Journal français d’ophtalmologie (2010) 33, 84—91
ARTICLE ORIGINAL
Traitement des hématomes maculaires compliquant la DMLA par vitrectomie, injection sous-rétinienne de rt-PA et tamponnement intraoculaire par gaz Pars plana vitrectomy, subretinal injection of recombinant tissue plasminogen activator and fluid—gas exchange in the management of massive submacular hemorrhages secondary to age-related macular degeneration S. Auriol ∗, L. Mahieu , L. Lequeux , J.C. Quintyn , V. Pagot-Mathis Service d’ophtalmologie, CHU Rangueil, Toulouse, France Rec ¸u le 12 mars 2009 ; accepté le 1er octobre 2009 Disponible sur Internet le 25 janvier 2010
MOTS CLÉS Dégénérescence maculaire liée à l’âge ; Hématome maculaire ; Recombinant tissu plasminogen activator ; Vitrectomie ; Vertéporfine ; Photothérapie dynamique ; Ranibizumab ;
∗
Résumé Introduction. — La survenue d’un hématome maculaire dans le cadre d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est souvent une évolution péjorative de la maladie aboutissant à une perte importante de la vision. La prise en charge de cette complication étant encore mal établie. Nous proposons de rapporter les résultats obtenus avec un protocole associant une vitrectomie, une injection sous-rétinienne de rt-PA et une injection intravitréenne de gaz éventuellement suivie d’un traitement secondaire de la lésion sous-jacente. Patients et méthode. — Nous avons réalisé une étude rétrospective portant sur 18 yeux ayant présenté un hématome maculaire compliquant une DMLA et pour lesquels nous avons effectué une vitrectomie centrale suivie d’une injection sous-rétinienne de rt-PA et d’une injection intravitréenne d’hexafluorure de soufre. Résultats. — Un déplacement de l’hématome maculaire a été obtenu pour tous les patients, permettant dans 94 % des cas d’identifier la lésion sous-jacente. Ainsi, 55 % des patients ont pu recevoir un traitement secondaire rapide soit par photothérapie dynamique, soit par injection
Auteur correspondant. Service d’ophtalmologie, CHU Rangueil, 1, avenue Jean Poulhès, TSA 50032, 31059 Toulouse Cedex 9, France. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Auriol).
0181-5512/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jfo.2009.12.005
Traitement des hématomes maculaires compliquant la DMLA par vitrectomie
Hexafluorure de soufre
KEYWORDS Macular degeneration; Choroid hemorrhage; Tissue plasminogen activator; Vitrectomy; Verteporfin; Photochemotherapy; Ranibizumab; Sulfur hexafluoride
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intravitréenne d’anti-angiogénique, soit par traitement combinant photothérapie dynamique et injection intravitréenne de triamcinolone. Nous avons ainsi obtenu une amélioration de l’acuité visuelle à 6 mois postopératoires dans 62,5 % des cas avec un nombre réduit de complications graves. Conclusion. — La prise en charge rapide des hématomes maculaires survenant dans le cadre d’une DMLA par vitrectomie, injection sous-rétinienne de rt-PA et tamponnement interne par gaz, semble permettre d’améliorer le pronostic de cette complication en mettant en évidence rapidement la lésion sous-jacente. Une étude multicentrique reste cependant nécessaire pour pouvoir établir un véritable consensus thérapeutique. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Introduction. — The natural prognosis of eyes with subretinal hemorrhage resulting from agerelated macular degeneration is generally poor. A variety of therapeutic approaches have been developed but no consensus was found. Therefore, we evaluated a technique consisting of pars plana vitrectomy and subretinal rt-PA injection followed by evacuation of the liquid blood using sulfur hexafluoride (SF6). Patients and methods. — This study was a retrospective clinical case series examining 18 eyes of 16 patients with age-related macular degeneration and thick submacular hemorrhage treated with vitrectomy, subretinal injection of rt-PA (0.5 mg), and fluid—gas exchange. Results. — The subretinal hemorrhage was displaced in all 18 cases, revealing a choroidal lesion in 17 eyes. A treatable lesion accountable for the bleeding was identified in ten eyes, which all received a secondary treatment (intravitreal injection or photodynamic therapy). After a mean follow-up of 6 months, the final visual acuity improved in ten eyes. Complications consisted of one case of retinal detachment and one case of hyphema. Conclusion. — This surgical technique seems useful in displacing thick submacular hemorrhage secondary to age-related macular degeneration, allowing postoperative fluorescein angiography testing and, potentially, subsequent treatments. However, further controlled and multicentric studies will be required to assess its efficacy and safety in the management of this difficult clinical problem. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Les hématomes sous-rétiniens sont une complication grave de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) avec un pronostic visuel souvent défavorable par altération précoce des photorécepteurs [1]. L’involution de l’hémorragie se fait le plus souvent vers une lésion fibrovasculaire plus ou moins étendue pouvant être accompagnée d’une déchirure de l’épithélium pigmentaire. Généralement, après résorption spontanée de l’hématome, la baisse de l’acuité visuelle est profonde et définitive [2]. Il semble donc qu’une prise en charge précoce de ce type de complication soit tout à fait justifiée afin de limiter au maximum la perte visuelle. Plusieurs techniques chirurgicales, dont le principe commun est le déplacement de l’hématome sous-rétinien en dehors du pôle postérieur, ont été proposées. Une de ces techniques consiste à réaliser un drainage chirurgical de l’hématome par voie de vitrectomie après injection sous-rétinienne de rt-PA et suivi d’un tamponnement interne par gaz [3,4]. Une extraction du bouquet néovasculaire par la rétinotomie peut être réalisée dans le même temps opératoire [5—7]. Cependant, la prise en charge thérapeutique des hématomes maculaires n’est pas unanimement reconnue et certains auteurs préconisent encore l’abstention thérapeutique estimant que les résultats chirurgicaux sont décevants [2,8—11].
Nous proposons donc d’évaluer une de ces techniques en présentant les résultats obtenus sur une série de patients atteints de DMLA compliquée d’un hématome maculaire que nous avons traités selon le protocole suivant : vitrectomie, injection sous-rétinienne de rt-PA et injection d’une bulle de gaz.
Matériels et méthode Notre étude porte sur tous les patients ayant consulté dans le service d’ophtalmologie du CHU Rangueil à Toulouse, d’août 2005 à octobre 2007, pour un hématome sous-rétinien maculaire compliquant une DMLA et pour lesquels il a été proposé une prise en charge chirurgicale. Il s’agit donc d’une étude rétrospective portant sur 18 yeux de 16 patients. Le diagnostic d’hématome maculaire sur DMLA était retenu en fonction des antécédents du patient, de l’angiographie rétinienne à la fluorescéine réalisée après son déplacement et du fond d’œil controlatéral. Ainsi, ont été systématiquement exclus de notre étude les patients ayant présenté un hématome sous-rétinien entrant dans le cadre d’une autre pathologie (macro-anévrysme artériel, traumatisme, etc.). Tous les patients ont été opérés selon le même protocole (3 chirurgiens ont participé à cette étude). Tout
86 d’abord, une vitrectomie était réalisée à la pars plana par trois voies d’abord 20 G. Puis, nous avons pratiqué une rétinotomie à l’aiguille 25 G au sein de l’hématome, par laquelle était injectée, à l’aide d’une canule de 32 G, 0,2 ml de rt-PA (0,25 mg/ml). Le rt-PA était préparé et acheminé le jour même au bloc opératoire par la pharmacie de l’hôpital. Enfin, nous avons injecté en fin d’intervention 0,3 ml d’hexafluorure de soufre (SF6) afin d’assurer un tamponnement interne gazeux de plusieurs jours. Durant les dix jours postopératoires, il était demandé au patient d’adopter une position particulière de la tête « face vers le sol » une heure quatre fois par jour afin d’obtenir un tamponnement efficace du pôle postérieur. Pour tous les patients, une surveillance postopératoire régulière, comportant entre autres une mesure de l’acuité visuelle et un examen du fond d’œil, a été pratiquée. Après avoir obtenu un déplacement de l’hématome suffisamment important, nous avons effectué une angiographie rétinienne à la fluorescéine éventuellement complétée d’une angiographie au vert d’indocyanine (ICG) afin d’identifier la cause du saignement. Ainsi, en fonction de l’évolution postopératoire et de la lésion mise en évidence par notre examen, le traitement était complété, soit par une ou plusieurs photothérapies dynamiques à la vertéporfine (Visudyne®), soit par des injections intravitréennes de ranibizumab (Lucentis®) ou de triamcinolone (Kénacort®). L’analyse statistique des résultats a été réalisée à l’aide du logiciel R, développé par R Foundation.
Résultats Notre étude a porté sur 18 yeux de 3 hommes et 13 femmes dont l’âge moyen était de 77,4 ans (écart type : 5,1). Seuls deux patients étaient pseudophakes et l’hématome était bilatéral pour deux autres patients. Dans tous les cas, il était constaté un volumineux hématome maculaire dont l’épaisseur maximale se situait aux environs de la fovéa. Le principal facteur de risque systémique retrouvé a été une hypertension artérielle étant donné qu’elle concerne 61 % de notre population, alors que la prévalence de l’hypertension artérielle pour une population de même âge est habituellement estimée entre 40 et 50 % en fonction des études [9,10]. Nous avons assuré un suivi régulier durant les semaines postopératoires avec une visite systématique à 6 mois. Ainsi, nous avons un recul moyen sur l’ensemble des patients d’au moins 6 mois ; 2 patients ont été perdus de vue. Le résumé des principales caractéristiques cliniques des patients est présenté dans le Tableau 1. Dans tous les cas, les patients ont consulté à la suite de la survenue d’une baisse brutale de l’acuité visuelle. L’intervalle de temps entre la survenue du trouble visuel et la consultation permettant de poser le diagnostic a été en moyenne de 11,9 jours (min : 1 ; max : 60 ; écart type : 15,4). Dès que l’hématome sous-rétinien a été authentifié, une prise en charge chirurgicale dans un délai moyen de 8,3 jours (min : 1 ; max : 60 ; écart type : 13,4) a été effectuée pour l’ensemble des patients. Ce délai d’environ une semaine était expliqué par la nécessité de l’arrêt du traitement antiagrégant plaquettaire (5 yeux), ou par un état de santé précaire rendant impossible toute chirurgie en urgence.
S. Auriol et al. L’intervention n’a pas posé de problème particulier d’un point de vue technique et nous n’avons pas relevé de complication peropératoire. La rétinotomie a été systématiquement réalisée en temporale de la macula au niveau de la zone la plus saillante de l’hématome. L’injection sous-rétinienne du rt-PA a provoqué dans tous les cas un volumineux décollement du pôle postérieur, mais avec une réapplication rapide de la rétine dans les premiers jours postopératoires grâce au tamponnement par gaz. Pour tous les patients, l’intervention a été pratiquée sous anesthésie locorégionale de type péribulbaire. Nous avons constaté dans tous les cas un déplacement de l’hémorragie maculaire permettant un examen satisfaisant de la macula, à l’exception d‘un cas pour lequel la chirurgie s’est compliquée d’un décollement de la rétine. Ce déplacement a été obtenu habituellement dans le mois suivant la chirurgie. Trois types de lésions ont pu être diagnostiqués une fois l’hémorragie maculaire déplacée : un néovaisseau choroïdien mixte pour 8 patients (44 %) (Fig. 1), une vaste plage d’atrophie sans néovascularisation choroïdienne visible pour 7 patients (39 %) (Fig. 3) et une néovascularisation occulte (Fig. 2) compliquée d’un décollement de l’épithélium pigmentaire (DEP) pour 2 patients (11 %) (Tableau 1). Pour un patient, nous n’avons pas pu identifier formellement la lésion maculaire en cause en raison d’un décollement de rétine total. Nous avons proposé aux 10 patients qui avaient une forme néovascularisée de DMLA un traitement complémentaire. Nous avons ainsi réalisé, dans les 2 cas de DEP néovascularisé, une bithérapie associant une photothérapie dynamique (PDT) et une injection intravitréenne de triamcinolone (Kénacort®) et, dans les 8 cas de néovaisseaux choroïdiens, une PDT (6 yeux) ou une série d’injections de ranizubimab (Lucentis®) (2 yeux). Pour 2 patients, une nouvelle PDT a dû être réalisée 3 mois après la première en raison de la non-cicatrisation du néovaisseau choroïdien (Tableau 1). Nous avons pu réaliser ce traitement secondaire dans une moyenne de 40 jours après l’intervention ayant permis le déplacement de l’hématome maculaire. L’acuité visuelle préopératoire était dans tous les cas non chiffrable, allant de perception lumineuse orientée
Figure 1. Comparaison de l’acuité visuelle initiale à l’acuité visuelle mesurée à 6 mois (échelle logarithmique).
Résumé des caractéristiques des patients et résultats obtenus après traitement.
Patient
Âge
ATCD ophtalmo
ATCD généraux
AV initiale
Type de néovaisseaux
Complication
Traitement secondaire
AV à 6 mois
1
77
0
HTA
VBLM
Non identifié
0
0,05
2
75
0
0
CLD
0
0,1
3 4 5 6 7
72 81 79 82 78
0 0 PKE 0 0
0 HTA HTA 0 HTA
PL CLD CLD PL PL
PL 0,2 0,1 Perdu de vue PL
80 77 64 81
0 PKE 0 0
HTA 0 0 0
CLD CLD CLD PL
0 0 0 0 Décollement de rétine 0 0 0 0
PDT + Triamcinolone PDT (*2) PDT PDT (*2) 0
8 9 10 11
PDT Ranibizumab PDT 0
0,1 0,1 0,1 PL
12
76
0
HTA
CLD
0
0
0,3
13a 13b
84 84
0 0
HTA HTA
VBLM PL
0 Cataracte
PDT + triamcinolone 0
0,1 PL
14
73
0
0
PL
0
0
PL
15a 15b 16
79 80 70
0 0 0
HTA HTA HTA
VBLM PL PL
Non identifié (atrophie) DEP néovasc Nvx mixtes Nvx mixtes Nvx mixtes Non identifié (atrophie) Nvx mixtes Nvx mixtes Nvx mixtes Non identifié (atrophie) Non identifié (atrophie) DEP néovasc Non identifié (atrophie) Non identifié (atrophie) Nvx mixtes Nvx mixtes Non identifié (atrophie)
Hyphéma Hypertonie 0
0 0 0
PDT Ranibizumab 0
0,1 PL Perdu de vue
Traitement des hématomes maculaires compliquant la DMLA par vitrectomie
Tableau 1
PKE : phacoémulsification ; HTA : hypertension artérielle ; VBLM : voit bouger la main ; CLD : compte les doigts de la main ; PL : perception lumineuse ; DEP néovasc : décollement de l’épithélium pigmentaire néovascularisé ; Nvx : néovaisseaux ; PDT : photothérapie dynamique.
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S. Auriol et al.
Figure 2. Fond d’œil avant (a) et 1 mois (b) après la chirurgie et aspect de l’angiographie à la fluorescéine (c, d) et au vert d’indocyanine (e) mettant en évidence un néovaisseau à prédominance occulte.
Figure 3. Clichés anérythres avant (a) et 1 mois (b) après la chirurgie et aspect à l’angiographie à la fluorescéine (c et d) mettant en évidence une large plage d’atrophie.
Traitement des hématomes maculaires compliquant la DMLA par vitrectomie à « compte les doigts ». L’acuité postopératoire mesurée 6 mois après l’intervention était en moyenne de 0,6/10e (1,1927 logMAR). Chez 10 patients, (62,5 %), nous avons pu noter une nette amélioration de leur acuité visuelle (Fig. 1), avec un maximum de 3/10e (0,5228 logMAR) (Tableau 1). Enfin, la comparaison de l’acuité visuelle initiale et à 6 mois à l’aide du test de Wilcoxon met en évidence une amélioration statistiquement significative (p < 0,05). Nous n’avons pas constaté de problème particulier pendant l’acte chirurgical. Un patient a présenté un décollement de rétine postopératoire immédiat, diagnostiqué deux jours après l’opération et pour lequel une reprise chirurgicale avec tamponnement par hexafluoroéthane (C2F6) a permis une remise à plat de la rétine. Ce patient a par la suite développé une hypertonie oculaire importante, résistant à un traitement médical pour lequel nous avons dû réaliser un cyclo-affaiblissement. Pour un patient, l’intervention s’est compliquée d’un hyphéma avec hypertonie qui a nécessité la réalisation d’un lavage de chambre antérieure. Grâce à cette intervention, nous avons obtenu une normalisation du tonus oculaire sans autre problème. Nous avons constaté pour tous les patients, à l’exception des deux patients pseudophakes, une aggravation de leur cataracte avec, dans un cas, la nécessité d’intervenir cinq mois après la vitrectomie (Tableau 1).
Discussion D’après la littérature [12—14], l’hématome maculaire de la DMLA provient dans 50 à 100 % des cas de néovaisseaux choroïdiens sous-épithéliaux occultes, bien qu’il soit décrit des formes associées à la DMLA atrophique sans néovaisseaux associés. Notre étude a pu mettre en évidence la lésion maculaire en cause dans 94 % des cas avec des données conformes aux séries antérieures, c’est-à-dire près de 55 % de néovaisseaux à prédominance occulte. Une large plage d’atrophie sans néovascularisation a été retrouvée chez 7 patients. Il peut s’agir d’une forme atrophique ayant développé un néovaisseau choroïdien en bordure de l’atrophie ou d’une atrophie séquellaire de l’hématome sous-rétinien. L’hématome sous-rétinien se distingue de l’hémorragie intrarétinienne par sa teinte sombre, son aspect en relief et ses bords nets arrondis ou polycycliques. L’angiographie à la fluorescéine associée à l’IGC retrouve la plupart du temps une membrane néovasculaire décentrée par rapport à l’hémorragie composée majoritairement de néovaisseaux à prédominance occulte [12,13,15]. Ces deux examens n’ont cependant pas été réalisés en préopératoire dans notre population, car ils ne nous auraient apporté que peu d’informations étant donné l’importance et le volume de l’hématome. La tomographie par cohérence optique permet de localiser l’hémorragie par rapport à l’épithélium pigmentaire et de montrer des signes de néovascularisation directe (épaississement fusiforme hyper-réflectif) ou indirecte (décollement séreux rétinien ou de l’épithélium pigmentaire, logettes cystoïdes, perte de l’entonnoir fovéolaire et liquide intrarétinien) [12]. L’OCT reste toutefois, selon notre expérience, un examen dont l’interprétation est difficile en cas d’hémorragie sous-rétinienne, en particulier lorsque celle-ci est volumineuse.
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L’hématome sous-rétinien maculaire est une maladie grave car elle engendre dans la majorité des cas une perte visuelle profonde et non récupérable [2,11,1]. En effet, lorsque ce type d’hémorragie survient, le sang s’accumule entre la rétine neurosensorielle et l’épithélium pigmentaire, ce qui engendre une action toxique sur les tissus environnants selon trois mécanismes : par phénomène de barrière aux échanges métaboliques entre la rétine et l’épithélium pigmentaire [16,17], par rétraction de la fibrine au sein des photorécepteurs, entraînant un arrachement des cellules rétiniennes [18—20], par toxicité directe des ions ferreux produits après phagocytose de l’hémoglobine [1,12,19,20]. Il se produit alors une perte des photorécepteurs associée à une destruction des cellules de l’épithélium pigmentaire et de la choriocapillaire évoluant vers une cicatrice fibrogliale. Cette évolution péjorative a poussé les ophtalmologistes à élaborer dans les années 1980 des interventions chirurgicales dont le but était le déplacement de l’hémorragie en dehors du pôle postérieur. Ces interventions font appel à différentes techniques parmi lesquelles on retrouve : l’évacuation chirurgicale de l’hématome [21,22], la lyse de l’hématome à l’aide de rt-PA injecté par voie intravitréenne [17,23—27] ou sous la rétine [3,4,28—37] et le déplacement pneumatique de l’hématome par l’injection intravitréenne de gaz [38]. La première technique, proposée par Hanscom en 1987, consistait à effectuer une vitrectomie centrale suivie d’un drainage interne de l’hématome [21]. Les bons résultats obtenus ont poussé d’autres équipes à travailler sur ce sujet et Wade a ainsi proposé de compléter l’intervention en injectant dans le globe oculaire du gaz expansif [38]. À la suite de la multiplication des travaux sur cette technique, une étude multicentrique randomisée, la Submacular Surgery Trial, a été lancée afin d’évaluer les résultats de cette procédure chirurgicale [21]. À deux ans, il n’a pas été retrouvé de différence significative entre l’acuité visuelle des patients opérés et celle des patients non traités. Bien que ce traitement empêche les pertes sévères d’acuité visuelle, on ne note que très rarement une récupération visuelle du fait des importants dommages causés par la sonde de drainage sur l’épithélium pigmentaire et du taux élevé de décollements de rétine. Devant ces résultats peu probants, il a été proposé une autre technique consistant à ne pas effectuer de drainage direct de l’hématome, mais à injecter en sous-rétinien du rt-PA afin de dissoudre le caillot de sang et ainsi faciliter son déplacement par le tamponnement interne. Plusieurs équipes ont évalué cette nouvelle procédure [3,4,28—37]. Les résultats anatomiques et fonctionnels ont été ainsi bien meilleurs avec une stabilisation, voire une amélioration de l’acuité visuelle en fin de suivi dans 60 à 96 % des cas en fonction des études. Au regard de l’ensemble de ces données encourageantes, nous avons souhaité évaluer cette technique dans le cas particulier d’hématome maculaire compliquant une DMLA. Nos résultats ont confirmé les données de la littérature bien qu’ils se situent parmi les moins bons ; ceci étant sans doute lié au fait que d’une part, la population sélectionnée étant porteuse d’une DMLA, des lésions maculaires devaient préexister et que d’autre part, notre critère de succès du protocole était l’amélioration et non la stabilisation de l’acuité visuelle. La réalisation de cette intervention nous a permis d’effectuer une prise en charge rapide de la lésion sous-jacente augmentant ainsi les chances d’une
90 récupération visuelle. En outre, il apparaît que cette procédure chirurgicale expose plus faiblement à un risque de complication de type décollement de rétine. Ainsi, dans notre série de 18 yeux opérés, nous n’avons constaté qu’un seul cas de décollement de rétine soit 5,5 % des patients. D’autres complications que nous n’avons pas notées au cours de ce travail sont possibles et décrites dans la littérature. Il s’agit principalement de trous maculaires, de membranes épirétiniennes maculaires [4,30] et d’endophtalmies [25]. Parallèlement à cette technique s’est développée durant les années 1990 une procédure plus simple au cours de laquelle une injection intravitréenne de rt-PA suivie d’un tamponnement par gaz sans vitrectomie préalable était réalisée. Cette intervention a été décrite et évaluée pour la première fois par Herriot en 1997 [17], puis de nombreux auteurs se sont intéressés à cette nouvelle approche de la prise en charge des hématomes maculaires. Les résultats fonctionnels et anatomiques obtenus sont très intéressants avec, en fonction des équipes [17,23—27], une amélioration de l’acuité visuelle observée de 45,5 % à 64 % des cas. Deux problèmes subsistent cependant avec cette procédure : d’une part, l’exposition à un plus grand risque de complications postopératoires du fait de possibles tractions vitréorétiniennes inférieures par le gaz et d’autre, part la controverse concernant la diffusion du rt-PA au travers de la rétine [26,39]. À ce jour et au regard des données de la littérature, il est impossible de conclure au véritable intérêt du rt-PA en intravitréen, mais il semble que son action soit moins efficace que lorsqu’il est injecté sous la rétine. Forts de ce constat, certains auteurs ont proposé une technique encore plus minimaliste consistant à ne réaliser qu’un déplacement pneumatique de l’hématome sans injection intravitréenne de rt-PA prélable [40,41]. Malgré les résultats encourageants de cette prise en charge thérapeutique, nous ne pouvons la proposer qu’aux formes d’hémorragie vues très précocement ; en effet, lorsque le sang présent dans l’espace sous-rétinien a coagulé, il est quasiment impossible de le déplacer par un simple tamponnement gazeux. L’acuité visuelle moyenne mesurée au moment du diagnostic de l’hématome est en général de 1/10e [12], ce qui est meilleur que l’acuité initiale retrouvée dans notre série qui est inférieure à 1/20e . La différence vient probablement du fait d’avoir réservé cette chirurgie aux formes graves et volumineuses d’hématomes. Nous avons obtenu une amélioration de l’acuité visuelle à 6 mois pour plus de la moitié des cas (62,5 %). Il s’agit, pour 77,8 % de ces patients, d’une forme dont la lésion maculaire a pu être rapidement identifiée et traitée de manière adaptée, soit par photothérapie dynamique, soit par injection intravitréenne de ranizubimab (Lucentis®), soit par traitement combinant photothérapie dynamique /injection intravitréenne de triamcinolone (Kénacort®). Nous constatons en revanche que pour les formes pour lesquelles nous n’avons pas pu identifier de néovaisseaux, c’est-à-dire lorsque l’hématome laissait place à une simple plage d’atrophie, l’évolution a toujours été péjorative. L’apparition d’une large zone d’atrophie après l’intervention peut donc être considérée comme un élément de mauvais pronostic du fait de son caractère non accessible à un éventuel traitement. Ces formes évolutives particulières s’expliquent soit par l’occlusion du néovaisseau au moment de son saignement, soit par l’arrachement
S. Auriol et al. du bouquet néovasculaire secondaire au déplacement de l’hématome. Notre étude a été initiée alors que les traitements anti-angiogéniques de la DMLA n’étaient pas encore sur le marché, ce qui explique que de nombreux patients n’ont eu qu’une PDT. Peut-être que si nous avions utilisé des anti-VEGF à la place de la PDT, les résultats en matière d’acuité visuelle seraient meilleurs. Les facteurs de pronostic défavorable d’un hématome maculaire habituellement décrits dans la littérature sont : une grande taille, une importante épaisseur, une localisation profonde sous l’épithélium pigmentaire [2,12,42]. Ces données correspondent à ce que nous avons constaté au cours de nos travaux et au regard de nos résultats, nous pouvons ajouter que l’évolution de l’hématome vers une plage atrophique constitue également un critère de mauvais pronostic. La bilatéralisation d’un hématome maculaire est estimée dans la littérature à 12 % à 30 mois [12]. Dans notre étude, elle a concerné 2 patients sur 6 mois, soit 12,5 % des patients. Il s’agit donc d’une évolution non exceptionnelle qu’il faudra prendre en compte au moment de poser ou non l’indication de la chirurgie.
Conclusion L’évolution naturelle des hématomes maculaires est extrêmement défavorable, en particulier lorsqu’ils surviennent dans le cadre d’une DMLA. Notre étude souligne l’importance d’une prise en charge rapide de ce type de complication en réalisant en particulier un drainage de l’hématome par injection sous-rétinienne de r-tPA, suivi d’un déplacement de ce dernier par tamponnement gazeux. En effet, cette technique nous a permis d’obtenir une visualisation rapide du néovaisseau sous-jacent et de proposer ainsi rapidement un traitement étiologique adapté (photothérapie dynamique ou injection intravitréenne d’anti-angiogénique ou de triamcinolone). Cependant, au regard de l’ensemble des données de la littérature, une étude randomisée multicentrique comparant la technique que nous venons d’exposer à la simple injection intravitréenne de rt-PA associée à un tamponnement par gaz semble justifiée afin de pouvoir établir un consensus sur le traitement de cette complication particulièrement grave de la DMLA.
Conflit d’intérêt Aucun.
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