Plasticité des voies auditives et surdité

Plasticité des voies auditives et surdité

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T van den Abbeele

/Archives

de pkdiatrie

sont encore presentes. Nul dome que ces strategies ouvrent des perspectives prometteuses dans le traitement des surdites. Les acouphbes induits par le salicylate : une pathologie du nerf auditif Pire que la surdite, les acouphenes (sifflements, bourdonnements d’oreilles) perturbent la vie de millions de personnes. On estime qu’en France plus de 5 millions de personnes souffrent d’acouphenes. Une enquete nationale menee en 1999 a l’aide d’un questionnaire adresse aux medecins ORL, montre que 50 000 a 80 000 personnes consultent chaque annCe pour un probleme d’acouphene. Chaque specialiste voit 70 nouveaux cas par an. Malheureusement, peu de traitement sont reellement efficaces, conduisant les patients a un nomadisme mtdicale, a la recherche de solutions inexistantes. Dans la mesure oti les acouphenes sont une perception subjective (perception d’un son en l’absence de stimulation acoustique exttrieur), la mise au point d’un modele animal est tres difficile. Une premiere possibilite consiste a enregistrer l’activite Clectrophysiologique des differents relais de la voie auditive jusqu’au cortex. Par exemple, de fortes doses d’aspirine (ou de son compose actif, le salicylate), connu pour induire des acouphenes chez l’homme, provoquent, chez l’animal, une augmentation de l’activite basale des neurones et des decharges (>dans le nerf auditif, dans le colliculus inferieur, dans le cortex auditif primaire et secondaire. Cependant, faire la demonstration que le salicylate provoque des activitts anormales ne suffrt pas a demontrer qu’il induit des acouphenes. Une seconde approche consiste a Ctudier le comportement d’un animal chez qui on declenche des acouphenes. Le seul test comportemental jusqu’a present disponible Ctait celui de Jastreboff. Ce test est base sur des aversions conditionntes, c’est-a-dire utilise un paradigme de privation de nourriture ou de boisson. Ce paradigme de privation est cependant tres stressant pour l’animal, les animaux perdant de 10 a 15 % de leurs masses

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corporelles lors de l’apprentissage. Dans ces conditions, il est difficile de savoir si l’on teste les effets de l’anxiete et/au les consequences de la presence d’un acouphene. Nous avons done mis au point un modele comportemental d’acouphenes qui n’induit ni stress ni anxiete chez l’animal. Ce modele consiste tout d’abord a conditionner un animal a executer une tdche motrice en reponse a un son exterieur, gCnCrCpar un haut-parleur. GCnCralement, les animaux n’executent la tlche qu’en presence du son conditionnant. Lorsque ces memes animaux sont trait& avec de fortes doses de salicylate, ils executent la tache mCme en l’absence de son exterieur. En fait, l’acouphene perqu par l’animal fait offke de <(son declenchant B pour le comportement moteur. L’animal perqoit son acouphbne comme un son exterieur et execute la t&he. Nous avons ainsi un moyen d’objectiver et de quantifier la presence d’un acouphene. Nous pouvons Cgalement tester l’effrcacite de differentes molecules contre les acouphenes. Des resultats encourageants sont obtenus avec des antiglutamate appliques directement dans la cochlee. Ce modele salicylate est maintenant Ctendu a d’autres pathologies (traumatisme acoustique, medicaments ototoxiques). La thkrapie local : pharmacologic

de demain !

L’obstacle majeur a la mise en ceuvre d’essais cliniques chez l’homme reside dans les effets secondaires des substances test&es chez l’animal si elles Ctaient dtlivrees par voie g&kale. Par exemple, les substances anti-glutamate ont des effets sur l’apprentissage et la mtmoire. De m&me, l’utilisation de substances anti-apoptotiques par voie generale peut provoquer l’apparition de tumeurs, puisque les mdcanismes de mort cellulaire sont bloques. L’arrivee sur le march6 d’un catheter permettant d’appliquer directement chez l’homme des drogues au contact de l’oreille interne par voie trans-tympanique autorise des traitements locaux tres efficaces, tout en s’affranchissant des effets secondaires.

Plasticit des voies auditives et surditk Deafness and plasticity of the auditory system T. van den Abbeele * Service ORL, hdpital Robert-Deb& 48, boulevard Se’ruriel; 75019 Paris, France ; EMI 0112 faculte’ de mtfdecine Bichat, Paris, France La conception d’une organisation statique des aires fonctionnelles du systeme nerveux central a et6 remplacee * Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (T. van den Abbeele).

par une vision plus dynamique dite de <>tant dans le domaine de la physiologie qu’en cas de lesion ctrtbrale. Cette plasticite est un processus a l’echelon neuronal et correspond a la capacite du systeme nerveux central a activer et renforcer des connexions neuronales a court, moyen ou long terme. Cette capacite apparait plus

importante chez les individus jeunes et particulierement durant les premiers mois et an&es de vie. Uapprentissage en constitue I’archetype, particulierement concernant le langage chez l’humain. L’experience pratique de l’utilisation en audiologie clinique des protheses auditives et particulierement de l’implant cochleaire a contribue singulierement a la confirmation chez l’homme de donnees experimentales obtenues auparavant chez l’animal. Ainsi, I’essor des techniques de neuro-imagerie fonctionnelle comme I’IRM fonctionnelle (IRMf), le PETscan et d’electrophysiologie non-invasives comme la magnetoencephalographic (MEG) ou les potentiels tvoques commencent a objectiver ces phenomenes chez l’humain [ 11. Modkles de plasticit normo-entendant

auditive chez l’humain

Des experiences de plasticite auditive chez I’humain normo-entendant ont CtCrecemment d&rites grace a la MEG et au PETscan. Des phenomenes de plasticite a court terme ont CtCretrouves en utilisant des sons musicaux presentant une c(encoche s specifique sur une frequence de 1 kHz. Apres une seance de stimulation de trois heures, durant trois jours consecutifs, la zone de cortex auditif centree sur 1 kHz se trouvait rtduite par rapport aux frequences adjacentes, avec un retour a l’etat normal entre chaque seance. Des phenomenes de plasticitt a plus long terme ont Ctt aussi retrouves, par exemple une expansion de la representation corticale de sons complexes de l’ordre de 25 % chez des musiciens entrain& par rapport aux sujets <)[2]. Ces proprietts de plasticite a court et long terme, ainsi que le role de l’entrainement de cette plasticite ont Ctt recemment mis a profit dans certains protocoles de reeducation des enfants normo-entendants presentant des troubles du langage de type dysphasie. L’hypothese physiopathologique de ces troubles repose sur une difficultC de traitement rapide de l’information sonore. Un protocole de reeducation par des sons acoustiquement modifies et un programme de jeux videos a raison de deux heures par jour pendant un mois ont montre une amelioration spectaculaire des capacitCs de ces enfants [3]. Effets de la privation sensorielle prkoce chez le mammifkre Un grand nombre des etudes de plasticite du developpement ont permis Ctudier les effets de la destruction unilaterale de l’organe peripherique chez le jeune animal. Ces effets sont d’ordre morphologique et portent aussi sur les reponses physiologiques. Mod@ations

d’ordre morphologique

Une destruction unilaterale de I’oreille interne entraine une diminution du nombre et de la taille des neurones du

ganglion spiral homolateral, siege des corps cellulaires du premier relais neuronal, puis du noyau cochleaire homolat&al a la lesion (c’est-a-dire recevant I’information du cBtC 1%). Les auteurs constataient aussi une augmentation de la re’ponse du colliculus inferieur (CI) et du cortex homolateraux a la lesion (c’est-a-dire recevant l’information de l’oreille saine). La diminution du nombre de cellules du ganglion spiral est progressive, atteignant 50 % vers la 9’ semaine chez le cobaye, pour atteindre moins de IO % de neurones residuels apres 4 mois 141. Les experiences men&es chez le chat ont montre’ les memes rtsultats mais aprer une duree de privation sensorielle de plus de 2 ans [ 11. Ces donnees sont importantes car elles conditionnent en partie les re’sultats des methodes de rehabilitation de l’audition. Cependant certaines modifications surviennent a plus court terme. Ainsi, d&s la 24” heure. on observe une augmentation des projections du noyau cochleaire du cBtC sain vers le CI homolateral recevant normalement des informations du tote’ l&C [S]. La privation sensorielle chez l’animal adulte ne produit pas d’augmentation immediate de la reponse du Cl homolateral mais une evolution des seuils auditifs sur plusieurs semaines indiquant la survenue de modifications structurales [l]. Les lesions partielles effectutes a la naissance mais aussi a l’age adulte entrainent une reorganisation de la tonotopie dans le CI et le cortex auditif, en revanche, il ne semble pas y avoir de modifications dans le noyau cochleaire 161. Les lesions partielles semblent done entrainer principalement des modifications corticales et sous-corticales. Modijcations

des rkporwes physiologiques

La privation sensorielle precoce entraine aussi une diminution de l’expression des ARN messagers codant pour les recepteurs au glutamate, le principal neuromediateur excitateur exprime dans les voies auditives 171. L’e’tude des potentiels e’voques par stimulation Clectrique (EABR) a montre aussi une diminution de l’amplitude des rtponses et une augmentation des latences plus importante chez des animaux rendus sourds depuis une longue periode par rapport a des animaux controle. Une diminution de l’efftcacite synaptique ou une demyelinisation des voies auditives pourrait etre responsable de ces modifications. E$ets de la stimulation e’lectrique Les resultats des premieres experiences de stimulation Clectrique par des implants cochleaires chez l’animal ont montre que la stimulation electrique Ctait capable de reduire la degene’rescence des cellules du ganglion spiral tant chez le chat [8] que chez le cobaye [9]. D’autres etudes ont parfaitement montre chez des animaux rendus sourds des deux cot& des modifications de la taille des neurones du

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noyau cochleaire aprk stimulation chronique du c&C stimulC par rapport au c&5 contr8le [ 11. Chez l’homme, l’activation du systkme auditif central dCbute dbs la 26” semaine de gestation et se poursuit durant plusieurs annCes aprb la naissance. Cependant, les capacitCs de plasticit sont les plus importantes durant les premiers mois, dtfinissant ainsi une p&ode dite <> durant laquelle les bases du dkveloppement du langage sont acquises [lo]. L’expCrience acquise depuis plus d’une dkennie concernant l’implantation cochlkaire chez l’enfant comme chez l’adulte confirme les don&es obtenues chez 1’animal. Les patients adultes porteurs d’implant cochlCaire montrent une amklioration de leurs capactitks de reconnaissance de la parole sur plusieurs annCes m&me si la majeure partie des progrks survient dans la premikre annCe d’implantation. Chez le jeune enfant sourd congenital, les progrits dans l’acquisition du langage surviennent sur plusieurs anne’es et sont d’autant plus marquks que l’enfant est implant6 t8t, ce qui conforte la notion de pkriode critique. Du point de vue klectrophysiologique, les EABR effect&s chez l’enfant immidiatement apri?s implantation et quelques mois aprks montrent une augmentation de l’amplitude et un raccourcissement des latences en faveur d’une maturation des voies auditives centrales sous l’effet de la stimulation Clectrique (donnkes personnelles).

l’humain qu’elles soient d’origine congknitale prkcoces ou acquises (presbyacousies, traumatismes sonores).

Conclusion Le systkme auditif est do& de plasticit comme les autres systkmes neurosensoriels. Cette capacitC a des implications importantes dans les techniques de rkhabilitation auditive et particuliitrement dans le domaine de l’implantation cochlkaire. Une meilleure connaissance des phCnom& nes responsables de cette plasticit devrait apporter des progrks dans la prise en charge clinique des surditks chez

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Implantation cochlkaire chez 1’enfant : bilan, indications Cochlear implants in children M. Mondain *, A. Uziel Service ORL, CHU Montpelliel; 34295 Montpellier cedex 5, France

L’implant cochlkaire a r&olutionnC la prise en charge des surditks profondes prtlinguales de l’enfant. 11 permet de redonner une audition utile aux enfants. La notion d’audi* Correspondance. Adresse e-mail

: [email protected]

(M. Mondain).

tion utile se d&line de la faGon suivante : apport d’un stimulus sensoriel permettant le dCveloppement des structures auditives centrales, restauration d’une perception auditive de l’environnement avec restauration de la fonction d’alerte, dkveloppement d’une comprkhension de la parole permettant le dtveloppement du langage oral, efficacitk de