Annales de chirurgie 130 (2005) 261–263 http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/
Note technique
Technique de sauvetage peropératoire d’une anastomose œsojéjunale après gastrectomie Peroperative rescue procedure after failure of oesophagojejunostomy following total gastrectomy V. Nitu, H. EL Amrani, J.-C. Ollier, J.-J. Tuech * Service de chirurgie viscérale, CH Mulhouse, 20, rue Laennec, 68100 Mulhouse, France Disponible sur internet le 10 mars 2005
Résumé La fistule de l’anastomose œsojéjunale est une complication grave de la gastrectomie totale. Nous rapportons une technique permettant en peropératoire la conservation d’une anastomose œsojéjunale défectueuse ; cette technique comporte une exclusion de l’œsophage cervical, un drainage transanastomotique, un drainage médiastinal et une jéjunostomie d’alimentation. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Leakage of oesophagojejunostomy is a severe complication of total gastrectomy. We present a technique allowing preoperative preservation of a defective oesophagojejunostomy: this technique involves closure of the cervical esophagus with stapler, double-lumen transanastomotic tube, mediastinal drainage and feeding jejunostomy. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Anastomose œsojéjunale ; Exclusion de l’œsophage Keywords: Esophagojejunostomy; Oesophageal exclusion
La fistule de l’anastomose œsojéjunale est une complication grave de la gastrectomie totale, dont la fréquence est estimée de 4 à 7,5 % [1,2]. Cette complication est responsable d’un taux de mortalité de 30 % [2,3]. Une faute technique associée à des facteurs favorisants sont souvent à l’origine de la fistule [4]. La mise en évidence d’un défaut de l’anastomose peut conduire à en refaire une deuxième plus haut située et donc a priori de réalisation plus difficile. Nous rapportons une alternative technique permettant la conservation d’une anastomose œsojéjunale défectueuse.
* Auteur correspondant. Service de chirurgie viscérale, CHU de Rouen, pavillon Derocque, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France. Adresse e-mail :
[email protected] (J.-J. Tuech). 0003-3944/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anchir.2005.02.013
1. Technique chirurgicale Une gastrectomie totale avec curage ganglionnaire était réalisée pour un adénocarcinome du corps de l’estomac (T2N2 : 8 ganglions métastatiques sur 30) chez une femme de 70 ans sous corticothérapie au long cours pour une polyarthrite rhumatoïde. Une déchirure de la paroi œsophagienne se produisait lors de la dilatation au passage de la bougie de 20 mm. Une recoupe œsophagienne emportant la zone dilacérée était réalisée. Une anastomose œsojéjunale terminolatérale sur une anse en Y de 60 cm était confectionnée par points séparés au niveau du médiastin inférieur. Une épreuve au bleu de méthylène par la sonde œsophagienne mettait en évidence une fuite anastomotique diffuse. Malgré la mise en place de points supplémentaires, la fuite persistait.
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La réalisation d’une deuxième anastomose plus haut située était considérée comme extrêmement aléatoire et donc récusée. Un drainage anastomotique transsuturaire par une sonde à double courant était mise en place du bas vers le haut ; cette sonde pénétrait dans l’anse en Y sur 10 cm en aval de l’anas-
tomose et la portion extradigestive de la sonde était enfouie par des points séroséreux. Une jéjunostomie d’alimentation en aval du pied de l’anse était réalisée ainsi qu’un drainage large du médiastin inférieur. Une exclusion de l’œsophage cervical par agrafage (TA30 agrafes métallique 4,8 mm, Autosuture® France) après repérage du nerf récurrent gauche était effectuée (Fig. 1). Les suites opératoires ont été simples avec une reprise du transit au 8e jour. La reperméation de l’œsophage cervical survenait au 12e jour permettant l’ablation de la sonde à double courant et des drains médiastinaux après contrôle de l’anastomose par un transit opaque aux hydrosolubles au 15e jour (Fig. 2). La durée d’hospitalisation était de 21 jours. Avec un recul de huit mois, la patiente ne présentait aucune symptomatologie œsophagienne et l’anastomose était large et perméable en endoscopie. 2. Discussion
Fig. 1. Technique d’exclusion de l’œsophage pour fuite d’une anastomose œsojéjunale : agrafage de l’œsophage cervical, drainage médiastinal, sonde à double courant transanastomotique, jéjunostomie d’alimentation.
La survenue d’une désunion après gastrectomie totale est une complication sévère, associée à une mortalité élevée, et constituant la première cause de décès après gastrectomie totale [1–4]. Un problème technique peropératoire est souvent à l’origine de ces fistules [4] ; lorsque celui-ci est identifié, la technique que nous rapportons peut permettre de prévenir la survenue d’une fistule tout en conservant la continuité digestive. L’absence de reflux jéjuno-œsophagien permise par la sonde transsuturaire et l’exclusion temporaire du flux salivaire favorisent la cicatrisation de l’anastomose. Du fait de l’exclusion œsophagienne cervicale, les secrétions salivaires peuvent être invalidantes en postopératoire, mais ce pro-
Fig. 2. Transit opaque au 15e jour postopératoire montrant une reperméabilisation œsophagienne et l’absence de fuite anastomotique.
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blème peut être géré par la mise en place d’une sonde courte intraœsophagienne qui est toutefois souvent mal tolérée, ou par un patch transcutané de scopolamine ou l’injection souscutanée d’atropine qui diminuent la sécrétion salivaire. La reperméation de l’œsophage après agrafage sans section œsophagienne se produit spontanément en deux à trois semaines [5–7]. L’utilisation d’agrafes résorbables pourrait être ici indiquée car la reperméation semble plus précoce avec ce type d’agrafes, qui est toutefois moins souvent disponible en urgence. Avec les agrafes métalliques, la reperméation peut prendre jusqu’à 30 jours et nécessiter une dilatation endoscopique [8]. Le traitement de la complication observée aurait pu consister en une deuxième recoupe œsophagienne et la réalisation d’une nouvelle anastomose par voie transhiatale ou par voie thoracique. Ces options n’ont pas été retenues en raison des antécédents et de l’état général de la patiente. Une « exclusion » œsophagienne et anastomotique, telle que nous l’avons réalisée, nous a semblé plus simple, sûre, et moins traumatisante pour la patiente. Cette technique pourrait également être utile dans les fistules constituées quand, en l’absence de péritonite ou de médiastinite sévère, on ne souhaite pas supprimer l’anastomose œsojéjunale (par exemple lorsque le cancer est de mauvais pronostic).
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Références [1]
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