Traumatismes ligamentaires du poignet : quel examen d’imagerie ?

Traumatismes ligamentaires du poignet : quel examen d’imagerie ?

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Journal de Traumatologie du Sport 25 (2008) 31–36

Mise au point

Traumatismes ligamentaires du poignet : quel examen d’imagerie ? Wrist ligaments tears: Which imaging technique? T. Moser ∗ , J.-C. Dosch, A. Moussaoui, J.-L. Dietemann Département de radiologie, CHU de Strasbourg, avenue Molière, 67200 Strasbourg cedex, France Disponible sur Internet le 4 mars 2008

Résumé Les traumatismes ligamentaires du poignet représentent un problème fréquent en traumatologie du sport. Le bilan clinique nécessite le plus souvent un complément d’exploration par l’imagerie afin de confirmer le diagnostic et d’orienter le traitement. De nombreuses techniques d’imagerie (radiographies conventionnelles, arthrographie, arthroscanner, IRM, arthro-IRM, échographie) sont disponibles dont certaines sont apparues ou ont évolué de manière substantielle au cours des dernières années. Le but de cet article est de décrire les indications des différentes techniques d’imagerie et de résumer leurs performances pour le diagnostic des traumatismes ligamentaires du poignet. Nous tenons compte également des lésions osseuses et cartilagineuses qui sont souvent associées ou représentent un diagnostic différentiel. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Wrist ligament tears represent a common problem in sports related trauma. Clinical examination most often requires further imaging examinations to confirm the diagnosis and guide the treatment. Several imaging modalities are available (conventional radiographs, arthrography, CT arthrography, MRI, MR arthrography, ultrasound) and some of them have been developed or substantially improved during the past few years. This paper aims to describe the current indications of these different imaging modalities and to summarize their accuracies for the diagnostic of wrist ligament tears. We also consider bone and cartilage abnormalities which are either associated or represent a differential diagnosis. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Poignet ; Ligaments ; Traumatisme ; Imagerie Keywords: Wrist; Ligaments; Trauma; Imaging

1. Introduction Les traumatismes ligamentaires du poignet constituent un diagnostic clinique relativement difficile. En situation d’urgence, le souci immédiat est surtout d’écarter une fracture. Les lésions ligamentaires sont souvent recherchées secondairement devant la persistance des douleurs ou d’autres signes cliniques plus spécifiques. Le bilan complémentaire d’imagerie a considérablement évolué au cours des dernières années. 2. Rappels physiopathologiques Le poignet comprend la plus forte concentration d’interlignes articulaires et donc de ligaments du corps humain. En pratique, ∗

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Moser).

0762-915X/$ – see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jts.2007.12.005

les ligaments incontournables correspondent surtout aux ligaments interosseux scapholunaire et lunotriquétral et au complexe du fibrocartilage triangulaire du carpe. Ils assurent la cohésion de la rangée proximale du carpe extrêmement mobile et sujette aux traumatismes [1]. Le traumatisme dont l’énergie est plus ou moins importante consiste généralement en une chute sur la main. Les lésions entrent dans le cadre de l’instabilité périlunaire du carpe allant de l’entorse scapholunaire isolée à la luxation du lunatum [2]. Le degré d’instabilité dépend de l’importance des lésions ligamentaires. Non traitée, l’instabilité est susceptible d’entraîner une impotence fonctionnelle progressive et une arthrose secondaire [3]. La survenue d’une instabilité nécessite une rupture complète des ligaments interosseux associée à celle des ligaments capsulaires qui sont d’importants stabilisateurs secondaires de la rangée proximale du carpe [4,5]. Les ligaments interosseux scapholunaire et lunotriquétral ont la forme d’un fer à cheval et comprennent chacun trois portions fonction-

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nellement distinctes (dorsale, proximale et palmaire) [6]. Une rupture ligamentaire complète du ligament interrompt ces trois portions. Une rupture incomplète est limitée à une ou deux portions, généralement la portion proximale membraneuse qui subit un phénomène de dégénérescence physiologique et asymptomatique. Ces perforations ligamentaires dégénératives doivent être distinguées des ruptures traumatiques pour éviter un traitement intempestif [7]. Le complexe du fibrocartilage triangulaire du carpe destiné à stabiliser l’articulation radio-ulnaire distale et à transmettre les charges au versant ulnaire du carpe, regroupe différentes structures anatomiques : ligaments radio-ulnaires distaux, fibrocartilage triangulaire, ligaments ulnocarpiens et gaine du tendon extenseur ulnaire du carpe, ligament collatéral ulnaire et ménisque homologue [8]. En pratique, on distingue les lésions traumatiques (classe I) et les lésions dégénératives (classe II) du complexe du fibrocartilage triangulaire du carpe selon la classification de Palmer [9]. Les lésions dégénératives entrent dans le cadre du syndrome d’impaction ulnocarpienne. Les lésions traumatiques doivent surtout être différenciées des perforations dégénératives de la portion centrale du fibrocartilage triangulaire [10]. La rupture de l’insertion ulnaire des ligaments radio-ulnaires distaux est fréquente et nécessite un traitement chirurgical spécifique. Son diagnostic n’est pas toujours facile [11]. Les lésions ligamentaires sont diversement associées à des fractures du radius ou des os du carpe ainsi qu’à des lésions cartilagineuses survenant à distance du traumatisme comme conséquence de l’instabilité ligamentaire ou d’une déformation osseuse séquellaire [12]. 3. Différentes techniques d’imagerie 3.1. Radiographies Les radiographies conventionnelles constituent toujours la base de l’exploration d’un poignet traumatique. Elles comprennent de manière systématique une incidence de face paume–plaque, une incidence de profil strict, des incidences obliques en semi-pronation et semi-supination. Des incidences spécifiques sont utiles en cas de suspicion de fracture du scaphoïde. Les incidences de face poing fermé et de face en inclinaison ulnaire sont également intéressantes pour rechercher une entorse scapholunaire [13]. La présence d’un diastasis scapholunaire, d’une flexion du scaphoïde, d’une bascule du lunatum en DISI, d’une augmentation de l’angle scapholunaire supérieure à 70◦ suggère une rupture du ligament scapholunaire (Fig. 1). On parle d’instabilité statique quand ces anomalies sont visibles sur les clichés de base et d’instabilité dynamique quand seuls les clichés en inclinaison ulnaire ou poing fermé les révèlent [13]. La présence d’un diastasis lunotriquétral et d’une bascule en VISI du lunatum est plus rare et témoigne d’une rupture du ligament lunotriquétral [13]. Des lésions ligamentaires sont systématiquement recherchées en présence de certaines lésions osseuses : fracture cunéenne latérale du radius irradiant vers l’interligne scapho-

lunaire, fracture avulsion de la tubérosité dorsale du triquétrum (ligaments capsulaires dorsaux), fracture de la base du processus styloïde de l’ulna (avulsion des ligaments radio-ulnaires distaux) [14]. Les radiographies conventionnelles apparaissent globalement peu sensibles et ne fournissent que des signes indirects des lésions ligamentaires qui demandent toujours à être confirmés par d’autres techniques d’imagerie. 3.2. Arthrographie L’arthrographie du poignet est la technique la plus ancienne pour montrer les ruptures ligamentaires. Elle est surtout basée sur la recherche d’une communication articulaire anormale entre les compartiments radiocarpien et médiocarpien (normalement séparés de manière étanche par les ligaments interosseux) ou radiocarpien et radio-ulnaire distal (normalement séparés de manière étanche par le complexe du fibrocartilage triangulaire). Elle permet également parfois de montrer des ruptures noncommunicantes et nécessite donc l’opacification de deux à trois compartiments [15]. L’arthrographie possède une exactitude diagnostique d’environ 60 %, mais s’avère surtout peu spécifique, car le caractère traumatique ou dégénératif et l’étendue des ruptures ne peuvent être précisés [16,17]. 3.3. Arthroscanner L’arthroscanner constitue le prolongement logique de l’arthrographie dont il améliore les performances diagnostiques. Il n’existe donc plus d’indication à réaliser une arthrographie seule. Après opacification articulaire double ou triple, le patient est immédiatement dirigé vers l’examen TDM pour éviter la dilution du produit de contraste [18]. Les scanners de dernière génération permettent des acquisitions volumiques inframillimétriques à partir desquelles des reformations multiplanaires d’excellente qualité sont obtenues permettant une étude détaillée de différents ligaments. Ces images permettent notamment de distinguer les ruptures ligamentaires complètes ou incomplètes, transfixiantes ou non (Fig. 1). Elles fournissent également une excellente étude osseuse et cartilagineuse (fractures et avulsions, arthrose débutante). En revanche, les parties molles (tendons) sont moins bien étudiées [18]. Les performances de l’arthroscanner pour le diagnostic de rupture ligamentaire sont très élevées avec une exactitude diagnostique de l’ordre de 95 % [18,19]. Ces valeurs élevées ne peuvent être obtenues qu’avec une résolution spatiale inframillimétrique et une grande attention doit être portée au modèle de scanner et au choix des paramètres d’acquisition. 3.4. IRM L’IRM du poignet est un examen difficile en raison de la petite taille des structures anatomiques étudiées. Elle nécessite un aimant à haut champ, une antenne dédiée, des séquences optimisées pour la résolution spatiale (séquences 3D notamment).

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Fig. 1. Rupture incomplète du ligament scapholunaire. (A), (B) : radiographies de face en position neutre et en inclinaison ulnaire. Apparition d’un diastasis scapholunaire témoignant d’une instabilité dynamique. (C) : arthrographie médiocarpienne. Communication anormale avec les compartiments radiocarpien et radio-ulnaire distal. (D) : arthroscanner (coupe transverse) montrant la rupture de la portion dorsale du ligament scapholunaire, alors que la portion palmaire est intègre.

L’IRM a l’avantage d’être non invasive et de fournir une étude globale du poignet incluant os, ligaments et parties molles [20]. En pratique, l’IRM s’avère relativement performante pour le diagnostic de rupture complète des ligaments interosseux (Fig. 2), mais beaucoup moins pour celui des ruptures incomplètes [18]. De nombreuses variations de signal, physiologiques ou liées à l’âge, perturbent l’analyse [21–23]. Les performances de l’IRM sont médiocres pour le complexe du fibrocartilage triangulaire (Fig. 3) et en particulier pour le diagnostic des ruptures de l’insertion ulnaire [24]. L’exactitude diagnostique globale est d’environ 80 % [25]. 3.5. Arthro-IRM L’arthro-IRM du poignet améliore substantiellement les performances de l’IRM tout en perdant son caractère non invasif. La sémiologie des lésions ligamentaires est superposable à l’arthroscanner (Fig. 2) et les corrélations arthroscopiques sont

excellentes avec une exactitude diagnostique moyenne de 90 % [18,26–28]. L’analyse du signal de la moelle osseuse et des parties molles est meilleure qu’en arthroscanner. En revanche, la résolution spatiale reste inférieure (Fig. 3) et l’étude du cartilage peu fiable [18]. Il s’agit d’une technique contraignante en terme d’exigences techniques, de temps d’examen et de coût que la faible disponibilité actuelle des équipements IRM en France ne favorise pas. 3.6. Échographie L’échographie est une technique récemment appliquée à l’étude des ligaments du poignet. Elle nécessite un appareillage de haute ou moyenne gamme avec une sonde de haute fréquence (> 10 MHz). Seules certaines portions ligamentaires sont accessibles à l’examen, mais il s’agit justement de la portion dorsale du ligament scapholunaire (Fig. 2) et de l’insertion ulnaire du complexe du fibrocartilage triangulaire, particulièrement impor-

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Fig. 2. Rupture complète du ligament scapholunaire. (A) : échographie comparative (D : droite, G : gauche, SC : scaphoïde, SL : lunatum) de la portion dorsale du ligament scapholunaire en coupe transversale. Perte de la structure fibrillaire normale témoignant d’une rupture ligamentaire. (B) : IRM (séquence écho de gradient 3D coronale). Le ligament scapholunaire est interrompu par une zone de signal liquidien (hyperintense T2). (C) : arthrographie médiocarpienne. Communication anormale avec le compartiment radiocarpien par l’intermédiaire de l’interligne scapholunaire. (D–F) : arthroscanner. Outre le diastasis scapholunaire, les reformations coronale (D) et transverse (E) montrent que la rupture est complète intéressant à la fois les portions proximale (D), palmaire et dorsale (E). La reformation sagittale (F) montre la subluxation rotatoire du scaphoïde, conséquence de l’instabilité. Notez aussi la présence d’une rupture incomplète du ligament lunotriquétral d’aspect banal. (G) : arthro-IRM (séquence coronale T1 avec suppression du signal adipeux). La sémiologie est comparable à celle de l’arthroscanner.

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Fig. 3. Perforation centrale avec clivage du fibrocartilage triangulaire et rupture du ligament lunotriquétral. (A) : en IRM (séquence coronale écho de gradient 3D), le fibrocartilage triangulaire et le ligament lunotriquétral apparaissent anormaux mais l’appréciation précise des lésions est difficile. (B) : arthrographie médiocarpienne montrant une communication radiocarpienne anormale par l’interligne lunotriquétral et l’opacification d’un clivage du fibrocartilage triangulaire. (C) : arthroscanner (reformation coronale) montrant bien la rupture du ligament lunotriquétral et la perforation centrale avec clivage du fibrocartilage triangulaire. (D) : arthro-IRM (séquence coronale T1 avec suppression du signal adipeux) montrant moins bien les lésions.

tantes en pratique. Il s’agit d’un examen simple qui trouve facilement sa place en urgence pour rechercher un épanchement articulaire, une rupture ligamentaire, une fracture occulte (scaphoïde) ou une anomalie des parties molles [29–31]. C’est aussi la meilleure technique pour le bilan tendineux (tendinopahies, instabilité du tendon extenseur ulnaire du carpe) [32].

Un arthroscanner est réalisé en différé (deux à trois semaines après le traumatisme) si jugé nécessaire lors du contrôle clinique. L’arthroscanner est également souvent réalisé à distance du traumatisme pour rechercher des lésions ligamentaires dans le cadre d’une instabilité ou de douleurs persistantes après consolidation d’une fracture, ou encore pour évaluer l’état cartilagineux avant chirurgie.

4. Stratégie actuelle La stratégie d’imagerie que nous recommandons peut être résumée ainsi (Fig. 4). Elle permet de résoudre la plupart des problèmes diagnostiques et d’effectuer le meilleur choix thérapeutique. En urgence, les radiographies servent avant tout à rechercher une fracture, en particulier du scaphoïde qui nécessite des incidences spécifiques. Des signes d’instabilité ligamentaire peuvent parfois être observés d’emblée. Quand elle est disponible, l’échographie permet parfois de montrer une rupture de la portion dorsale du scaphoïde ou une fracture du scaphoïde qui constitue un diagnostic différentiel. Nous ne réalisons pas d’autres explorations à visée ligamentaire en urgence.

Fig. 4. Stratégie d’imagerie devant un traumatisme ligamentaire du poignet.

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