectomy and radical abdominal hysterectomy in the treatment of cervical cancer. Gynecol Oncol 2004;93:588–93. [7] Gil-Moreno A, Diaz-Feijoo B, Roca I, Puig O, Perez-Benavente MA, Aguilar I, Martinez-Palones JM, Xercavins J. Total laparoscopic radical hysterectomy with intraoperative sentinel node identification in patients with early invasive cervical cancer. Gynecol Oncol 2005;96:187–93. [8] Barranger E, Bricou A, Morel O, Coutant C, Delpech Y, Uzan S, Darai E. Sentinel node biopsy in cervical cancer: state-of-the-art in 2007. Gynecol Obstet Fertil 2007;35:516–22. [9] Benedet JL, Odicino F, Maisonneuve P, Beller U, Creasman WT, Heintz AP, Ngan HY, Sideri M, Pecorelli S. Carcinoma of the cervix uteri. J Epidemiol Biostat 2001;6:7–43. [10] Dursun P, LeBlanc E, Nogueira MC. Radical vaginal trachelectomy (Dargent’s operation): a critical review of the literature. Eur J Surg Oncol 2007;33:933–41. [11] Metindir J, Bilir G. Prognostic factors affecting disease-free survival in early-stage cervical cancer patients undergoing radical hysterectomy and pelvic–paraaortic lymphadenectomy. Eur J Gynaecol Oncol 2007;28:28–32. [12] Bipat S, Glas AS, van der Velden J, Zwinderman AH, Bossuyt PM, Stoker J. Computed tomography and magnetic resonance imaging in staging of uterine cervical carcinoma: a systematic review. Gynecol Oncol 2003;91:59–66. [13] Rose PG, Adler LP, Rodriguez M, Faulhaber PF, Abdul-Karim FW, Miraldi F. Positron emission tomography for evaluating paraaortic nodal metastasis in locally advanced cervical cancer before surgical staging: a surgicopathologic study. J Clin Oncol 1999;17:41–5. [14] Selman TJ, Mann C, Zamora J, Appleyard TL, Khan K. Diagnostic accuracy of tests for lymph node status in primary cervical cancer: a systematic review and meta-analysis. CMAJ 2008;178:855–62. [15] Morton DL, Wen DR, Wong JH, Economou JS, Cagle LA, Storm FK, Foshag LJ, Cochran AJ. Technical details of intraoperative lymphatic mapping for early-stage melanoma. Arch Surg 1992;127:392–9. [16] Giuliano AE, Kirgan DM, Guenther JM, Morton DL. Lymphatic mapping and sentinel lymphadenectomy for breast cancer. Ann Surg 1994;220:391–8 [discussion 398-401]. [17] Levenback C, Coleman RL, Burke TW, Bodurka-Bevers D, Wolf JK, Gershenson DM. Intraoperative lymphatic mapping and sentinel node identification with blue dye in patients with vulvar cancer. Gynecol Oncol 2001;83:276–81.
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