Prise en charge du diabète de type 2 : l’éducation thérapeutique

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Prise en charge du diabe` te de type 2

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Presse Med. 2013; 42: 880–885 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Dossier thématique

Prise en charge du diabète de type 2 : l’éducation thérapeutique Lucie Meillet, Jérôme Combes, Alfred Penfornis

CHU de Besançon, hôpital Jean-Minjoz, université de Franche-Comté, service d’endocrinologie-métabolisme et diabétologie-nutrition, EA 3920, 25030 Besançon cedex, France

Correspondance : Disponible sur internet le : 21 mars 2013

Alfred Penfornis, Hôpital Jean-Minjoz, service d’endocrinologie-métabolisme et diabétologie-nutrition, 2, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France. [email protected]

Key points Management of type 2 diabetes: Patient education Patient education emerged initially as an essential component of the management of type 1 diabetes. Patient education has also been for long an integral part of the recommendations for managing type 2 diabetes. Studies about patient education and type 2 diabetes have demonstrated the effectiveness of patient education by studying the evolution of bioclinic markers including HbA1c. However, if we return to the foundations of patient education definition, we cannot summarize the effectiveness of patient education on the only decrease of HbA1c. So, if the aim of patient education is to support patients to take better care of themselves, it might be interesting to use other types of evaluation methodology, including qualitative studies, to reflect the different dimensions of patient education, especially psychosocial.

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éducation thérapeutique s’est très vite imposée comme un élément essentiel et incontournable de la prise en charge du diabète, d’abord dans le diabète de type 1, afin d’éviter les

Points essentiels L’éducation thérapeutique, après s’être initialement imposée comme un élément essentiel de la prise en charge du diabète de type 1, est depuis longtemps partie intégrante de toutes les recommandations de prise en charge du diabète de type 2. Les travaux publiés dans le domaine ont, pour la plupart, cherché à démontrer l’efficacité de l’éducation thérapeutique par l’étude de l’évolution de marqueurs biocliniques, notamment l’HbA1c. Si l’on revient aux valeurs, fondements et principes de l’éducation thérapeutique, on ne peut résumer l’efficacité de l’éducation thérapeutique à la seule baisse de l’HbA1c. Si l’on admet que l’éducation thérapeutique permet d’aider le patient à mieux prendre soin de lui-même, il pourrait être intéressant de s’appuyer sur d’autres types de méthodologie d’évaluation, qualitatives notamment, afin de mieux rendre compte des différentes dimensions de l’éducation thérapeutique, en particulier celles du registre psychosocial.

complications aiguës liées à une mauvaise gestion du traitement par insuline (hypoglycémies sévères, céto-acidoses), puis pour éviter certaines complications chroniques telles que les plaies de pied et les amputations, grâce à l’acquisition, par le patient, de connaissances et de compétences d’auto-soin [1].

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Diabète de type 2 et éducation thérapeutique : les données de la littérature De nombreux travaux ont été publiés dans le domaine de l’éducation thérapeutique et du diabète de type 2. Ils ont évalué, notamment, l’efficacité de l’éducation thérapeutique, l’impact économique des actions éducatives, le mode de délivrance individuel ou collectif et la persistance à long terme des effets des actions d’éducation.

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Dans ce travail, nous avons choisi de nous appuyer sur les données de 11 études publiées dans ce domaine, et qui nous semblaient pertinentes, soit par le nombre de patient inclus, soit par le caractère récent de leur publication. Nous proposons, d’en exposer les principales caractéristiques dans le tableau SI (disponible en complément électronique) puis de les commenter brièvement.

L’efficacité des actions éducatives en termes d’HbA1c Concernant l’efficacité des actions éducatives en termes d’HbA1c, l’ensemble des résultats présentés est en faveur de la promotion de l’éducation thérapeutique. En effet, tous les travaux montrent une diminution de l’HbA1c entre l’inclusion et la fin de la participation à l’étude, mais cette diminution n’est pas toujours statistiquement significative. Les résultats sont variables : –0,5 % à un an (p < 0,0001) dans l’étude Look AHEAD [4] ; –0,28 % à un an (p = 0,52) dans l’étude DESMOND 1 [5] ; –0,51 % à trois ans (p = 0,81) dans l’étude DESMOND 3 [6].

L’impact économique des actions éducatives Concernant l’impact économique des actions d’éducation thérapeutique, la quasi-totalité des travaux est en faveur d’une diminution des coûts de prise en charge du diabète, comme le montre la revue de la littérature de Boren et al. en 2009 [7]. Plus précisément, il existe une diminution de la consommation médicamenteuse chez les patients ayant bénéficié d’actions éducatives, comme cela a été démontré dans la méta-analyse de la Cochrane [8] et dans l’essai Look AHEAD [4].

Éducation thérapeutique individuelle ou collective ? Concernant la supériorité de l’éducation thérapeutique individuelle ou collective, ces différents travaux exposent des résultats divergents. En effet, si l’étude de Rickeim et al. [9] montre des résultats en faveur d’une éducation thérapeutique de groupe, celle plus récente de Sperl-Hillen et al. [10] donne des arguments plutôt en faveur d’une éducation individuelle. La méta-analyse de Duke et al. [11] retrouve une supériorité de l’éducation thérapeutique de groupe, mais uniquement à court terme. Ces résultats ne sont pas retrouvés sur le long terme. Ainsi, il semble difficile, à l’heure actuelle, de conclure à la supériorité de l’une ou l’autre de ces méthodes, devant l’hétérogénéité du contenu des séances d’éducation thérapeutique de groupe, l’hétérogénéité des patients inclus dans les études et l’hétérogénéité de la formation des soignants qui dispensent les séances d’éducation, qu’elles soient individuelles ou collectives. De même, très peu de détails sont donnés dans les publications sur les modèles théoriques sous-tendant l’intervention en éducation thérapeutique, rendant difficile la comparaison des différents travaux [12].

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Par extension, elle s’est aussi imposée dans le diabète de type 2, dans les mêmes domaines, auxquels s’est ajouté le transfert de connaissances sur la maladie et sur les modifications du mode vie (diététique, activité physique, tabagisme. . .). Ainsi, l’éducation thérapeutique est partie intégrante de toutes les recommandations de prise en charge du diabète de type 2. Notamment, en avril 2012, la dernière prise de position (« position statement ») de l’American Diabetes Association (ADA) et de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD), préconisent, pour la prise en charge de l’hyperglycémie dans le cadre du diabète de type 2, une approche centrée sur le patient [2]. Les soins centrés sur le patient y sont définis comme une approche pour « fournir des soins qui sont respectueux et attentifs aux préférences individuelles des patients, à leurs besoins et leurs valeurs et qui veillent à ce que les valeurs du patient guident toutes les décisions cliniques. En fin de compte, ce sont les patients qui prennent les décisions finales concernant leurs choix de vie et, dans une certaine mesure, les interventions pharmaceutiques qu’ils utilisent ; leur mise en oeuvre se produit dans le contexte de la vie réelle des patients » [2]. Par ailleurs, le développement de l’éducation thérapeutique est allé de pair avec une demande croissante des patients en matière d’éducation et une évolution de la relation soignant–soigné, avec des patients qui souhaitent se rendre acteurs de leur prise en charge, demande à laquelle la démarche éducative permet de répondre. Une enquête réalisée en 2007 par Fournier et al., dans le cadre de l’étude ENTRED, a montré que les patients diabétiques, même s’ils se disent bien informés sur leur maladie, sont, dans un tiers des cas, demandeurs de prises en charge éducatives complémentaires. Ainsi, seuls 17 % des patients diabétiques de type 2 déclarent avoir reçu un complément éducatif, en plus de leur suivi médical classique, et ils sont 33 % à souhaiter bénéficier d’une prise en charge éducative supplémentaire, principalement individuelle [3]. Mais quelles sont les données de la littérature concernant l’efficacité de l’éducation thérapeutique dans le domaine du diabète de type 2 ? Qu’entend-on par éducation thérapeutique ? Quelles en sont les différentes définitions ? À la lumière de ces définitions, quelle analyse des études randomisées publiées peut-on proposer ?

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Les effets de l’éducation thérapeutique se prolongent-ils au cours du temps ? On peut d’abord noter, à ce sujet, que la plupart des travaux évaluent les effets de l’éducation thérapeutique à court ou moyen terme, comme le montre la revue de la littérature de Norris et al. en 2009 [13]. Pour les études dont le suivi s’est prolongé dans le temps, il semble y avoir une diminution des effets des interventions éducatives au cours du temps, en tout cas si l’on ne s’intéresse qu’à l’HbA1c : c’est le cas dans le programme DESMOND évalué à un an et trois ans [5,6], ou dans l’étude de Norris et al. [11] A noter que ce résultat n’avait pas été retrouvé dans la méta-analyse de la Cochrane qui montrait, à deux ans, une persistance de la baisse de l’HbA1c, toujours statistiquement significative [8]. Par ailleurs, si l’on s’intéresse à d’autres critères que la seule HbA1c, certains effets semblent persister dans le temps, notamment la compréhension de la maladie, la conscience de sa chronicité et du pouvoir du patient à changer les choses : c’est ce que retrouve l’évaluation à trois ans du programme DESMOND [6]. De plus, il semble exister, si l’on se réfère au travail de Sarkadi et al. en 2004 [14], une fluctuation dans le temps de l’effet des actions éducatives, ce qui montre bien l’intérêt de leur renouvellement au fil du temps, et aussi de leur intégration aux soins. Ainsi, l’évolution de l’HbA1c semble être favorable aux actions d’éducation thérapeutique, même si la significativité statistique n’est pas toujours présente. De même, l’impact économique des actions éducatives est également en faveur de leur développement. En revanche, l’impact du mode de délivrance de l’éducation thérapeutique, individuel ou collectif, semble être moins clair, de même que la persistance de ses effets sur le long terme, nécessitant probablement des travaux complémentaires.

Retour aux fondements et définitions de l’éducation thérapeutique Nous proposons, dans cette seconde partie, de revenir aux définitions et fondements de l’éducation thérapeutique, et de voir en quoi la méthodologie des travaux présentés précédemment, peut, dans certains cas, se placer en contradiction avec les principes de la démarche d’éducation.

L’éducation thérapeutique : différentes définitions

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Il existe plusieurs définitions de l’éducation thérapeutique. La définition de l’Organisation Mondiale de la Santé, en 1997, est la suivante : « L’éducation thérapeutique permet d’aider les patients à acquérir ou à maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leurs vies avec une maladie chronique. Elle fait partie de façon intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient. Elle comprend des activités organisées, y compris un soutien psychosocial,

conçues pour rendre les patients (ainsi que leurs familles) conscients et informés de leur maladie, des soins, de l’organisation et des procédures hospitalières, et des comportements liés à la santé et à la maladie. Ceci a pour but de les aider à comprendre leur maladie et leur traitement, collaborer ensemble et assumer leurs responsabilités dans leur propre prise en charge, dans le but de les aider à maintenir et à améliorer leur qualité de vie » [15]. Cette définition a ensuite été reprise par la Haute Autorité de Santé en 2007 dans son guide méthodologique élaboré pour la structuration d’un programme d’éducation thérapeutique [16,17]. Par la suite, la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires de juillet 2009 a inscrit l’Education Thérapeutique dans le code de santé publique. Elle stipule, dans l’article L.1161-1 que « L’éducation Thérapeutique s’inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie. » Pour sa part, l’article L.1161-3 stipule que « les actions d’accompagnement font partie de l’éducation thérapeutique. Elles ont pour objet d’apporter une assistance et un soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie » [18]. Finalement, donner une définition courte de l’éducation thérapeutique du patient n’est pas aisé, mais l’on peut reprendre celle de Brigitte Sandrin-Berthon qui suggère qu’il s’agit d’aider les patients « à prendre soin d’eux-mêmes, en favorisant leur implication dans les choix et les actions relatives à leur santé » [19].

L’éducation thérapeutique : ses fondements La relation soignant–soigné Au travers de ces différentes définitions, il apparaît que l’un des fondements de l’éducation thérapeutique est la mise en place d’une relation soignant–soigné de qualité favorisant la création d’une alliance thérapeutique. C’est ainsi que Lecorps précise que « l’éducation du patient n’est rien d’autre qu’un projet partagé dans une dynamique progressive d’échanges et d’écoute. C’est l’autre qui sait où il peut aller, nous ne pouvons que l’aider à explorer les voies qu’il peut emprunter » [20]. C’est également dans ce sens que, pour B. Sandrin Berthon, « la démarche éducative est centrée sur le patient ou, plus précisément, sur la relation entre le soignant et le patient » et que « c’est surtout une relation d’équivalence qui permet un vrai partenariat » [21]. Il s’agit donc « d’aider le patient à prendre du pouvoir et pour cela, l’éducation thérapeutique nécessite, de la part du soignant, un changement de posture et un changement de rapport au savoir médical » [22]. Ce dernier point implique une formation et un apprentissage de la part des soignants. Or, dans les différents travaux réalisés dans l’évaluation des actions d’éducation thérapeutique, la formation des animateurs des séances d’éducation n’est pas précisée. Une véritable relation de partenariat a-t-elle été instaurée avec les

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Comment permettre l’implication du patient ? C’est l’un des enjeux du diagnostic éducatif ou bilan éducatif partagé. Nous préférons le terme de bilan éducatif partagé, car, comme l’indique Sandrin-Berthon : « Le terme de bilan éducatif partagé correspond mieux au travail que les soignants ont à entreprendre avec les patients dans le cadre d’une démarche d’éducation thérapeutique : il s’agit, à chaque rencontre, d’évaluer avec le patient où il en est, puis de convenir de ce qui pourrait éventuellement l’aider à mieux prendre soin de lui » [23]. Ce bilan éducatif partagé peut être défini comme « la première étape de la démarche d’éducation qui permet d’appréhender différents aspects de la personnalité du patient, d’identifier ses besoins, d’évaluer ses potentialités, de prendre en compte ses demandes dans le but de proposer un programme d’éducation personnalisé » [24]. Il doit, selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé permettre de « définir un programme personnalisé d’éducation thérapeutique du patient avec priorités d’apprentissage » [16,17]. Ainsi, « il faut partir de ce que la personne est, croit et veut : il faut tenir compte du patient, de son environnement, de ses croyances, de ses représentations, pour identifier avec lui, ses priorités et ses objectifs en matière de d’amélioration de sa santé » [25]. Or, l’un des principes méthodologiques des différents travaux présentés précédemment est la randomisation. Ainsi, les patients ne sont pas orientés vers l’un ou l’autre des groupes après la réalisation d’un bilan éducatif partagé mais après tirage au sort. On peut ainsi se poser la question de la pertinence de l’évaluation des actions éducatives proposées à un ensemble de patient, sans individualisation ni personnalisation. Peut-on encore parler d’éducation thérapeutique ? L’intégration de l’éducation thérapeutique au parcours de soins du patient, tout au long de sa vie Cette notion d’approche éducative permanente est précisée dans le rapport sur l’éducation thérapeutique publié par le Haut Conseil de la Santé Publique en décembre 2009 [26]. Il mentionne que l’éducation thérapeutique est considérée comme intégrée aux soins notamment lorsqu’elle est permanente, et

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qu’elle s’inscrit dans une prise en charge globale du patient. Par ailleurs, ce rapport insiste sur la nécessité qu’elle fasse l’objet d’une coordination entre soignants et qu’elle soit accessible à tous les patients. Il est aussi primordial qu’elle soit ancrée dans la relation soignant–soigné, centrée sur les patients et non sur les contenus des programmes, et qu’elle s’appuie sur une évaluation partagée de la situation, prenant en compte les besoins et les attentes des patients dans leurs dimensions physiques, psychologiques, culturelles et sociales. Or, dans les travaux souhaitant évaluer l’efficacité de l’éducation thérapeutique, les actions éducatives sont proposées aux patients en plus de leur suivi médical habituel : elles ne sont pas intégrées dans une stratégie de prise en charge globale du patient. Là encore, se pose la question de la pertinence de ces évaluations. De plus, les recommandations de la Haute Autorité de Santé précisent que « le diagnostic éducatif doit être actualisé régulièrement et systématiquement lors de la survenue d’un élément nouveau » [16,17]. Quel est alors l’intérêt de vérifier qu’une action éducative menée quelques semaines, mois ou années auparavant est toujours aussi efficace, dans la mesure où la démarche éducative préconise que cette même action soit en permanence ajustée aux besoins du patient, qui peuvent évoluer au cours du temps ? Une prise en charge globale des patients Enfin, les différentes définitions proposées précédemment, insistent sur la prise en charge globale du patient, et notamment sur la prise en charge de la dimension psychosociale. En effet, « l’individu est une trinité avec un moi biologique, un moi rationnel, et un moi émotionnel et relationnel » [27] et si l’acquisition des compétences d’auto-soin est importante, « la composante psycho émotionnelle et sociale ne doit pas pour autant être négligée » [27]. Les objectifs de l’éducation thérapeutique ne sont pas seulement biocliniques, ils intègrent aussi, selon la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé, à la « qualité de vie » [15]. L’hémoglobine glyquée est une variable biologique dont les variations dépendent de multiples facteurs, en interaction les uns avec les autres : facteurs biocliniques, thérapeutiques, psychologiques, sociaux, relationnels. Même si l’éducation thérapeutique peut avoir un impact sur le taux de l’HbA1c, elle ne peut à elle seule en expliquer toute l’évolution. Plusieurs travaux mettent en évidence l’importance d’une prise en compte des différents facteurs individuels et sociaux : soutien social, dimension cognitive, capacités d’adaptation, ou encore attitudes face à la maladie [28]. Les différentes études présentées dans la première partie sont hétérogènes en ce qui concerne les critères choisis comme témoins de l’efficacité des actions éducatives. Si l’ensemble des études prennent en compte l’HbA1c comme variable dont la baisse témoigne d’une efficacité de l’action éducative, certai-

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patients ? Ou s’agit-il plutôt d’un mode relationnel basé sur la transmission de connaissances ? Ces éléments seraient importants à prendre en compte, afin de s’assurer d’évaluer de véritables séances d’éducation thérapeutique, et non pas des sessions d’information. En effet, si l’on revient à ses différentes définitions, on comprend que la notion d’éducation thérapeutique diffère de celle du conseil ou de l’information des patients. Ainsi, « le conseil est centré sur celui qui le délivre » et il « a des chances d’être appliqué s’il ne vient pas trop bousculer la façon de penser et d’agir du patient » [21]. Cette attitude implique que « le patient est ainsi maintenu dans une attitude relativement passive » [21] et ne favorise pas l’implication du patient dans le choix des actions influençant sa santé.

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nes y ajoutent d’autres paramètres biocliniques tels que le poids, la pratique d’une activité physique, la pression artérielle, ou le bilan lipidique, comme c’est le cas dans la méta-analyse de la Cochrane [8] ou encore dans l’étude Look AHEAD [4] ou de l’IDMPS [29]. En ce qui concerne l’action éducative elle-même, le critère principal le plus souvent retenu est l’acquisition de connaissances cognitives. Beaucoup plus rarement sont analysés la qualité de vie, l’empowerment, le degré de satisfaction des patients et les compétences acquises [12]. Seules certaines études, les plus récentes, s’intéressent aussi à l’évolution de marqueurs du registre psychosocial, tels que le sentiment d’auto-efficacité dans le travail de Sperl-Hillen et al. en 2011 [10] ou encore les croyances liées à la maladie ou l’impact du diabète sur un plan émotionnel dans les études DESMOND de 2008 et 2012 [5,6]. La santé globale du patient, sa perception de sa santé et de sa qualité de vie, mais également certaines comorbidités comme l’existence d’un syndrome dépressif, ne sont des éléments pris en compte que par certains travaux, notamment Rickeim et al. en 2002 [9], Sperl-Hillen et al. en 2011 [10] et les études DESMOND en 2008 et 2012 [5,6]. Vouloir mesurer les effets de l’éducation thérapeutique sur le seul critère biologique de l’HbA1c, comme cela est trop souvent fait en première approximation, n’est donc pas pertinent.

Conclusion Une méthodologie non adaptée à l’évaluation de la démarche éducative L’éducation thérapeutique est donc devenue indissociable de la prise en charge globale du patient diabétique de type 2. Par ses valeurs, ses fondements et ses principes, elle permet d’aider le patient à mieux prendre soin de lui-même. Vouloir démontrer l’efficacité de l’éducation thérapeutique par la seule évolution de l’HbA1c au sein d’études ne respectant pas les fondements de cette approche (individualisation de la prise en charge, intégration aux soins, permanence, prise en compte des facteurs psychosociaux, de la qualité de vie individualisée. . .) est largement insuffisant et l’un des enjeux actuels est de réfléchir à une forme d’évaluation qui, en complémentarité des études quantitatives, contrôlées et randomisées, permettrait de mieux

rendre compte des principes de la démarche éducative. Certains travaux présentés précédemment se sont intéressés à l’évaluation de critères qualitatifs, sans pour autant effectuer une recherche qualitative. C’est le cas des deux études DESMOND [5,6] qui ont inclus dans leur évaluation l’évolution des croyances sur la maladie, la qualité de vie, les symptômes dépressifs, l’impact émotionnel du diabète. Rickheim et al. [9] ont également intégré la notion de qualité de vie, Sperl-Hillen et al. [10] y ont associé et la perception globale de la santé, les difficultés liées au diabète et le sentiment d’auto-efficacité. Dans une autre étude de Sarkadi et al., de 2005 [30] les auteurs s’intéressent également à des variables qualitatives et arrivent à la conclusion que plus les patients considèrent avoir un rôle actif dans la prise en charge de leur maladie, meilleur est le contrôle métabolique du diabète. Le travail de Peel et al. publié en 2007 rend compte, lui, d’une véritable recherche qualitative [30]. Dix-huit entretiens approfondis ont été menés auprès de patients diabétiques de type 2, dont le diabète évoluait depuis plus de quatre ans. Ils ont été écoutés sur la poursuite de l’auto surveillance glycémique sur le long terme, et les facteurs qui influençaient le choix de poursuivre ou non l’auto surveillance. Il est apparu que les patients avaient tendance à abandonner l’auto surveillance au fil du temps, notamment parce qu’ils ne pouvaient pas apporter de réponse à des chiffres glycémiques élevés. Ces informations n’auraient pas pu être transmises avec une approche quantitative pure.

L’approche éducative fondée sur la qualité de la relation soignant/soigné : une obligation « d’humanité » pour tous les soignants Il est ainsi essentiel, à l’avenir, d’intégrer cette méthodologie qualitative dans l’évaluation de l’impact des actions éducatives, afin d’y faire apparaître d’autres dimensions que l’évaluation des critères biocliniques et dans le but d’améliorer en permanence ce qui doit être aujourd’hui considéré comme une obligation « d’humanité » dans les soins apportés aux patients : une démarche éducative fondée sur la qualité de la relation soignant/soigné. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Comple´ment e´lectronique disponible sur le site Internet de La Presse Médicale (http://www. em-consulte.com/revue/lpm) Tableau I Principales caractéristiques de 11 travaux publiés dans le domaine de l’éducation thérapeutique dans le diabète de type 2

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Références

Mise au point

Prise en charge du diabe` te de type 2