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Medecine et Maladies Infectleuses. 1977 • 7 • 2 • 77
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Sur 174: cas de tetanos au C. H. U. de Caen. StaUstiques et portes d'entree· par C. LECACHEUX** et C. BAZIN**
De 1966 d 1975, la nwyenne annuelle des cas de tetanos admis au C.B.V. de Caen a ete de 17. C'est au cOW's de c.es deux dernieres annees que se situent les nombres extremes, avec 27 cas en 1974 et seulement 1.1 en 1975. On n' ose encore esperel' que la faible quantite de cas enregistres l' annee derniere soit le l'esultat d'une incessante propagande en faveur de la vaccination antitetanique.
STATISTIQUES DE 1966 A 1975 Durant ces dix dernieres annees, sur 174 tetanos, il y a eu 14.0 guerisons et 34 deces, ce qui donne un pourcelltage de mortalite de 19,5 %. L'intensite de la maladie et l'age du teLanique Clant les deux eIem<:nts importants du pl'Onostic, c'est a eux que 1'0n se rHere pour apprecier les resultats.
-
Tetanos du premier degre : 37 cas, soit 21 %. Tetanos du cleuxieme degre: 109 cas, soit 62
-
%.
Tetanos du troisieme degrc : 28 cas, soit 16
%.
L'age s'est reparti de la ragon suivante : Malades ages de 70 ans ou plus : 61 I 146 Malades ages de 50 a 69 Vl1S 85 \ Malades ages de moins de 50 ans : 28.
L'intensite de la maladie est jugee selon les criteres proposes par P. Monaret et exprimes en trois degres de gravite croissante ainsi dennis :
TABLEAU I
Statistique de 1966 il 1975.
Premier degre ; 1er degre
Ann4&
Nombre de 'cae
1966
23
8
10
5
2
8,5
1907 19011
17
11
17 20
17
Deuxieme degre :
1970
Formes aigues generalisees, justifiant la tracheotolIlie et les sedatHs a doses elevees.
1971 1972
1.4 15 14
2
0
1973
21
10
197" 1975
27
J 0 2
J 2 2 1 0 0 2
3
1969
J J 4 2 4
17 6
3
Tctal
174
37
109
28
Tetanos localises ou £rustres, ne necessitant que des doses moderees de sedatifs. N' ayant ni dysphagie,ni troubles respiratoires, ni crises paroxystiques, ces malades ne sont pas tracheotomises.
Tl'oisieme degl'e : Tetanos gravissimes avec paroxysmes nombreux et intenses, 'Par£ois subintrants. Ces formes, bien souvent au-dessus des moyens therapeutiques usuels, peuvent encore necessiter I'emploi du ~urare lorsque l'age du malade Ie permet. Dans nos 174 cas, les degl'es de gravite se sont repartis ainsi (tab1. I) :
11
10
11 11 11
36me degre
"
D6clls pouroentage de mcrtalit6
"
3 4 0
f. ~
~
17 " 28 ."
o ."
7
50
~
"
19 11
~
"
;30 "
3
34
~
19 5 '1>
REPARTITION DES DECES Selon I'age -
* Accepte Ie
25-11-1976. ** Clinique Medicale C (Prof. Villey), C.H.U. COtede-Nacre, 14 Caen.
15
26me degre
-
Malades ages de 70 ans ou plus : 18 deces, soit une mortalite de 29 %. Malades ages de 50 it 69 ans : 14 dcces, soit une mortalitc de 16 %. Malades ages de moins de 50 8IlS : 2 deces, soit une mortalite de 7 %. 77
Selon Ie degre de gravite de la maladle -
Tetallos du premier degrl~ : 1 deces, soit une mortalite de 3 %. TetalloS du deuxicme degre 13 deccs, soil une mortalite de 12 %. Tetanos du tl"Oisicme degre 20 deccs, soit une mortalite de 71 %. ANALYSE DES DECES
Tetanos du troisieme degre Parmi les 20 deccs des tetanos du troisicme degre, 17 ant ete la consequence direcLe de la maladie, Les paroxysmes subintrants, non controlespar les sedatifs, ant entraine Ia mort. Celle-ci est survenue Ie plus souvent au cours de la premiere au de la deuxieme semawe de la maladie. Dans un cas la mort s'est produite Ie deuxicme jour de l'hospitalisation. Parmi ces 17 malades, 3 avaient un diabcte dont un avec une gangrene des membres inferieurs, porte d'entree du tetanos; un malade avait une arythmie par fibrillation aUl'iculaire; dans trois cas Ia porte d'enU'ee clait nne injection intramusculaire de phenylbuLazone. Les trois autres deces sont a meUre sur Ie compte de Ia reanimation : une malade est morte au 396 jour d'une hemorragie digestive due ,iI. une perforation du bas resophage pal' Ia sonde gastrique; une autre malade a fait un arret cardiaque au CaUl's d'une aspiration tracheale; la cause du troisieme decca a ete une bronchopneumonie qui a entraine la mort au 44" jour de l'hospitaliaation.
Tetanos du premier degre Le deces au cours d'une forme du premier degrc de la maladie s'est produit au 4" jour de l'hospitalisation. Une emholie pulmonaire massive a entraine la marl suhite d'une malade de 62 ans. Elle n'avait pas encore re.~u de traitement pal' les anticoagulants dans Ill. crainLc de la necessite d'une tracheotomie. Depuis cet accident, qui date de 1967, les anticoagulants sont mis en route precocement; dans les cas au la tucheotomie ne s'impose pas d'emblee, c'est l'Heparine, facile a neutraliser en cas d'intervention urgente, qui est tltilisee. Les sujets presentant des tales: lnsuffisancc respil'aloire chronique, asthme, insuffisance cardiaque, pOl'teurs de pace-maker, diabete, etc., supportent difficiIement les s('rvitudes de la lourde reanimation qu'implique un tetanos grave, de meme que les malades ages. Les deces tardi£s, apres la periode aigue ou apres In guerison de Ill. maladie, sont assez nomhreux puisque, parmi les 34 deces, Ill. mort est survenue 11 fois apres trois semaines d'evolution. Taus ces rnalades saLlf Ull (68 ans) avaient plus de 70 ans. PORTES D'ENTREE DU TENANOS De 1966 a 1975, les partes d'enll'ee se sont re'parties ainsi -
Aucnn des tetanos de cette aerie n'a ete curarise. Tetanos du deuxieme degre Parmi les 13 malades decedes au CaUl'S d'nn tetanos du deuxicme degre : dans 6 cas la cause de la mort est restee imprecise ; danB 3 cas elle a ete Ie fait du terrain: insuffisance respiratoire chronique, insuffisance cardiaque, cancer du colon sigmo'ide perfore dans Ie troisieme cas. Un malade est decede d'une surinfection pulmonaire au bout de 3 mois d'hospitalisation, apres une periode de cachexie progreaive. Dans un cas de tetanos consecutif a une gangrene des membres in£erieurs chez un diabetique, c'est un pneumothorax qui fut la cause de Ia mort. Un malade a fait un arret cardiaque au cours d 'une aspiration tracheale (2 deces sont done la consequence de cette manreuvre). Enfin une malade est morte duiait d'une £ausse route alimentaire apres I'ablation trap precoce de sa canule de tracheotomie. Parmi ces tetanos du deuxicme degre, deux sont SUl'venus chez des diahetiques ayant une gangrene des memhres in£erieurs.
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-
Blessures 94 cas (15 % de mortalite). Ulceres de jambes : 28 cas (10 % de mortaliLe). Plaies par echardes au epines : 13 cas (15 % de mortalite). Gangrene des membres inferieurs : 8 cas (62 % de mortalite). Portes d'entree diverses : 14 cas (35 % de mortalite) . Portes d'entree inconnues : 17 cas (29 % de mortalite) .
Blessures Les piaies par blessures l'emportent largement sur les autl'es portes d'entree. Plusieurs cas de tetanos sont survenl1S apres des biessUl'es provoquees par les animaux et notamment apres gritfures de lapins. II s'agit, bien SUI', Ie plus souvent de plaies minimes, pour Iesquelles Ie sujet ne consulte pas son medecin et n'est donc pas soumis aux mesures preventives de la maladie. Cependant, parmi les sujets qui se rendent chez Ie praticien, ceux qui re~oivent une serotherapie preventive sans vaccination associee sont nombreux. Parmi les malades atteints de tetanos, 9 avaienL re~u du serum Ie jour de leur blessure. Plusit:nrs avaient eu de nombreuses fois du serum imtitetanique a l'occasion de plaies, sans etre jamais vaccines. Dans un cas, Ie tetanos est survenu malgre Ill. serotherapie preventive et la premiere injection
d'anatoxine. II s'agissait d'une forme gravissime du troisieme degre chez un homme dccedc en 1973, au deuxieme jour de la maladie. La porte d'entree ctait une blessure du pied par un clou rouiIle. La maladie est apparue apres une periode d'incubation de 6 jours. II est pent-etre important, a propos de ce cas, de souligner que Ie blesse avait regu du serum antitetanique it la dose de 1.500 unites et non 3.000 comme il est recommande. L'un des malades aVait regu une injection d'anatoxine sans serotherapie. Dne malade, bien que s'ctant presenlee chez SOil medecin pour nne blessnre, n'avait pas ete Vaccinee car celui-ci pensait que l'asthme dont elle etait atteinte constituait une contre-indication. Ulceres de jambes Les nlccns de jambes representcnt la deuxiemc porte d'entrce de la maladie. II serait opportun que soit indiquee la necessile de la prevention antitetanique au chapitre du traitement des ulceres de jambes, dans les nombreux articles qui leur sont consacres.
Le resume d'une observation de tetanos ayant pour porte d'entree un ulcere de jambe pent etre celui-ci : Mme Boo. Simone, 47 ans, travaille dans unharas. CeUe femme est en bonne sante, mis it part un pelit ulcereit nne jambe pour lequel eHe est traite e par des pommades depnis Ie mois de juillet 1970. Le 16 novembre 1970 eUe entre dans Ie service pour un tetanos aign generalise necessitant la tracheotomie et la ventilation artificielle ; eUe memt subitement Ie 24 novembre au COUl'S d'une aspiration tracheale. Gangrene des membres inferieurs Dans les tetanos secondaires a une gangrene des membres inferieurs, la mortalite est tres Clevee puisqu'on compte 5 deces sm 8 malades. Tous auraient pu etre vaccines, mais Ie vacein a ete oublie ou juge contre-indique it cause du diabete. Portes d'entree diverses Parmi les portes d' entree diverses, les plus originales ont ele les suivantes :
-
abces du lolJe de l'oreille provoque par une boucle d'oreille; cancer du sein ulcere ; vaccination antivariolique effectuee it la cuisse chez un enfant de un an ; corps etranger du nez (morceau de carton), chez un enfant de 3 ans ; tophus ulcere d 'un doigt ; injection LM. de phenylbutazone : 3 cas tres probables ; 3 formes du 3" degre dont deux sont decedees ;
brulmes dans 2 cas ; morsure de chien ; otite chronique avec otorrhee pnrnlente. Mis it 'part les tetanos apres injections inlramusculaires (phenylbutazone dans tous les cas de cette serie) et Ie tetanos ombilical devenu rarissime en France, il n'y a pas de relation entre la gravite de la maladie et sa porte d 'enlree. Les tetanos ayant pour porte d'entree une gangrene des membres inferieurs sont tres graves, mais c'est Ie fait dn terrain plus que celui de Ia maladie. Les telanos cephaliques ont, a tort, une bonne reputation car, s'ils penvent rester localises, ils peuvent tout aussi bien se generaliseI'. TRAITEMENT
Depuis 1966, Ie traitement a subi peu de modifications. Tracheotomie Dans les cas de tetanos des deuxieme et troisieme degres chez l'adulte, la tracheotomie est toujours preferee a !'intubation prolongee qui, a notre avis, n'est pas incliquee chez de tels malades. Seul, l'enfant de 3 ans qui avait presente un tetanos ayant pour 'porte d'entree un corps etranger du nez, a ete intube et branche SUI' un respirateur pendant 3 semaines. Cet enfant a gueri sans sequeUes d'une forme du cleuxi~me degre.
Tous les malades tracheotomises sont ventiles artificieUement. Sedatifs Les seuls sedatifs employes sont Ie diazepam (Valium) et l'amobarbital (Eunoctal). Ce dernier est injecte par voie veineuse directe «a In demande », it raison de 0,25 a 0,50 g par injection et de 0,50 it 2,50 g/24 h dans les tHanos des deuxieme et troisieme degres. Anticoagulants Le traitement par les anticoagulants esl inslitue 12 a 24 heures apres la trac1leotomie. Les antivitllmines K, administrees par Ia sonde gastrique, sont Ie plus souvent employees pour obl.enil' un taux de prothrombine compris enlre 35 et 40 %.
Chez les malacles qui ne sont pas tracheotomises, c'est l'Heparine, facile it neutraliser en cas d'intervention, qui est utilisee a la close de 180 it 200 mg/24 h. Depnis 1966, aucun accident sel'leux imputable au traitement par les anticoagulants n'a ele observe. II n'y a pas eu de deces du fait de Ia mala-
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die thrombo-cmbolique. honnis 1967.
Ie cas signalC en
Gamma-globulines humaines
La plupart dcs tetaniques ont regu, depuis 1972, des gamma-globulincs humainesa raison de 3.000 it 6.000 unites injectees par voie intra-musculaire.
CONCLUSION
II est difficile d'admettre que Ie tetanos existe encore it notre cpo que, alors que la vaccination est d'une efficacite sans dMaut (il n'y a pas de tetanos chez Ie sujet correctemcnt vaccine). De plus, l'immunite acquise est durable puisque Ie vaccin protege 10 ans et probablement 20 ans contre la maladie.
Les autres mesures therapeutiques sont celIes employees dans les services habitnes a III reanimation des tetaniques : nettoyage el mise it plat de la porte d'entree avec extraction immediate d'un eventuel corps etranger, vaccination, alimentation pal' sonde gastrique, nursing, surveillance permanente.
Cette vaccination auodine a pour seulecontreindication l'insuffisance renale chronique. Le Vaccin adsorbe de l'Institut Pasteur, qui permet de Ue hire que deux injections initiales au lieu de trois, sera peut-etre plus facilement accepte pal' la population.
A partir de 1966, l'introduction du diazepam dans Ie traitement du tetanos a permis une reelle amelioration des resnltats, mais les echecs sont encore nombreux dans Ies formes gravissimes du troisieme degre.
II suffirait, apres les premieres vaccinations ohligatoires, si les rappels n'ont pas ete faits taus les 5 ans, de vaccineI' tous les adulles de 40 it 50 ans 'pour voir disparaitre ii. peu pres completement Ie letanos.
RESUME
Le tetanos reste frequent en Basse-Normandie (174 cas hospiLalises it Caen, entre 1966 et 1975). 28 tetanos sont survenus apres ulcere de jambe. Deux tiers des cas surVenns apres gangrene des extnlmiteS sont morts. La severite du pl'onostic tient en grande partie a l'flge cleve des patients. La vaccination des sujets tares ou porteurs de plaies chroniques est imperative. Le traitement curatif s'est peu modifle depuis 1966. Le recoms aux anticoagulants doit litre systematique. Mots-clef: Tetanos.
SUMMARY
Tetanos is still frequent in Normandy (174 cas hospitalized in eaen from 1966 to 1975). 28 cases of Tetanos appeared after a leg ulcer. Two tllirds of the Tetanos caused by gangrene died. The high degree of mortality is due to the advanced age of patients. The vaccination of people with chronique sores is imperative. The treatment has not been modified since 1966. Along with tile treatment, the use Of anticoagUllw!ts is systematic. Key-words: Tetanos (acute).
BIBLIOGRAPHIE 1. Rapports cIu IV· Congl'es International sur Ie Tetanos, Dakar 1975, 2 volumes, Merieux edit., Lyon 1975, 973 pages.
2. VIC-DUPONT V., VACHON F., GIBERT G., TREMOLIERES F" MANUEL C. et GOURSOT G. - Traitement intensif du tetanus aigu generalise de l'aduHe. N01lD. Press. lrl ed., 1976, 5, 31-84 et 811-86.
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