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Présomption d’apnées du sommeil dans une population d’hypertendus Noirs africains : intérêt de l’échelle de somnolence diurne d’Epworth dans l’approche diagnostique Presumption of sleep apnea in a black African hypertensive population: Importance of the Epworth sleepiness scale in the diagnostic approach C. Konin ∗ , B. Boka , A. Adoubi , R. N’guetta , I. Coulibaly , J.J. N’djessan , J. Koffi , A. Ekou , H. Yao , I. Angoran , M. Adoh Institut de cardiologie d’Abidjan, BPV 206, Abidjan 01, Côte d’Ivoire Rec¸u le 3 juillet 2014 ; accepté le 12 f´evrier 2015
Résumé Introduction. – Le syndrome d’apnée du sommeil (SAS) est très peu décrit chez l’hypertendu noir africain. But. – De dépister le syndrome d’apnées du sommeil à l’aide de l’échelle d’évaluation de somnolence diurne d’Epworth et de rechercher les déterminants afin d’en déduire les conséquences thérapeutiques. Méthode. – Étude rétrospective et prospective à visée descriptive et analytique ayant concerné 200 hypertendus suivis en consultation externe de l’institut de cardiologie d’Abidjan. Le critère principal étudié était le SAS. L’approche diagnostique du SAS a été effectuée à l’aide de l’échelle de somnolence diurne d’Epworth. Résultats. – La prévalence de l’apnée du sommeil était de 45 %. L’âge moyen des porteurs d’apnées du sommeil était de 56,1 ans, avec une prédominance du genre masculin (60 %). Les facteurs déterminants du syndrome d’apnée du sommeil étaient le genre masculin (60 % versus 40 % ; p = 0,021), l’obésité (77,8 % versus 62,7 % ; p < 0,0001), le diabète (26,7 % versus 15,5 % ; p = 0,5), la dyslipidémie (54,4 % versus 27,3 % ; p = 0,0009). La vie en agglomération, la profession et le tabagisme n’étaient pas corrélés au SAS dans notre série. Le contrôle de l’HTA a été meilleur chez les non-apnéiques par rapport aux apnéiques (63,6 % versus 38,9 % ; p = 0,04). Le retentissement viscéral de l’HTA chez les apnéiques a été fortement significatif (77,8 % versus 41,7 % ; p = 0,014). Au plan thérapeutique, il a été constaté la prescription préférentielle de la plurithérapie chez les apnéiques par rapport aux non-apnéiques (82,3 % versus 74,4 %). © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hypertension artérielle ; Syndrome de l’apnée du sommeil ; Afrique sub-saharienne
Abstract Introduction. – Sleep apnea syndrome (SAS) is very little described in the hypertensive black African. Purpose. – To screen sleep apnea syndrome using the rating scale of Epworth daytime sleepiness, and to investigate the determinant factors and to infer therapeutic consequences. Method. – This is a retrospective and prospective study with descriptive and analytical purpose that focused on 200 hypertensive outpatients of the Cardiology Institute of Abidjan. The primary endpoint studied was the SAS. The diagnostic approach of SAS was performed using the rating scale of Epworth daytime sleepiness.
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Konin).
http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.02.001 0003-3928/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Konin C, et al. Présomption d’apnées du sommeil dans une population d’hypertendus Noirs africains : intérêt de l’échelle de somnolence diurne d’Epworth dans l’approche diagnostique. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.02.001
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Results. – The prevalence of sleep apnea was 45%. The average age of sleep apnea carriers was 56.1 years, with a male predominance (60%). The determinant factors of sleep apnea syndrome were male gender (60% versus 40%, P = 0.021), obesity (77.8% versus 62.7%, P < 0.0001), diabetes (26.7% versus 15.5%, P = 0.5) and dyslipidemia (54.4% versus 27.3%, P = 0.0009). Life in urban areas, occupation and smoking were not correlated with SAS in our series. The control of hypertension was better in non-apneic patients compared to apneic patients (63.6% versus 38.9%, P = 0.04). The visceral impact of hypertension in apneic patients was highly significant (77.8% versus 41.7%, P = 0.014). Therapeutically, it was noted the preferential prescription of combination therapy in apneic patients compared to non-apneic patients (82.3% versus 74.4%). © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Hypertension; Sleep apnea syndrome; Sub-Saharan Africa
1. Introduction Le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) est une pathologie du sommeil provoquant des diminutions ou des arrêts du flux respiratoire. Ses causes sont diverses, mais il le plus souvent de nature obstructive et associé à une obésité ou à un désordre métabolique. Sa fréquence est estimée entre 0,5 et 5 %, voire 45 % chez les personnes souffrant d’hypertension artérielle [1]. Il est responsable de conséquences souvent dramatiques sur les plans neuropsychique, social, professionnel et cardio-respiratoire [2]. Il serait même une cause de l’hypertension artérielle dite essentielle. Le diagnostic non aisé est fait essentiellement dans les laboratoires de sommeil sur un nombre excessif d’évènements (apnées et hypopnées) constatés au cours d’un enregistrement polysomnographique [3,4]. Pourtant, cette technique n’est pas de pratique courante. Par conséquent, le diagnostic de présomption est fait par des critères élaborés tels que l’échelle d’évaluation de somnolence diurne d’Epworth [5] et le score de Berlin [6,7]. En Afrique sub-saharienne, ce syndrome est peu décrit. Il est même ignoré. Cette insuffisance de diagnostic est en partie liée à l’absence de laboratoire de polysomnographie dans nos milieux. En vue de combler cette insuffisance de données et en dépit de l’absence de laboratoire de polysomnographie, nous avons conduit cette étude chez des hypertendus rec¸us en consultation externe de l’institut de cardiologie d’Abidjan. Elle a pour but de dépister le syndrome d’apnées du sommeil à l’aide de l’échelle d’évaluation de somnolence diurne d’Epworth, de rechercher les déterminants afin d’en déduire les conséquences thérapeutiques. 2. Patients et méthode Nous avons effectué une étude à la fois rétrospective et prospective à visée descriptive et analytique sur une période de 12 mois, d’octobre 2012 à octobre 2013, en consultation externe de l’institut de cardiologie d’Abidjan. Elle a concerné 200 patients hypertendus ayant bénéficié d’au moins quatre consultations et ne présentant pas de pathologie endocrinienne, ORL et pneumologique pouvant simuler une apnée du sommeil. Les critères étudiés étaient épidémiologiques à savoir l’âge, le sexe, le poids, la taille, le tour de taille, la profession, le lieu de résidence, les facteurs de risque cardio-vasculaire associés, cliniques (la durée de l’HTA, la variation des chiffres tensionnels et les complications de l’HTA) et thérapeutiques.
La présomption du syndrome d’apnée du sommeil a été effectuée à l’aide de l’échelle de l’évaluation de la somnolence diurne d’Epworth [5] et les manifestations cliniques de l’apnée du sommeil [7].
3. Déroulement de l’étude et analyse des données Un pré-test a été d’abord effectué chez dix malades dans le but de corriger les éventuelles insuffisances de notre questionnaire. Après ce pré-test, les patients sélectionnés selon les critères d’inclusion ont dans un premier temps répondu aux questionnaires. Nous avons dans un second temps effectué l’examen clinique de ces derniers tout en prenant le poids, la taille et le tour de taille. Ils ont été par la suite suivis avec visite mensuelle pendant 3 mois. L’analyse statistique des données a été faite avec le logiciel Epi Info version 6.04. Le test de Chi2 et le test de Yates corrigé ont été utilisés au seuil 5 %. Les effectifs théoriques inférieurs à 5 ont été comparés grâce au test de Fisher au seuil de 5 %.
4. Résultats 4.1. Étude de la population générale 4.1.1. Données épidémiologiques L’âge moyen de notre population était de 57 ans. Cent deux patients étaient de sexe masculin (51 %) et 98 (49 %) de sexe féminin. Les professions de nos patients étaient dominées essentiellement par les femmes au foyer (24,5 %), suivies des fonctionnaires (21,5 %) et des retraités (21,5 %). La plupart de nos patients vivaient en agglomération (92 %) dont 70 % dans la capitale de la Côte d’Ivoire (Abidjan). Concernant les facteurs de risque cardio-vasculaire associés, 20,5 % étaient diabétiques. L’intoxication tabagique était retrouvée chez 14,5 %. Les troubles du métabolisme lipidique ont été retrouvées chez 39,5 %. Ces troubles étaient dominés par l’hypercholestérolémie (17 %) suivie de l’hypertriglycéridémie (12,5 %) et de l’hyperLDLémie (10 %). Nous avons noté un taux élevé de surpoids (40 %) et d’obésité (29,5 %) selon l’indice de masse corporel, mais également un taux de 41 % d’obésité abdominale.
Pour citer cet article : Konin C, et al. Présomption d’apnées du sommeil dans une population d’hypertendus Noirs africains : intérêt de l’échelle de somnolence diurne d’Epworth dans l’approche diagnostique. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.02.001
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C. Konin et al. / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie xxx (2015) xxx–xxx Tableau 1 Répartition des patients en fonction des signes cliniques du SAS [7].
Tableau 2 Comparaison des deux populations.
Signes cliniques
Apnée, n (%)
Sans apnée, n (%)
Caractéristiques
Ronflement Céphalée au réveil Somnolence diurne Somnolence après le repas Réveil en sursaut Trouble de la mémoire Sueur nocturne Baisse de la libido Hypersialhorée
90 (100) 76 (84,4) 49 (54,4) 66 (73,3) 60 (66,7) 78 (86,7) 24 (26,7) 60 (66,7) 25 (27,8)
0 9 (8,2) 3 (2,7) 7 (6,4) 3 (2,7) 55 (50) 9 (8,2) 38 (34,5) 1 (0,9)
4.1.2. Prévalence du SAS Au terme de l’application des critères de l’échelle de somnolence d’Epworth, 90 patients (45 %) avaient un score supérieur à 12, donc présumés porteurs d’un syndrome d’apnée du sommeil. Les 110 autres (55 %) avaient un score inférieur à 12. Les signes cliniques du syndrome d’apnées du sommeil ont été diversement retrouvés dans les deux populations. Mais chez les présumés porteurs d’apnées du sommeil, ces signes étaient fortement retrouvés (Tableau 1). 4.2. Les facteurs déterminants de SAS La recherche des facteurs du SAS a mis en évidence un lien statistiquement significatif entre le sexe, l’obésité, les dyslipidémies, le diabète, le syndrome métabolique et les apnées du sommeil (Tableau 2). A contrario, les autres facteurs tels que l’âge, le lieu de résidence, la profession, l’ancienneté de l’HTA et le tabagisme n’ont pas été significatifs dans la survenue du SAS dans notre série. 4.3. Étude de l’HTA et de ses complications : comparaison des apnéiques et des non-apnéiques 4.3.1. La variation de la pression artérielle au cours du suivi Entre la première et la quatrième consultation, la pression artérielle systolique (PAS) a baissé de −32 mmHg chez les apnéiques et de −29 mmHg chez les patients non apnéiques (Tableau 3). Mais la différence entre ces deux moyennes n’était pas significative (p = 0,14). La baisse de la pression artérielle systolique n’était donc pas corrélée à l’existence ou non d’un syndrome d’apnées du sommeil dans notre population d’étude. Il en était de même pour les pressions artérielles diastolique (p = 0,29) et pulsée (p = 0,17). 4.3.2. Le taux de contrôle de l’HTA selon la présence ou non du syndrome d’apnées du sommeil Chez les apnéiques, le taux de contrôle de l’HTA s’était amélioré de la première à la quatrième consultation (38,9 % ; Tableau 4). Cela était attesté par la décroissance du taux des patients non contrôlés qui était passé de 86,7 à 61,1 % de la première à la quatrième consultation. Quant aux non-apnéiques, le taux de contrôle a été nettement meilleur, passant de 16,4 à 63,6 %. La différence étant significative (p = 0,004), le contrôle
3
Apnéiques, n (%)
Nonapnéiques, n (%)
p
Âge moyen (ans)
56,1
59,2
0,25 (NS)
Sexe Masculin Féminin
54 (60) 36 (40)
48 (43,6) 62 (56,4)
0,021
Facteurs déterminants du SAS
Poids (kg)
79,6 ± 13,1
72,8 ± 16,4
< 0,01
IMC (kg/m2 )
29,4 ± 3,8
26,3 ± 3,2
0,02
Lieu de résidence Agglomération Rural
86 (95,6) 4 (4,4)
98 (89,1) 12 (10,9)
0,24 (NS)
Profession Bureaucrates Travailleurs manuels Retraités
33 (36,7) 37 (41,1) 20 (22,2)
37 (33,6) 50 (45,5) 23 (20,9)
0,83 (NS)
Facteurs de risque cardiovasculaire 24 (26,7) Diabète Tabac 15 (16,7) 70 (77,8) Obésité (IMC) Obésité abdominale 65 (72,2) 49 (54,4) Dyslipidémie 13 (14,4) Syndrome métabolique
17 (15,5) 19 (17,3) 69 (62,7) 17 (15,5) 30 (27,3) 4 (3,6)
0,05 0,9 (NS) < 0,0001 < 0,0001 0,0009 0,0064
Ancienneté de l’HTA ≤ 10 ans > 10 ans
47 (55,3) 38 (44,7)
64 (62,1) 39 (37,9)
0,43 (NS)
Retentissement de l’HTA Anomalies électriques Anomalies à l’Holter ECG Anomalies échographiques
68 (75,5) 33 (36,7) 47 (52,2)
70 (63,6) 13 (11,8) 33 (30)
0,044 0,01 0,0001
Retentissement viscéral AVC Infarctus du myocarde Cardiomyopathie dilatée
16 (17,8) 13 (14,4) 36 (40)
5 (4,5) 14 (12,7) 26 (23,6)
0,015
Traitement Monothérapie Bithérapie Trithérapie et plus
16 (17,8) 42 (46,7) 32 (35,6)
27 (24,5) 58 (52,7) 25 (22,7)
0,12 (NS)
de l’HTA était meilleure chez les patients non apnéiques par rapport aux porteurs d’apnées du sommeil. 4.3.3. Le retentissement de l’HTA L’analyse des résultats électrocardiographiques a montré des anomalies électriques plus fréquentes chez les apnéiques que chez les non-apnéiques (75,5 % versus 63,6 % ; p = 0,044 ; Tableau 2). Au Holter ECG également, les apnéiques ont présenté plus d’anomalies que les non-apnéiques (36,7 % versus 11,8 % ; p = 0,0109). À l’échocardiographie, 52,2 % des apnéiques ont présenté des anomalies contre 29,8 % chez les non-apnéiques. La différence étant significative (p = 0,00014), le retentissement myocardique de l’HTA chez les apnéiques a été statistiquement
Pour citer cet article : Konin C, et al. Présomption d’apnées du sommeil dans une population d’hypertendus Noirs africains : intérêt de l’échelle de somnolence diurne d’Epworth dans l’approche diagnostique. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.02.001
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Tableau 3 Variation de la pression artérielle au cours du suivi.
5.2. Prévalence et signe clinique du SAS
Pression artérielle
1re CS
2e CS
3e CS
4e CS
Écart
Apnéiques PAS (mmHg) PAD (mmHg) PP (mmHg)
185 107 78
164 99 65
160 91 69
153 93 60
−32 −14 −18
Non-apnéiques PAS (mmHg) PAD (mmHg) PP (mmHg)
169 100 69
150 91 59
148 87 61
140 87 53
−29 −13 −16
PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle diastolique ; PP : pression pulsée ; CS : consultation ; écart PAS apnéiques et écart PAS non apnéiques : T = −1,0787 ; p = 0,14 ; écart PAD apnéiques et écart PAD non apnéiques : T = −0,545 ; p = 0,29 ; écart PP apnéiques et écart PP non apnéiques : T = −0,919 ; p = 0,18.
Tableau 4 Taux de contrôle de l’HTA selon la présence ou non du syndrome d’apnée du sommeil. Consultations
Apnéiques, n (%)
Non-apnéiques, n (%)
p
1re CS 2e CS 3e CS 4e CS
12 (13,3) 21 (23,3) 31 (34,4) 35 (38,9)
18 (16,4) 42 (38,2) 50 (45,5) 70 (63,6)
0,55 (NS) 0,02 0,11 (NS) 0,004
plus significatif que chez les non-apnéiques. Ces anomalies échographiques chez les apnéiques étaient dominées par les anomalies de la fonction diastolique (40 %), la baisse de la fonction systolique (31,1 %), la dilatation ventriculaire gauche (24,4 %) et enfin la dilatation des cavités cardiaques droites et/ou l’hypertension artérielle pulmonaire (22,1 %). Le retentissement viscéral de l’HTA à type d’accident vasculaire cérébral, d’infarctus du myocarde, d’insuffisance rénale et de cardiomyopathie dilatée a été plus fréquent chez les apnéiques que chez les non-apnéiques (77,8 % versus 41,7 % ; p = 0,015). 4.3.4. Traitement La majorité (78,5 %) de nos patients était en plurithérapie dont 50 % de bithérapie (Tableau 2). Cette plurithérapie a été plus utilisée chez les apnéiques que chez les non-apnéiques, mais de manière non significative (82,2 % versus 74,4 % ; p = 0,12). 5. Discussion 5.1. Limites de l’étude Les limites de notre étude étaient l’absence d’enregistrement polysomnographique. Nous nous sommes donc servis de l’échelle d’évaluation de la somnolence diurne d’Epworth [5]. Étant donné qu’il s’agit d’un questionnaire, les réponses à certaines questions ont dû être biaisées. Dans le but de réduire ce biais, un seul enquêteur a conduit l’étude.
L’existence d’une corrélation entre le syndrome d’apnées du sommeil et l’HTA a été prouvée dans la littérature. En Occident, la prévalence de ce syndrome varie entre 30 et 40 % [1,3]. Dans notre population d’hypertendus, selon le score d’Epworth [5], nous avons trouvé un taux de 45 % de présomption d’apnées du sommeil. Selon nos connaissances, il n’y a pas de statistiques concernant la prévalence de ce syndrome dans les populations d’hypertendus en Afrique sub-saharienne. Néanmoins, dans une population de professionnels de santé au Maroc, cette prévalence a été de 13,2 % [8]. Malgré leur caractère non spécifique, les signes de présomption ont été retrouvés de manière significative chez les porteurs d’apnées du sommeil, en conformité avec les données de la littérature [7]. 5.3. Déterminants du SAS Dans notre étude, la moyenne d’âge des apnéiques et celle des non-apnéiques n’étaient pas significatives. L’âge n’a donc pas été un facteur déterminant du syndrome d’apnées du sommeil chez nos patients. Nos résultats corroborent la plupart des données da la littérature [3,7]. Des études récentes ont mis en évidence le lien entre SAS et pollution atmosphérique et l’augmentation de la température, et surtout la profession [9]. Nous n’avons pas observé de lien entre vivre en agglomération et SAS, et entre profession et SAS. Il est également prouvé que le tabagisme actif de même que le sevrage tabagique sont des facteurs déterminants d’apnées du sommeil [1,10]. Pourtant, nous n’avions pas trouvé de lien statistiquement significatif entre tabagisme et SAS. Ce d’autant plus que la plupart de nos patients étaient en sevrage tabagique. Le syndrome métabolique complet ou ses différentes composantes (diabète, dyslipidémies, obésité) jouent un rôle indéniable dans la genèse du SAS [11–13]. Le syndrome métabolique complet a été retrouvé chez 14,4 % des patients porteurs du SAS. Alors que seuls 3,6 % des non-apnéiques étaient porteurs de ce syndrome métabolique. La différence a été significative (p = 0,0064). Le lien entre SAS et syndrome métabolique existe dans notre population d’étude. Nous avons également trouvé un lien entre SAS et chaque élément de ce syndrome métabolique. 5.4. Contrôle de l’HTA, retentissement viscéral de l’HTA et SAS Différentes études ont mis en évidence le caractère résistant de l’HTA chez l’apnéique [3,14]. Cela est attesté par notre étude où nous avons trouvé un meilleur contrôle de l’HTA chez les non-apnéiques (63,6 %) que chez les apnéiques (38,9 %). Les anomalies rythmiques alternent bradycardie et tachycardie, voire extrasystoles et lambeaux de tachycardies ventriculaires ont été décrites chez l’apnéique [15]. Les porteurs du SAS de notre série ont présenté de manière significative plus de troubles du rythme cardiaque et de la conduction, tant à l’ECG standard qu’au Holter ECG. Il en était de même pour l’ensemble des complications viscérales de l’HTA.
Pour citer cet article : Konin C, et al. Présomption d’apnées du sommeil dans une population d’hypertendus Noirs africains : intérêt de l’échelle de somnolence diurne d’Epworth dans l’approche diagnostique. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.02.001
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Le caractère résistant de l’HTA chez l’apnéique rend le traitement antihypertenseur peu efficace, avec comme conséquence une plurithérapie antihypertensive. La plurithérapie a été majoritairement utilisée chez les apnéiques de notre échantillon, augurant le caractère résistant de l’HTA chez ces derniers. 6. Conclusion Le SAS est fréquent chez l’hypertendu noir africain. Ses facteurs déterminants sont nombreux et constituent un élément d’aggravation du pronostic pour les patients hypertendus. Au regard de tous ces éléments, le dépistage du SAS devrait constituer un repère pour l’amélioration de la prise en charge médicale de nos malades hypertendus. En attendant de disposer d’un laboratoire du sommeil qui ferait le diagnostic de certitude des syndromes d’apnées du sommeil, il est souhaitable, dans nos régions paupérisées, de vulgariser les outils de diagnostic clinique. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Grote L, Hedner J. Sleep related breathing disorder is an independent risk factor uncontrolled hypertension. J Hypertens 2000;18:679–85. [2] Hussein S Étude de 300 cas d’HTA recensés aux urgences médicales du CHU de Treichville [thèse de médecine]. Abidjan; 1993 [no 1374].
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