Symptômes dépressifs et douleurs diffuses chez un détenu : penser au déficit en vitamine D

Symptômes dépressifs et douleurs diffuses chez un détenu : penser au déficit en vitamine D

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Psychiatre/Me´ decine interne

Mise au point

Presse Med. 2013; 42: 1565–1571 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Symptômes dépressifs et douleurs diffuses chez un détenu : penser au déficit en vitamine D Michel Cheseaux1, Alice Muselle2, Bruno Gravier2

1. Polyclinique médicale universitaire, service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires, 1008 Prilly, Suisse 2. Département de psychiatrie du CHUV, service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires, 1008 Prilly, Suisse

Correspondance : Bruno Gravier, Département de psychiatrie du CHUV, service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires, site de Cery 1008 Prilly, Suisse. [email protected]

Key points Depressive symptoms and widespread pains in a prisoner. Think on vitamin D deficiency The confinement can lead to an important limitation of sun exposure of the prisoners. This limitation can lead to a deficit in vitamin D, source of diverse disorders. Diffuse pains of members and of joints are the most classics troubles. The association of vitamin D deficiency and psychiatric disorders is frequent but badly known. Even if there is still no evidence indicating a cause and effect relationship between vitamin D deficiency and depressive episodes, the contribution of vitamin D deficiency in the arisen of a depression has to be considered. The treatment of vitamin D deficiency cannot, in itself, constitute a treatment of the depressive disorder but contributes to the improvement of the whole status The psychiatric follow-up remains indispensable, in particular because of the suicidal risk, particularly present in prison.

tome 42 > n812 > décembre 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.01.060

Points essentiels L’incarcération peut conduire à une restriction importante de l’exposition au soleil des détenus. Cette restriction peut conduire à un déficit en vitamine D, source de troubles divers ; les douleurs diffuses des membres et des articulations en sont une des manifestations les plus classiques. L’association entre hypovitaminose D et troubles psychiatriques est fréquente mais mal connue. Même s’il n’existe encore aucune donnée probante indiquant une relation de cause à effet entre déficit en vitamine D et survenue d’épisodes dépressifs, la contribution de l’insuffisance en vitamine D dans la survenue d’une dépression semble devoir être prise en considération. Le traitement de l’hypovitaminose D ne peut, en soi, constituer un traitement du trouble dépressif, mais contribue à l’amélioration d’ensemble du tableau. Le suivi psychiatrique reste indispensable, notamment en raison du risque suicidaire, particulièrement présent en prison.

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Disponible sur internet le : 28 avril 2013

M Cheseaux, A Muselle, B Gravier

Vignette clinique

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Un homme de 28 ans, de nationalité chilienne, vivant en Suisse depuis peu et s’y trouvant sans statut légal a été incarcéré pour vol et séjour illégal dans l’attente de son jugement. La peine de prison encourue était difficile à définir car le détenu restait très vague quant à la gravité de ses délits. Il existait un risque de renvoi au Chili. Dans la prison où il était incarcéré, les détenus ne bénéficient que d’activités restreintes et se trouvent la plupart du temps dans leur cellule, hormis d’une heure de promenade par jour, des activités sportives deux à trois fois par semaine et des entretiens avec différents intervenants. Ce patient était suivi par notre service sur les plans somatique et psychiatrique. Dans son parcours de vie, il mentionnait une incarcération au Chili, six années auparavant, vécue comme traumatisante en raison des abus et des violences subies pendant cette incarcération et du décès de certains de ses amis codétenus. Pendant les entretiens médicaux il était méfiant, apeuré et faisait part d’idées à tonalité persécutoire « les surveillants lui voulaient du mal, on parlait de lui, on le regardait ». Il était facilement interprétatif à l’égard des surveillants, du personnel soignant ou d’autres détenus. Il s’isolait, évitait les lieux de socialisation et la promenade journalière facultative. Il expliquait son retrait par le malaise qu’il ressentait au contact des autres détenus et des gardiens. L’existence d’un vécu traumatique, de reviviscences de son incarcération passée, de flash-back et de cauchemars, et l’évitement de situations lui rappelant son vécu antérieur, inévitablement réactivé par cette nouvelle incarcération faisaient évoquer un diagnostic de stress post-traumatique. Des affects dépressifs, une humeur triste, une anhédonie et des idées suicidaires avec une intensité plus marquée la nuit étaient mis en relation avec ce diagnostic. Le patient a d’abord été traité par un neuroleptique atypique à visée anxiolytique et sédative associé dans un second temps à un antidépresseur noradrénergique et sérotoninergique. Ce traitement antidépresseur a été supprimé et remplacé par un traitement anxiolytique et hypnotique. Il avait des entretiens réguliers dont il semblait tirer profit et investissait bien l’espace thérapeutique qui lui permettait d’évoquer son vécu traumatique. Il demeurait néanmoins méfiant et s’est senti rapidement persécuté. Sur le plan somatique, le patient était vu régulièrement pour des symptômes d’allure fonctionnelle : lipothymie, céphalées, nausées, douleurs abdominales, etc. Trois mois après son incarcération, dans le courant de l’hiver, il présentait de nouvelles douleurs progressives, diffuses des membres et des articulations proximales, sans notion de traumatisme et associées à une faiblesse musculaire relative. Ce nouveau tableau clinique était indépendant de l’activité physique et du cycle circadien dans son intensité et sa survenue. L’examen clinique était non contributif. Le tableau clinique

n’était pas en faveur d’une maladie rhumatismale inflammatoire ou dégénérative. Les soignants ont alors appris qu’il n’était pas sorti de sa cellule depuis quatre mois sans aller en promenade ni aux activités sportives. Le manque d’exposition au soleil faisait suspecter en premier lieu une carence en vitamine D. L’examen biologique confirmait cette hypothèse par un déficit en 25-hydroxyvitamine D3 à 4,1 ng/mL (N = 30–80) associé à une hypocalcémie à 1,9 nmol/L (N : 2,15–2,55). Le diagnostic d’hypovitaminose D était retenu pour expliquer les douleurs musculo-squelettiques avec une probable participation au tableau psychiatrique. Un traitement journalier per os par 1 g de calcium et 800 UI de vitamine D était débuté en l’associant à une prise per os de deux ampoules de vitamine D 300 000 U.I. à un mois d’intervalle. Des conseils d’exposition journalière au soleil via la promenade d’une heure prévue lui ont été également dispensés comme mesure simple d’accompagnement au traitement per os. Après un mois, un contrôle biologique montrait un taux de 25-hydroxyvitamine D3 normalisé à 36,9 ng/mL associées à une diminution des doléances physiques. Sur le plan psychiatrique, la thymie s’était améliorée avec un patient plus serein en entretien et moins interprétatif. Il sortait plus régulièrement en promenade et participait à d’autres activités hors de sa cellule et faisait des efforts pour s’exposer plus souvent à la lumière du jour. Il s’était, de plus lié avec d’autres détenus d’origine chilienne. L’amélioration de son humeur et la diminution des plaintes, des idées suicidaires et de sa méfiance étaient concomitantes de la prescription de vitamine D sans que l’on puisse véritablement établir formellement une relation de cause à effet. Ce patient semblait donc avoir eu un déficit en vitamine D sur carence d’exposition au soleil avec des répercussions physiques et probablement psychiatriques qui ont été améliorées sous traitement spécifique. Il n’était, cependant, pas prouvé que la seule prescription de vitamine D ait été à l’origine de l’amélioration de ce patient qui avait un tableau particulièrement complexe. Celui-ci présentait des symptômes peu spécifiques, psychiatriques et physiques, fréquents lors d’une incarcération. Le déficit en vitamine D a probablement renforcé ses doléances cliniques tout comme le traitement les a atténuées. Le diagnostic de stress post-traumatique semblait expliquer le repli en cellule et certains traits pathologiques. Le retrait en cellule a cependant conduit au manque d’exposition solaire qui lui conduit au déficit en vitamine D et participe aux symptômes physiques et psychiatriques. Les symptômes dépressifs ont ainsi majoré les symptômes consécutifs au stress post-traumatique. Ces deux registres de symptômes sont apparus intriqués et ont pu empêcher de faire le lien entre ceux-ci et le déficit vitaminique et retarder un traitement efficace. L’accompagnement psychiatrique régulier, particulièrement indiqué dans ce cas, a donc été poursuivi jusqu’à la fin de tome 42 > n812 > décembre 2013

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Déficit en vitamine D : physiologie, étiologie, épidémiologie, clinique non psychiatrique Physiologie La principale source de vitamine D, (17 déhydrocholestérol), est la peau à raison de plus de 80 % [1]. Les apports alimentaires sont limités et insuffisants. Les UVB activent le 7 déhydrocholestérol en cholécalciférol vitamine D3, puis le foie l’hydroxyle en position 25 (25-OH-D3). La 25-OH-D3 est stockée dans le foie avec une demi-durée de vie de deux à trois semaines. En cas d’altération hépatocellulaire, l’hydroxylation de la vitamine D est maintenue pendant longtemps. En revanche, les médicaments inducteurs hépatiques peuvent augmenter la clearance de la 25-OH-D3. Enfin, le rein hydroxyle la 25-OH-D3 en position 1 rendant ainsi la vitamine D active en 1,25-(OH)2-D3. Celle-ci est stimulée par la parathormone, l’hypocalcémie, l’hypophosphorémie, l’hormone de croissance, la prolactine et éventuellement par les stéroïdes sexuels. En revanche, cette enzyme est inhibée par l’hypercalcémie, l’hyperphosphorémie et des concentrations élevées de 1,25-(OH)2-D3. Cette synthèse par l’organisme fait que la vitamine D a une action similaire aux hormones et qu’elle possède aussi de nombreux récepteurs dans différents tissus. Elle est transportée par une protéine vectrice, a un site d’action tissulaire où elle agit par liaison à un récepteur nucléaire, tout comme les hormones stéroïdiennes. La vitamine D activée va favoriser l’absorption de calcium et de phosphore dans l’intestin permettant ainsi la minéralisation de l’os. Elle réabsorbe également le calcium au niveau rénal mais sécrète, en revanche, le phosphore.

Cause de l’hypovitaminose D Les causes de l’hypovitaminose D sont résumées dans l’encadre´ 1. Dans le cas de notre patient, une anomalie du cycle entérohépatique n’a pas été recherchée en l’absence de signe clinique d’appel, de même qu’un défaut d’hydroxylation ou une résistance de l’organe cible qui pourrait entraîner un rachitisme par mutation, une hypophosphorémie ou une tubulopathie rénale. Chez celui-ci, la carence en vitamine D semble principalement liée à une diminution des UVB durant l’automne et l’hiver, à un manque d’exposition au soleil, à un phototype foncé riche en mélanine qui atténue l’activité des UVB et à des apports alimentaires insuffisants. Nous n’avons pas objectivé d’influences iatrogènes.

Épidémiologie du déficit en vitamine D Le déficit en vitamine D semble en passe de devenir une préoccupation majeure de santé publique à mesure que les études se multiplient et indiquent son importance [2,3]. tome 42 > n812 > décembre 2013

Encadre´ 1 Étiologie de l’hypovitaminose D Carence en vitamine D : 

diminution de la synthèse de la vitamine D par la peau lors d’une faible exposition à la lumière ; Les UVB sont atténués en automne et en hiver dans les pays au-dessus du 40e parallèle ;



vêtements enveloppants liés au froid qui diminuent la surface cutanée exposée aux UVB ;



phototype foncé contenant une concentration de mélanine plus importante qui diminue la progression des UVB donc la synthèse de vitamine D ;



apports alimentaires insuffisants (présence dans les poissons

gras). Augmentation du catabolisme et diminution de la biodisponibilité de la vitamine D :  métabolisme accentué de la vitamine D par des médicaments : antiépileptique, phénobarbital, rifampicine, antirétroviral hautement actif glutéthimide, millepertuis. . . ; 

anomalie du cycle entérohépatique lors de sprue, d’intolérance

au gluten, et de maladie de Crohn, syndrome néphrotique. Diminution de l’hydroxylation en 25 et 1 de la vitamine D :  insuffisance hépatique, mutation du gène de l’enzyme (25hydroxylase) et l’isionazide peuvent diminuer l’hydroxylation en position 25 ; 

insuffisance rénale (dès une filtration glomérulaire inférieure à

50 mL/min) et le ketonazole en position 1. Résistance de l’organe cible :  hypophosphorémie, tubulopathie rénale et déficit primaire de la minéralisation (rachitisme par mutation).

On estime, par exemple, que 50 % de la population de la Suisse et des pays environnants a une concentration sérique de 25-hydroxyvitamine D (25-OH-D) inférieure à 50 nmol/L, soit la dose nécessaire pour maintenir une santé osseuse et musculaire adulte satisfaisante [4]. Ce phénomène semblerait en voie d’aggravation ces dernières années puisqu’une diminution significative du taux sérique moyen de 25-OH-D est notée dans la population américaine entre deux études nationales menées en 1988–1994, pour la première, et 2001–2004, pour la seconde, avec une augmentation corollaire du taux d’insuffisance en vitamine D [5]. Cette publication relevait une égalisation des taux moyens de 25-OH-D entre les différentes classes d’âge et les sexes entre les deux enquêtes. Elle relevait, en revanche que les fortes carences étaient en plus forte augmentation chez les sujets américains noirs ou d’origine hispanique. La vulnérabilité des sujets âgés reste cependant une priorité pour proposer une supplémentation [6,7].

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l’incarcération, à la demande du patient, mais aussi en raison des plaintes de celui-ci, de ses antécédents et du risque suicidaire qui ne pouvait être exclu.

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La prévalence de la carence en vitamine D (< 20 ng/mL ou 50 nmol/L) est d’environ 36 % chez les hommes âgés de 18 à 29 ans dans une population américaine [8]. Mais on estime maintenant que tous les âges peuvent être également menacés par un tel déficit en raison des nombreux facteurs pouvant affecter la production de vitamine D par la peau : écrans solaires, pollution atmosphérique, et tout ce qui peut limiter l’exposition solaire ou majorer le temps passé à l’intérieur [3,6]. Le déficit en vitamine D semble être un marqueur des modifications du mode de vie. L’incarcération apparaît donc, dans ce contexte, comme un facteur particulièrement déterminant chez un adulte jeune et d’origine hispanique comme notre patient.

Atteintes non psychiatriques De nombreuses pathologies sont mises en relation avec le déficit en vitamine D. Néanmoins, il est important de distinguer dans les études cliniques une simple association d’un lien de cause à effet bien étayé. Les effets extra-osseux de la vitamine D extrapolés à partir de tableaux de carences se retrouvent dans la régulation de la fonction musculaire, la prévention du cancer, la diminution des maladies auto-immunes et psychiatriques et la diminution du risque cardio-vasculaire et infectieux, voire les céphalées tensionnelles [3,9–11].

Clinique douloureuse du déficit en vitamine D : physiopathologie et symptomatologie

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Les douleurs présentées par ces sujets, malgré la fragilité osseuse entraînée par le déficit en vitamine D, ne sont pas des douleurs qui orientent vers une pathologie osseuse typique. Elles s’apparentent à des douleurs musculo-squelettiques non spécifiques, à des douleurs tendineuses, rhumatismales non articulaires ou arthritiques non inflammatoires [12]. Cela peut égarer le diagnostic chez un sujet jeune ayant une activité physique, parfois intense, souvent irrégulière et par à-coups, comme ce peut-être le cas au sein de la population carcérale. Le manque de vitamine D diminue la masse et la force musculaire. Le mécanisme est une diminution de la synthèse de protéines ainsi que l’absorption du phosphate impliqué directement dans la production d’énergie sous forme d’ATP et de créatine phosphate. Plus la carence est importante, plus le déficit en force musculaire, principalement la musculature proximale (cuisses), semble s’accroître. La douleur semble être liée à un changement de la consistance de la matrice osseuse qui devient gélatineuse et entre en contact direct avec le périoste qui est fortement innervé [13]. La déminéralisation peut se manifester par un inconfort osseux global ou isolé par des douleurs musculaires ou articulaires qui peuvent en imposer à tort pour une fibromyalgie [12,14]. À la longue, une carence en vitamine D va être la source d’un hyperparathyroïdisme secondaire qui va résorber l’os afin de maintenir l’homéostasie du calcium. Les conséquences sont

Tableau I Normes de laboratoire pour le dosage de la vitamine D (recommandations de l’Office fédéral de la santé publique de Suisse, 2012) 25-OH-D3 sérique ng/mL Apport normal en vitamine D

nmol/L

>0

> 75

Insuffisance en vitamine D

20–30

50–75

Carence en vitamine D

< 20

< 50

une déminéralisation avec un risque de fracture. Contrairement à l’ostéoporose, l’ostéomalacie peut provoquer des douleurs typiquement reproductibles en appliquant une pression avec le pouce sur le sternum ou la crête tibiale antérieure. Cependant, le mécanisme en jeu dans la survenue de manifestations douloureuses ou leur apaisement par la prescription de vitamine D reste encore peu clair [15]. La carence en vitamine D est donc peu spécifique sur le plan clinique et, tardive sur le plan radiologique. À un stade précoce, une hypovitaminose D est suspectée devant un tableau associant des plaintes musculo-squelettiques non spécifiques, des céphalées et de la fatigue [16]. Le diagnostic est donc retenu sur la base d’un dosage sérique de la 25-OH-D3 (tableau I) qu’il faut penser à pratiquer. Les valeurs du laboratoire peuvent varier en fonction des normes de référence utilisées. Biologiquement, l’hypovitaminose D peut être associée à une calcémie diminuée, une phosphorémie normale ou diminuée, une phosphatase alcaline augmentée, témoins du turnover accru de l’os, et une parathormone pouvant être élevée. Un hyperparathyroïdisme peut se développer dès que la valeur de la 25-OH-D3 sérique est inférieure à 30 ng/mL ou 75 nmol/L. La radiologie standard peut montrer des signes d’hypertransparence osseuse, des fissures perpendiculaires à la corticale appelées stries de Looser-Milkman et des déformations. Un déficit sévère en vitamine D conduit à une ostéomalacie, qui consiste en une déminéralisation de la trame protéique osseuse spongieuse et compacte et conduit à l’accumulation de matrice non minéralisée, appelée ostéoïde, mécaniquement moins résistante. Les manifestations de l’ostéomalacie sont des douleurs osseuses du bassin et des ceintures, une déformation des os longs, une adynamie, une tétanie, des troubles de la marche et un risque de fracture accru [17,18]. Une ostéoporose, diminution de la masse du tissu osseux qui reste normalement minéralisé, est aussi observée. Ces tableaux cliniques constituent déjà un stade avancé.

Clinique psychiatrique de l’hypovitaminose D Les récepteurs à la vitamine D et les enzymes de son métabolisme ont été retrouvés dans différentes parties du cerveau tome 42 > n812 > décembre 2013

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Discussion Cette observation montre à quel point il est important d’avoir une approche globale du patient, associée à une réflexion médico-psychiatrique. La mise en évidence de l’hypovitaminose D chez ce détenu a sûrement facilité l’amélioration de sa situation clinique globale. La supplémentation ne saurait tome 42 > n812 > décembre 2013

cependant constituer le traitement principal du trouble dépressif qui demeure central dans le vécu de ce patient. L’incarcération est venue réactiver un traumatisme du passé qui reste présent avec toute son actualité. La restriction de l’espace et des possibilités relationnelles consécutives à la détention ellemême mettent à mal les mécanismes adaptatifs. Dans ce contexte, la prévention du risque suicidaire reste une exigence. Le suicide en prison peut survenir en l’absence de toute pathologie psychiatrique, il peut faire suite à un bilan existentiel, survenir de manière impulsive, ou être réalisé au décours d’une décompensation psychiatrique, dépressive ou psychotique connue et traitée [34]. Il est donc important de conserver une grande vigilance et d’explorer régulièrement ce risque. Un patient chez qui on diagnostique un déficit en vitamine D, devrait, d’un point de vue purement théorique, s’exposer en sous-vêtement durant environ 20 jours consécutifs à raison de deux à trois heures par jour pour produire 200 000 UI de vitamine D et ainsi recevoir une substitution naturelle par les UVB du soleil. Ce capital lumineux correspondrait à environ une réserve de six mois selon l’étude de Craig A. Elmets, MD [33]. Cette manière de faire reste hypothétique, irréaliste et bien évidemment impossible à proposer en détention. De plus, dans une étude européenne randomisée, il s’est avéré que la substitution orale était nettement plus efficace que la simple recommandation d’exposition solaire [35]. C’est donc cette voie thérapeutique qui sera privilégiée. Deux études ont montré que les apports en vitamine A, B12, C et D ainsi que le calcium et le sélénium sont insuffisants en prison contrairement aux graisses qui sont fréquemment délivrées au-delà des recommandations [36–38]. Nous proposons donc une prise per os journalière de calcium 1 g associée à 800 UI de vitamine D pendant six mois avec une ampoule de 300 000 UI per os à deux reprises en un mois d’intervalle. Il faut cependant rester attentif au fait que la réponse à la supplémentation en vitamine D est variable d’un individu à l’autre. Pour que le dosage soit le reflet d’un état permanent fiable, il faut au moins attendre trois mois avant de refaire une analyse de vitamine D.

Conclusion En prison, comme dans tout autre lieu où l’on soigne, il est important d’avoir une vision globale du patient, de son histoire personnelle mais aussi de son mode de vie. Faire les liens nécessaires entre les symptômes psychiatriques et difficultés somatiques reste essentiel. Le déficit en vitamine D est un problème plus fréquent qu’on ne le pense et souvent oublié. Celui-ci survient d’autant plus que la personne a la peau foncée et que l’exposition solaire est faible. Le risque de développer un déficit en vitamine D peut être évoqué par des observations simples (saison, phototype du patient, surface de peau recouverte et exposition au soleil)

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[19]. De nombreuses études suggèrent une association entre l’hypovitaminose D et certains troubles psychiatriques : dépression, déficits cognitifs et schizophrénie [20–25]. Le taux de 25hydroxyvitamine D3 et de 1,25-dihydroxyvitamine D3 serait significativement plus bas chez les patients avec un trouble psychiatrique que chez les patients témoins, en revanche elle ne montre pas de différence significative entre différentes pathologies (schizophrénie, dépression majeure et éthylisme) [26]. Une étude allemande portant sur 206 volontaires a montré une influence significative de l’hypovitaminose D sur certains traits de la personnalité comme l’extraversion [27]. Les effets saisonniers de la vitamine D sur l’humeur ont également été étudiés par plusieurs auteurs avec l’hypothèse que la vitamine D pourrait affecter la mélatonine, cible de nouveaux médicaments efficaces dans la dépression [28,29]. Une étude norvégienne a comparé le taux de vitamine D et la prévalence de la psychose dans une population d’autochtones et d’immigrants. Elle conclut que, dans la psychose, le taux de vitamine D est, de façon générale, significativement plus bas. Par ailleurs, parmi les immigrants, indépendamment de la psychose, le taux de vitamine D est plus bas que dans la population autochtone avec une prévalence à plus de 80 %. Ces auteurs suggèrent qu’une substitution en vitamine D et en héliothérapie pourrait être proposée dans certains troubles psychotiques [30]. D’autres études ont montré une amélioration des symptômes psychiatriques lors d’un apport en vitamine D [31,32]. Une étude récente [33] est cependant plus péremptoire et relève que la déficience ou l’insuffisance en vitamine D peuvent contribuer au développement de symptômes dépressifs. Les recommandations qui en découlent vont dans le sens d’une attention particulière pour les patients dépressifs qui sont à risque d’une telle déficience en vitamine D comme les détenus peu exposés à la lumière ou les patients âgés. Un dosage systématique de la vitamine D chez les patients dépressifs présentant un tel risque en raison de leur origine géographique ou de leur mode de vie est fortement recommandé. La question de la survenue d’un syndrome douloureux, comme dans notre observation et devant un tableau aussi intriqué, pose la question du diagnostic différentiel avec le diagnostic de trouble somatoforme douloureux venant se surajouter au tableau clinique global. Un tel trouble est souvent peu spécifique, associé à des éléments dépressifs, voire à un vécu de préjudice et peut aussi retarder le diagnostic qui sera étayé par le dosage de vitamine D.

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facilement omises si elles ne font pas l’objet d’un recueil systématique. Le manque régulier de participation à la promenade journalière ou à des activités en plein air constitue ainsi une situation à risque de développer une hypovitaminose D. Les intervenants doivent être attentifs à de tels paramètres avant que des symptômes psychiatriques et physiques peu spécifiques ne s’installent à bas bruit. Même s’il n’existe actuellement pas de recommandation quant à la supplémentation de vitamine D chez les détenus ou, à notre connaissance, en règle générale dans la prise en charge de pathologies psychiatriques, il y a donc lieu d’être prudent chez les détenus qui restent confinés dans leurs cellules et, d’autant plus s’ils présentent des symptômes psychiatriques divers. Une bonne communication entre les agents de détention et le personnel médical psychiatrique et somatique prend ainsi tout son sens. Néanmoins, malgré une première observation, si des

troubles psychiatriques et physiques aspécifiques s’installent progressivement et de manière concomitante, un déficit en vitamine D devrait être recherché plus systématiquement. Une augmentation du temps d’exposition au soleil et la nourriture sont des mesures insuffisantes pour corriger un déficit en vitamine D objectivé et une supplémentation per os doit être proposée en parallèle à un suivi psychiatrique qui doit impérativement être poursuivi. Les déficits en vitamine D, ne peuvent en aucun cas occulter le caractère pathogène en soit de la privation de liberté, ni des histoires personnelles douloureuses et une problématique actuelle insoluble à laquelle il conviendra, en tout temps, de proposer une écoute attentive et professionnelle. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Symptômes dépressifs et douleurs diffuses chez un détenu : penser au déficit en vitamine D

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