Prise en charge chirurgicale des abcès tubo-ovariens compliquant une endométriose profonde

Prise en charge chirurgicale des abcès tubo-ovariens compliquant une endométriose profonde

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 38 (2010) 490–495 PRATIQUES ET TENDANCES Prise en charge chirurgicale des abcès tubo-ovariens compliquant une en...

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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 38 (2010) 490–495

PRATIQUES ET TENDANCES

Prise en charge chirurgicale des abcès tubo-ovariens compliquant une endométriose profonde Surgical treatment of tubo-ovarian abscess occurring in deep endometriosis C. Mokdad a, F. Rozsnayi b, F. Delaunay a, V. Gregorczyk a, M. Auber a, L. Puscasiu b, L. Marpeau a, H. Roman a,* a b

Clinique gynécologique et obstétricale, CHU Charles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76031 Rouen, France Clinique gynécologique et obstétricale, université de Targu Mures, 540000 Targu Mures, Roumanie

Reçu le 31 décembre 2009 Disponible sur Internet le 25 juin 2010

Résumé Les abcès tubo-ovariens peuvent survenir chez les patientes porteuses d’une endométriose profonde. La prise en charge en urgence des abcès tubo-ovariens a comme objectifs le traitement de l’épisode aigu, sans rendre encore plus difficile la chirurgie curative de l’endométriose profonde, pratiquée à froid dans un deuxième temps. Il est préférable que le geste chirurgical effectué en urgence se limite au drainage efficace des abcès, sans la tentative de résection des lésions d’endométriose profonde qui modifierait davantage l’anatomie du pelvis, et sans un recours trop facile à la laparoconversion. Nous rapportons les cas de six patientes présentant des abcès tubo-ovariens dans un contexte d’endométriose profonde, en discutant les choix de la prise en charge thérapeutique en phase aiguë et à froid. Dans quatre cas, la chirurgie curative de l’endométriose profonde a pu être réalisée par laparoscopie dans un deuxième temps et a abouti à une résection macroscopiquement complète. ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Tubo-ovarian abscesses are likely to occur in women suffering from deep endometriosis. The aim of surgical management of tubo-ovarian abscesses is the laparoscopic drainage, while deep endometriosis resection should be delayed. Laparoscopic procedure carried out in emergency does not attempt at the excision of deep endometriotic lesions, and must avoid the choice of the laparoconversion, in order to avoid further changes in the pelvic anatomy rendering more difficult a curative surgery. We report six cases of patients presenting tubo-ovarian abscesses arising on deep endometriosis, and we discuss the choice of the 2-step surgical management. In four cases, deep endometriosis resection has been performed by laparoscopic route few months after the drainage of abscess and provided macroscopically complete excision of the disease. ß 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Abcès ovarien ; Pyosalpynx ; Endométriose profonde ; Endométriome ; Laparoscopie Keywords: Ovarian abscess; Pyosalpynx; Deep endometriosis; Endometriomas; Laparoscopy

1. INTRODUCTION * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Roman).

L’endométriose est une pathologie fréquente avec une prévalence estimée dans la population générale entre 5 et 10 %

1297-9589/$ see front matter ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.gyobfe.2010.05.007

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[1,2]. Les abcès tubo-ovariens peuvent survenir chez les femmes porteuses d’endométriose, connue ou non diagnostiquée auparavant. Le sang accumulé au sein des kystes au cours des micro-hémorragies cycliques constituent un milieu de culture favorable à la multiplication des bactéries et à la transformation d’un endométriome dans un abcès ovarien [3]. Il a été d’ailleurs démontré que la prévalence des abcès tuboovariens serait plus élevée chez les femmes atteintes d’endométriose de stade III et IV [4]. La survenue d’un abcès ovarien, tubo-ovarien ou d’une pelvipéritonite rend encore plus compliqué le diagnostic peropératoire chez les patientes dont l’endométriose était auparavant ignorée, mais également la prise en charge ultérieure de l’endométriose profonde. La responsabilité du chirurgien prenant en charge la patiente en phase aiguë est alors triple. Premièrement il doit reconnaître l’endométriose sousjacente, car en l’absence de diagnostic les symptômes douloureux seraient attribués à l’épisode infectieux, et par la suite la patiente ne bénéficierait pas d’un traitement adapté. Deuxièmement, le chirurgien doit traiter l’épisode infectieux aigu, de préférence par un simple drainage des abcès par voie laparoscopique. Troisièmement, il doit réaliser une exploration satisfaisante du cul-de-sac de Douglas, souvent bloqué par les adhérences dues à l’endométriose, qui constituent des conditions favorables à la formation d’un ou de plusieurs abcès profonds cloisonnés. Dans le même sens, le chirurgien ne doit pas ignorer que dans la plupart des cas, selon la théorie d’Hughesdon [5], les endométriomes sont fixés à la fossette ovarienne, et que l’inspection superficielle du pelvis peut ignorer les abcès ovariens, surtout en cas d’adhérences intestinales aux annexes. Enfin, le chirurgien doit être conscient de la nécessité d’une prise en charge chirurgicale ultérieure, à froid, de l’endométriose profonde, généralement compliquée en raison de la nature même de la maladie d’origine et de la superposition d’un épisode infectieux. Par conséquent, le chirurgien chargé du traitement de l’épisode aigu ne doit pas rendre encore plus difficile le geste opératoire ultérieur en pratiquant une laparotomie ou en décidant une résection des annexes, gestes qui ne sont pas indispensables dans la plupart des cas mais qui modifient sérieusement l’anatomie pelvienne. Ce contexte rend la prise en charge des abcès tubo-ovariens très délicate, d’autant plus qu’il n’existe pas, à ce jour, de données et de recommandations spécifiques à ce sujet. Le but de notre article est de discuter les modalités de cette prise en charge, à travers une série de femmes porteuses d’une endométriose profonde dont l’évolution a été marquée par la survenue d’abcès ovariens sur endométriomes. 2. ABCÈS TUBO-OVARIENS RÉVÉLANT UNE ENDOMÉTRIOSE RECTALE Mme B., 30 ans, nulligeste, a été hospitalisée en urgence devant un tableau de pelvipéritonite d’origine gynécologique, avec une hyperthermie à 39 8C, une défense abdominale diffuse, une douleur intense à la palpation du cul-de-sac vaginal postérieur et un syndrome inflammatoire biologique (GB = 23 000/mm3). L’examen échographique par voie

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endovaginale était en faveur de pyosalpynx bilatéraux. Une laparoscopie a été pratiquée en urgence et un abcès tuboovarien gauche a été mis en évidence et drainé. Le chirurgien a noté un comblement complet du cul-de-sac de Douglas, et le toucher vaginal peropératoire a retrouvé un volumineux nodule d’endométriose profonde infiltrant le fornix et la paroi rectale antérieure. Il a décidé de pratiquer l’ouverture des différentes collections cloisonnées du cul-de-sac de Douglas, le lavage abondant de la cavité abdominale et des biopsies des lésions d’endométriose. Les prélèvements bactériologiques ont identifié un Escherichia Coli, sans que la porte d’entrée soit formellement précisée. L’évolution a été favorable sous double antibiothérapie, associée à un blocage de l’ovulation par un analogue de la GnRH associé à une add-back thérapie. L’IRM et l’écho-endoscopie rectale ont confirmé le diagnostic d’endométriose profonde, avec l’infiltration de la musculeuse rectale sur 3 cm, et l’existence d’endométriomes ovariens bilatéraux, tandis que l’anamnèse a retrouvé des dysménorrhées primaires sévères, des dyspareunies profondes invalidantes, des douleurs de défécation et des diarrhées cataméniales. Quatre mois plus tard, une laparoscopie est pratiquée dans le but de traiter l’endométriose rectale. Une excision macroscopiquement complète est réalisée par une résection segmentaire colorectale suivie par anastomose latéro-terminale, une excision du fond vaginal, une kystectomie ovarienne et salpingectomie bilatérale. Dix-huit mois après l’intervention, la patiente est en cours de prise en charge pour une aide médicale à la procréation, et sa symptomatologie se résume uniquement à des dyspareunies modérées et à une augmentation sensible du nombre de selles quotidiennes. Mme P. 31 ans, nulligeste, a été hospitalisée en urgence pour un tableau clinique d’abcès ovarien droit. Elle présentait une endométriose stade IV connue, déjà opérée à deux reprises de manière probablement incomplète, et responsable d’une infertilité malgré trois tentatives de fécondation in vitro. Elle présentait des dysménorrhées primaires sévères, des dyspareunies profondes intenses, des douleurs de défécation et des diarrhées pendant les règles. À l’examen clinique, la température était de 38,8 8C. L’abdomen était sensible dans son ensemble, avec une nette défense sous-ombilicale. Un volumineux nodule d’endométriose profonde était palpé dans le cul-de-sac postérieur du vagin. Le bilan biologique montrait une hyperleucocytose (25 000/mm3) et une élévation de la protéine C réactive (256 UI/ml). L’échographie du pelvis retrouvait un kyste ovarien droit de 12 cm avec un contenu finement granité. L’exploration laparoscopique pratiquée en urgence a retrouvé des abcès ovariens bilatéraux, un pyosalpynx gauche et un comblement du cul-de-sac de Douglas par un nodule sous-péritonéal infiltrant la face antérieure du rectum. Un drainage des abcès a été réalisé, et l’examen bactériologique a identifié un Escherichia Coli sans que la porte d’entrée soit formellement précisée. L’administration d’une double antibiothérapie, associée à un blocage prolongé de l’ovulation par un analogue de la GnRH associé à une add-back thérapie, a été suivie d’une évolution favorable, clinique et biologique. L’endométriose rectale a été précisée par l’IRM pelvienne et l’écho-endoscopie rectale. La chirurgie curative a

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eu lieu par laparoscopie quatre mois plus tard. Il a été pratiqué une résection colorectale avec anastomose latéro-terminale, l’excision du fond vaginal, et une kystectomie ovarienne bilatérale. L’évolution postopératoire a été rapidement favorable. Seize mois après l’intervention, la patiente ne se plaignait d’aucun symptôme douloureux et envisageait une nouvelle tentative de fécondation in vitro. Madame M., 36 ans, deuxième pare, présentait des douleurs abdominales depuis des années imputées à une maladie de Crohn sans diagnostic histologique formel. Devant l’apparition brutale d’un syndrome douloureux abdominal associé à une défense pelvienne à la palpation, une laparoscopie exploratrice a retrouvé un pelvis gelé, raison pour laquelle la patiente a été transférée dans notre établissement sans que l’exploration du pelvis soit réalisée de manière complète. Le scanner abdominopelvien réalisé en urgence a identifié deux abcès pelviens bilatéraux, et le bilan biologique a retrouvé une hyperleucocytose à 16 000/mm3 et un taux de CRP à 20 mg/L. Une première exploration abdominale par laparotomie a été pratiquée sans que les collections soient précisément identifiées et drainées. Malgré une double antibiothérapie associée à un traitement par mésalazine, aucune amélioration n’a été constatée, et un deuxième scanner abdomino-pelvien pratiqué dix jours plus tard montrait les mêmes collections pelviennes évocatrice d’abcés (Fig. 1). Un nouvel interrogatoire a précisé l’existence des dysménorrhées primaires et des dyspareunies anciennes. De plus, les symptômes digestifs, à type de diarrhées et de douleurs de défécation, étaient présents seulement au cours des règles. En raison de l’antécédent récent de laparotomie, une deuxième laparotomie a été pratiquée en urgence. L’examen du vagin au spéculum pratiqué sous anesthésie générale en début de l’intervention a

Fig. 1. Exploration par scanner abdomino-pelvien avec injection de produit de contraste iodé mettant en évidence des abcès ovariens bilatéraux (coupe frontale ; les flèches indiquent le plus large diamètre des abcès).

identifié un kyste bleuté au niveau du fond vaginal, et le toucher a retrouvé un volumineux nodule ferme du cul-de-sac de Douglas. L’aspect peropératoire du pelvis était compatible avec une endométriose profonde, car le rectum était fixé au torus utérin par un nodule fibreux, tandis que les deux ovaires étaient attachés aux ligaments utéro-sacrés et contenaient des collections hématiques abcédées, dont l’examen bactériologique a révélé un Streptococcus Faecalis. Un drainage des abcès a été réalisé, suivi par un blocage prolongé de l’ovulation par un analogue de la GnRH associé à une add-back thérapie. L’évolution postopératoire a été rapidement favorable. Le bilan d’imagerie de l’endométriose profonde, comportant une IRM pelvienne et une écho-endoscopie rectale, a confirmé la l’infiltration de la face antérieure du moyen rectum, associée à des endométriomes ovariens bilatéraux. Trois mois plus tard, une chirurgie curative par voie laparoscopique a été réalisée, avec la réalisation d’une adhésiolyse étendue, d’une colpohystérectomie totale avec annexectomie bilatérale, et d’une excision du nodule rectal sans ouverture de la paroi digestive (shaving). L’évolution postopératoire a été favorable, avec absence de tout symptôme digestif anormal, et un traitement hormonal substitutif a été administré en prise continue. Seize mois plus tard, la patiente a présenté un épisode d’iléite terminale, avec une biopsie confirmant cette fois le diagnostic de maladie de Crohn. Une résection iléocæcale a été réalisée par laparotomie, et l’absence de toute nouvelle lésion rectale a été confirmée en peropératoire. L’évolution postopératoire a été favorable, et le suivi à huit mois a confirmé l’absence de tout symptôme digestif. 3. ABCÈS TUBO-OVARIENS DANS UN CONTEXTE D’ENDOMÉTRIOSE PROFONDE PRÉCÉDEMMENT OPÉRÉE Mme R., 38 ans, primipare, a été hospitalisée en urgence pour douleurs abdominales et hyperthermie à 39 8C. Elle présentait un antécédent d’endométriose profonde opérée à deux reprises respectivement un an et cinq ans auparavant. Lors de la dernière intervention, l’excision d’un nodule profond infiltrant le fond vaginal avait été réalisée. L’interrogatoire retrouvait une reprise des dysménorrhées et des dyspareunies depuis deux ans, ainsi que des diarrhées cataméniales associées à des douleurs de défécation. L’examen clinique montrait une défense pelvienne, et plusieurs nodules fermes et douloureux dans le cul-de-sac vaginal postérieur. L’échographie par voie endovaginale suspectait l’existence d’un endométriome de 5 cm de l’ovaire droit, et l’examen biologique montrait une hyperleucocytose à 10 100/mm 3 et une élévation du taux de la protéine C réactive à 247 mg/L. L’hypothèse d’un abcès survenu sur l’endométriome ovarien droit a été retenue. Une exploration abdomino-pelvienne par laparoscopie a été pratiquée en urgence, comportant le drainage d’un abcès de l’ovaire droit et d’un pyosalpinx droit, une toilette abdominale, et l’identification de plusieurs lésions d’endométriose profonde dans le cul-de-sac de Douglas. L’examen bactériologique a identifié un Clostridium perfringens, sans que la porte d’entrée soit formellement identifiée. Une triple antibiothérapie

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postopératoire a été instaurée, ainsi qu’un blocage prolongé de l’ovulation par prise de progestatifs en continu. Le bilan d’imagerie de l’endométriose profonde par IRM et échoendoscopie rectale a objectivé une adénomyose, des endométriomes ovariens bilatéraux, un hydrosalpinx droit et un nodule de la cloison rectovaginale sans envahissement rectal. Trois mois plus tard, une colpohystérectomie par voie laparoscopique a été réalisée, avec une annexectomie droite et la conservation de l’ovaire gauche. Les suites postopératoires ont été favorables, et un blocage de l’ovulation en continu par acétate de cyprotérone et oestradiol a été mis en route. Un an plus tard, la patiente ne présentait aucune symptomatologie douloureuse pelvienne. Mme F., 28 ans, nulligeste, opérée à deux reprises par voie laparoscopique convertie en laparotomie pour une endométriose profonde, et ayant bénéficié de deux tentatives de fécondation in vitro, a été adressée dans notre service pour un avis concernant la prise en charge ultérieure. L’anamnèse retrouvait des dysménorrhées anciennes, des dyspareunies modérées et des diarrhées cataméniales. Le bilan d’imagerie par IRM, écho-endoscopie rectale et coloscanner à l’air avec coloscopie virtuelle a mis en évidence un volumineux nodule d’endométriose profonde infiltrant la charnière recto-sigmoïdienne jusqu’à la sous-muqueuse mais sans sténose majeure de la lumière digestive, un deuxième nodule profond postérieur sans infiltration rectale, ainsi que des endométriomes bilatéraux dont le plus volumineux mesurait 12 cm. Devant l’intensité modérée des symptômes, le désir de grossesse et le risque d’une diminution irréversible de la réserve ovarienne suite à une troisième kystectomie, une nouvelle tentative de fécondation in vitro a été proposée avant la chirurgie curative de l’endométriose profonde. Avant de débuter la stimulation, un endométriome de 10 cm a été ponctionné par voie transvaginale échoguidée, suivie 48 plus tard de l’apparition de douleurs pelviennes continues et une élévation du taux de la protéine C réactive à 140 mg/L. Une laparoscopie exploratrice a été décidée en urgence, avec l’insufflation et l’introduction du premier trocart dans l’hypochondre gauche. De nombreuses adhérences denses et vascularisées ont été retrouvées entre les anses digestives et la paroi abdominale antérieure, et l’adhésiolyse a été débutée à l’aide du bistouri aux ultrasons. Au cours de ce temps opératoire, une ouverture longitudinale accidentelle de l’iléon terminal a été réalisée. L’abord du pelvis a mis en évidence un pelvis gelé, avec des anses grêles et un côlon sigmoïde fixés au niveau du fond utérin. La mobilisation de l’ovaire droit a été suivie de l’ouverture d’un abcès. Devant les difficultés de la dissection, une laparoconversion a été décidée, avec un drainage bilatéral des abcès ovariens, une toilette abdominale abondante et une résection segmentaire de l’anse intestinale lésée suivie par une anastomose iléo-iléale. L’examen bactériologique de l’abcès a mis en évidence un Peptostreptococcus. Une triple antibiothérapie a été immédiatement instaurée, associée à un blocage hormonal par acétate de cyprotérone et oestradiol administrés en continu, avec des fenêtres thérapeutiques autorisées uniquement en cas de nouvelle tentative de fécondation in vitro. Devant l’amélioration postopératoire nette des symptômes douloureux, et en

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raison des difficultés opératoires prévisibles et de la morbidité postopératoire liée à une chirurgie curative, le traitement médical seul a été recommandé de façon définitive, en autorisant des tentatives éventuelles de fécondation in vitro sans interruption du blocage de l’ovulation. 4. DÉCÈS DANS LES SUITES D’UN ABCÈS TUBO-OVARIEN DANS UN CONTEXTE D’ENDOMÉTRIOSE PROFONDE Mme V., 45 ans, vivant seule, a été hospitalisée en urgence pour un tableau clinique de choc septique. L’interrogatoire était impossible en raison d’un état confusionnel marqué. L’examen clinique retrouvait une hyperthermie à 39 8C et une défense abdominale diffuse. L’échographie abdominale montrait une collection liquidienne abdominale abondante, finement échogène, un dispositif intrautérin en place, et deux ovaires porteurs de kystes de contenu finement granité. Le bilan biologique montrait une hyperleucocytose à 28 670/mm3, un taux de la protéine C réactive à 320 mg/L, une insuffisance rénale aiguë, une cytolyse hépatique et un TP diminué à 52 %. Devant l’hypothèse de péritonite généralisée, une laparotomie a été pratiquée d’emblée. Après l’aspiration de la collection liquidienne abdominale, d’un volume de 3000 ml et d’aspecte évoquant un abcès, il a été mis en évidence un pelvis gelé, avec deux ovaires porteurs d’endométriomes abcédés d’environ 6 à 8 cm de diamètre, et d’un nodule d’endométriose souspéritonéale postérieure. Le drainage des deux loges ovariennes, de l’espace sous-phrénique et du cul-de-sac de Douglas par culdotomie ont été réalisés, suivi d’une toilette abdominale au sérum phisiologique. Le stérilet mis en culture a permis d’identifier un Bacteroïdes Fragilis. Une triple antibiothérapie probabiliste a été immédiatement débutée. Malgré les soins intensifs administrés dans le service de réanimation chirurgicale, la patiente est décédée 48 heures plus tard, suite à une défaillance multiviscérale secondaire au choc septique. 5. DISCUSSION L’apparition d’abcès tubo-ovariens dans un contexte d’endométriose pelvienne sévère a été déjà décrite par plusieurs auteurs [3–8], essentiellement sous la forme de séries de cas. Certains auteurs ont suggéré que la prévalence des abcès tubo-ovariens était plus élevée en cas d’endométriose de stade avancé [4,6], conséquence probablement d’un déficit immunitaire péritonéal impliqué également dans le développement des lésions d’endométriose [7,8]. Leur survenue pourrait par ailleurs être favorisée par le contenu hématique des endométriomes et une hypothétique fragilité de la paroi des kystes favorisant le passage des germes [3]. Les voies possibles de contamination des endométriomes sont multiples : la voie ascendante à partir d’une infection intrautérine ou d’un dispositif intra-utérin, la ponction percutanée ou transvaginale des endométriomes, et la voie hématogène. Dans notre série, les six patientes ont présenté un tableau clinique d’abdomen aigu dû au développement d’abcès tuboovariens dans un contexte d’endométriose profonde et

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ovarienne d’évolution longue. L’intérêt d’un traitement chirurgical différé de l’endométriose profonde par rapport à la prise en charge de l’épisode infectieux aigu mérite d’être souligné, après la régression complète de l’inflammation. Dans les cinq premiers cas la prise en charge de l’épisode aigu a été réalisée par une laparoscopie première, avec drainage des abcès, toilette abdominale et cartographie des lésions d’endométriose en vue du traitement ultérieur. Exceptionnellement, dans le dernier cas, la laparotomie a été justifiée devant la gravité du tableau clinique de péritonite généralisée avec choc septique. Les interventions réalisées en urgence ont été suivies par l’administration d’une antibiothérapie associée à un blocage prolongé de l’ovulation et par la réalisation du bilan d’imagerie des lésions profondes. L’antibiothérapie a été au départ probabilistique, ensuite adaptée à l’antibiogramme après l’identification du germe responsable. La surveillance postopératoire, clinique et biologique, est particulièrement importante dans ces cas, en raison du risque de récidive précoce en cas de drainage insuffisant des abcès. Le blocage de l’ovulation est essentiel car l’arrêt des microhémorragies au sein des implants d’endométriose est indispensable pour la diminution de l’état inflammatoire du péritoine, la régression des implants mêmes [9,10], ce qui conduit à un meilleur confort du chirurgien lors de l’intervention chirurgicale curative, en raison de meilleures conditions de dissection sous-péritonéale. L’endométriose est une maladie chronique, dont l’étiologie est probablement multifactorielle et le mécanisme physiopathologique reste en grande partie non élucidé. Les poussées évolutives sont liées à la succession des cycles ovariens entraînant des microhémorragies cycliques responsables de phénomènes inflammatoires récurrents. Par conséquent, en l’absence d’un traitement étiologique, le blocage de l’ovulation reste aujourd’hui le traitement de choix de l’endométriose, à poursuivre pendant des années et non pour quelques semaines seulement [11]. Dans les cas présentés, le blocage de l’ovulation a été recommandé pratiquement jusqu’à l’installation de la ménopause, à l’exception des fenêtres thérapeutiques justifiées par le désir de grossesse, ce qui nous a permis d’opter dans deux cas pour la conservation du rectum malgré l’infiltration de la paroi rectale par les lésions d’endométriose profonde. La laparoconversion doit rester exceptionnelle lors de l’intervention en urgence, car l’ouverture de la cavité abdominale entraîne, dans ce contexte inflammatoire, un taux important d’adhérences postopératoires, qui rendront encore plus difficile la chirurgie curative programmée à distance. En effet, aux adhérences induites par l’endométriose s’ajouteront les adhérences postopératoires qui rendront problématiques l’abord cœlioscopique et l’accès au pelvis lors de l’intervention curative [12]. La fibrose postopératoire induite autour des nodules d’endométriose profonde ne pourra être distinguée de la fibrose entourant les lésions endométriosiques souspéritonéales. Par conséquent, pour réaliser un traitement complet, le chirurgien rencontra des difficultés pour identifier les plans de clivage, et sera contraint à une excision plus large qui augmentera les risques de complications à type de plaies urétérales, de plaies du tube digestif et de sections accidentelles

des nerfs végétatifs de la vessie [12]. Dans le cinquième cas, la laparoconversion a été justifiée par les difficultés de dissection des structures pelviennes adhérentes, suite à deux laparotomies, et le risque de nouvelle plaie digestive. Chez les femmes nullipares, la gestion du désir de grossesse reste particulièrement difficile. Dans ces cas, l’infertilité est souvent multifactorielle. À l’origine tubaire, due aux adhérences, s’associent les altérations de la fonction ovarienne. En dehors des causes classiques d’insuffisance ovarienne telles que l’âge, ces altérations peuvent être en relation avec le développement des endométriomes (diminution du nombre des follicules, réduction de la qualité ovocytaire, inhibition de la maturation des follicules) [13–15], la destruction du parenchyme ovarien par l’abcès, ou une ablation accidentelle du parenchyme sain, restant fréquente lors de la kystectomie [16–19]. Dans ce contexte, bien que l’indication de fécondation in vitro soit toujours à considérer, il existe un risque non négligeable d’absence de réponse des ovaires à la stimulation et d’abandon de la prise en charge en procréation médicalement assistée. Le recours final aux tentatives de grossesse spontanée doit être envisagé avec une extrême prudence, car l’arrêt du traitement hormonal de blocage de l’ovulation peut précipiter la récidive des symptômes douloureux, voire des lésions d’endométriose sous-péritonéale profonde. 6. CONCLUSION La survenue d’un abcès tubo-ovarien chez une femme atteinte d’endométriose profonde est une complication sévère, qui nécessite un diagnostic et une prise en charge en urgence. Il est important de souligner l’intérêt du diagnostic d’endométriose sévère lors de la prise en charge de l’épisode aigu, ainsi que la nécessité de conserver la voie laparoscopique pour l’intervention en urgence et de limiter le geste chirurgical au drainage des abcès et à la toilette abdominale. Les tentatives d’exérèse en urgence des lésions profondes seront systématiquement incomplètes, avec un résultat fonctionnel médiocre et un taux élevé de complications postopératoires. De plus, elles compliqueront l’intervention curative réalisée à froid dans un deuxième temps, en compromettant sérieusement ses chances de succès. Le traitement médical de blocage de l’ovulation doit être envisagé ensuite à long terme, tandis que la gestion ultérieure du désir de grossesse soulève de nombreuses difficultés en raison d’une altération fréquente de la fonction ovarienne et des chances d’Assistance médicale à la procréation (AMP). CONFLIT D’INTÉRÊT Aucun. RÉFÉRENCES [1] Lu PY, Ory SJ. Endometriosis: current management. Mayo Clin Proc 1995;70:453–63. [2] Olive DL, Schwartz LB. Endometriosis. N Engl J Med 1993;328:1759–69. [3] Padilla SL. Ovarian abscess following puncture of an endometrioma during ultrasound-guided oocyte retrieval. Hum Reprod 1993;8:1282–3.

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