Revue de Pneumologie clinique (2012) 68, 364—366
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CAS CLINIQUE
Thrombose de la veine cave supérieure révélatrice d’un déficit de la protéine S. À propos d’un cas Thrombosis of the superior vena cava revealing a deficiency of the protein S. About one case L. Herrak ∗, N. Amangar , M. El Ftouh , M.T. El Fassy Fihry Service de pneumologie, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc Disponible sur Internet le 17 novembre 2012
MOTS CLÉS Protéine S ; Thrombose ; Veine cave supérieure
KEYWORDS Protein S; Thrombosis; Superior vena cava
∗
Résumé La thrombose de la veine cave supérieure relève de plusieurs étiologies dont le déficit de la protéine S. Elle se manifeste de manière progressive par un syndrome cave supérieur (SCS). Nous rapportons l’observation d’une patiente âgée de 22 ans, sans habitudes toxiques ou d’aphtose bipolaire, qui présentait depuis trois mois un SCS. Les bilans radiologiques et biologiques confirmaient la thrombose de la veine cave supérieure et un déficit isolé de la protéine S pour lequel la malade fut mise sous traitement anticoagulant avec une bonne amélioration clinique et radiologique. À travers cette observation, les auteurs rapportent une étiologie rare de la thrombose de la veine cave supérieure qui est le déficit isolé en protéine S et proposent une revue de la littérature. © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.
Summary Thrombosis of the superior vena cava is attached to several causes including deficiency of the protein S. It occurs gradually by a superior vena cava syndrome. We report a patient aged 22 years, no toxic habits or bipolar aphthosis, which presented for 3 months a superior vena cava syndrome. The radiological and biological assessments confirmed thrombosis of the superior vena cava and a deficit of the protein S for which the patient was put under anticoagulant therapy with good clinical and radiological improvement. Through this observation, the authors report a rare cause of thrombosis of the superior vena cava which is the isolated protein S deficiency and provide a review of the literature. © 2012 Published by Elsevier Masson SAS.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Herrak).
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Thrombose de la veine cave supérieure révélatrice d’un déficit de la protéine S
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Introduction La thrombose de la veine cave supérieure est très souvent satellite d’une néoplasie profonde, surtout le carcinome bronchique à petites cellules, d’une thrombose sur cathéter ou sonde de stimulation ; parfois elle est due à l’extension d’une thrombose du membre supérieur, à une maladie de système ou à une thrombophilie [1].
Observation Il s’agit d’une patiente âgée de 22 ans, sans habitudes toxiques ou d’aphtose bipolaire, qui présentait depuis trois mois une dyspnée d’effort d’aggravation progressive associée à un œdème facial et cervical évoluant dans un contexte d’apyrexie, de sueurs nocturnes et d’amaigrissement non chiffré. L’examen clinique trouvait un œdème en pèlerine, et une télangiectasie sous-mammaire. Le reste de l’examen somatique était normal et les aires ganglionnaires étaient libres. La radiographie thoracique de face trouvait une opacité latérotrachéale droite polycyclique (Fig. 1) et le scanner thoracique trouvait une infiltration tissulaire du médiastin moyen et antérieur, des adénopathies médiastinales et une thrombose de la veine cave supérieure (Fig. 2 et 3), il n’y avait pas d’embolie pulmonaire associée. La fibroscopie bronchique montrait un épaississement de l’éperon de la lobaire supérieure droite et de ses éperons inter-segmentaires dont les biopsies multiples étaient non concluantes. Le bilan biologique notait un syndrome inflammatoire et le bilan immunologique était correct. La médiastinoscopie a été discutée pour étude histologique de l’infiltration médiastinale mais elle a été récusée à cause de la forte suspicion d’une fibrose médiastinale. Le bilan de thrombophilie, demandé dans le cadre du bilan étiologique d’une thrombose, notamment le dosage
Figures 2 et 3. Scanner thoracique : infiltration tissulaire du médiastin moyen et antérieur, des adénopathies médiastinales et une thrombose de la veine cave supérieure.
de la protéine S (PS), de la protéine C et de l’antithrombine III, montrait un déficit isolé de la PS confirmé sur un second prélèvement à 30 % effectué à trois semaines d’intervalle et avant toute thérapeutique anticoagulante. Il n’existe pas de déficit en protéine C ni de résistance à la protéine C activée, ni de mutation des facteurs II et V de Leiden. L’homocystéine était normale et la recherche des anticorps antiphospholipides était négative. La patiente fut mise sous traitement anticoagulant et corticothérapie avec une nette régression du syndrome cave supérieur (SCS). Le contrôle scannographique après un et trois mois de traitement montrait une nette régression de l’infiltration médiastinale, des adénopathies et de la thrombose cave supérieure (Fig. 4). Cela a été confirmé sur le scanner de contrôle réalisé après une année de traitement. Le diagnostic de déficit isolé en PS était retenu, et l’évolution favorable de l’infiltration sous traitement était un argument contre l’origine néoplasique de cette thrombose.
Discussion
Figure 1. Radiographie thoracique : opacité latérotrachéale droite polycyclique.
Les thromboses de la veine cave posent souvent un problème lors de l’enquête étiologique. Les dernières années ont vu la reconnaissance d’un bon nombre de facteurs favorisant un état de thrombophilie, constitutionnelle ou acquise, tels les anticorps antiphospholipides, la résistance à la protéine C
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L. Herrak et al. inhabituelles : veines rénales [7], cérébrales [8] et portales [9]. En termes pronostiques, l’existence d’un risque accru de récidive thromboembolique chez les patients ayant une thrombose associée à un déficit en PS est incertain et demeure mineur au regard de l’importance des facteurs de risque clinique.
Conclusion
Figure 4. Scanner thoracique : amélioration radiologique : nette régression de l’infiltration médiastinale, des adénopathies et de la thrombose cave supérieure.
activée, la mutation du gène de la prothrombine ou encore l’hyperhomocystéinémie [1]. Le déficit en PS est à l’origine d’un risque accru de thrombose illustré par l’étude de Nordström et al. [2]. Dans cette étude, l’incidence annuelle de la première thrombose veineuse chez les porteurs est cinq fois plus élevée que dans la population générale. Cette première thrombose siège aux veines profondes dans 60 % cas, aux veines superficielles dans 27 % et aux artères dans 13 %. Vingt pour cent des porteurs ont une thrombose avant l’âge de 40 ans [1,3] comme notre patiente. La PS étant douée de propriétés anticoagulantes, un déficit en PS est donc associé à un état d’hypercoagulabilité et peut être héréditaire ou acquis (grossesse, l asparginase [4]. . .). Ainsi, le déficit héréditaire en PS s’accompagne de manifestations thromboemboliques veineuses récidivantes pouvant nécessiter l’instauration d’un traitement anticoagulant au long cours. Il est à noter que la PS, comme la protéine C, sont constamment diminuées sous AVK [3]. Ce déficit serait impliqué dans 3 à 6 % des thromboses inexpliquées de l’adulte jeune [2], comme pour notre patiente, alors que la prévalence du déficit en PS est comprise entre 0,03 et 0,13 % dans la population générale [4]. La recherche de ce déficit fait partie du bilan étiologique d’une thrombose de la veine cave supérieure, qui est satellite dans les trois quarts des cas d’un cancer du poumon, principalement un cancer bronchique à petites cellules, et secondairement un lymphome malin non hodgkinien. Cette thrombose se manifeste de manière progressive par une dyspnée, une toux, une turgescence des veines jugulaires, un œdème en pèlerine [4,5]. D’autres situations pathologiques sont associées à un déficit acquis en PS. Ainsi, certains patients développent des anticorps dirigés contre la PS, soit dans le cadre d’un syndrome des antiphospholipides [5], soit au décours de certaines infections, en particulier la varicelle, ou le VIH [2,5,6]. Le déficit en PS, comme la plupart des thrombophilies héréditaires, est souvent associé à des localisations
À travers cette observation, nous rapportons une étiologie rare du SCS qui est le déficit isolé en PS qui semble être idiopathique et dont le pronostic à moyen et long terme est fonction du traitement anticoagulant qui a fait la preuve de son efficacité. Les recommandations actuelles sont de traiter au moins pendant un an cet épisode, ce qui nécessite de peser le risque thrombotique mais aussi hémorragique. Cette étiologie doit être recherchée après avoir éliminé un cancer qui reste la cause la plus fréquente du SCS.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références [1] Houénassi DM, Olory-Togbé JL, Tchabi Y. Thromboses veineuses atypiques multiples révélatrices d’un déficit en PS : à propos d’un cas. Ann Cardiol Angeiol 2005;54:220—2. [2] Nordström M, Lindblad B, Bergqvist D, Kjellstrom TA. Prospective study of the incidence of deep-vein thrombosis within a defined urban population. J Intern Med 1992;232:155—60. [3] Pabinger I, Schneider B. Thrombotic risk in hereditary antithrombin III, protein C, or protein S deficiency. A cooperative, retrospective study. Gesellschaft fur Thrombose-und Hamostaseforschung (GTH) Study Group on Natural Inhibitors. Arterioscler Thromb Vasc Biol 1996;16:742—8. [4] Borgel D, Alhenc-Gelas M, Aiach M, Gandrille S. Diagnostic du déficit en protéine S. Immuno-Anal Biol Spec 2007;6:366—72. [5] Sorice M, Arcieri P, Griggi T, Circella A, Misasi R. Inhibition of protein S by autoantibodies in patients with acquired protein S deficiency. Thromb Haemost 1996;75:555—9. [6] Stahl CP. Protein S deficiency in men with long-term human immunodeficiency virus infection. Blood 1993;81:1801—7. [7] Hyung-Kee K, Hyang Hee C, Jong-Min L, Seung H. Thrombose veineuse rénale aiguë, contraceptifs oraux, et déficit en protéine S : intérêt de la thrombolyse in situ. Ann Chir Vasc 2009;23:746—54. [8] Bahloul M, Chaari A, Khlaf-Bouaziz N, Kallel H, Chaari L, Bouaziz M. Maladie cœliaque, thrombose veineuse cérébrale et déficit en protéine S, une association fortuite ? J Mal Vasc 2005;30:228—30. [9] Drai E, Taillan B, Schneider S, Bayle J, Dujardin P. Thrombose portale révélatrice d’un déficit en protéine S. Rev Med Intern 1992;13:471—2.