J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 7, 739-742 © Masson, Paris, 2005.
COMMUNICATION DE LA SFO
Pronostic chirurgical respectif du syndrome de traction vitréomaculaire et de la membrane épimaculaire idiopathiques A.-C. Gribomont Cliniques Universitaires Saint Luc, Université Catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique. Communication présentée au 109e congrès de la Société Française d’Ophtalmologie en mai 2003. Correspondance : A.-C. Gribomont, Service d’Ophtalmologie, Cliniques Universitaires Saint Luc, Avenue Hippocrate, 10, B1200 Bruxelles, Belgique. Reçu le 08 octobre 2003. Accepté le 23 mars 2004. Surgical prognosis in idiopathic vitreomacular syndrome and epimacular membrane A.-C. Gribomont J. Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 7: 739-742 Introduction: The natural history shows less progression for epimacular membrane than for vitreomacular traction syndrome. We tested the hypothesis that the surgical prognosis in idiopathic cases is also better for epimacular membrane. Methods: This retrospective study investigated a consecutive series of 63 epimacular membrane cases (group I) and 25 vitreomacular traction syndrome cases (group II) that were operated on and followed up for a minimum of 6 months. Eyes that had undergone previous surgery or had posterior or peripheral retinal lesions were excluded. In bilateral macular surgery cases, only the first eye was included. The outcome measures were far and near visual acuities preoperatively and 6 months after surgery, taking into account the crystalline lens condition, the incidence of retinal tears, detachments, and epimacular membrane recurrences. Results: At 6 months, if the lens was stable or operated on, the visual acuity showed at least a two-line improvement in 100% of the cases (12/12) in group I, and 60% (3/5) in group II. The incidence of retinal detachment and tears was 1.5% (1) and 1.5% (1), respectively, in group I, and 8% (2) and 4% (1), respectively, in group II. Recurrence of an epimacular membrane was observed in 6% of the cases (4) in group I and 8% (2) in group II. Discussion and conclusion: In idiopathic cases, the absence of preoperative vitreomacular adhesion seems to carry a better surgical prognosis for epimacular membrane than vitreomacular traction syndrome.
Key-words: Vitreomacular traction syndrome, epimacular membrane, surgical prognosis. Pronostic chirurgical respectif du syndrome de traction vitréomaculaire et de la membrane épimaculaire idiopathiques Introduction : Non traitée, la membrane épimaculaire progresse moins que le syndrome de traction vitréomaculaire. Nous testons l’hypothèse que le pronostic chirurgical, dans les formes idiopathiques, est également meilleur pour la membrane épimaculaire. Méthodes : L’étude rétrospective comporte une série consécutive de 63 membranes épimaculaires (groupe I) et 25 syndromes de traction vitréomaculaire (groupe II) opérés avec un suivi d’au moins 6 mois. Sont exclus les yeux avec antécédent chirurgical ou lésions rétiniennes postérieures ou périphériques. Si les 2 yeux sont opérés, seul le premier est étudié. Les paramètres analysés sont l’acuité visuelle de loin et de près, pré-opératoire et à 6 mois en tenant compte du cristallin, de l’incidence des déchirures et décollements de rétine et des récidives de membrane épimaculaire. Résultats : À 6 mois, si le cristallin est stable ou opéré, l’acuité visuelle augmente d’au moins 2 lignes de loin et de près dans 100 % des cas (12/12) pour le groupe I et 60 % des cas (3/5) pour le groupe II. L’incidence du décollement de rétine et des déchirures est respectivement de 1,5 % (1) et 1,5 % (1) dans le groupe I et 8 % (2) et 4 % (1) dans le groupe II. Celle des récidives de membrane épimaculaire est de 6 % (4) dans le groupe I et 8 % (2) dans le groupe II. Discussion et conclusion : Dans les cas idiopathiques, l’absence d’adhérence vitréomaculaire pré-opératoire semble déterminer un meilleur pronostic chirurgical pour la membrane épimaculaire que pour le syndrome de traction vitréomaculaire.
Mots-clés : Syndrome de traction vitréomaculaire, membrane épimaculaire, pronostic chirurgical.
INTRODUCTION Le terme « syndrome de traction vitreo-maculaire » (STVM) a été utilisé dans la littérature pendant de nombreuses années sans qu’il ne signifie une entité clinique parfaitement définie. Avant l’ère de la tomographie en cohérence optique (OCT), le diagnostic de cette maculopathie ne pouvait être posé avec certitude qu’en peropératoire. Smiddy et al. [1] furent les premiers à identifier chirurgicalement le STVM et à le définir comme un décollement postérieur du vitré (DPV) partiel, avec adhérence maculaire d’une hyaloïde postérieure épaissie, et parfois une membrane épimaculaire (ME) sousjacente. Cette définition montre donc que le diagnostic différentiel entre la ME et le STVM se fait en observant la relation entre la hyaloïde postérieure et la macula, soit au cours de l’intervention chirurgicale, soit, à l’heure actuelle, grâce à l’OCT [2]. Il semble que l’évolution spontanée du STVM soit moins favorable que celle de la ME non seulement en raison d’une traction vitréomaculaire persistante et progressive, mais aussi en raison d’un œdème maculaire cystoïde (OMC) fréquemment associé [3]. La présence constante et prédominante de myofibroblastes dans les prélèvements réalisés au cours de la chirurgie du STVM pourrait au moins en partie expliquer, du fait des propriétés contractiles de ces cellules,
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le caractère évolutif du STVM [4]. Le but de cette étude est de tester l’hypothèse selon laquelle, à l’image de l’évolution spontanée, le pronostic chirurgical du STVM est moins favorable que celui de la ME dans les formes idiopathiques de ces deux maculopathies.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
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Cette étude rétrospective porte sur une série consécutive de 88 yeux opérés par le même chirurgien et présentant un STVM ou une ME idiopathiques. Ont donc été exclus tous les yeux ayant un antécédent de chirurgie ou d’inflammation intraoculaires, et les yeux avec une déchirure ou un décollement de rétine, déjà traités ou non. Le diagnostic différentiel définitif entre STVM et ME a été posé au cours de l’intervention. Seuls les cas avec un suivi post-opératoire d’au moins 6 mois ont été retenus, et seul le premier œil opéré a été inclus dans la série en cas de chirurgie bilatérale. Le groupe I comporte 63 cas de ME idiopathique et le groupe II 25 cas de STVM idiopathique. Afin d’analyser le pronostic chirurgical en termes de résultat fonctionnel, mais aussi de risque de complications rétiniennes, plusieurs paramètres ont été étudiés. L’acuité visuelle de loin (AVL) sur l’échelle de Snellen, et l’acuité visuelle de près (AVP) sur l’échelle de Parinaud ont été mesurées en pré-opératoire et 6 mois après l’intervention. Le cristallin a été évalué au biomicroscope en pré-opératoire et à 6 mois, puis classé dans l’une des 3 catégories suivantes : absence de cataracte ou absence d’évolution de celle-ci, sclérose nucléaire progressive, phakoémulsification réalisée dans l’intervalle. Les complications rétiniennes survenues en peropératoire ou dans les 6 mois suivant la chirurgie ont été prises en compte : survenue d’une déchirure ou d’un décollement de rétine (DR), récidive cliniquement significative (c’est-à-dire pour laquelle une reprise chirurgicale a été proposée) d’une ME.
Dans tous les cas, une vitrectomie centrale à 3 voies a été réalisée, suivie dans le groupe II d’un décollement postérieur du vitré au vitrectome, le plus souvent à partir de l’anneau de Weiss. Dans certains cas du groupe II, une ME sous-jacente s’est détachée d’un bloc avec la hyaloïde postérieure. Le pelage de la ME a été effectué en 1 ou 2 étapes, c’est-à-dire avec ou sans pelage de la limitante interne maculaire, le but étant d’obtenir un aspect mat de la région maculaire en fin d’intervention. Aucun colorant n’a été utilisé, et la périphérie rétinienne a été inspectée avec indentation sclérale avant de conclure. Le test exact de Fisher a été employé pour les analyses statistiques des résultats.
RÉSULTATS En pré-opératoire, l’AVL moyenne est de 0,3 dans les deux groupes, variant de 0,05 à 0,7 dans le groupe I et 0,05 à 0,6 dans le groupe II. À 6 mois, l’AVL moyenne est de 0,5 (de 0,05 à 1) dans le groupe I, et de 0,4 (de 0,02 à 1) dans le groupe II. Si on analyse séparément les yeux pour lesquels la cataracte ne doit pas ou peu influencer l’évolution de l’AVL, soit parce que le cristallin est stable, soit parce qu’une phakoémulsification a été réalisée entre-temps, on obtient une AVL moyenne à 6 mois de 0,7 dans le groupe I (sur 12 yeux) et de 0,4 dans le groupe II (sur 5 yeux). Ces différences ne sont pas statistiquement significatives (tableau I). Une amélioration d’au moins 2 lignes de l’AVL et l’AVP est obtenue à 6 mois dans 58 % des cas pour le groupe I et 36 % des cas pour le groupe II. Cette différence est statistiquement significative (p = 0,045). Pour les yeux présentant une sclérose nucléaire progressive au cours du suivi postopératoire, cette amélioration de l’AVL et de l’AVP est observée dans 50 % des cas du groupe I (sur 51 yeux), et dans 30 % des cas pour le groupe II (sur 20 yeux). La différence n’est pas significative (p = 0,11). Pour les yeux dont le cristallin est stable ou remplacé à 6 mois, la même amélioration vi-
Tableau I Acuités visuelles pré- et post-opératoire dans la membrane épimaculaire et le syndrome de traction vitréo-maculaire idiopathiques. Groupe I (MEa) 63 yeux
Groupe II (STVM b) 25 yeux
0,3 [0,05-0,7]
0,3 [0,05-0,6]
AVL à 6 mois
0,5 [0,05-1]
0,4 [0,02-1 ]
AVL à 6 mois si cristallin stable ou remplacé
0,7 (12 yeux)
0,4 (5 yeux)
AVLc préopératoire
a : membrane épimaculaire ; b : syndrome de traction vitréomaculaire ; c : acuité visuelle de loin.
Vol. 28, n° 7, 2005
Pronostic du syndrome de traction vitréomaculaire et de la membrane épimaculaire idiopathiques
suelle est obtenue dans 100 % des cas pour le groupe I (sur 12 yeux), et dans 60 % des cas pour le groupe II (sur 5 yeux). La différence approche la signification statistique (p = 0,07) (tableau II). Une déchirure rétinienne est survenue dans un cas pour chaque groupe, et un DR dans 1 cas du groupe I et 2 cas du groupe II. La récidive cliniquement significative d’une ME est apparue dans 4 cas (6 %) du groupe I et 2 cas du groupe II (8 %).
DISCUSSION Cette étude montre l’analyse du résultat fonctionnel de la chirurgie du STVM et de la ME idiopathiques en termes d’amélioration d’au moins 2 lignes de l’AVL et AVP à 6 mois ; ce résultat est significativement meilleur pour la ME. La différence entre les deux maculopathies étudiées semble encore plus grande si on tente de neutraliser l’effet péjoratif de la progression de la cataracte en ne retenant que les yeux dont le cristallin est stable ou remplacé. L’amélioration visuelle survient dans 100 % des cas pour la ME et dans 60 % des cas pour le STVM. L’analyse statistique des résultats par le test exact de Fisher montre toutefois que la différence ne fait qu’approcher la signification statistique (p = 0,07). On peut néanmoins conclure qu’il y a une tendance à un meilleur résultat fonctionnel pour les ME, comparativement au STVM. Le caractère rétrospectif de cette étude et la taille relativement réduite de la population étudiée limitent la portée des résultats obtenus. Toutefois, elle est la première, à notre connaissance, à comparer le pronostic chirurgical de cas strictement idiopathiques de STVM et ME. Nous avions publié en 1997 une étude comparative iden-
Tableau II Amélioration de l’acuité visuelle en post-opératoire dans la membrane épimaculaire et le syndrome de traction vitréomaculaire idiopathiques. Pourcentage d’yeux avec amélioration d’au moins 2 lignes de l’AVLc et AVP d à 6 mois
Test de Fisher
Groupe I (MEa)
Groupe II (STVMb)
Groupe total
58
36
p = 0,045
— sous-groupe « cristallin stable ou remplacé »
100
60
p = 0,07
— sous-groupe « sclérose nucléaire progressive »
50
30
p = 0,11
a : membrane épimaculaire ; b : syndrome de traction vitréomaculaire ; c : acuité visuelle de loin ; d : acuité visuelle de près.
tique, portant sur 26 cas seulement (non repris dans la présente étude). Toutefois, le diagnostic différentiel entre STVM et ME était moins précis en raison de l’absence d’une note systématique sur la relation vitréomaculaire dans le compte-rendu opératoire. Aucune différence de pronostic chirurgical entre les deux maculopathies n’avait alors été démontrée [5]. Le résultat du traitement chirurgical du STVM et de la ME est uniformément favorable dans la littérature [1, 5-8]. D’autres auteurs ont abouti avant nous à la conclusion que le pronostic, en particulier fonctionnel, est moins bon pour la chirurgie du STVM que celle de la ME, mais leurs études ne sont pas comparatives [9, 10]. Les complications rétiniennes sont rares dans cette étude. L’observation systématique avec indentation sclérale de la périphérie rétinienne en fin d’intervention contribue à dépister les déchirures et DR peropératoires de manière très précoce, et à limiter la transformation d’une déchirure peropératoire en DR postopératoire. Le pelage de la région maculaire jusqu’à obtention d’un aspect mat, c’est-à-dire le pelage complémentaire de la limitante lorsque celle-ci donne un reflet brillant persistant à la macula, explique peut-être le faible taux de récidive d’une ME. Notons cependant que cette définition de la récidive d’une ME est restrictive, puisque ne sont prises en compte que les récidives suffisamment manifestes pour qu’une reprise chirurgicale ait été proposée. Dans la littérature, le taux de complications observé est très variable. Mc Donald et al. [6] rapportent un taux de déchirures de 20 % et un taux de récidive d’une ME dans 40 % des cas sur une série de 20 cas de STVM. Rouhette et Gastaud [8], en revanche, présentent des chiffres plus en rapport avec ceux obtenus dan cette étude : 7 % de déchirures, 3 % de DR (1 cas), et 17 % de récidive d’une ME sur une série de 29 cas de STVM [8].
CONCLUSION Le STVM idiopathique présente un pronostic chirurgical moins favorable que celui de la ME idiopathique. Le caractère plus évolutif du premier, probablement en rapport avec l’adhérence vitréomaculaire persistante et progressive fréquemment associée à un OMC, pourrait expliquer la différence observée dans cette étude. Ces résultats nous incitent à proposer la chirurgie de manière précoce dans le STVM, même si la gêne subjective reste modérée à ce stade. En revanche, la chirurgie de la ME idiopathique ne doit être envisagée, à notre avis, que si le patient juge son déficit visuel handicapant. En effet, les ME idiopathiques peu ou pas symptomatiques restent le plus souvent stationnaires et l’observation simple est indiquée.
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Désormais, l’OCT permet de faire dans tous les cas le diagnostic différentiel entre ces deux maculopathies avant de proposer un traitement.
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